En effet, les pouvoirs traditionnels de réquisition trouvent leur fondement dans les dispositions de la loi du 11 juillet 1938 sur « l’organisation générale de la nation pour le temps de guerre », qui préparait le conflit avec l’Allemagne nazie, à quelques semaines de la crise des Sudètes et de la marche inexorable vers la Seconde Guerre mondiale. Cette loi fut prorogée après 1944 jusqu’à sa modification par une ordonnance du 6 janvier 1959 prise par le premier gouvernement du général de Gaulle – sur le fondement des pouvoirs exorbitants attribués par l’article 92 de la Constitution de 1958 – et qui étendait significativement les prérogatives de l’exécutif dans le contexte de la guerre d’Algérie.
Ces textes, prévus donc pour ne s’appliquer que dans des situations de troubles particulièrement graves (guerres ou conflits extérieurs), ont pourtant été, avec le temps, utilisés par les différents gouvernements pour tenter de mettre fin à des mouvements de grève. Des personnels grévistes ont par exemple été réquisitionnés, en 1961, dans le cadre d’un conflit social né au sein de la régie de transports de la ville de Marseille, avant que le décret ne soit jugé illégal par le Conseil d’Etat.
Bien plus tard, une loi du 18 mars 2003 a étendu ce pouvoir de réquisition aux préfets, fondement actionné aujourd’hui contre les salarié·e·s grévistes. A l’époque, le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, répondant aux craintes de donner aux préfets un pouvoir trop général contraire aux libertés, indiquait devant l’Assemblée nationale qu’il s’agissait uniquement de faire face à des catastrophes naturelles, industrielles ou à des risques sanitaires…