Cinq anciens ministres des Affaires étrangères européens ont publié ce jeudi dans le journal Le Monde une tribune estimant que l’État d’Israël est coupable de « crime d’apartheid » en raison de ses politiques et des ses pratiques à l’encontre des Palestiniens.
Les cinq signataires sont : Mogens Lykketoft, ancien ministre des Affaires étrangères danois et président de l’Assemblée générale des Nations unies ; Erkki Tuomioja, ancien ministre des Affaires étrangères finlandais ; Ivo Vajgl, ancien ministre des Affaires étrangères slovène ; Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères français ; Baroness Sayeeda Warsi, ancienne ministre britannique du cabinet et ministre du Foreign Office pour les Nations unies, les droits de l’homme et la CPI.
Dans ce long texte, qui vise à dénoncer ce qu’ils appellent « les violations des droits humains et des libertés des Palestiniens », ils exhortent « la communauté internationale à demander des comptes au gouvernement israélien ».
Démarrant leur texte en se réjouissant de la « discussion sur l’urgence de protéger un ordre mondial fondé sur le droit international domine le discours public et politique », qui fait suite à la situation en Ukraine, ils regrettent que la réponse internationale ne soit pas la même dans le cadre du conflit israélo-palestinien.
Ils dénoncent ainsi « l’illégalité et l’immoralité de plus de cinq décennies d’occupation » dans les Territoires palestiniens ainsi que « l’inaction » de l’Union européenne. « Notre inaction pourrait avoir des conséquences importantes dans la région, ainsi que sur la validité et l’efficacité de la diplomatie européenne dans le monde », estiment-ils.
Ils avancent également que « les gouvernements israéliens successifs, y compris le gouvernement actuel, ont clairement indiqué à plusieurs reprises qu’ils n’avaient pas l’intention de prendre des mesures pour mettre fin à cette occupation prolongée ».
S’attaquant aux « colonies illégales en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est », ils estiment que « ces colonies sont établies dans des zones qui fragmentent intentionnellement la population palestinienne en enclaves déconnectées, érodant la viabilité d’un futur État palestinien ».
Selon eux, dans la région, « un système juridique à deux vitesses est en place, avec des droits inégaux entre les Palestiniens vivant sous le régime militaire et les Israéliens vivant sous le régime civil israélien ».
« Les Palestiniens sont confrontés quotidiennement à la répression structurelle, ainsi qu’aux restrictions de mouvement, à la confiscation des terres, aux démolitions de maisons, à la surveillance et aux violations des droits civils fondamentaux, notamment la liberté d’expression et de réunion », écrivent-ils.
Ils estiment que « nous assistons à une augmentation significative de la gravité et de la fréquence des violences commises par les colons à l’encontre des communautés palestiniennes, et cela en toute impunité », et dénoncent l’interdiction de six ONG classées « terroristes » par Israël.
Ils s’inquiètent aussi du « transfert forcé de plus de 1 000 résidents palestiniens des communautés de Masafer Yatta, dans les collines du sud d’Hébron ». « Si elle est mise en œuvre, cette mesure constituera le plus grand acte de transfert forcé dans les territoires occupés depuis les années 1970 », pensent-ils.
Ils reviennent également sur la mort de la journaliste d’Al-Jazira Shireen Abu Akleh, tuée alors qu’elle couvrait une opération militaire israélienne dans le bastion terroriste palestinien de Jénine, qui « témoigne d’un mépris croissant et profondément alarmant pour les droits et libertés fondamentales des Palestiniens ».
En conclusion, ils rappellent que plusieurs organisations – B’Tselem, Yesh Din, Human Rights Watch, Amnesty International, un rapporteur spécial des Nations unies et la Clinique internationale de défense des droits humains de la faculté de droit de Harvard – ont jugé que la situation « équivalait à de l’apartheid ».
Ils appellent ainsi à ce que « la communauté internationale travaille pour soutenir deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la sécurité, la démocratie et la paix ».
« Nous ne voyons pas d’autre alternative que de reconnaître que les politiques et pratiques d’Israël à l’encontre des Palestiniens vivant en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza équivalent au crime d’apartheid, et nous appelons nos collègues de la communauté politique européenne à se joindre à nous pour exiger une action visant à mettre fin à ces politiques injustes et à faire apparaître les perspectives d’une solution à deux États au conflit », concluent-ils.