en Chine, des dizaines de millions de personnes restent confinées

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  • Covid-19 : en Chine, des dizaines de millions de personnes restent confinées
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    Covid-19 : en Chine, des dizaines de millions de personnes restent confinées Même si le pays ne recense qu’un millier de nouveaux cas par jour, 33 villes comptant 65 millions d’habitants ont mis en place un confinement partiel ou total.
    Vendredi 9 septembre, à l’aéroport de Yinchuan, la principale ville du Ningxia, une femme s’est soudainement mise à pleurer juste avant d’embarquer pour Pékin. Comme tous les parents pékinois, elle avait dû, au préalable, informer l’école primaire de son fils de son voyage dans cette province au nord-ouest du pays, et, maintenant, elle craint qu’une fois rentrée dans la capitale, la direction de l’école ne l’autorise pas à retrouver les siens. Une peur a priori doublement infondée. Non seulement il n’y a pas un seul cas de Covid à Yinchuan, mais, en cinq jours, cette trentenaire a effectué pas moins de cinq tests PCR : un premier le lundi 5, vingt-quatre heures avant de quitter Pékin, deux tests à l’arrivée à l’aéroport de Yinchuan le mardi 6 et un dernier le mercredi 7 pour pouvoir repartir deux jours plus tard. Pourtant, une heure après avoir atterri à Pékin, l’école de son fils lui a envoyé sur son portable le message suivant : « Pour le bien des enfants », soit vous évitez de voir votre fils durant sept jours, soit celui-ci ne sera pas admis en classe durant une semaine. Samedi, à 6 heures du matin, nouveau message : « Quelle a été votre décision ? »
    Cette femme se souvient-elle que, deux ans plus tôt, le 8 septembre 2020, alors que le monde entier se battait contre le virus, le président Xi Jinping avait célébré « la victoire de Wuhan, la victoire de la Chine » contre le Covid-19, au cours d’une imposante cérémonie organisée au Grand Palais du peuple et retransmise en direct à la télévision ? Ce grand moment de propagande paraît aujourd’hui largement prématuré. Alors que la plupart des autres pays, grâce aux vaccins, vivent avec le Covid, la Chine s’enferme dans une politique zéro Covid qui la coupe du reste du monde et fait peser une épée de Damoclès permanente sur la vie de 1,4 milliard de personnes.
    Che Zhu-Mei peut en témoigner. Cette étudiante coréenne de 25 ans vit en Chine depuis quinze ans. Le 23 juillet, elle décide, avec quelques copines, de partir passer deux semaines à Sanya, une station balnéaire située au sud de l’île tropicale de Hainan, elle-même située au sud de la Chine. Retour prévu le 5 août. Fin juillet, elle entend dire qu’il y a quelques cas de Covid à Hainan. Le 5 août, son train est annulé au dernier moment. Comme des dizaines de milliers d’autres touristes, Che Zhu-Mei doit effectuer cinq tests en une semaine avant de pouvoir quitter Hainan, désormais quasi coupée du monde. Le 16 août, les vols reprennent enfin, mais il n’y en a qu’un seul pour Pékin, et il est pris d’assaut.
    Faute de mieux, le groupe de copines décide de partir le 18 août pour Chengdu. La capitale du Sichuan est l’une des rares destinations qui acceptent les touristes venant de Hainan, à condition qu’ils restent cinq jours en quarantaine. Le 23, Che Zhu-Mei et ses copines ne peuvent toujours pas rentrer à Pékin mais peuvent théoriquement se balader dans le Sichuan. Pas pour longtemps : le 29 août, des premiers cas de Covid font leur apparition à Chengdu. Depuis le 1er septembre, les 21 millions d’habitants sont confinés à domicile. Comme à Shanghai cinq mois plus tôt.
    Dans les quartiers de Chengdu considérés comme à haut ou moyen risque sanitaire, les habitants n’ont même pas été autorisés à descendre dans la rue lorsque, le 5 septembre, un fort tremblement de terre a secoué la région. Dans ces quartiers, les gardiens n’ont tout simplement pas ouvert les cadenas installés aux portes des résidences. « J’habite un 25e étage, et nous avons clairement ressenti le tremblement de terre mais seule une personne de notre appartement est autorisée à sortir deux heures tous les deux jours pour aller chercher des provisions, car il n’y a aucune livraison », témoigne Che Zhu-Mei. Mais, pour celle-ci, le principal problème est ailleurs : son titre de séjour en Chine expire le 14 septembre et, à Chengdu, les services de l’immigration sont aux abonnés absents. « J’espère que mon université à Pékin s’en occupe », témoigne-t-elle au téléphone.
    Chengdu est loin d’être une exception. Le 5 septembre, le magazine Caixin estimait que 33 villes comptant 65 millions d’habitants avaient mis en place un confinement partiel ou total. Même si la Chine ne recense qu’environ un millier de nouveaux cas de Covid par jour, le pays compte actuellement 3 500 zones à risque « élevé ou intermédiaire » : un record depuis février 2020. Parmi celles-ci, Shenzhen, la vitrine high-tech du pays qui vit depuis des semaines au rythme de confinements partiels. Deux ans et demi après le confinement de Wuhan, l’intendance a parfois du mal à suivre ou les petits chefs abusent de leur pouvoir.
    Les témoignages de personnes confinées non ravitaillées ou de malades que les hôpitaux refusent d’accueillir se multiplient sur les réseaux sociaux malgré la censure. Pour tenter de calmer les esprits, les autorités de deux villes viennent de présenter des excuses publiques. A Guiyang (province du Guizhou) où 74 cas de Covid ont été détectés, les 500 000 habitants confinés du quartier de Huaguoyuan n’avaient non seulement rien à manger mais, en raison de l’inorganisation de l’administration, étaient parfois réveillés en pleine nuit afin de faire le sacro-saint test quotidien.
    Dans le Xinjiang, la situation semble pire. Signe du verrouillage de l’information dans cette région sensible, nulle annonce n’avait été encore faite, début septembre, du confinement, depuis début août, des 4,5 millions d’habitants de la préfecture d’Ili, essentiellement peuplée de Kazakhs. Mais, début septembre, plusieurs témoignages ont fait état de familles avec enfants confinées sans nourriture, de vieillards non soignés ou d’une mère sortant de la maternité interdite de rejoindre son domicile. Bien que difficilement accessibles sur les réseaux sociaux chinois, les vidéos sur Ili ont été vues par des dizaines de millions d’internautes chinois. Un commentaire est révélateur : « Il y a dix ou onze ans, des journalistes seraient allés sur le terrain et auraient fait des rapports. Aujourd’hui, les journalistes doivent se contenter de faire des copier-coller des communiqués officiels. » « Il y a dix ou onze ans » , c’est-à-dire avant l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir.
    Jusqu’au confinement de Shanghaï et l’arrivée du virus Omicron en Chine, la population semblait majoritairement soutenir la politique zéro Covid. Grâce à elle, le nombre de décès était quasi inexistant, ce qui explique en partie la réticence des Chinois à se faire vacciner. Mais cette politique atteint clairement ses limites, et la lassitude est générale. Chose impensable il y a quelques mois, même des petites mains de la propagande ne se gênent plus pour faire part de leurs états d’âme devant des Occidentaux. « Bien sûr que j’en ai assez de ne pas pouvoir quitter Pékin depuis 2020. Avec ma femme, nous passons notre temps à regarder avec nostalgie les photos de nos voyages à l’étranger », témoigne l’un d’eux. « Trop, c’est trop. Ça n’a plus rien à voir avec un problème de santé publique. C’est purement politique », juge un autre. On lui tend une perche : « Si c’est politique, ça va s’arrêter après le Congrès du Parti communiste le mois prochain, non ? » Réponse : « Je n’y crois pas un instant. C’est une question de légitimité ». Sous-entendu : Xi Jinping ne peut pas perdre la face. De fait, même si le président chinois se rend au Kazakhstan et en Ouzbékistan les 14 et 15 septembre, effectuant son premier voyage à l’étranger depuis janvier 2020, la réouverture générale des frontières ne semble pas pour demain. La Chine, qui, après quatre reports, a renoncé au printemps 2022 à organiser la COP15 sur la biodiversité puis a annulé la coupe d’Asie de football prévue pour l’été 2023, vient de reporter à 2025 les championnats du monde d’athlétisme en salle qui, initialement, auraient dû se dérouler en 2020. Même si le pays recommence, depuis le 1er septembre, à rouvrir ses frontières aux étudiants étrangers, l’abandon de sa politique zéro Covid ne semble pas à l’ordre du jour.

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