« Deux ados armés de sauce tomate nous inquiètent plus que les bombes à retardement climatiques enclenchées par les multinationales »

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  • « Deux ados armés de sauce tomate nous inquiètent plus que les bombes à retardement climatiques enclenchées par les multinationales »
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    L’écologue Andreas Malm (université de Lund, en Suède) pose différemment la question. Elle tient plutôt, dit-il, à la quasi-absence de violence de l’activisme environnemental. « Après ces trois dernières décennies, il ne fait aucun doute que les classes dirigeantes sont foncièrement incapables de répondre à la catastrophe autrement qu’en la précipitant, pose-t-il en introduction à Comment saboter un pipeline ? (La Fabrique, 2020). D’elles-mêmes, par leur propre compulsion interne, elles ne peuvent que continuer à tracer leur chemin de feu jusqu’au bout. »

    Les attentats des suffragettes
    En l’absence de tout espoir de voir une solution émerger des institutions démocratiques, le chercheur suédois fait sienne la question provocatrice posée en mars 2007 par John Lanchester dans la London Review of Books, s’étonnant du pacifisme des militants environnementalistes. « Il est étrange et frappant que les activistes du climat n’aient commis aucun acte de terrorisme, écrivait le journaliste et écrivain britannique. Après tout, le terrorisme est de loin la forme d’action politique individuelle la plus efficace du monde moderne, et le changement climatique est un sujet qui tient à cœur aux gens. »

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    Quinze années plus tard, cette volonté d’arrondir les angles est toujours de mise, même chez les défenseurs de l’environnement les plus radicaux ; les atteintes aux œuvres d’art et aux biens ne sont jamais que symboliques. Qui se souvient, il y a cent huit ans, dans la même National Gallery, d’une militante pour le droit de vote des femmes, la suffragette Mary Richardson, lacérant à coups de couteau la Vénus au miroir de Vélasquez ? Ce ne fut pas une action isolée. La plupart d’entre nous gardent des suffragettes l’image d’un mouvement sympathique, luttant pour des droits qui vont aujourd’hui de soi, mais les militantes féministes britanniques du début du siècle passé n’ont pas hésité à recourir à la violence.

    Dans une étude publiée en 2005 par la revue English Historical Review, Christopher Bearman (université de Hull, en Angleterre) en a analysé le détail : pour la seule année 1913, les militantes britanniques ont revendiqué près de 340 actions, principalement des incendies volontaires et des attentats à la bombe, dont les cibles étaient des maisons, des bureaux, des bâtiments agricoles, des gymnases, des hangars, des églises, des écoles. Soit près d’un attentat par jour.

    Depuis, la définition du terrorisme semble avoir autant changé que les raisons de faire un tour en prison. Le 29 octobre, seize chercheurs du collectif Scientist Rebellion, dont quatre Français, se sont collés à des automobiles de marque BMW dans un showroom, à Munich. Ce crime épouvantable, aggravé par des jets de peinture et le déploiement d’une banderole, leur a valu quatre jours de détention.

    #écoterrorisme