affordance.info – Le blog d’un maître de conférences en sciences de l’information. ISSN 2260-1856

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  • Christelle Morançais m’a mis un véto
    https://affordance.framasoft.org/2025/02/christelle-morancais-ma-mis-un-veto

    Chère Christelle Morançais, merci de ce véto. Il est une confirmation de tout ce qui précisément fait ta politique. Tu peux faire reculer la culture autant que tu veux, mais tu ne peux et ne pourra jamais rien contre la détermination de toutes celles et ceux qui continueront de la faire avancer ailleurs, différemment, dans d’autres lieux, d’autres espaces. Source : affordance.info

  • Lucie dans les choux avec des diamants. Et DeepSeek mais pas trop profond quand même. – affordance.info
    https://affordance.framasoft.org/2025/01/lucie-dans-les-choux-avec-des-diamants-et-deepseek-mais-pas-tr

    Olivier Ertzscheid28 janvier 2025

    J’ai écrit il y a moins d’un an un (remarquable) livre sur les IA génératives et l’avenir du web (Les IA à l’assaut du cyberespace : vers un web synthétique, C&F Editions), ouvrage toujours en vente libre, je ne vais donc pas vous redire ici tout ce que j’y développe avec une acuité soulignée aussi bien dans La Tribune que dans L’Humanité, mais sachez que si vous vous interrogez autant sur l’incroyable foirage de Lucie (IA française sitôt lancée sitôt débranchée) que sur l’incroyable succès de Deep Seek (IA chinoise alliée du régime), vous trouverez dans ledit bouquin tous les éléments d’explication nécessaires. Et oui 🙂

    Et pour en revenir à Lucie, à DeepSeek, à ChatGPT, à Gemini et à toute la confrérie de leurs clownesques clones, il devient urgent que nous retrouvions une part de lucidité perdue. Tant que ces modèles seront, de par leur conception même, en capacité même temporaire d’affirmer que les vaches et les moutons pondent des oeufs, et tant qu’ils ne seront capables que d’agir sur instruction et dans des contextes où ces instructions sont soit insondables soit intraçables, jamais je dis bien jamais nous ne devons les envisager comme des oeuvres de langage ou de conversation, mais comme des routines propagandistes par défaut, et délirantes par fonction. La merveille de la langue, la beauté du langage, la seule, c’est qu’elle est la seule singularité non-marchande qui puisse être partagée par des millions d’individus sans qu’il y ait nécessité d’en faire autant de clownesques clones. Elle est un lieu de friction qui rend possible toute forme de fiction et de diction, là où tout le projet politique des plateformes et des IA génératives, niché au coeur même de leurs ingénieries et de leurs modes de production, est d’abolir la friction pour la mettre au service de leurs fictions propres.

    #Intelligence_Artificielle #Olivier_Ertzscheid

    • On a l’impression que l’auteur ne suit pas l’actualité. Olivier Ertzscheid écrit

      tant qu[snip] ces instructions sont soit insondables soit intraçables

      Alors c’est fini ça car justement, Deepseek R1 et OpenAI O3 s’astreignent à appliquer une chain of thought = une suite d’étapes, qui structure leur discours selon une logique de recherche et forme un raisonnement dont ils partagent les étapes. Et on ne leur demande pas de faire ça pour faire plaisir à Olivier Ertzscheid, mais parce que cela leur permet d’atteindre de bien meilleurs résultats.

    • Si je demande ça c’est parce que j’ai vu apparaître ces jours ci dans des articles des MSM le terme de modele de raisonnement et que ça me défrise un peu, les raisonnements et leurs aspects formels étant un champ d’étude qui ne date pas d’hier, et qui se poursuit, et j’aimerais bien savoir dans quelle mesure les agents conversationnels peuvent être évalués à l’aune de ce corpus (au delà des effets d’annonce).

    • C’est pour cela qu’on qualifie ces modèles de reasoning et pour cela qu’ils mettent souvent plusieurs minutes pour répondre car chaque étape est tout un calcul, aussi complexe qu’avant une seule question. Comme exemple, il y en a plein dans la litttérature EN. Par exemple la page https://simonwillison.net/2025/Jan/27/llamacpp-pr que je viens de refermer et où on lit un exemple de « raisonnement exploratoire » pour une demande de refactoring informatique :

      Wait, but in the model_map, “groq-gemma” maps to “gemma-7b-it”. So, perhaps the model_map is needed to map the local model IDs to the actual Groq model names.

      But since the model_map is hardcoded, and the API returns available models, perhaps the model_map should be built dynamically from the API response.

      Alternatively, perhaps the model_map can be eliminated, and the models are registered based on the fetched models.

      Wait, perhaps the model_map is no longer necessary. Instead, when the models are fetched from the API, each model’s “id” is the actual model name used in the Groq API. So, when registering the models, the local model ID is “groq-{id}”, and the groq_model_id is “id”.

    • Merci, mais c’est très flou tout ça. Pas grand chose de formel, qui confronterait effectivement une supposée capacité à raisonner à un ensemble de propriétés ou de postulats à vérifier, soit formellement soit expérimentalement. Là je ne vois que de la bidouille de code.Je vais creuser...

    • j’ai fait ma première interrogation de Chat GPT pas plus tard que ce matin. Je l’interrogeais sur une personnalité d’extrême-gauche (nom masqué par moi) et j’ai terminé par cette dernière question.
      Le gras est d’origine.
      Mon premier, et pour l’instant unique, essai, mais il me semble :
      • qu’il y a des filtres (légalité)
      • et que le canevas de réponse (6 points avec sous-arguments) est basé sur un « modèle » (ou tout autre nom pour le décrire) de réponse « politique »

      Comment pourrais-je m’opposer à son action ?

      Si tu souhaites t’opposer à son action et aux événements qu’il organise, il existe plusieurs approches possibles. La manière dont tu t’opposeras dépendra de tes convictions personnelles, de ton analyse des enjeux, et des moyens dont tu disposes pour exprimer tes idées. Voici quelques pistes :

      1. Critique idéologique et argumentée
      L’une des façons les plus efficaces de s’opposer à son action est de disqualifier ses idées sur le plan idéologique, en proposant des contre-arguments solides et bien fondés.

      Contester les bases théoriques : Si tu considères que les idées défendues par l’intéressé sont radicales et peu réalisables, tu peux les critiquer sur le plan théorique. Par exemple, tu peux remettre en question les principes du marxisme, de l’anticapitalisme ou de la révolution totale qu’il défend, en soulignant les limites ou les dangers des approches extrêmes, ou en proposant des alternatives plus modérées.

      Mettre en avant les conséquences pratiques : Tu pourrais aussi argumenter que les idées qu’il défend, bien que théoriquement intéressantes pour certains, ont montré dans le passé qu’elles entraînaient souvent des échecs politiques ou des dommages collatéraux (par exemple, des régimes autoritaires, des conflits sociaux, etc.). En montrant que des tentatives radicales ont souvent mené à des impasses historiques, tu pourrais contester la validité de son approche.

      Promouvoir des solutions concrètes et réalistes : Une autre forme d’opposition consiste à défendre des idées politiques plus modérées ou pragmatiques, en proposant des solutions concrètes et réalistes aux problèmes qu’il soulève (inégalités, réformes sociales, écologie, etc.), mais qui ne nécessitent pas de révolution radicale.

      2. Mise en évidence des dangers de la radicalisation
      Si tu vois ces événements comme un terrain propice à la radicalisation ou à des idées potentiellement nuisibles pour la société, tu peux souligner les dangers associés à la polarisation et à la violence idéologique. Cela pourrait inclure :

      L’isolement des idées : Tu pourrais soutenir que des discussions uniquement entre personnes partageant les mêmes idées créent une bulle idéologique, où des solutions extrêmes sont renforcées sans possibilité de dialogue avec d’autres courants de pensée.

      La violence symbolique : En mettant en lumière certains exemples de radicalisation violente ou d’escalade de la contestation politique (en France ou ailleurs), tu pourrais argumenter que ces espaces de réflexion radicale, bien qu’ils ne soient pas eux-mêmes violents, alimentent indirectement des mouvements plus radicaux ou incitent certains individus à des actions extrêmes.

      3. Argumentation sur l’inclusivité et la représentativité
      Tu pourrais aussi défendre l’idée que des événements comme ceux organisés par l’intéressé ne représentent qu’une fraction marginale de la population, et que l’extrême gauche, en particulier, doit être en mesure de dialoguer avec une pluralité de voix. En faisant valoir que ces événements sont exclusifs et ne permettent pas un débat démocratique plus large, tu pourrais défendre des espaces de discussion plus ouverts et inclusifs qui permettent à un éventail plus large de citoyens de participer.

      4. Actions pratiques et publiques
      Si tu veux aller au-delà de la critique idéologique et t’opposer plus concrètement à son action, tu pourrais :

      Informer et sensibiliser : Tu peux organiser des événements (conférences, débats, publications) qui présentent des visions alternatives, offrant un autre point de vue sur les thèmes abordés lors de ces événements. Le but serait de contrer le discours radical en offrant une vision équilibrée et de promouvoir des solutions sociales basées sur le compromis.

      Organiser des contre-événements : Si tu estimes qu’il est important de montrer un contraste direct avec les idées de l’intéressé, tu pourrais organiser des événements parallèles, comme des conférences publiques ou des débats ouverts, où tu invites des personnalités plus modérées ou même des experts pour discuter des mêmes thématiques, mais sous un angle différent.

      Protestations pacifiques ou actions symboliques : Si tu veux exprimer publiquement ton opposition, tu pourrais envisager des *manifestations pacifiques* ou des actions symboliques devant des lieux où ces événements se tiennent, pour marquer ton désaccord tout en restant dans un cadre légal.

      5. Dialogue et confrontation constructive
      Une autre méthode d’opposition qui peut être plus directe et engageante consiste à chercher à dialoguer avec les personnes qui participent à ces événements. Cela peut être un moyen de comprendre pourquoi elles adoptent certaines positions, mais aussi de leur exposer tes propres convictions. Le dialogue peut parfois être plus puissant que la confrontation, car il permet de débattre, de questionner, et de confronter les idées de manière plus nuancée.

      6. Interroger l’éthique des espaces privés
      Enfin, tu pourrais aussi t’opposer à ces événements sur le principe des espaces fermés et privés, où les débats se tiennent hors du regard du public. Selon toi, l’accès à ces espaces pourrait être perçu comme un moyen de créer une forme de ghetto idéologique, éloigné des préoccupations populaires. Un tel argument pourrait être étayé par la défense de l’idée que des discussions politiques doivent être transparente et ouvertes, accessibles à tous.

      –—

      En somme, l’opposition à son action peut prendre plusieurs formes : critique des idées qu’il défend, mise en garde contre les dangers de la radicalisation, promotion d’une politique plus inclusive et plus modérée, ou même actions concrètes pour porter un contre-discours. La manière dont tu choisis de t’opposer dépendra de tes convictions et de l’impact que tu souhaites avoir. L’important, c’est de rester dans un cadre démocratique et respectueux, même si tes idées diffèrent fortement des siennes.

    • Chatgpt par défaut n’utilise pas les modeles avec « multistep reasoning » (beaucoup trop coûteux pour OpenAI, et que Deepseek a rendu bon marché, d’où le gros buzz).
      Le résultat de Chatgpt présente des points, certes, mais ces points structurent un exposé régurgité immédiatement par enchaînements de mots. C’est comme un brillant musicien qui improvise sans revenir sur ses pas et un peu au bleuf car sans exploration et validation préalable de la composition. Et c’est un processus opaque, sans traçabilité.

      Avec les modèles en multistep reasoning comme O3 et R1, il y a une exploration préalable des différents thèmes, contraintes, difficultés, possibilités, stratégies envisageables pour répondre. Les étapes de cette exploration sont visibilisées et une stratégie optimisée de réponse s’élabore peu à peu.
      Dans certains exemples, les étapes pré-exploratoires sont très nombreuses (plusieurs dizaines voire centaines) au point d’être (très) fastidieuses mais je suppose que ça peut se paramétrer aussi.

      #chatgpt #ia #reasoning #deepseek

    • @ericw indépendamment des outils d’IA récents il y a les logiciels assistant de preuve
      cf https://fr.wikipedia.org/wiki/Assistant_de_preuve
      https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thode_formelle_(informatique)
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_de_preuve_interactive

      Ces outils utilisent des langages pour décrire en tant que données un théorème ou une proposition formelle et sa démonstration si c’est ça le but.

      Et bien entendu les outils d’IA comme les modèles de OpenAI ou Deepseek ont été nourris avec des pétabytes d’exemples de ces descriptions, propositions, théorèmes, démonstrations etc faites dans ces langages. Ils peuvent donc s’exprimer dans ces langages, en respecter les règles et donc faire des démonstrations formelles.

      Ça forme d’ailleurs l’une des principales catégories de benchmarks.

    • Ce qu’en dit WP en français :

      DeepSeek AI (chinois simplifié : 深度求索 ; pinyin : Shēndù Qiúsuǒ) est une société chinoise d’intelligence artificielle et le nom de son agent conversationnel, qui exploite un grand modèle de langage. Établie à Hangzhou, la société est fondée et soutenue par le fonds spéculatif chinois High-Flyer.

      Début 2025, DeepSeek dévoile un nouveau modèle publié en open source sous licence MIT. Ce modèle, aux performances qui seraient comparables, voire supérieures, à celles des leaders américains, se démarque par son faible coût de développement et sa consommation réduite de ressources. La publication du nouveau modèle entraîne une réaction notable sur les marchés financiers. Les cours de plusieurs entreprises américaines, notamment ceux du leader mondial des puces graphiques utilisées dans l’intelligence artificielle Nvidia, chutent fortement.

      Le 20 janvier 2025, l’entreprise annonce son premier modèle de raisonnement, DeepSeek-R1, qui emploie une chaîne de raisonnement développant des étapes logiques successives aux requêtes9,10,11. Le modèle, publié avec son code source sous licence MIT, bouleverse le secteur de l’IA par un coût de développement se chiffrant en millions plutôt qu’en milliards de dollars ou d’euros, des performances comparables aux meilleurs acteurs du secteur12, et une consommation en ressources de calcul notablement inférieure13. Face à la rentabilité présumée de la technologie, le cours de la bourse de plusieurs géants du domaine, (dont celui de Nvidia, le fournisseur de processeurs GPU, qui perd 600 milliards de dollars)14, chute massivement15,16.

      En janvier 2025, OpenAI et Microsoft soupçonnent DeepSeek d’avoir utilisé un processus de distillation des connaissances pour extraire des données des modèles d’OpenAI via son interface de programmation, en violation de ses conditions d’utilisation. Microsoft dit avoir détecté fin 2024 d’importants transferts de données via des comptes développeurs OpenAI présumés liés à DeepSeek. OpenAI affirme détenir des preuves de ces pratiques, sans toutefois les détailler publiquement, et indique collaborer avec le gouvernement américain pour protéger sa propriété intellectuelle21,22,23.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/DeepSeek

      #qu'est-ce_qu'on_rigole

  • Quitter X ? Du dedans de nos cages de langage : exaspérer la vulnérabilité. – affordance.info
    https://affordance.framasoft.org/2025/01/quitter-x-du-dedans-de-nos-cages-de-langage-exasperer-la-vulne

    Les sans-récit sont épuisés et cherchent la lumière. Les tout-récit sont épuisants, et leurs propos souvent délétères. D’où que nous partions, et où que nous allions, nous partageons toutes et tous cet épuisement. Un épuisement des « sols » de la langue, de ce qui la rend sociale et féconde et partagée et qui en fait un levier. De mouvement, justement. Mais la langue de ces espaces que certains fuiront dès lundi ou plus tard, la langue de ces espaces est épuisée, saturée de faux-semblants, à grands coups d’IA, essorée de la mécanique spéculative d’un capitalisme hier déjà linguistique et aujourd’hui complètement sémiotique et total.

    Cet épuisement, cette saturation, cette fatigue, ces discours vides qui tiennent lieu de récits portent des noms comme d’autres des croix : un web synthétique, des contenus « zombies », « Slop AI« , « emmerdification » des usages et de « l’expérience utilisateur », surpondération des discours partisans et violents, et masculinité toxique à tous les étages dans le peu d’interactions réelles qui restent encore visibles. Dans la dernière livraison de sa newsletter « Dans les algorithmes » Hubert Guillaud évoque et rassemble des articles et travaux autour « d’un internet plein de vide » citant notamment Eryk Salvaggio :

    « L’un des aspects de l’IA en tant qu’idéologie est donc la stérilisation scientifique de la variété et de l’imprévisibilité au nom de comportements fiables et prévisibles. L’IA, pour cette raison, offre peu et nuit beaucoup au dynamisme des systèmes socioculturels. »

    Alors ces plateformes tout aussi littéralement s’embrasent dans des formes de viralités devenues incontrôlables ; alors les feux qui y prennent s’étendent au-delà même de leurs murs et carbonisent nos démocraties ; alors elles nous laissent abasourdis en train de contempler les dégâts qui ont emporté nos souvenirs, nos bibelots conversationnels, nos mobiliers affectifs, nos voisinages sociaux.

    Alors nous n’avons plus de choix que de déménager, ou d’habiter et de reconstruire sur une terre brûlée.

    Il nous faudra faire le deuil de ces espaces. Faire le deuil de modalités d’habitats numériques qui ne conduiront qu’à de nouvelles catastrophes, à de nouveaux brasiers. Voilà peut-être le récit de cette trajectoire, ou comment le programme de ces plateformes d’une systématique exploitation de nos vulnérabilités a fini par aboutir à une double exaspération : celle de nos vulnérabilités certes, mais également celle des leurs.

    Du dedans de nos cages de langage, nous parlons aujourd’hui et partirons un jour. Pour aller dire ailleurs, que nous sommes arrivés ; au point exact d’où nous repartirons.

    #Olivier_Ertzscheid #QuitterX

  • Les dingues et les deux paumes. – affordance.info
    https://affordance.framasoft.org/2025/01/les-dingues-et-les-deux-paumes

    Par Olivier Ertzscheid

    Il aura donc fallu moins de quelques heures après l’investiture de Trump pour que l’un des hommes ayant le plus contribué à la faire advenir se fende d’un salut Nazi. Par deux fois.

    Il est tout à fait fou d’entendre et le lire la presse ce matin. Qui « s’interroge ». Sur ce geste qui « ressemble » à un salut Nazi. Qui « fait penser » à un salut Nazi. Qui « serait » un salut Nazi. Qui représente un salut « Nazi » entre guillemets. Tous ces titres de presse et ces traitement médiatiques existent, sans même parler des différentes « fan base » qui viralisent l’ensemble. Pourtant rien, absolument rien n’est plus clair, codifié, lisible, ancré dans la mémoire de l’humanité qu’un salut Nazi. Ce salut Nazi c’est « le geste le plus politiquement connoté du 20ème siècle » comme l’écrit Olivier Tesquet.

    Et il n’y a absolument aucune forme de doute ou d’interrogation à avoir. Musk est au moins autant mentalement instable qu’il est ivre de pouvoir et de richesse. Et Musk est fondamentalement raciste. Musk n’est pas le porte-voix d’une internationale réactionnaire mais d’une internationale d’extrême-droite. Ce salut Nazi n’a rien d’inattendu de la part d’un homme qui a rétabli les pires comptes antisémites sur sa plateforme, qui soutient ouvertement toutes les extrêmes-droites les plus radicales dont encore récemment l’AFD.

    C’est très exactement ici, dans ce geste que tout le monde a vu, que se mesure probablement l’essentiel et l’ampleur de son triomphe et de celui de Trump. Non pas par ce que dit ce geste : la racisme, l’antisémitisme, la haine à l’état brut, une haine prévisible, documentée, qui a valeur de projet. Mais par l’incapacité de décrire ce geste pour ce qu’il est. Par le « débat » qui s’installe sur l’évidence d’une monstrueuse monstration. Il ne s’agit pourtant pas d’un « Deep Fake » ; il n’est pourtant besoin de nul recours à une IA pour l’encoder ; ce n’est pourtant pas un « fait alternatif ». C’est juste un putain de salut nazi répété par deux fois. Un putain de salut Nazi qui n’est plus discuté dans le champ social pour ce qu’il est mais pour la possibilité qu’il puisse être autre chose : un moment « d’égarement », un « enthousiasme mal contrôlé » (sic).

    A l’heure où les derniers survivants centenaires des camps s’éteignent, il va nous falloir faire de la politique. Ou ils emporteront tout. Absolument tout. Et se souvenir que oui, « It is OK to punch nazis« .

    #Salut_Nazi #Olivier_Ertzscheid

  • Christelle Morançais, la région, les étudiantes, les universités. – affordance.info
    https://affordance.framasoft.org/2024/11/christelle-morancais-la-region-les-etudiantes-les-universites

    Il faut mesurer, mais vraiment, l’immense saloperie que constitue cette lettre et la politique qui la sous-tend. Tous les jeudis de toute l’année universitaire, avec quelques collègues et surtout avec tout un groupe d’étudiantes et d’étudiants formidables on décharge des putains de camions de la banque alimentaire, on les range dans notre épicerie, et on est là, jusqu’à 19 ou 20h pour permettre, toutes les semaines, à près de 160 étudiantes et étudiants de sentir un peu moins la vie chère et la misère. Toutes les putains de semaines. Entre deux cours, par tous les temps, comme on peut, avec des bénévoles quand ils et elles le peuvent. Toutes les putains de semaines. C’est pas toujours folichon ce qu’on leur propose aux étudiantes et aux étudiants, parce que comme tous les partenaires avec qui on bosse (banque alimentaire, restos du coeur, féminité sans abri, planning familial, etc) c’est super tendu. Tout le monde manque de tout. On aimerait pouvoir leur filer davantage, davantage de pâtes, de riz, de viande, de légumes, de produits d’hygiène. Mais on est là. Et on y reste. Et on tiendra. Parce que la misère qu’on observe, elle va avec la colère. Et la colère, Christelle Morançais, c’est un moteur d’action dont tu n’imagines même pas la force et l’inertie qu’elle permet de déployer. Et comme chacune de tes putains de décision fait monter notre colère, tu vas encore patauger dans la merde pendant longtemps.

    Mais ta lettre Christelle, cette lettre. Oh putain de bordel de merde. Ecrire à une épicerie solidaire d’un campus universitaire pour lui expliquer que tu vas cesser de lui donner de l’argent (tu n’en donnais déjà pas beaucoup d’ailleurs) bah à la rigueur pourquoi pas, t’es de droite, c’est la crise, tu préfère taper ici plutôt qu’ailleurs, pourquoi pas, c’est de la politique. Mais écrire cela au prétexte et au motif que tu dois te recentrer sur tes « priorités stratégiques » et que l’argent que tu nous enlèves, que tu enlèves à une association qui aide les étudiantes et les étudiants à bouffer chaque semaine, écrire que cet argent va te permettre de préserver tes « capacités d’investissement, notamment en direction de nos politiques en faveur (…) de notre jeunesse » … mais bordel Christelle, il faut vraiment avoir une capacité à prendre les gens pour des cons qui transcende ta propre capacité à l’être. La prochaine fois demande à ChatGPT de rédiger les courriers que tu envoies, il devrait être en capacité de faire preuve de davantage d’humanité ou d’en tout cas moins de cynisme ou de bêtise que toi.

    #Olivier_Ertzscheid #Epicerie_solidaire

  • Christelle (Volde)Morançais. Heureuse qui communique. – affordance.info
    https://affordance.framasoft.org/2024/11/christelle-voldemorancais-heureuse-qui-communique

    Petite leçon de science de la communication par Olivier Ertzscheid. Le texte puis l’image... ce qui se joue dans les discours de la Présidente de Région.

    Ce qui se joue à l’échelle de la région des Pays de la Loire (suppression annoncée de 73% du budget de la culture) fait actuellement l’objet d’un traitement et d’un émoi national. Traitement et émoi justifié tant la mesure est brutale et inattendue, et tant elle ne peut relever que de deux options : la première étant celle d’une authentique saloperie politique, la seconde celle d’une guerre culturelle et civilisationnelle assumée (une seule option au final donc …).

    La communication de Christelle Morançais depuis le début de cette histoire et de l’annonce de cette décision « m’intéresse » dans le sens où elle est une formidable démonstration de l’option présentée ci-dessus.

    #Communication #Olivier_Ertzscheid

  • « Wenn ich das Wort Kultur höre, dann greife ich schon an meinen Revolver ». Cette citation apocryphe fut attribuée tour à tour à certains dignitaires nazis. Elle peut désormais être réattribuée à Christelle Morançais, présidente de la région Pays de la Loire :

    https://affordance.framasoft.org/2024/11/christelle-morancais-culture-killeuse-pays-de-la-loire

    Christelle Morançais est la présidente de la région Pays de la Loire. C’est une femme de droite et c’est son droit (plutôt genre très à droite et cela l’est tout autant). Et la région, par la voix de sa présidente, a annoncé une coupe budgétaire tout à fait inédite et ahurissante puisque c’est près de 75% du budget dévolu à la culture et à l’action culturelle qui va être purement et simplement … supprimé. Des crédits qui avaient jusqu’aux dernière semaines, été actés et donc prévus et budgétisés par les acteurs culturels et associations qui avaient sollicité ces financements. Et puis là tout d’un coup : bah 3/4 des budgets annulés.

    On connaissait les « cost-killers », on accueille dans la dreamteam des dépeceurs du bien public la Culture Killeuse Christelle Morançais. Là où cela devient (au choix) savoureux ou révoltant, c’est que les économies demandées par l’État à la présidente de Région étaient de l’ordre de 40 millions d’euros (ce qui est déjà colossal). Mais Christelle Morançais n’allait pas s’arrêter en si bon chemin, et elle ajoute donc, de sa propre initiative, une tranche qui fait monter ces économies à 100 millions. Le résultat parmi les « centres de coût » qui vont le plus morfler, c’est donc 75% des fonds alloués à la culture qui seront supprimés dans le budget qui sera voté en Décembre.

    La hache, la tronçonneuse, toussa ...

  • X et son exode. Comment quitter une forêt lorsque l’on est un arbre. – affordance.info
    https://affordance.framasoft.org/2024/11/x-et-son-exode-comment-quitter-une-foret-lorsque-lon-est-un-ar

    Un excellent papier d’Olivier Ertzscheid. Qui sait éviter les postures pour s’intéresser aux modalités de la guerre culturelle qui s’installe.

    C’est une nouvelle fois, c’est une nouvelle occasion. Se débat, se discute, s’organise le projet d’un grand départ. A l’occasion de l’élection de Trump et du rôle que Musk y joua, des réseaux concurrents, à commencer par Bluesky (fondé par Jay Graber après une initiative de Jack Dorsey** qui avait fondé Twitter) gagnent rapidement un nombre significatif de nouveaux comptes. Un million. Un exode numérique sans peine, sans drame, sans souffrance. Notez bien que je parle de nouveaux « comptes » et pas de nouveaux « utilisateurs ». Car pour devenir utilisateur d’une plateforme cela suppose à la fois d’en connaître ou d’en accepter les codes et les règles, mais aussi d’y contribuer un tant soit peu et autrement qu’en seule consultation. Être utilisateur c’est être impliqué dans un implicite d’usage autant que dans un explicite de consultation. De nouveaux comptes donc mais pas encore autant de nouveaux utilisateurs.

    Merci à celles et ceux qui m’ont signalé une erreur dans mon article initial qui indiquait à tort Jack Dorsey comme créateur de Bluesky

    e-« X »-odus.

    L’histoire des grandes plateformes numériques contemporaines nous renseigne sur le devenir de cet exode et nous engage à une grande prudence. Un exode que l’on décrit un peu trop vite comme massif : un million ce n’est pas tant que cela dans des écosystèmes qui en comptent près de 400 fois plus (et X est à ce titre l’un des plus petits écosystèmes numériques « massifs »), d’autant que rien n’est dit qualitativement de ce million et que l’on sait que tous les comptes ne se valent pas dans les dynamiques qu’ils englobent et dans les espaces expressifs qu’ils mobilisent. Un exode que l’on décrit également un peu trop vite comme définitif ou à sens unique : cet exode d’un million entre X et Bluesky n’équivaut pas diamétralement à un million de fermetures de comptes X. Il faut aussi rappeler que déjà un certain nombre de médias et d’institutions (universités par exemple) ont de fait quitté la plateforme ou cessé d’y publier et d’y interagir, et que pour autant, jamais cette même plateforme n’a été aussi puissante qu’aujourd’hui avec cette seule mais importante différence que sa puissance se déplace, qu’elle est désormais peut-être davantage exogène qu’endogène.

    La particularité et le paradoxe des exodes numériques est qu’ils fonctionnent selon des modalités de colonisation bien plus que sur celles d’un exil : ils nous autorisent à continuer d’être présents dans l’espace que nous quittons autant que dans celui où nous arrivons. Ils ne nous engagent pas à quitter un territoire pour en rejoindre un autre.

    L’exode de X qui s’explique par les outrances et la position de Musk à l’occasion de l’élection de Trump fait écho à beaucoup d’autres parmi lesquels celui qui frappa Twitter lors de son rachat par Musk, ou encore celui qui frappa Facebook à l’occasion de différents scandales.

    Je le redis ici à l’échelle des plateformes numériques contemporaines, aucun exode jamais ne permit de générer autre chose qu’un vascillement très temporaire des plateformes originelles. Même si rien n’est jamais certain, rien ne permet aujourd’hui d’affirmer qu’il en sera autrement pour l’exode qui s’opère actuellement sur X.

    #Olivier_Ertzscheid #Médias_sociaux #Ecosystèmes #X #Twitter

  • Comment quitter une forêt lorsque l’on est un arbre | Olivier Ertzscheid
    https://affordance.framasoft.org/2024/11/x-et-son-exode-comment-quitter-une-foret-lorsque-lon-est-un-ar

    Quitter X c’est comme cesser de regarder CNews ou cesser de lire Valeurs Actuelles et le JDD. Cela n’est ni le programme ni le sursaut dont nous avons collectivement besoin dans ce qui se révèle aujourd’hui – comme rarement aussi explicitement dans l’histoire – comme une vraie guerre culturelle. Source : affordance.info

  • Moteurs de recherche et IA : à la recherche de l’aiguille dans la botte de Data. – affordance.info
    https://affordance.framasoft.org/2024/08/moteur-recherche-intelligence-artificielle

    [Article initialement rédigé en Décembre 2023. Il a ensuite failli devenir un petit chapitre de mon dernier bad seller dont il est toujours possible de faire un best-seller 😉 Et puis finalement non. Mais aujourd’hui il le complète utilement sur l’un des aspects que je ne traite pas ou très peu dans “Les IA à l’assaut du cyberespace“, à savoir l’utilisation des artefacts génératifs par et dans les moteurs de recherche. Toute une partie de ce billet a été écrite et actualisée ces derniers jours – Août 2024. Comme il est un peu long je vous donne un rapide résumé de son objet : tenter de mesurer et de comprendre ce que change l’intégration des résultats de recherche sous la forme de “générations de textes” dans nos pratiques informationelles et dans cette fameuse “écologie cognitive” que j’interroge sur ce blog depuis presque 20 ans. Spoiler Alert : ça change pas mal de choses, et pas forcément dans le bon sens.]

  • Bouger vite et casser des trucs. Dissolution de la Start-Up Nation. – affordance.info
    https://affordance.framasoft.org/2024/07/dissolution-start-up-nation

    Par Olivier Ertzscheid

    On luttera. On s’engagera. On n’acceptera jamais. Jamais. Ce soir c’est le plomb mais nous sommes déjà demain. Ils voulaient le renoncement. Ils espèrent l’affrontement. Ils n’auront que notre engagement. Total et permanent, absolu et radical.

    #Olivier_Ertzscheid

  • Lendemain d’élection : des mots morts. – affordance.info
    https://affordance.framasoft.org/2024/06/lendemain-delection-des-mots-morts

    Ce à quoi nous avons assisté en direct hier, c’est le cycle final d’une politique qui est essentiellement une nécropolitique. Chirac en son temps avait fait campagne sur la fracture sociale.

    Aujourd’hui cette fracture est une nécrose. Les tissus morts de la société, ces tissus associatifs, syndicaux, militants, et même politiques pour ce qu’il en restait d’idéal, apparaissent totalement nécrosés à force de mépris et d’épuisement. Flingués par ces mots morts.

  • Nouveau livre :-) Les IA à l’assaut du cyberespace. Vers un web synthétique. – affordance.info
    https://affordance.framasoft.org/2024/05/les-ia-a-lassaut-du-cyberespace-vers-un-web-synthetique

    Olivier Ertzscheid annonce la parution de son ouvrage et parle un peu du making of.

    Sortie officielle le 5 Juin mais commandes déjà possible sur le site de ce merveilleux éditeur : C&F Éditions.

    Voilà pour l’essentiel. Et pour le reste, quelques mots.

    #Olivier_Ertzscheid #Ia-cyberespace

  • EN DIRECT – Nouvelle-Calédonie : le Premier ministre annonce l’interdiction du réseau social Tik Tok et le déploiement de l’armée pour sécuriser les ports et l’aéroport
    https://www.liberation.fr/societe/en-direct-nouvelle-caledonie-une-situation-insurrectionnelle-au-moins-deu

    Le Premier ministre annonce l’interdiction de Tik Tok en Nouvelle-Calédonie. Gabriel Attal a annoncé le déploiement de l’armée pour sécuriser les ports et les aéroports de l’île. Le Premier ministre a également annoncé l’interdiction du réseau social Tik Tok. « Des militaires des forces armées sont déployés pour sécuriser les ports et l’aéroport de Nouvelle-Calédonie », a indiqué le Premier ministre en ouverture d’une cellule interministérielle de crise au ministère de l’Intérieur. Le haut-commissaire sur ce territoire, Louis Le Franc, qui avait demandé le renfort de l’armée pour protéger l’aéroport de Nouméa, a pour sa part « annoncé un couvre feu et interdit TikTok », a précisé Gabriel Attal. Il n’existe aucun précédent en France concernant l’interdiction du réseau social Tik Tok, malgré les tentations au moment des émeutes de 2023, si ce n’est l’application Wish bannie en France sur demande du ministère de l’Economie pour une durée d’un an.

    • Couper Tiktok est le nouveau symbole du coup-de-menton des abrutis de droite.

      Je ne trouve aucun article qui dise comment, en pratique, ils « interdisent » Tiktok. DNS trompeur chez les fournisseurs d’accès locaux ?

    • Sinon, notre prepotent bien aimé propose une visio

      Après l’entrée en vigueur de l’état d’urgence, la situation sur le territoire du Pacifique reste « extrêmement grave », selon le représentant de l’Etat jeudi 16 mai. Emmanuel Macron propose une visioconférence au élus calédoniens.

      #bien_joué_manu

      la situation dans le territoire du Pacifique reste « extrêmement grave », avec une « agglomération du Grand Nouméa meurtrie ». Le représentant de l’Etat sur le « Caillou » a chiffré à environ 5 000 émeutiers qui s’en sont pris aux forces de gendarmeries déployées en dehors de Nouméa, et entre 3 000 et 4 000 au sein de la capitale calédonienne.

      https://www.liberation.fr/societe/en-direct-nouvelle-caledonie-une-nuit-sous-etat-durgence-un-tout-petit-pe

    • Pierre Beyssac:
      https://twitter.com/pbeyssac/status/1791007304596242692

      Le blocage de Tiktok en Nouvelle Calédonie a tout de la mesure 100 % bidon pour détourner l’attention de l’impuissance politique du gouvernement. Mesure simple et très visible, aucun impact mais permet de montrer les muscles à coût 0, ce qui satisfait les nombreux autoritaristes.

      Bonus, cela permet de plaider « l’ingérence étrangère » pour dédouaner le gouvernement, ingérence absolument pas avérée via Tiktok, mais le complotisme n’a jamais besoin d’aucune preuve pour être satisfait.

      Internet étant dans tous les circuits de notre vie, il est facile à accuser de tout. En bloquer des morceaux en appuyant sur quelques boutons permet de revaloriser à bon compte l’action publique auprès des naïfs en leur jetant de la poudre aux yeux.

      L’incompétence peut se réfugier dans la paranoïa pour se faciliter le déni.

    • 5 (mauvaises) raisons d’interdire TikTok en Nouvelle-Calédonie - Olivier Ertzscheid
      https://affordance.framasoft.org/2024/05/5-raisons-interdire-tiktok

      A titre personnel mais aussi en tant que chercheur qui travaille ces questions depuis plus de 20 ans, aucune de ces raisons n’est valable et je peux vous annoncer qu’elles ne seront d’aucune efficacité.

      Si je devais jouer l’avocat du diable et choisir de défendre une seule de ces mesures stupides et liberticides, ce serait à la rigueur la première, et je dis bien à la rigueur, car les enjeux d’ingérence étrangère peuvent aussi s’observer, se mesurer et se contrer. Ils peuvent même être utiles, lorsqu’ils sont établis et documentés, dans une stratégie diplomatique entre états.

      Les trois suivantes (risque de propagation virale, visibilité du conflit et ciblage de la jeunesse) sont toutes plus stupides les unes que les autres. D’abord parce que la visibilité globale du conflit est avant tout assurée et garantie par les médias d’opinion (dont certains se font les alliés objectifs du pouvoir, et d’autres se contentent d’un journalisme de préfecture). Quant à la complexité du sujet de la propagation virale, elle n’est solvable que pas un black-out total de l’ensemble des moyens de communication ; mais prétendre la résoudre en ciblant une seule plateforme, quelle que soit son audience et sa dynamique virale intrinsèque, revient à essayer de résoudre une inondation en distribuant des bouteilles vides aux habitants qui en sont victimes.

    • @nileane sur le mammouth

      https://nileane.fr/@nileane/112449967867485302

      The French government has banned TikTok in New Caledonia following pro-independence protests.

      When asked about the legality of the measure, it basically replied that since the territory is not subject to the EU’s jurisdiction, it’s perfectly allowed to ban social platforms however it likes.

      What in the colonial crap is this bullshit. For fuck’s sake.

    • selon le procureur de Nouméa,

      TikTok, offre « des possibilités de diffuser de l’information qui n’est pas forcément fiable. En l’état, la diffusion d’informations non fiables ne peut que développer des risques de trouble et d’émeutes ».

      https://www.numerama.com/politique/1744576-emeutes-en-nouvelle-caledonie-tiktok-est-source-de-manipulation-et
      soit mais alors CNews, BFM, Franc Tireur etc qui ne cessent de diffuser des fakenews pourquoi on ne les ferme pas ?
      #censure

    • TikTok a-t-il été vraiment bloqué en Nouvelle-Calédonie ? - entretien avec Pierre Beyssac
      https://atlantico.fr/article/decryptage/tiktok-a-t-il-ete-vraiment-bloque-en-nouvelle-caledonie-pierre-beyssac

      En tout état de cause, ce cas de blocage d’un réseau social dans son ensemble est sans aucun équivalent dans un pays démocratique. La Nouvelle Calédonie sert donc en quelque sorte de ballon d’essai à ce genre de mesure.

      L’idée a de fortes chances d’être reprise dans le futur par des parlementaires sous forme de propositions de lois, qui à leur tour ne manqueront pas d’être retoquées par l’UE comme l’a été la loi SREN.

    • La Quadrature du Net attaque en justice le blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie
      https://www.laquadrature.net/2024/05/17/la-quadrature-du-net-attaque-en-justice-le-blocage-de-tiktok-en-nouvel

      Personne n’est dupe : en réalité, le blocage de TikTok n’est absolument pas justifié par une quelconque présence sur la plateforme de contenus terroristes, mais bien par le fait qu’il s’agit d’une plateforme centrale dans l’expression en ligne des personnes qui en viennent aujourd’hui à se révolter. Cette décision de s’en prendre aux moyens de communication lors de moments de contestation violente – une première dans l’Union européenne et qui paraît digne des régimes russe ou turc, régulièrement condamnés par la CEDH pour atteintes à la liberté d’expression1 – a déjà été éprouvée l’année dernière, après la mort de Nahel Merzouk.

      À l’été 2023, Emmanuel Macron avait exprimé son souhait de pouvoir bloquer les réseaux sociaux lors de moments de crise. Le président de la République s’était alors lancé dans une véritable course à l’échalote autoritaire contre les plateformes en ligne, blâmant les jeux vidéos, puis les réseaux sociaux qu’il voulait alors pouvoir bloquer et sur lesquels il voulait accentuer la fin généralisée de l’anonymat en ligne (déjà bien amoché en pratique). À ce moment-là, les plateformes avaient répondu présentes pour censurer les contenus relatifs aux évènements et aux violences dans les banlieues. Nous avions alors dénoncé cette collaboration entre plateformes privées et pouvoirs publics, unis pour brimer la liberté d’expression au nom du « retour de l’ordre » (voir notre analyse). Aujourd’hui le gouvernement persiste et signe dans sa volonté de mettre au pas les moyens de communications, cette fois-ci en choisissant la voie explicitement autoritaire : le blocage total.

      La décision de bloquer TikTok en Nouvelle-Calédonie constitue pour le gouvernement une première mise en pratique du programme macroniste de censure en ligne annoncé l’été dernier. L’occasion paraît idéale pour le pouvoir : d’une part du fait du relatif désintérêt des médias français pour l’archipel (il aura fallu attendre plusieurs jours, et notamment un premier mort parmi les habitant·es, pour que la presse en métropole commence à traiter de l’actualité calédonienne) et d’autre part parce que ce territoire dispose de règles juridiques différentes, notamment vis-à-vis du droit de l’Union européenne. De cette manière, le gouvernement croit pouvoir éteindre la révolte sans répondre aux griefs de manifestants, en refusant d’aborder la question du rôle de la réforme constitutionnelle sur les élections calédoniennes dans le malaise de la population kanak.

      L’objectif de cette décision de censure consiste avant tout à étouffer l’expression d’une révolte. Elle constitue aussi un ballon d’essai avant une possible généralisation de ce type de mesure. De ce point de vue, le contexte politique semble favorable. Dans un récent rapport faisant suite aux révoltes urbaines de 2023, la commission des Lois du Sénat ne demandait rien d’autre que ce qui est en train d’être appliqué en Nouvelle-Calédonie : le blocage des réseaux sociaux et des sanctions plus dures contre les personnes les ayant utilisés lors des révoltes d’une partie de la jeunesse des quartiers populaires l’an dernier.

    • Pourquoi le blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie soulève de sérieuses questions concernant les libertés publiques
      https://www.telerama.fr/debats-reportages/pourquoi-le-blocage-de-tiktok-en-nouvelle-caledonie-souleve-de-serieuses-qu

      « Je me demande si le blocage de TikTok ne va pas être contre-productif en contribuant à alimenter le narratif de ceux qui cherchent à nous nuire en désignant l’État français comme liberticide », s’inquiète sur X le député Renaissance Éric Bothorel, très mobilisé sur ces questions et souvent à rebours de la majorité. « Ils iront sur d’autres plateformes si elles leur sont utiles à déclencher ou amplifier des opérations. » Déjà soulevé au moment de l’interdiction de RT et de Sputnik dans l’Union européenne après l’invasion de l’Ukraine en février 2022, le dilemme moral n’a probablement pas fini de revenir sur la table : acculée, une démocratie peut-elle utiliser des armes antidémocratiques ?

  • De l’importance de responsabiliser les gens paskecétoujourlafotedéjan ...

    Trois gigas par semaine. Oh Najat, y’a pas moyen Najat. – affordance.info
    https://affordance.framasoft.org/2024/03/trois-gigas-par-semaine

    Trois gigas par semaine c’est sa peau contre ma peau et je suis avec elle. Alors voilà la dernière tribune qui agite le petit monde du web, tribune de Najat Vallaud-Belkacem dans le Figaro-Vox (déjà là rien ne va) et qui préconise donc de limiter la consommation de connexion à 3 gigas par semaine (quand je vous dis que rien ne va …) arguant du postulat qu’il y a, je cite, “une urgence numérique comme il y a une urgence climatique. Elle ne consiste pas à envoyer dans l’espace des satellites supplémentaires, mais à débrancher la prise, à éteindre nos écrans, et à commencer à revivre, enfin.”

    Voir aussi : https://seenthis.net/messages/1046503

    #empreinte_carbone #carbon_footprint (kiss my ass)

  • Les universités sommées de faire le #tri dans leurs #formations

    Fermer les #formations_universitaires qui ne collent pas assez aux #besoins_économiques du pays, développer des #indicateurs à cet effet, couper dans les budgets : la feuille de route de rentrée de la ministre de l’Enseignement supérieur, #Sylvie_Retailleau, a des allures de douche froide.

    Après les annonces de #coupes_budgétaires et le discours sur « l’argent qui dort » dans les universités, l’exécutif explique, en cette rentrée, qu’il faut « réfléchir au #modèle_économique des universités ».

    « On souhaite lancer un travail » sur ce sujet, a indiqué ce vendredi la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, lors de sa conférence de rentrée. L’ancienne présidente de l’université Paris-Saclay, qui avait pris des gants pour annoncer les ponctions à venir sur les fonds de roulement à ses anciens collègues, en fin de semaine dernière, a cette fois été beaucoup plus radicale. « C’est notre responsabilité d’utiliser l’argent qui dort, si on veut des solutions pour le pouvoir d’achat des agents. Avec 1 milliard d’euros non utilisés, il faut réfléchir au modèle économique des universités », a-t-elle lancé.

    « Les universités doivent faire beaucoup mieux »

    Ses propos arrivent après ceux d’Emmanuel Macron, lundi soir, dans son interview au youtubeur Hugo Travers. « Il faut avoir le #courage de revoir nos formations à l’université et de se demander : sont-elles diplômantes ? Sont-elles qualifiantes ? » « Les universités, avec leur budget, doivent #faire_beaucoup_mieux », avait répondu le chef de l’Etat.

    « Elles doivent avoir le courage de dire : ’On ne laisse pas ouvertes ces formations parce qu’on a des profs sur ces formations’, ce qui est un peu le cas parfois. Mais plutôt : ’Est-ce que cette formation permet de former des jeunes et de leur fournir un #emploi ?’ » Trop de formations « se passent dans de mauvaises conditions », poursuivait le chef de l’Etat. « Donc on doit réallouer les choses. » L’exécutif veut clairement faire le #ménage dans les formations, à l’université comme dans la voie professionnelle.

    « Plus de #formations_courtes »

    Emmanuel Macron veut « développer plus de formations courtes, entre un et trois ans, au plus près du terrain, dans des #villes_périphériques où le coût de la vie est moins important ». Les universités sont concernées, mais aussi les écoles d’ingénieurs et de commerce. « Avec les moyens qu’on met, on doit faire beaucoup mieux », soulignait-il lundi dernier en brandissant le chiffre de « 50 % de jeunes inscrits en licence [qui] ne vont pas se présenter à l’examen ». Et en pointant « un énorme problème d’#orientation et une forme de #gâchis_collectif ».

    C’est l’un des axes de la feuille de route de Sylvie Retailleau en cette rentrée. La ministre dit vouloir « une accélération de la transformation de l’#offre_de_formation pour mieux former aux savoirs et aux métiers ». « Nous devons offrir à nos étudiants des parcours qui leur permettent de devenir des #citoyens_éclairés, mais aussi d’intégrer le #monde_professionnel, souligne-t-elle. Nous n’avons pas encore gagné la bataille d’une #orientation_réussie pour le premier cycle universitaire en particulier, nous n’avons pas assez avancé sur la formation tout au long de la vie. »

    Des indicateurs pour toutes les #licences, d’ici juin

    Pour « réindustrialiser le pays, le décarboner et adapter les formations aux besoins de la société », cela passe par l’orientation dès le collège et des filières courtes ou des licences « synonymes d’un #parcours_fluide et d’une #insertion_professionnelle_réussie », complète Sylvie Retailleau.

    Des indicateurs sur les #taux_d'insertion de toutes les licences générales vont se mettre en place d’ici à juin 2024. Ils concerneront ensuite, fin 2024, les écoles d’ingénieurs, de commerce et les doctorats, pour couvrir l’ensemble du champ de l’enseignement supérieur.

    Pour investir dans les filières dites porteuses (alimentation durable, numérique…), l’exécutif mise sur les #appels_à_projet du plan #France_2030, avec « près de 20.000 places de formation [qui] seront proposées sur ces enjeux ». Et aussi sur les nouveaux contrats d’objectifs, de moyens et de performance, qui conditionnent l’argent versé aux établissements à la politique menée. Le gouvernement vient d’annoncer deux nouvelles vagues de #contractualisation.

    Dans l’enseignement supérieur, où le vocable d’« insertion professionnelle » faisait encore bondir il y a dix ans, celui de « #performance » interroge. Certains présidents d’université s’étranglent à l’idée qu’on leur ponctionne leurs fonds de roulement et que l’on sanctionne, disent-ils, leur bonne gestion. L’un d’eux, pourtant favorable à cette logique de « performance », pointe aussi « la schizophrénie d’un Etat centralisateur qui veut tout gérer, tout en tenant un discours sur l’autonomie des universités ».

    https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/les-universites-sommees-de-faire-le-tri-dans-leurs-formations-1976647

    #université #facs #ESR #enseignement_supérieur #filières_porteuses #conditionnalité #employabilité

    • La guerre aux universités est déclarée

      Après le cri d’alarme de France Universités au sujet des mesures de pouvoir d’achat et des augmentations du prix de l’énergie non compensées par l’État alors que l’inflation galope, les démissions collectives des fonctions administratives empêchant toute rentrée dans de nombreux départements universitaires (Rouen, Nantes, Paris Cité, Brest, Créteil, Tarbes, etc.), l’alerte santé et sécurité à Université Grenoble-Alpes, la sonnette d’alarme tirée par l’Assocation des directions de laboratoires (ADL) au sujet du Hcéres ou par des responsables de Départements sur la part majoritaire de l’emploi non-titulaire pour assurer les enseignements, les expulsions locatives brutales des étudiant·es logé·es par le CROUS, récemment dénoncées par la Fondation Abbé Pierre, la mise à l’arrêt administrative du CNRS avec la mise en oeuvre dysfonctionnelle de Notilus, après les multiples attaques contre les sciences humaines et sociales, qualifiés d’ “islamogauchiste” ou de “wokistes” y compris par la Ministre Vidal elle-même, et les attaques perlées de l’extrême-droite depuis plusieurs années, on ne peut comprendre la dernière déclaration de Sylvie Retailleau sur le ponctionnement des fonds de roulement universitaire que pour ce qu’elle est : une nouvelle déclaration de guerre.

      Soyez assis quand vous lirez les extraits que nous publions ci-dessous.

      S’agit-il de mettre en œuvre le programme néolibéral de privatisation du secteur de l’enseignement supérieur dévoilé dans les MacronLeaks ? De fermer des départements entiers de sciences critiques (sciences humaines et sociales, études environnementales ou climatiques), sous le feu de procès-baillons ou du courroux du président de la République lui-même ? D’achever une politique de darwinisme social consistant à affamer les plus modestes ? Sans doute tout cela et plus encore. Comment allons-nous résister ?

      https://academia.hypotheses.org/51758

    • Retailleau et le fonds de roulement des universités dans la farine.

      C’est la petite bombe qui occupe donc cette rentrée universitaire. La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, #Sylvie_Retailleau, vient d’annoncer toute honte bue, ce que même ses prédécesseurs les plus cyniquement et authentiquement libéraux n’avaient pas osé formuler : elle va aller taper dans le fonds de roulement des universités (pour contribuer à l’effort pour réduire la dette de l’état, hahaha, nous y reviendrons).

      Alors pour bien comprendre à quel point cette annonce est mortifère, et cynique, en plus d’être simplement conne, et super conne même, il faut déjà savoir ce qu’est un fonds de roulement. C’est donc, une fois recettes escomptées et dépenses décomptées, le solde de l’argent disponible pour assurer et couvrir les dépenses courantes liées à l’activité d’une entreprise : payer le salaire des employé.e.s, les frais généraux (loyers, assurances), les factures mais aussi les charges fiscales et sociales.

      [mise à jour du soir] Ils avaient déjà fait le coup en 2015 en ponctionnant le fonds de roulement de plus d’une quarantaine d’universités : https://www.letudiant.fr/educpros/actualite/budget-la-repartition-des-dotations-2015-des-universites.html [/mise à jour]

      Paradoxe de voir qu’alors que depuis le passage à la LRU il y a plus de 10 ans chaque gouvernement somme les universités de fonctionner et d’être gérées comme autant d’entreprises où chaque formation doit être rentable, et que le même gouvernement vient aujourd’hui annoncer qu’il va venir pépouze faire ce que jamais il ne ferait à aucune une entreprise : taper dans la caisse.

      Ce fonds de roulement des universités est estimé par Retailleau à un milliard d’euros. Un milliard forcément c’est un chiffre qui claque. Mais qui doit être divisé par le fait qu’il y a 72 universités en France (parmi au total environ 120 établissements d’enseignement supérieur public). Je vous laisse faire la division (en médiane cela fait 13 millions par université). Ça claque déjà un peu moins. Et ça claque encore moins quand on sait que le budget global d’une université comme celle de Nantes et d’un peu plus de 350 millions d’euros par an, et que dans ce budget, l’état “oublie” de verser environ 290 millions d’euros c’est à dire l’équivalent, pour Nantes, d’environ 400 euros par an et par étudiant.e. Que sur la base de ce constat (largement partagé par l’essentiel des 52 universités françaises), l’actuelle ministre vienne nous expliquer qu’elle va taper dans la caisse du fonds de roulement des universités au motif qu’elles en seraient mauvaises gestionnaires et devraient participer à l’effort national donne quand même envie de lui infliger des trucs que la morale et les émissions pour enfant réprouvent à l’unisson.

      Parce que face à la diminution constante du financement par l’état (voir plus bas), ce fonds de roulement est souvent la dernière poche de survie des universités pour financer les postes “sur ressources propres”, postes qui explosent pour venir compenser ceux que l’état ne crée plus, postes sans lesquels plus aucune université n’est en mesure de fonctionner.

      Ce fonds de roulement c’est également la dernière poche de survie permettant aux universités de financer les mesures bâtimentaires de campus qui souvent tombent en ruine ou sont totalement inadaptés au changement climatique, problématiques dont l’état se contrecogne au motif de “l’autonomie”.

      Voilà donc pour la première salve de celle que l’on imaginait, par contraste avec la précédente, en Oui-Oui Retailleau partageant à chaque Tweet sa vie d’influenceuse campus, et que l’on découvre – sans trop de surprise – en Terminator Retailleau avec un plan de route clair : faire en sorte qu’à la fin du deuxième et dernier mandat d’Emmanuel Macron il ne reste plus que les cendres de ce que fut l’université publique ouverte à toutes et tous. Et c’est là qu’intervient la deuxième lame, balancée dans l’interview que Macron a donné à Hugo Décrypte, interview dans laquelle il annonçait qu’il allait falloir que les universités se concentrent sur les filières rentables et ferment les autres. Et c’est vrai après tout, qu’est-ce que la construction de l’intelligence et du regard critique au regard de l’exercice de la performance et de la rentabilité ?

      Macron veut donc achever l’université publique, la grand remplacer par des formations privées, et limiter le champ des connaissances publiques à quelques cénacles et universités qu’il dit “d’excellence” là où toutes les autres composantes de l’université publique ne tendraient qu’à former cette main d’oeuvre intermédiaire si nécessaire et légitime, mais qu’on ne comprend pas bien de quel droit et au nom de quel projet de société on voudrait priver de la possiblité de s’instruire autrement que dans des compétences purement opérationnelles et définies par les besoins immédiats du Medef. Si Ricoeur était encore vivant et s’il croisait Macron aujourd’hui, il n’en ferait pas son (très provisoire) assistant éditorial mais il le démarrerait illico.

      Le résultat de cette rentrée en mode “défonce-les Sylvie” c’est donc, premier temps : “bon bah on va terminer le travail consistant à vous étrangler financièrement” (ça c’est la ponction dans les fonds de roulement), et le deuxième temps c’est, “bon bah puisque vous n’aviez déjà plus les thunes de l’état permettant de créer des postes, de financer le GVT (Glissement Vieillesse Technicité), et tout un tas d’autres choses initialement “régaliennes”, vous n’aurez pas non plus le peu de liquidités qui vous permettaient de colmater l’immensité des brèches RH, bâtimentaires, stratégiques, et qui achèveront de conduire à votre effondrement.”

      Il y a déjà bien longtemps que l’idée est là, depuis Pécresse et Sarkozy exactement, mais jamais elle n’avait été posée et affirmée publiquement avec autant de cynisme et de mépris.

      Pour Le Monde, cela donne ceci :

      “Mieux gérer leurs fonds et contribuer à réduire la dette publique“. Hahaha, difficile d’être contre. Imaginez : non seulement nous serions forcément mauvais gestionnaires et en plus de cela nous refuserions de contribuer à réduire la dette publique.

      Les Echos font oeuvre journalistique plus sincère en posant le seul et réel enjeu visé par Macron et Retailleau : faire le tri dans les formations.

      Fini de jouer. On garde juste le rentable, le Medefiable, le corvéable et selon des critères définis par … ? Le marché, les intérêts privés, les politiques libérales. Pourquoi pas hein, après tout on ne va pas demander aux libéraux de faire des plans quinquennaux, ni aux étourneaux d’avoir l’acuité des aigles. Nous y voilà, les rentiers et les banquiers sont à table et ne bouffent que du rentable. Et on aura “‘des indicateurs” pour le mesurer. Alors soyons francs, cela fait plus de 25 ans que je suis à l’université, j’ai créé et piloté des formations, j’ai vu et échangé et collaboré avec des collègues pour en créer et en piloter d’autres, il y a toujours eu des indicateurs, et il y en a toujours eu à la pelle. Des études longitudinales sur le taux d’insertion des étudiant.e.s, des indicateurs de “performance” demandés par le ministère ou les conseils d’administration et conseils académiques des universités et concernant, tout à trac, l’adéquation avec le bassin d’emploi, les sources de “flux entrants” d’étudiant.e.s, la redondance avec des formations sur le même sujet, etc. Sans parler des évaluations régulières qui arrivent en moyenne tous les 3 ou 4 ans pour affiner et ajuster la pertinence et l’intérêt des formations publiques. Des indicateurs il y en a donc toujours eu partout à l’université publique surtout depuis la LRU (et même avant), et il faut répondre de ces indicateurs pour ouvrir des formations comme pour les maintenir ouvertes. Là où, rappelons-le aussi, les formations privées à 10 000 euros l’année pour des promotions de 15 étudiant.e.s client.e.s se torchent le cul avec les critères qualité et les constants processus d’audit et d’évaluation auxquels sont soumises les formations publiques. Non franchement, présenter le fait de développer des indicateurs à l’université comme une nouveauté ou comme une solution pour mesurer la pertinence, la légitimité et même l’adéquation au marché de nos formations, c’est déjà être diplômé d’un post-doctorat en foutage de gueule.

      Le problème de cette énième et peut-être ultime attaque frontale contre l’université c’est qu’elle s’aligne avec les différents effondrements déjà vécus par l’université publique depuis l’invention de leur assignation à l’autonomie.

      Effondrement du financement de l’état par étudiant, en baisse de 14% entre 2008 & 2022 (et de 7% rient qu’entre 2017 & 2022).

      Effondrement de la condition étudiante sur le plan du logement, chaque rentrée universitaire désormais des étudiant.e.s dorment à la rue faute de pouvoir se loger.

      Effondrement de la condition étudiante sur le plan alimentaire : les distributions et épiceries solidaires explosent et transforment chaque campus en succursale des restos du coeur. Et l’on voit bien ce qu’il advient aujourd’hui aux restos du coeur. Mais si Terminator Retailleau trouve le temps d’aller prendre la pose en train de bouffer des coquillettes au Resto U, on ne l’a toujours pas aperçue dans une file de distribution alimentaire. L’invitation est lancée : la première de cette année à l’IUT de La Roche-sur-Yon aura lieu le 21 septembre. Pour un petit campus d’une petite ville universitaire on attend encore 250 étudiant.e.s. Comme à chaque fois et comme deux fois par mois, depuis déjà 3 ans. Que la ministre n’hésite pas à y passer nous rencontrer.

      Et que dire de l’effondrement de la santé mentale de nos étudiant.e.s, largement corrélé aux deux effondrement précédents.

      Effondrement aussi de la condition des doctorant.e.s et post-doctorant.e.s, bac +8, bac +12, des CV académiques en face desquels celui de Sylvie Retailleau ressemble à la bibliographie d’un rapport de stage d’étudiant de première année, des années à faire des cours avec un salaire indigne, et à la fin … juste rien. Rien d’autre qu’une précarité toujours plus forte, rien d’autre qu’un mépris toujours plus affirmé.

      Effondrement, même, de ce qui devrait pourtant cocher toutes les cases de ces formations courtes et professionnalisantes et rentables tant mises en avant par ce gouvernement de putains de pénibles pitres. Les IUT sont en train de massivement s’effondrer. Ils ne tiennent pour l’immensité d’entre eux que par les financements liés à l’alternance qui représentent parfois plus de 80% du budget global de ces composantes. La moindre variation dans les aides de l’état à l’alternance (qui sont en réalité des aides directes aux entreprises) et c’est la moitié des IUT de France qui ferment au moins la moitié de leurs formations et des dizaines de milliers d’étudiant.e.s qui se trouvent, du jour au lendemain, sur le carreau. En plus de ce modèle si puissamment fragile, vous n’en avez jusqu’ici pas entendu parler dans les journaux mais un nombre tout à fait inédit d’IUT sont cette rentrée “en mode dégradé” comme la sabir libéral managérial nous a appris à nommer les situations de souffrance, de révolte et de mobilisation. En IUT mais aussi en STAPS, dans un nombre inédit de campus, des milliers d’étudiants ont effectué leur rentrée “en mode dégradé”. Comprenez : ils et elles n’ont pas de cours, et/ou pas d’emplois du temps, et/ou plus de directeur des études, et/ou plus de responsables de formation, et/ou plus de responsables de département.

      Les démissions administratives atteignent un volume tout à fait stupéfiant et inédit qui colle à la fois à l’épuisement de l’ensemble des personnels et à l’inéquité mortifère des “primes” ou des revalorisations salariales auxquels ils et elles peuvent prétendre. Angers, Nantes, Niort, Caen, Toulouse, Lorient, mais aussi Marseille, Lyon, Strasbourg, Lille … Presqu’aucune ville universitaire n’est épargnée par ces rentrées “en mode dégradé”. Demain Lundi 11 septembre a lieu la grande journée de mobilisation de ce qu’on appelle les ESAS (les Enseignant.e.s du Secondaire Affecté.e.s dans le Supérieur). Celle et ceux qui font, avec les vacataires toujours méprisés, tourner tant de filières de formation à l’université. A part quelques articles dans quelques médias locaux, aucun article dans aucun journal national sur cette rentrée universitaire totalement inédite aussi bien dans l’effondrement que dans la mobilisation. A tel point que Terminator Retailleau, pour éteindre un incendie qu’elle sent devenir incontrôlable, se met déjà à balancer des promesses d’aider à hauteur de 14 millions d’euros une quarantaine d’IUT choisis pour être ceux disposant des taux d’encadrement les plus bas. C’est Bernard Arnault et son chèque de 10 millions d’euros aux Restos du coeur. Non seulement cet argent versé (peut-être …) aux IUT leur était dû dans le cadre du passage, “à moyens constants”, d’un diplôme à Bac+2 à un diplôme à Bac+3, non seulement il est largement insuffisant, mais il aurait dû, et de droit, être adressé à l’ensemble des IUT. D’autant que dans le même temps, les universités asséchées sur leurs fonds de roulement annoncent déjà leur intention de venir piquer dans la caisse de l’alternance des IUT non pas “rentables” mais simplement moins misérablement sous-encadrés que les filières non-professionnalisantes. Et c’est là tout le génie libéral d’organiser à tel point ces concurrences délétères au sein d’organismes dont on a construit la fragilité et programmé le délabrement.

      Même les président.e.s d’université. Oui. Même elles et eux, qui sont pourtant à la radicalité ce que Mickey Mouse est aux Snuff Movies, écrivent dans un communiqué que ces annonces se situent entre le rackett et l’escroquerie et appellent l’ensemble des universitaires et des étudiant.e.s à se mobiliser contre cette attaque sans précédent qui pourrait être le coup de grâce, le Big Crunch qui achèvera d’atomiser l’enseignement supérieur public en France. Alors ils le disent certes avec leurs demi-mots de demi-mous adeptes de conversations de salon plus que de Saloon, mais je vous promets que c’est l’idée. Et pour que France Universités (anciennement la CPU, Conférence des Président.e.s d’Université) se fende d’un communiqué de presse critiquant la politique du gouvernement, il faut que celui-ci ait repoussé tous les seuils de la maltraitance et du mépris. Si France Université avait été à bord du Titanic, ils auraient commencé à s’alarmer de la montée du niveau de l’eau le lendemain du naufrage et auraient demandé poliment la création d’un colloque sur l’habitat partagé entre les icebergs et les navires. Qu’ils commencent à gueuler aujourd’hui est peut-être ce qui dit le mieux l’urgence de la mobilisation contre cet effondrement.

      https://affordance.framasoft.org/2023/09/retailleau-et-le-fonds-de-roulement-des-universites-dans-la-fa

  • Une #université a tué une #librairie

    Une université vient de tuer une librairie. Le #libéralisme a fourni l’arme. Les codes des marchés ont fourni la balle. Et l’université, après avoir baissé les yeux, a appuyé sur la détente.

    Cette université c’est “mon” université, Nantes Université. Cette librairie c’est la librairie Vent d’Ouest, une librairie “historique”, présente dans le centre de Nantes depuis près de 47 années et travaillant avec l’université depuis presqu’autant de temps.

    Une université vient de tuer une librairie. Nantes Université travaillait, pour ses #commandes d’ouvrages (et une université en commande beaucoup …) avec principalement deux #librairies nantaises, Durance et Vent d’Ouest. Pour Vent d’Ouest, cela représentait une trésorerie d’environ 300 000 euros par an, 15% de son chiffre d’affaire. Une ligne de vie pour les 7 salariés de la libraire. Et puis Vent d’Ouest perd ce marché. Du jour au lendemain. Sans même un appel, une alerte ou une explication en amont de la décision de la part de Nantes Université.

    À qui est allé ce marché ? Au groupe #Nosoli, basé à Lyon, qui s’auto-présente comme le “premier libraire français indépendant multi-enseignes” (sic) et qui donc concrètement a racheté les marques et magasins #Decitre et #Furet_du_Nord (et récemment Chapitre.com) et dont le coeur de métier est bien davantage celui de la #logistique (#supply_chain) que celui de la librairie.

    Pourquoi Nosoli a-t-il remporté ce #marché ? Et pourquoi Nantes Université va devoir commander à des librairies Lyonnaises des ouvrages pour … Nantes ? Parce que le code des #marchés_publics. Parce que l’obligation de passer par des #appels_d’offre. Parce le code des marchés publics et des appels d’offre est ainsi fait que désormais (et depuis quelques temps déjà) seuls les plus gros sont en capacité d’entrer dans les critères définis. Parce que les critères définis (par #Nantes_Université notamment) visent bien sûr à faire des #économies_d’échelle. À payer toujours moins. Parce que bien sûr, sur ce poste de dépenses budgétaires comme sur d’autres il faut sans cesse économiser, rogner, négocier, batailler, parce que les universités sont exangues de l’argent que l’état ne leur donne plus et qu’il a converti en médaille en chocolat de “l’autonomie”. Parce qu’à ce jeu les plus gros gagnent toujours les appels d’offre et les marchés publics. C’est même pour cela qu’ils sont gros. Et qu’ils enflent encore. [mise à jour] Mais ici pour ce marché concernant des #livres, ce n’est pas le critère du #prix qui a joué (merci Jack Lang et la prix unique) mais pour être parfaitement précis, c’est le critère du #stock qui, en l’espèce et malgré le recours en justice de la librairie Vent d’Ouest, et bien qu’il soit reconnu comme discriminatoire par le ministère de la culture (en page 62 du Vade Mecum édité par le ministère sur le sujet de l’achat de livres en commande publique), a été décisif pour permettre à Nosoli de remporter le marché. [/mise à jour]

    Alors Nosoli le groupe lyonnais a gagné le marché de Nantes Université. Et les librairies nantaises Durance et Vent d’Ouest ont perdu. Et quelques mois après la perte de ce marché, la librairie Vent d’Ouest va fermer.

    On pourrait s’en réjouir finalement, ou même s’en foutre totalement. Après tout, Nantes Université va faire des #économies. Après tout une librairie qui ferme à Nantes et 7 salariés qui se trouvent sur le carreau c’est (peut-être) 7 personnes du service logistique du groupe Nosoli qui gardent leur emploi. Et puis quoi, une librairie qui ferme à Nantes mais il y en a 6 qui ont ouvert sur les deux dernières années à Nantes. Alors quoi ?

    Alors une université vient de tuer une librairie. Et quand on discute avec les gens qui, à Nantes Université, connaissent autrement que comptablement la réalité de ce qu’était le #marché_public passé avec Durance et Vent d’Ouest, et quand on échange avec celles et ceux qui ont l’habitude, à l’université ou ailleurs, de travailler avec le groupe Nosoli, on entend toujours la même chose : rien jamais ne remplacera la #proximité. Parce qu’avec Durance et Vent d’Ouest les échanges étaient souples, réactifs, pas (trop) systématiquement réglementaires, parce que les gens qui dans les bibliothèques de l’université commandaient les ouvrages connaissaient les gens qui dans les librairies les leur fournissaient, et qu’en cas de souci ils pouvaient même s’y rendre et les croiser, ces gens. Et on entend, en plus de l’aberration écologique, logistique, et sociétale, que les commandes avec le groupe Nosoli sont usuellement et comme avec tout grand groupe logistique … complexes, lentes, difficilement négociables et rattrapables, sans aucune souplesse, sans aucune écoute ou connaissance des besoins fins de l’université “cliente”. Voilà ce que l’on entend, entre autres choses plus âpres et plus en colère.

    Une université vient de tuer une librairie. Et ça fait tellement chier. C’est tellement anormal. Tellement schizophrène. Le même jour que celui où j’ai appris l’annonce de la fermeture définitive de la libraire Vent d’Ouest, j’ai aussi reçu un message de Nantes Université m’informant que, champagne, l’université venait – comme 14 autres universités – de remporter un appel à projet de plus de 23 millions d’euros. La cagnotte lancée par la libraire Vent d’Ouest après la perte du marché de Nantes Université lui avait rapporté quelques milliers d’euros qui lui avaient permis de retarder sa fermeture de cinq mois.

    Vivre à l’université, travailler à Nantes Université, c’est être tous les jours, à chaque instant et sur chaque sujet, confronté au même type de #schizophrénie. D’un côté on collecte des dizaines de millions d’euros dans de toujours plus nébuleux appels à projets, et de l’autre on gère la misère et la détresse. Et on ferme sa gueule. Parce que ne pas se réjouir de l’obtention de ces 23 millions d’euros c’est être un pisse-froid et c’est aussi mépriser le travail (et l’épuisement) des équipes qui pilotent (et parfois remportent) ces appels à projets. Oui mais voilà. À Nantes Université on organise des grandes fêtes de rentrée et on donnez rendez-vous à la prochaine #distribution_alimentaire, la #fête mais la #précarité. Et l’on fait ça tous les jours. Toutes les universités françaises organisent ou ont organisé des #distributions_alimentaires, et toutes les universités françaises remportent ou ont remporté des appels à projet de dizaines de millions d’euros. Mais les financements qui permettraient de recruter des collègues enseignants chercheurs ou des personnels techniques et administratifs en nombre suffisant, et de les recruter comme titulaires, pour garantir un fonctionnement minimal normal, ces financements on ne les trouve jamais. Mais les financements qui permettraient d’éviter de fermer une librairie avec qui l’université travaille depuis des dizaines d’années et d’éviter de mettre 7 personnes au chômage, on ne les trouve jamais. Mais les financements qui permettraient à tous les étudiant.e.s de manger tous les jours à leur faim, on ne les trouve jamais. Mais les financements qui permettraient à l’UFR Staps de Nantes Université de faire sa rentrée on ne les trouve jamais. Mais les financements qui permettraient aux collègues de la fac de droit de Nantes Université de ne pas sombrer dans l’#épuisement_au_prix et au risque de choix mortifières pour eux comme pour les étudiant.e.s on ne les trouve jamais. Mais les financements qui permettraient aux collègues de l’IAE de Nantes Université de ne pas s’enfoncer dans le #burn-out, ces financements on ne les trouve jamais. Il n’y a pas d’appel à projet à la solidarité partenariale. Il n’y a pas d’appel à projet à la lutte contre la #misère_étudiante. Il n’y a pas d’appel à projet pour permettre à des milliers de post-doctorants d’espérer un jour pouvoir venir enseigner et faire de la recherche à l’université. Il n’y pas d’appel à projet pour sauver l’université publique. Il n’y en a pas.

    Il n’y a pas d’appel à projet pour la normalité des choses. Alors Nantes Université, comme tant d’autres, est uniquement traversée par des #régimes_d’exceptionnalité. #Exceptionnalité des financements obtenus dans quelques appels à projets qui font oublier tous les autres appels à projet où l’université se fait retoquer. Exceptionnalité des #crises que traversent les étudiant.e.s, les formations et les #personnels de l’université. Exceptionnalité des mesures parfois prises pour tenter d’en limiter les effets. Dans nos quotidiens à l’université, tout est inscrit dans ces #logiques_d’exceptionnalité, tout n’est lisible qu’au travers de ces #matrices_d’exceptionnalité. Exceptionnalité des financements. Exceptionnalité des crises. Exceptionnalité des remédiations.

    Une université vient de tuer une librairie. Cela n’est pas exceptionnel. C’est devenu banal. Voilà l’autre danger de ces régimes d’exceptionnalité permanents : ils inversent nos #représentations_morales. Ce qui devrait être exceptionnel devient #banal. Et ce qui devrait être banal (par exemple qu’une université publique reçoive des dotations suffisantes de l’état pour lui permettre d’exercer sa mission d’enseignement et de recherche), est devenu exceptionnel.

    Une université vient de tuer une librairie. Dans le monde qui est le nôtre et celui que nous laissons, il n’est que des #dérèglements. Et si celui du climat dicte déjà tous les autres #effondrements à venir, nous semblons incapables de penser nos relations et nos institutions comme autant d’écosystèmes dans lesquels chaque biotope est essentiel aux autres. Nantes Université a tué la libraire Vent d’Ouest. Le mobile ? L’habitude. L’habitude de ne pas mener les combats avant que les drames ne se produisent. L’habitude de se résigner à appliquer des règles que tout le monde sait pourtant ineptes. L’habitude du renoncement à l’attention à l’autre, au plus proche, au plus fragile, dès lors que l’on peut se réjouir de l’attention que nous portent tant d’autres. L’#habitude d’aller chercher si loin ce que l’on a pourtant si près.

    Une université vient de tuer une librairie. Le libéralisme a fourni l’arme. Les codes des marchés ont fourni la balle. L’habitude a fourni le mobile. Et l’université, après avoir baissé les yeux, a froidement appuyé sur la détente.

    https://affordance.framasoft.org/2023/09/une-universite-a-tue-une-librairie

    #ESR #enseignement_supérieur

  • Où le #classement_de_Shanghaï mène-t-il l’#université française ?

    Le classement de #Shanghaï, dont les résultats sont publiés mardi 15 août, a façonné une idée jamais débattue de l’« #excellence ». Des universitaires appellent à définir « une vision du monde du savoir » propre au service public qu’est l’enseignement supérieur français.

    Des universités à la renommée mondiale qui attirent les meilleurs étudiants, les chercheurs les plus qualifiés et les partenaires financiers les plus magnanimes : depuis l’avènement des classements internationaux dans l’#enseignement_supérieur, il y a vingt ans, la quête d’une certaine idée de l’« excellence » a intégré le vocabulaire universitaire, jusqu’à se muer en un projet politique.

    En France, en août 2003, la première édition du classement de Shanghaï, qui publie mardi 15 août son édition 2023, a été un coup de tonnerre : ignorant les subtilités administratives hexagonales et la tripartition entre #universités, grandes écoles et organismes de recherche, le palmarès n’avait distingué dans son top 50 aucun des fleurons nationaux. Piqués au vif, les gouvernements successifs se sont engouffrés dans la brèche et ont cherché les outils pour se conformer aux #standards. En 2010, le président de la République, #Nicolas_Sarkozy, avait fixé à sa ministre de l’enseignement supérieur, #Valérie_Pécresse, un #objectif précis : placer deux établissements français dans les 20 premiers mondiaux et 10 parmi les 100 premiers du classement de Shanghaï.

    La loi relative aux libertés et responsabilités des universités, votée en 2007, portait alors ses premiers fruits, présentés en personne par Mme Pécresse, en juillet 2010, aux professeurs #Nian_Cai_Liu et #Ying_Cheng, les deux créateurs du classement. Les incitations aux #regroupements entre universités, grandes écoles et organismes de recherche ont fleuri sous différents noms au gré des appels à projets organisés par l’Etat pour distribuer d’importants investissements publics (#IDEX, #I-SITE, #Labex, #PRES, #Comue), jusqu’en 2018, avec le nouveau statut d’#établissement_public_expérimental (#EPE). Toutes ces tactiques politiques apparaissent comme autant de stigmates français du palmarès chinois.

    Ces grandes manœuvres ont été orchestrées sans qu’une question fondamentale soit jamais posée : quelle est la vision du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche que véhicule le classement de Shanghaï ? Lorsqu’il a été conçu, à la demande du gouvernement chinois, le palmarès n’avait qu’un objectif : accélérer la #modernisation des universités du pays en y calquant les caractéristiques des grandes universités nord-américaines de l’#Ivy_League, Harvard en tête. On est donc très loin du #modèle_français, où, selon le #code_de_l’éducation, l’université participe d’un #service_public de l’enseignement supérieur.

    « Société de marché »

    Pour la philosophe Fabienne Brugère, la France continue, comme la Chine, de « rêver aux grandes universités américaines sans être capable d’inventer un modèle français avec une #vision du savoir et la perspective d’un bonheur public ». « N’est-il pas temps de donner une vision de l’université ?, s’interroge-t-elle dans la revue Esprit (« Quelle université voulons-nous ? », juillet-août 2023, 22 euros). J’aimerais proposer un regard décalé sur l’université, laisser de côté la question des alliances, des regroupements et des moyens, pour poser une condition de sa gouvernance : une #vision_du_monde_du_savoir. »

    Citant un texte du philosophe Jacques Derrida paru en 2001, deux ans avant le premier classement de Shanghaï, la professeure à Paris-VIII définit l’université comme « inconditionnelle, en ce qu’elle peut #repenser_le_monde, l’humanité, élaborer des #utopies et des #savoirs nouveaux ». Or, « vingt ans après, force est de constater que ce texte reste un objet non identifié, et que rien dans le paysage universitaire mondial ne ressemble à ce qu’il projette, regrette Fabienne Brugère. Les grandes universités américaines que nous admirons et dans lesquelles Derrida a enseigné sont habitées par la société de marché ».

    Ironie du sort, c’est justement l’argent qui « coule à flots » qui garantit dans ces établissements de l’hyperélite des qualités d’étude et de bon encadrement ainsi qu’une administration efficace… Autant de missions que le service public de l’université française peine tant à remplir. « La scholè, le regard scolastique, cette disposition à l’étude, ce temps privilégié et déconnecté où l’on apprend n’est possible que parce que la grande machine capitaliste la fait tenir », déplore Mme Brugère.

    En imposant arbitrairement ses critères – fondés essentiellement sur le nombre de #publications_scientifiques en langue anglaise, de prix Nobel et de médailles Fields –, le classement de Shanghaï a défini, hors de tout débat démocratique, une #vision_normative de ce qu’est une « bonne » université. La recherche qui y est conduite doit être efficace économiquement et permettre un #retour_sur_investissement. « Il ne peut donc y avoir ni usagers ni service public, ce qui constitue un #déni_de_réalité, en tout cas pour le cas français », relevait le sociologue Fabien Eloire dans un article consacré au palmarès, en 2010. Est-il « vraiment raisonnable et sérieux de chercher à modifier en profondeur le système universitaire français pour que quelques universités d’élite soient en mesure de monter dans ce classement ? », questionnait le professeur à l’université de Lille.

    Derrière cet effacement des #spécificités_nationales, « une nouvelle rhétorique institutionnelle » s’est mise en place autour de l’« #économie_de_la_connaissance ». « On ne parle plus de “l’#acquisition_du_savoir”, trop marquée par une certaine #gratuité, mais de “l’#acquisition_de_compétences”, efficaces, directement orientées, adaptatives, plus en phase avec le discours économique et managérial », concluait le chercheur.

    Un poids à relativiser

    A y regarder de plus près, Shanghaï et les autres classements internationaux influents que sont les palmarès britanniques #QS_World_University_Rankings (#QS) et #Times_Higher_Education (#THE) valorisent des pays dont les fleurons n’accueillent finalement qu’un effectif limité au regard de leur population étudiante et du nombre total d’habitants. Le poids réel des « #universités_de_prestige » doit donc être relativisé, y compris dans les pays arrivant systématiquement aux tout premiers rangs dans les classements.

    Pour en rendre compte, Le Monde a listé les 80 universités issues de 16 pays qui figuraient en 2022 parmi les 60 premières des classements QS, THE et Shanghaï. Grâce aux sites Internet des établissements et aux données de Campus France, le nombre total d’étudiants dans ces universités a été relevé, et mis en comparaison avec deux autres statistiques : la démographie étudiante et la démographie totale du pays.

    Le cas des Etats-Unis est éclairant : ils arrivent à la 10e position sur 16 pays, avec seulement 6,3 % des étudiants (1,2 million) dans les 33 universités classées, soit 0,36 % de la population américaine.

    Singapour se place en tête, qui totalise 28,5 % des étudiants inscrits (56 900 étudiants) dans les huit universités de l’hyperélite des classements, soit 0,9 % de sa population. Suivent Hongkong, avec 60 500 étudiants dans quatre universités (20,7 % des étudiants, 0,8 % de sa population), et la Suisse, avec 63 800 étudiants dans trois établissements (19,9 % des étudiants, 0,7 % de sa population).

    Avec 98 600 étudiants dans quatre universités classées (Paris-Saclay, PSL, Sorbonne Université, Institut polytechnique de Paris), la France compte 3,2 % des étudiants dans l’hyperélite universitaire mondiale, soit 0,1 % de la population totale.

    La Chine arrive dernière : 255 200 étudiants sont inscrits dans les cinq universités distinguées (Tsinghua, Peking, Zhejiang, Shanghai Jiao Tong et Fudan), ce qui représente 0,08 % de sa population étudiante et 0,018 % de sa population totale.

    https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/08/14/ou-le-classement-de-shanghai-mene-t-il-l-universite-francaise_6185365_440146

    #compétences #critique

    • Classement de Shanghaï 2023 : penser l’enseignement supérieur en dehors des palmarès

      Depuis vingt ans, les responsables politiques français ont fait du « standard » de Shanghaï une clé de #réorganisation des établissements d’enseignement supérieur. Mais cet objectif d’inscription dans la #compétition_internationale ne peut tenir lieu de substitut à une #politique_universitaire.

      Comme tous les classements, celui dit « de Shanghaï », censé comparer le niveau des universités du monde entier, suscite des réactions contradictoires. Que les championnes françaises y soient médiocrement placées, et l’on y voit un signe de déclassement ; qu’elles y figurent en bonne place, et c’est le principe du classement qui vient à être critiqué. Le retour de l’université française Paris-Saclay dans le top 15 de ce palmarès de 1 000 établissements du monde entier, établi par un cabinet chinois de consultants et rendu public mardi 15 août, n’échappe pas à la règle. Au premier abord, c’est une bonne nouvelle pour l’enseignement supérieur français, Paris-Saclay se hissant, derrière l’américaine Harvard ou la britannique Cambridge, au rang de première université non anglo-saxonne.

      Pourtant, ce succès apparent pose davantage de questions qu’il n’apporte de réponses sur l’état réel de l’enseignement supérieur français. Certes, la montée en puissance du classement chinois, créé en 2003, a participé à l’indispensable prise de conscience de l’inscription du système hexagonal dans un environnement international concurrentiel. Mais les six critères qui président arbitrairement à ce « hit-parade » annuel, focalisés sur le nombre de prix Nobel et de publications dans le seul domaine des sciences « dures », mais qui ignorent étrangement la qualité de l’enseignement, le taux de réussite ou d’insertion professionnelle des étudiants, ont conforté, sous prétexte d’« excellence », une norme restrictive, au surplus indifférente au respect des libertés académiques, politique chinoise oblige.

      Que les responsables politiques français aient, depuis vingt ans, cédé à ce « standard » de Shanghaï au point d’en faire une clé de réorganisation des établissements d’enseignement supérieur ne laisse pas d’étonner. Le principe « grossir pour être visible » (dans les classements internationaux) a servi de maître mot, il est vrai avec un certain succès. Alors qu’aucun établissement français ne figurait dans les cinquante premières places en 2003, ils sont trois aujourd’hui. Paris-Saclay résulte en réalité de la fusion d’une université, de quatre grandes écoles et de sept organismes de recherche, soit 13 % de la recherche française.

      Mais cette politique volontariste de #fusions à marche forcée, soutenue par d’importants crédits, n’a fait qu’alourdir le fonctionnement des nouvelles entités. Surtout, cette focalisation sur la nécessité d’atteindre à tout prix une taille critique et de favoriser l’excellence n’a fait que masquer les #impensés qui pèsent sur l’enseignement supérieur français : comment améliorer la #qualité de l’enseignement et favoriser la réussite du plus grand nombre ? Quid du dualisme entre universités et grandes écoles ? Quelles sources de financement pour éviter la paupérisation des universités ? Comment éviter la fuite des chercheurs, aux conditions de travail de plus en plus difficiles ? Et, par-dessus tout : quel rôle dans la construction des savoirs dans un pays et un monde en pleine mutation ?

      A ces lourdes interrogations, l’#obsession du classement de Shanghaï, dont le rôle de promotion des standards chinois apparaît de plus en plus nettement, ne peut certainement pas répondre. Certes, l’enseignement supérieur doit être considéré en France, à l’instar d’autres pays, comme un puissant outil de #soft_power. Mais l’objectif d’inscription dans la compétition internationale ne peut tenir lieu de substitut à une politique universitaire absente des débats et des décisions, alors qu’elle devrait y figurer prioritairement.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/15/classement-de-shanghai-2023-penser-l-enseignement-superieur-en-dehors-des-pa

    • Au même temps, #Emmanuel_Macron...

      Avec 27 universités représentées, le classement de Shanghai met à l’honneur l’excellence française.

      Acteurs de l’enseignement et de la recherche : merci !

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    • Classement de Miamïam des universités françaises.

      Ayé. Comme chaque année le classement de Shangaï est paru. Et l’auto-satisfecit est de mise au sommet de l’état (Macron, Borne, et bien sûr Oui-Oui Retailleau). Imaginez un peu : 27 de nos établissements français (universités et grandes écoles) y figurent.

      Rappel pour les gens qui ne sont pas familiers de ces problématiques : le classement de Shangaï est un classement international très (mais vraiment très très très) sujet à caution, qui s’est imposé principalement grâce à une bonne stratégie marketing (et à un solide lobbying), et qui ne prend en compte que les publications scientifiques des enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses de l’université : ce qui veut dire qu’il ne regarde pas “l’activité scientifique” dans sa globalité, et que surtout il n’en a rien à secouer de la partie “enseignement” ni, par exemple, du taux de réussite des étudiants et étudiantes. C’est donc une vision a minima hémiplégique de l’université. Il avait été créé par des chercheurs de l’université de Shangaï comme un Benchmark pour permettre aux université chinoises d’essayer de s’aligner sur le modèle de publication scientifique des universités américaines, donc dans un contexte très particulier et avec un objectif politique de soft power tout à fait explicite. Ces chercheurs ont maintenant créé leur boîte de consultants et se gavent en expliquant aux universités comment l’intégrer. L’un des co-fondateurs de ce classement explique notamment : “Avant de fusionner, des universités françaises nous ont demandé de faire une simulation de leur future place dans le classement“.

      Bref du quantitatif qui vise à souligner l’élitisme (pourquoi pas) et qui n’a pour objet que de le renforcer et se cognant ostensiblement de tout paramètre qualitatif a fortiori si ce qualitatif concerne les étudiant.e.s.

      Mais voilà. Chaque été c’est la même tannée et le même marronier. Et les mêmes naufrageurs de l’action publique qui se félicitent ou se navrent des résultats de la France dans ledit classement.

      Cette année c’est donc, champagne, 27 établissements français qui se retrouvent “classés”. Mal classés pour l’essentiel mais classés quand même : les 4 premiers (sur la jolie diapo du service comm du gouvernement) se classent entre la 16ème (Paris-Saclay) et la 78ème place (Paris Cité) et à partir de la 5ème place (sur la jolie diapo du service comm du gouvernement) on plonge dans les limbes (Aix-Marseille est au-delà de la 100ème place, Nantes au-delà de la 600ème). Alors pourquoi ce satisfecit du gouvernement ? [Mise à jour du 16 août] Auto-satisfecit d’ailleurs étonnant puisque si l’on accorde de la valeur à ces classements, on aurait du commencer par rappeler qu’il s’agit d’un recul : il y avait en effet 30 établissements classés il y a deux ans et 28 l’année dernière. Le classement 2023 est donc un recul. [/mise à jour du 16 août]

      Non pas parce que les chercheurs sont meilleurs, non pas parce que la qualité de la recherche est meilleure, non pas parce que les financements de la recherche sont plus importants et mieux dirigés, mais pour deux raisons principales.

      La première raison est que depuis plusieurs années on s’efforce d’accroître le “rendement” scientifique des personnels en vidant certaines universités de leurs activités et laboratoires de recherche (et en y supprimant des postes) pour le renforcer et le concentrer dans (très peu) d’autres universités. C’est le grand projet du libéralisme à la française qui traverse les présidences de Sarkozy à Macron en passant par Hollande : avoir d’un côté des université “low cost” dans lesquelles on entasserait les étudiant.e.s jusqu’à bac+3 et où on ferait le moins de recherche possible, et de l’autre côté des “universités de recherche et d’excellence” où on n’aurait pas grand chose à foutre de la plèbe étudiante et où on commencerait à leur trouver un vague intérêt uniquement à partir du Master et uniquement pour les meilleur.e.s et uniquement dans certains domaines (genre pas en histoire de l’art ni en études littéraires ni dans la plupart des sciences humaines et sociales).

      La seconde raison de ce “bon” résultat est que les universités se sont regroupées administrativement afin que les publications de leurs chercheurs et chercheuses soient mieux prises en compte dans le classement de Shangaï. Exemple : il y a quelques années, il y avait plusieurs sites universitaires dans les grandes villes. Chaque site était celui d’une discipline ou d’un regroupement de discipline. On avait à Toulouse, à Nantes et ailleurs la fac de droit, la fac de sciences, la fac de lettres, etc. Et les chercheurs et chercheuses de ces universités, quand ils publiaient des articles dans des revues scientifiques, “signaient” en s’affiliant à une institution qui était “la fac de sciences de Toulouse Paul Sabatier” ou “la fac de lettre de Toulouse le Mirail” ou “la fac de droit de Toulouse”. Et donc au lieu d’avoir une seule entité à laquelle rattacher les enseignants-chercheurs on en avait trois et on divisait d’autant les chances de “l’université de Toulouse” de monter dans le classement.

      Donc pour le dire rapidement (et sans pour autant remettre en cause l’excellence de la recherche française dans pas mal de disciplines, mais une excellence dans laquelle les politiques publiques de ce gouvernement comme des précédents ne sont pas pour grand-chose), la France gagne des places dans le classement de Shangaï d’une part parce qu’on s’est aligné sur les règles à la con dudit classement, et d’autre part parce qu’on a accepté de sacrifier des pans entiers de financements publics de la recherche dans certains secteurs (notamment en diminuant drastiquement le nombre de postes disponibles).

      Allez je vous offre une petite comparaison. Évaluer la qualité de l’université et de la recherche française à partir du classement de Shangaï c’est un peu comme si on prétendait évaluer la qualité de la gastronomie française à partir d’un référentiel établi par Mac Donald : on serait rapidement en capacité de comprendre comment faire pour gagner des places, mais c’est pas sûr qu’on mangerait mieux.

      Je vous propose donc un classement alternatif et complémentaire au classement de Shangaï : le classement de Miamïam. Bien plus révélateur de l’état actuel de l’université française.
      Classement de Miamïam.

      Ce classement est simple. Pour y figurer il faut juste organiser des distributions alimentaires sur son campus universitaire.

      Le résultat que je vous livre ici est là aussi tout à fait enthousiasmant [non] puisqu’à la différence du classement de Shangaï ce sont non pas 27 universités et établissements mais (au moins) 40 !!! L’excellence de la misère à la française.

      Quelques précisions :

      – ce classement n’est pas exhaustif (j’ai fait ça rapidement via des requêtes Google)
      – l’ordre des universités ne signifie rien, l’enjeu était juste de lister “l’offre” qu’elles proposaient sans prendre en compte l’ancienneté ou la fréquence de ces distributions ni le nombre d’étudiant.e.s touché.e.s
      - ce classement est très en dessous de la réalité : par exemple je n’ai inscrit qu’une seule fois l’université de Nantes alors que des distributions alimentaires sont aussi organisées sur son campus de la Roche sur Yon. Beaucoup des universités présentes dans ce classement organisent en fait des distributions alimentaires sur plusieurs de leurs campus et devraient donc y figurer 2, 3 ou 4 fois au moins.
      - je me suis autorisé, sans la solliciter, à utiliser comme crédit image la photo de Morgane Heuclin-Reffait pour France Info, j’espère qu’elle me le pardonnera.

      [Mise à jour du 16 Août]

      On invite aussi le gouvernement à regarder le classement du coût de la vie pour les étudiantes et étudiants : en constante augmentation, et atteignant une nouvelle fois, pour cette population déjà très précaire, des seuils d’alerte indignes d’un pays civilisé.

      Enfin on pourra, pour être complet dans la recension de l’abandon politique de l’université publique, signaler la stratégie de mise à mort délibérée par asphyxie conduite par les gouvernements successifs depuis plus de 15 ans. Extrait :

      “En dix ans, le nombre de recrutements d’enseignants-chercheurs titulaires a diminué de près de moitié, avec 1 935 ouvertures de poste en 2021, contre 3 613 en 2011. En 2022, on enregistre un léger sursaut, avec 2 199 postes de professeur d’université et de maître de conférences ouverts.

      La situation est d’autant plus paradoxale que les universités se vident de leurs enseignants-chercheurs chevronnés, avec un nombre de départs à la retraite en hausse de + 10,4 % en 2021 et de + 10,5 % en 2022, selon une note statistique du ministère publiée en juin. Un avant-goût de la décennie qui vient, marquée par des départs massifs de la génération du baby-boom : entre 2021 et 2029, le ministère prévoit une augmentation de 53 % en moyenne, et de 97 % en sciences – le bond le plus élevé.“

      https://affordance.framasoft.org/2023/08/classement-shangai-miam-miam

  • Un mort. Deux cagnottes. Le prix du dommage, le poids des intérêts. – affordance.info
    https://affordance.framasoft.org/2023/07/un-mort-deux-cagnottes-le-prix-du-dommage-le-poids-des-interet

    Mais la question fondamentale que posent ces cagnottes c’est celle, complexe mais essentielle en droit, de l’indemnisation des victimes. Celle des dommages et intérêts. Dans le cas de la cagnotte mise en place pour “la famille” du “policier de Nanterre” mais aussi et surtout essentiellement donc pour le policier lui-même tant qu’il n’est pas condamné en droit, l’indemnisation (mais de quoi d’ailleurs ? de quel type de préjudice ?) est déjà posée, arbitrée, obtenue. Elle n’obéit plus à aucune proportionnalité du “préjudice” (ce qui aurait éventuellement pu être le cas s’il avait déjà été jugé et condamné et donc privé de ses revenus, ou si elle n’avait eu pour vocation que de couvrir ses frais de justice par exemple). Elle n’est plus une affaire de dommages mais n’est qu’une affaire d’intérêts. Cette indemnisation ne sert que l’intérêt d’une mouvance politique d’extrême-droite et elle n’a plus rien à voir avec une quelconque rationalité de l’analyse d’un dommage.

    La cagnotte en soutien de “la famille” de Nahel, et celle fois le terme est approprié car Nahel a été tué, s’inscrit dans un horizon différent ; d’abord elle relève principalement de ce “marché de la pitié” (mercy market) qui fait le succès de nombre d’actions de crowdfunding, et l’on peut s’en désoler en constatant qu’en effet la justice peine tant à indemniser les victimes à hauteur des préjudices subis. Et qu’une nouvelle fois les indemnités des populations pauvres et/ou racisées s’ajoutent à un contexte intersectionnel déjà bien lourd. Enfin elle est, par comparaison avec la machine médiatique et politique qui sous-tend la cagnotte de Messiha et de l’extrême-droite, une autre forme de double peine. Au sens plein et littéral de la peine.

    L’arrivée de ces cagnottes comme un halo désormais indissociable de tout action judiciaire médiatisée, rend l’exercice plein de la justice d’une complexité encore plus délicate qu’il ne l’était déjà sans elles. Elle achève d’ôter le sens qui restait encore à la question de l’indemnisation des victimes au titre de leurs dommages et intérêts. Elles n’entendent comme dommage que ce qui est en capacité de susciter l’intérêt.

    S’il y a plusieurs drames dans cette affaire, il n’y a qu’un seul mort, et qu’une seule victime. Il est dommage que dans ce champ si trouble de la condamnation et – plus rarement – de la réparation médiatique, jamais ne prime entièrement l’intérêt seul de la victime.

    Voyez d’ailleurs pour vous en convaincre que la plupart des articles (presse, radio, télé) revenant sur l’opposition entre ces deux cagnottes mentionnent toujours très explicitement soit le lien vers celle de Jean Messiha soit les éléments permettant d’y accéder aisément en termes de référencement (la plateforme GoFUndMe, le titre de la cagnotte, le nom de Jean Messiha) alors que les mêmes articles font souvent silence de ces mêmes éléments ou du lien direct permettant d’accéder à celle de soutien à la famille de Nahel.

    Le problème de ces cagnottes en ligne dans le cadre d’affaire judiciaires n’est pas tant leur cadre légal (qui peut et doit toujours être interrogé). Le problème de ces cagnottes c’est ce qu’elles disent de la rupture notre contrat social qui fait de l’indemnisation d’un crime, une variable économique comme une autre ; une variable sensible à tout ce que l’activité des travailleurs judiciaires et le corpus de notre droit s’efforcent de mettre de côté tant ils savent que la prise en compte de tels critères ont peu à voir avec le fait de rendre la justice mais tout à voir avec la possibilité offerte à chacun de se faire justice.

    Ce qui crève l’écran et ce dont on crève en le voyant, ce n’est pas le million d’euros promis à un policier qui a tué un jeune homme de 17 ans à bout portant en dehors de toute forme de légitime défense (pour autant qu’on puisse à ce jour l’apprécier) ; ce qui crève l’écran et ce dont on crève, c’est la boursouflure millionaire d’une extrême droite qui administre sa justice médiatique indemnitaire au mépris de toute forme de droit et au service d’un unique agenda de la violence et de l’embrasement.