• CROIVEZ-VOUS ?

    https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/zoom-zoom-zen/zoom-zoom-zen-du-lundi-05-decembre-2022-7166722

    Sebastian Dieguez différencie croire de croiver sur la base de certains critères : « Croire, c’est tenir quelque chose pour vrai. Croiver, c’est se figurer que l’on croit quelque chose, croire que l’on croit à quelque chose. Par exemple, au tribunal, l’avocat quand son client est coupable, il sait qu’il ne croit pas vraiment que son client est innocent, mais il adopte ce point de vue pour mieux accomplir sa tâche. » Les croyances ont survécu à l’esprit des Lumières et à l’heure des réseaux sociaux et des fake news, la rationalité doit affronter un nouvel ennemi encore plus redoutable, les croivants, ces pseudo-croyances à travers lesquelles certains essayent de se forger une identité .

    Mais pourquoi simule-t-on ces croyances ? Quel est l’intérêt pour la personne ? Pour le chercheur en neurosciences : « Ça peut paraître curieux mais l’une des fonctions de faire comme si on croyait à quelque chose, c’est d’appartenir à un groupe, de se valoriser soi-même. Son but n’est pas de traquer la vérité, mais plutôt de forger des identités, de se reconnaître. La croyance est rarement isolée ou unique. Ce sont souvent des pseudo-croyances qui sont disponibles déjà sur le marché qu’on va choisir, qu’on va sélectionner pour ce qu’elles disent, ce qui leur donne déjà un air un peu suspect. »

    #croiver #croire #croyance #crovance #identité #desinformation #surinformation

    voir aussi

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaire-en-cours/que-signifie-le-neologisme-croiver-5138891

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    Sebastian Dieguez donne des exemples chez les complotistes et platistes mais je trouve que cette idée de croivances fonctionne aussi avec certaines branches du transactivisme car on y trouve l’idée de se forger une identité ainsi que le développement massif de ces crovances/croyances pendant les confinements via les résaux sociaux (dont particulièrement tiktok qui fait beaucoup de promotion de clinique de chirurgie esthétique).

    J’ai découvert ce concept de croivance via cette émission de la Tronche en biais sur l’invasion de l’ésotérisme en librairie
    https://www.youtube.com/watch?v=RTzmZxx5hAo

    Y est développé l’idée que les amatrices d’esotérisme (il y a surtout des femmes dans les mouvements new age, féminin sacrée, wiccan, tarologie, zodiac and co) cherchent à réenchanté le monde ou se construisent une monde imaginaire plus amusant que la réalité materialiste decrite par la science. Il y a aussi l’idée que la science aurais montré ces limites pendant le confinement et qu’un ensemble de gens ne veulent pas de la religion comme refuge.
    La science demande des efforts de comprehension, de remise en cause, elle est non intuitive et peut etre difficle d’accès, l’esotherisme au contraire est assez simpliste, facil à comprendre et répond à toutes les questions sans prise de tête.
    L’ésotérisme est une sorte de nouvelle religiosité individualiste et capitaliste. Qu’on se fabrique soi-même sur mesure selon son envie du jour.
    Il y a aussi l’idée qu’on est élue, que les astres guident notre destin, qu’on est « éclairé » ou protégé par des anges ou qu’on est la réincarnation d’une reine d’egypthe ou ce qu’on voudra.

    Il y a l’idée aussi d’une explication totale, unificatrice et satisfesante. Il y a aussi une forme de dérésponsabilisation de nos décisions derrière - un grand complot / un destin inscrit dans les astres/dans le karma... en même temps qu’une individualisation et une bonne dose de produits de consommation à la clé.

    • Croivance

      Inventé par Sebastian Dieguez, neuroscientifique et chercheur au Laboratoire des sciences cognitives et neurologiques de l’université de Fribourg, dans son livre Croiver (Eliott, 2022), le terme croivance établit une distinction entre croyances et « pseudo-croyances ».

      À l’inverse des croyances, qui visent la vérité jusqu’à devenir des connaissances ou être laissées de côté, les croivances « se concentrent sur des choses qu’on ne peut pas prouver », explique le chercheur, qui estime qu’« être théoricien du complot pendant la Révolution française demandait nettement plus de boulot ». « Les croivances ne traquent pas la réalité, mais se focalisent sur des préoccupations d’ordre idéologique, social ou psychologique. Elles relèvent d’un registre qui est plus proche de l’imaginaire, de notre capacité mentale de création, de justification. Et contrairement aux croyances, elles sont tenaces et très susceptibles. […] on y souscrit pour d’autres raisons que leur exactitudes ».

      https://usbeketrica.com/fr/article/5-mots-qui-font-les-nouvelles-routes-de-la-foi

  • Juliette Drouet, fine observatrice du XIXème siècle
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaire-en-cours/juliette-drouet-fine-observatrice-du-xixeme-siecle-7216824

    Qui était vraiment Juliette Drouet ? Florence Naugrette, professeur de littérature à la Sorbonne réhabilite la muse de Victor Hugo comme une femme de lettres importante du XIXème siècle.

    Si Juliette Drouet est connue pour avoir été la maîtresse de Victor Hugo puis sa compagne pendant 50 ans, elle était aussi une actrice et une observatrice de son siècle, qu’elle s’évertue à consigner dans un journal épistolaire de plus de 22 000 lettres.

    Épistolière hors-paire

    Juliette Drouet renonce à sa carrière de comédienne lorsqu’elle rencontre Victor Hugo pour se consacrer à lui. Pilier de Victor Hugo durant plus de 50 ans, elle tient un journal singulier, qui se présente sous forme de lettres. Elle y dépose ses pensées, ses réflexions, ses désirs et ses plaintes.

    « Juliette Drouet est son éternel recours, son éternel secours, celle sur laquelle Hugo s’appuyait et qu’il a aimée toute sa vie, au point d’écrire dans une disposition testamentaire destinée à ses deux fils ’Elle est ma veuve’. » Florence Naugrette

    Copiste et première lectrice de Victor Hugo, Juliette Drouet participe également à la documentation de l’écrivain, influençant le récit et le destin des personnages. Par exemple, elle délivre ses souvenirs de jeunesse - elle a été éduquée dans un couvent - à Victor Hugo qui s’en inspire dans la partie où Jean Valjean et Cosette sont réfugiés dans un couvent dans Les Misérables. Juliette Drouet renseigne ainsi dans son journal épistolaire, la manière dont l’auteur compose ses œuvres.

    Un journal anthropologique sur la société du XIXème siècle

    Dans son ouvrage, Florence Naugrette souhaitait relater le XIXᵉ siècle tel que Juliette Drouet l’a vécu et tel qu’elle en a subi les conséquences - concernant la condition féminine. Des lettres de Juliette Drouet jaillissent alors la vibration du XIXème siècle dans sa sensibilité la plus pure, sa plume retranscrivant avec une grande acuité sa vie dans les moindres détails ; un trésor pour la biographe.

    « Dans ma biographie, j’essaye de raconter au jour le jour comment ils se nourrissent, comment ils se soignent, comment ils se divertissent, comment ils s’habillent enfin toutes leurs petites habitudes concrètes. » Florence Naugrette

    Un autre aspect du compagnonnage de Juliette Drouet et de Victor Hugo, est leur intense sociabilité. Au départ simple gouvernante car maîtresse cachée, Juliette Drouet apparaît enfin à sa juste place à la toute fin du XIXᵉ siècle.

    « Chez Victor Hugo, entre dix et quinze personnes - républicains, combattants, artistes - se réunissent tous les soirs pendant dix ans. » Florence Naugrette

    Aux premières loges des coulisses de la création littéraire, Juliette Drouet relate dans son journal ces soirées mondaines où toute la bonne société se succède. On y trouve des commentaires sur Flaubert, l’un de leurs meilleurs amis, ou sur les femmes de lettres, les actrices et acteurs qui viennent répéter leurs pièces.

    Du colossal journal à une biographie au ton juste

    En parallèle du journal épistolaire, Florence Naugrette rédige la biographie de Juliette Drouet. Les 22 000 lettres sont une source majeure pour la biographie. Toutefois, la difficulté consistait à trouver dans cette immense œuvre, les anecdotes les plus représentatives de sa vie.

    « Il faut choisir avec scrupule. J’ai essayé de ne pas violer son intimité en ne dévoilant pas tout ce qui relève du corporel, de l’intime. » Florence Naugrette

    Se fier aux sentiments décrits par Juliette Drouet tout en les respectant est également un défi majeur pour la biographe qui réussit à trouver le ton juste.