The Needle Touches the Cylinder

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  • Mircea Cărtărescu • Solénoïde • Chap. 20 • Que peut la littérature face aux trous noirs ?
    https://www.youtube.com/watch?v=Mr_EfY9QgKg

    On voudrait pouvoir le dire simplement : parmi les contemporains, on n’a jamais rien lu de si grand que Solénoïde, de Mircea Cărtărescu - superbement traduit par Laure Hinckel. Tout y est. Et encore le reste. Tout s’y trouve qu’on ne savait plus avoir perdu. Tout ce qu’on n’imaginait même pas possible du livre. Que peut la littérature face aux trous noirs ? Peut-être rien. Et c’est pourquoi Cărtărescu est le grand maître de « l’art de ne pas écrire de livres ». Un immense génie.
    Bien sûr, vous devez tout lire. Mais en attendant, on partage le chapitre 20 de Solénoïde, si beau, si troublant, si parfait, comme toutes ses autres pages.

    « Chacun portera entre ses bras sa propre peau écrite recto verso, dont le Seigneur fera, en les assemblant entre les couvertures de la naissance et de la mort, le grand livre de la souffrance humaine.
    Une de ces pages, voilà ce que cet écrit devrait être, une des milliards de peaux d’hommes couvertes de lettres infectées, suppurantes, du livre de l’horreur de vivre. Anonyme et identique à toutes les autres. Car mes anomalies, même très inhabituelles, sont loin d’égaler l’anomalie tragique de l’esprit revêtu de chair. Et ce que je voudrais que tu lises sur ma peau, toi qui ne le liras pourtant jamais, ce serait seulement un cri un seul répété à chaque page : « Fuis ! Cours ! Rappelle-toi que tu n’es pas d’ici ! » Je n’écris pourtant même pas pour que quelqu’un lise ça, mais pour tenter de comprendre ce qui m’arrive, dans quel labyrinthe je me trouve, à quel test je suis soumis et comment je dois répondre pour en réchapper vivant. En écrivant sur mon passé et sur mes anomalies et sur ma vie translucide à travers laquelle on voit une architecture pétrifiée, j’essaie de déchiffrer les règles du jeu dans lequel je me suis retrouvé, de distinguer les signes, de les mettre bout à bout et de voir vers quoi ils tendent, et de me diriger dans cette direction. Aucun livre n’a de sens s’il n’est pas un Évangile. Le condamné à mort pourrait bien avoir les murs de sa cellule couverts de livres tous exceptionnels, mais ce qu’il lui faut, c’est un plan d’évasion. »

    Musiques :
    – Dalibor Baric, The Needle Touches the Cylinder : https://youtu.be/7FEThlIJL_s


    – Dalibor Baric, Antireality : https://youtu.be/uHna8FQ9cTA

    #livreaudio #LAPNJD