Le fléau des moules jetées dans la baie du Mont-Saint-Michel
Les moules sous taille s’étalent sur la plage de Cherrueix, avec en toile de fond le Mont-Saint-Michel, en septembre 2022. - © Guy Pichard/Reporterre
Dans la baie du Mont-Saint-Michel, les mytiliculteurs déposent de grandes quantités de moules non commercialisables sur la plage. Cela crée des nuisances sanitaires et olfactives. De quoi créer la discorde.
De fortes odeurs de décomposition se dégagent sur la plage dans la zone d’épandage. © Guy Pichard / Reporterre
« Week-end de grande marée à Cherrueix, en Bretagne, début septembre. Les allées et venues des engins agricoles sont incessantes sur la plage. Les uns déposent les ouvriers mytilicoles, les éleveurs de moules, pour entretenir les fameux bouchots, ces pieux de bois où poussent ces mollusques. Les autres vident sur le sable leurs remorques pleines de moules sous taille, qui font moins de 4 centimètres et sont donc trop petites pour être vendues. L’estran est jonché de coquilles d’une couleur bleutée.
La couche est si épaisse qu’on ne voit même plus le sable, d’autant que des centaines de goélands viennent bruyamment savourer ce festin en putréfaction. Ces mollusques sont déposés depuis plusieurs années à même la plage, au grand dam d’associations écologistes et de riverains qui ont déposé des plaintes en 2020.
Les mytiliculteurs sont présents dans cette baie du Mont-Saint-Michel depuis soixante-dix ans, mais c’est seulement depuis une dizaine d’années que ce dépôt de moules pose problème. En effet, lorsqu’elles font moins de 4 centimètres, ces mollusques sont impossibles à commercialiser sous l’appellation AOP « moules de bouchot baie du Mont-Saint-Michel » . Elles sont alors déversées sur une zone bien délimitée, sur la grève de la Larronnière, à Cherrueix.
« Sur les 12 000 tonnes de moules produites dans la baie du Mont-Saint-Michel l’année dernière, 10 à 15 % d’entre elles étaient sous taille » , explique Sylvain Cornée, président du comité régional de la conchyliculture (CRC) Bretagne Nord et mytiliculteur. Un chiffre contesté par la direction départementale des territoires et de la mer. L’année dernière, elle estimait ce pourcentage à 30 %. ▻https://reporterre.net/IMG/pdf/note_participation_du_public_-_gestion_moules_sous_taille_juin2021.pdf
« Les moules sous-calibrées existent partout, mais ce qui diffère, ce sont les pratiques, explique Aurélie Foveau, ingénieure en écologie côtière à l’Ifremer [1]. En baie de Somme par exemple, la récolte se fait encore en partie manuellement, cela permet de mieux sélectionner les tailles des coquillages et diminue ainsi ce problème. »
© Guy Pichard / Reporterre
En attendant, rien que cette année, trois arrêtés préfectoraux ont posé un cadre juridique sur cette pratique. Le dernier, du 8 juillet, demande des suivis environnementaux, sanitaires et en matière de qualité de l’air. En effet, les quantités de moules sont telles que de fortes odeurs de décomposition se dégagent de ces tas. Mais elles font surtout peser sur la plage et le biotope marin de réels risques sanitaires.
« De l’hydrogène sulfuré [le même gaz rejeté par les algues vertes] ▻https://reporterre.net/Algues-vertes-le-desastre-s-amplifie a été détecté par des agents de l’État, dit Sylvain Cornée. Les épandages en tas polluaient au gaz et ce, depuis cinq ans. Le CRC a donc imposé l’épandage avec des bennes agricoles, pour que l’épaisseur soit faible partout. » Si l’épaisseur de déchets mytilicoles sur la plage est donc limitée à 5 centimètres aujourd’hui, plus de 10 centimètres ont été constatés par endroits lors de notre reportage, début septembre.
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