• N2259806.pdf
    https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N22/598/06/PDF/N2259806.pdf?OpenElement
    à partir de : https://digitallibrary.un.org/record/3990394?ln=fr
    21 septembre 2022

    Rapport de la Rapporteuse spéciale sur la situation
    des droits de l’homme dans les territoires palestiniens
    occupés depuis 1967, Francesca Albanese

    Résumé
    Dans le présent rapport, la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese , soulève un certain nombre de préoccupations relatives aux droits humains, notamment s’agissant du droit du peuple palestinien à l’autodétermination dans le contexte – emprunt d’un colonialisme de peuplement – de l’occupation prolongée par Israël.
    (...)

    7. Malgré la gravité de la situation, l’occupation par Israël du territoire palestinien continue d’être abordée principalement, et parfois exclusivement, sous trois grands
    angles :
    a) Un angle humanitaire . Bien que particulièrement graves et résultant d’une occupation violente, les conditions économiques et humanitaires régnant dans la région sont traitées comme un problème (chronique) d’ordre humanitaire qu’il importe de maîtriser, plutôt que comme une question politique devant être réglée conformément au droit international ; dans nombre de cas, les réactions aux violations
    commises par Israël ne visent qu’à « améliorer » certains aspects de la vie sous occupation ;

    b) Un angle politique . La Question de Palestine est souvent présentée comme un « conflit » entre parties pouvant être résolu par des négociations. Selon ce postulat, la fin de l’occupation ne pourra se faire que dans le cadre d’un « accord de paix négocié » ; c’est alors que les urgences humanitaires et économiques se posant dans
    le territoire palestinien occupé seront résolues ;

    c) L’angle du développement économique . Ces dernières années, les partisans d’une solution ont mis l’accent sur une approche privilégiant le développement du territoire palestinien et le soutien artificiel de son économie, dans laquelle aucune solution politique ne serait apportée aux causes profondes du « conflit », notamment les nombreuses violations des droits et libertés des Palestiniens. Selon cette approche,
    le conflit serait résolu grâce à l’avancement des entreprises et aux possibilités entraînées par la croissance et le développement durable, et non en veillant à faire respecter les droits humains fondamentaux.
    (...)

    9. Ces dernières années, plusieurs universitaires et organisations de renom ont conclu que les politiques et pratiques discriminatoires généralisées couramment employées par Israël à l’égard des Palestiniens constituaient un crime d’apartheid au regard du droit international. Bien que la communauté internationale n’ait pas encore pris de mesures en conséquence, l’idée selon laquelle l’occupation israélienne est légalement de l’ordre du crime d’apartheid gagne du terrain. Cette évolution de la pensée pourrait contribuer à renverser la tendance selon laquelle les violations commises par Israël, souvent de façon individuelle et décontextualisée, sont envisagées du point de vue d’organes spécifiques du droit international plutôt que de celui du système même utilisé par Israël pour régner sur les Palestiniens.

    10. Par ailleurs, le concept d’apartheid, lorsqu’on le considère isolément plutôt que dans le cadre plus global de la situation du peuple palestinien dans son ensemble, présente certaines limites :

    a) Premièrement, les rapports réalisés récemment sur l’apartheid israélien mettent principalement l’accent, à quelques exceptions près, sur l’aspect « territorial » de la question, faisant peu de cas de l’expérience des réfugiés palestiniens. Il importe pourtant, pour qualifier ce régime, de tenir compte de l’expérience du peuple palestinien dans son ensemble et de considérer celui-ci comme un tout, en y incluant les personnes déplacées, dénationalisées et dépossédées en 1947-1949 (dont beaucoup vivent dans le territoire palestinien occupé) ;

    b) Deuxièmement, en ne se concentrant que sur l’apartheid israélien, on passe à côté du fait que l’occupation du territoire palestinien, y compris Jérusalem -Est, par Israël est déjà en elle-même illégale. L’illégalité de cette occupation tient au fait qu’il a été prouvé qu’elle n’était pas temporaire, et que celle-ci vise délibérément à nuire aux meilleurs intérêts de la population sous occupation, a entraîné l’annexion du territoire occupé et constitue une violation de la plupart des obligations imposées à la Puissance occupante. Son illégalité découle également de la violation systématique d’au moins trois normes impératives du droit international, à savoir : l’interdiction de l’acquisition de territoires par la force ; l’interdiction de soumettre des peuples à des régimes de subjugation, de domination et d’exploitation étrangères, auxquels appartiennent la discrimination raciale et l’apartheid ; l’obligation qui incombe aux États de respecter le droit des peuples à l’autodétermination. De ce fait, l’occupation israélienne constitue également un emploi injustifié de la force et un acte d’agression. Ces agissements sont clairement interdits par le droit international et contraires aux valeurs, buts et principes inscrits dans la Charte des Nations Unies ;

    c) Troisièmement, le concept d’apartheid ne couvre pas les « causes profondes » de l’ensemble de lois, ordonnances et politiques de discrimination raciale régissant la vie quotidienne dans le territoire palestinien occupé depuis 1967, ni l’animus (intention) d’Israël de s’emparer de terres en subjuguant et en déplaçant les populations autochtones pour les remplacer par ses ressortissants. C ’est là la marque même du colonialisme de peuplement, ces actions constituant en outre un crime de guerre au sens du Statut de Rome.

    11. En d’autres termes, on ne retrouve pas, dans le concept de l’apartheid tel qu’il est actuellement appliqué, de trace de la question – cruciale – de la reconnaissance du droit fondamental du peuple palestinien de déterminer son statut politique, social et économique et de se développer en tant que peuple, libre de toutes occupation, domination et exploitation étrangères. Bien que nécessaire, la fin de l’apartheid israélien dans le territoire palestinien occupé ne résoudra pas automatiquement la question de la domination d’Israël sur les Palestiniens, ni ne rétablira la souveraineté permanente des Palestiniens sur les terres occupées par Israël et les ressources naturelles qui s’y trouvent, et elle ne suffira pas non plus, à elle seule, à répondre aux
    aspirations politiques des Palestiniens. (...)

    #apartheid #colonialisme_de_peuplement