• Une ville oubliée et le plus vieux texte en langue basque découverts en Navarre
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    Une importante découverte révélée ce lundi en Navarre, près de Pampelune. Des chercheurs ont identifié une main en bronze datant du Ier siècle avant J.C. avec quatre lignes écrites en "proto-basque". Les chercheurs ont aussi mis à jour un véritable village probablement rasé suite à une invasion.


    La main en bronze avec le texte en caractères ibériques. - Aranzadi Zientzia Elkartea

    Une main en bronze, et quatre lignes écrites en "vascon" ou en "proto-basque" sur la paume de cette main. C’est la découverte majeure qu’a réalisé la société savante Aranzadi en 2021 mais qu’elle n’a rendue publique que ce lundi 14 novembre 2022. Le texte écrit dans cette "langue vasconne" serait le plus ancien découvert à ce jour, et le premier mot écrit "sorioneku" ne laisse aucun doute quant à sa parenté avec la langue basque actuelle, tout comme les autres mots de cette phrase. La preuve que le proto-basque était utilisé près de Pampelune dès le 1er siècle avant Jésus-Christ, mais aussi que les populations savaient l’écrire et le lire.

    Les recherches sur cette colline nommée Irulegi, à une dizaine de kilomètres à l’est de Pampelune, ont commencé en 2007 sur les ruines d’un château du Moyen-Âge. Une deuxième campagne entamée en 2018 a déjà mis à jour, en 2020, les restes d’un enfant, deux maisons et une rue qui datent de l’âge de fer, soit il y a 2100 ans. Les chercheurs estiment que la ville a été complètement rasée au cours de la "guerre sertorienne" (de -80 à -72), une attaque qui a permis de "congeler" sous terre les instruments témoins de cette époque durant 2.000 ans.


    Photo aérienne du mont Irulegi en Navarre - Aranzadi Zientzia Elkartea

    "On a trouvé des mots sous la terre !"

    Le 18 juin 2021, la "main d’Irulegi" a été trouvée par une chercheuse de la société Aranzadi, mais son importance n’a pas été révélée avant le 18 janvier 2022 quand cette pièce a été classée parmi d’autres et que quelques lettres ont été découvertes. Juantxo Aguirre Mauleon, responsable des recherches explique encore sous le coup de l’émotion : "Nous avons trouvé cette main et nous l’avons envoyée avec des monnaies et d’autres pièces métalliques en juillet 2021. Et cette année, le 18 janvier, on a reçu un coup de fil : « Hey ! On a nettoyé cette main ! Et on a trouvé des mots sous la terre ! Y’a des trucs écrits ! Et là, les alarmes ont commencé à clignoter »". Des expertises archéologiques, géologiques, chimique, épigraphique et philologiques ont été effectuées. Elles ont révélé une main droite, plate, en bronze, d’un poids de 36 grammes, assez bien conservée sauf les trois doigts centraux.

    Selon deux chercheurs, interrogés par le quotidien basque Berria, sur la paume de la main sont gravés des caractères à partir desquels ils en ont déduit que la langue employée est une langue vasconne. Les chercheurs connaissaient déjà les alphabets ibères et celtibères employés en Ibérie, inspirés de contacts avec les Grecs et les Phéniciens. Le premier mot "sorioneku" (en basque actuel zoriona = chance, porte-bonheur) montre une parenté évidente avec la langue basque, même si, à ce stade, les chercheurs n’ont pas compris les quatre autres mots. Mais il leur semble évident qu’il s’agit d’un objet "apotropaïque", destiné à attirer la chance et chasser le mauvais sort.

    Juantxo Aguirre Mauleon indique ainsi que : "Toutes les langues sont transformées au bout de 2000 ans. Le français ou l’espagnol, ça n’est pas la même chose que le latin. On comprend ce premier mot très aisément en basque, mais pas les autres. Mais rendez-vous compte, qu’on peut comprendre très facilement certains mots latins aujourd’hui, sans comprendre le latin".


    Photo de l’objet au moment avant son extraction du sol - Aranzadi Zientzia Elkartea

    Encore dix ans de fouilles

    Les recherches n’ont pas été effectuées au hasard. Les scientifiques se sont d’abord attaqués à un château du Moyen-Âge, qui a hébergé Catherine de Navarre, morte à Mont-de-Marsan et arrière-grand-mère d’Henri IV. Une radiographie du terrain a ensuite révélé les soubassements de deux maisons et d’une rue, datant de l’âge de fer, et montrant des traces de bois brûlés, de céramiques cassées, d’armes en bronze, et faisant naitre l’hypothèse d’une ville incendiée et rasée par des conquérants. La société Aranzadi estime en avoir encore pour dix ans de fouilles sur ce chantier.