Le film solaire organique, cette innovation du nantais Asca qui peut révolutionner la décarbonation

/le-film-solaire-organique-asca-n-est-pa

  • Transition énergétique : un industriel propose une solution industrielle.

    Hubert de Boisredon, né le 1er août 1964 à Suresnes, est un chef d’entreprise français. Il est le président-directeur général de l’entreprise Armor

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Hubert_de_Boisredon

    Le film solaire organique, cette innovation du nantais Asca qui peut révolutionner la décarbonation

    https://www.latribune.fr/regions/pays-de-la-loire/le-film-solaire-organique-asca-n-est-pas-un-panneau-photovoltaique-hubert-

    Filiale du groupe Armor, la société nantaise Asca développe depuis une dizaine d’années des films solaires organiques. Produisant de l’énergie quelle que soit la température, l’orientation et la couverture nuageuse, du lever au coucher du soleil, ce matériau peut être installé facilement sur des façades, des toitures, des balustrades, des balcons..., afin de les rendre autonomes en énergie. Si l’entreprise a remporté de nombreux contrats à l’étranger, elle bute en France sur une législation tatillonne. Coup de projecteur sur une technologie révolutionnaire et complémentaire des panneaux photovoltaïques.
    Le groupe nantais a investi plus de 100 millions d’euros, pour mettre au point une technologie à base de polymères photo-actifs, sans solvants, sans matériaux rares et dont la fin de vie est pensée dès la conception du produit. Le procédé repose sur 5 couches imprimées, en rouleau, sur le film OPV, encapsulées dans 2 couches protectrices pour isoler et protéger les polymères de l’oxygène, de l’humidité ou encore des rayons ultraviolets.
    Le groupe nantais a investi plus de 100 millions d’euros, pour mettre au point une technologie à base de polymères photo-actifs, sans solvants, sans matériaux rares et dont la fin de vie est pensée dès la conception du produit. Le procédé repose sur 5 couches imprimées, en rouleau, sur le film OPV, encapsulées dans 2 couches protectrices pour isoler et protéger les polymères de l’oxygène, de l’humidité ou encore des rayons ultraviolets. (Crédits : Frédéric Thual)

    « Si on imprimait autant de films solaires que de rubans de transfert thermique, on produirait chaque année plus que la totalité de la puissance du parc nucléaire français. Nous fabriquons actuellement 13.000 kilomètres de ruban transfert thermique par jour, soit deux milliards de m² par an. Même si l’on ne prend qu’un milliard, au rendement actuel, on produirait 60 gigawatts (GW) de puissance électrique. C’est la totalité du parc nucléaire français - quand il marche ! », illustre Hubert de Boisredon, PDG du groupe Armor, leader mondial du ruban à transfert thermique (utilisé pour produire des étiquettes à code-barres) et fondateur de la filiale Asca créée en 2012 pour produire des films solaires organiques - des « OPV » (pour Organic PhotoVoltaics), dans le jargon des énergies renouvelables.

    Depuis, le groupe nantais a investi plus de 100 millions d’euros, à la Chevrolière, près de Nantes, pour mettre au point une technologie à base de polymères photo-actifs, sans solvants, sans matériaux rares, et dont la fin de vie est pensée dès la conception du produit. « La solution est sous nos yeux... », estime Hubert de Boisredon.

    Une solution complémentaire aux panneaux photovoltaïques, dont les rendements demeurent encore trois fois supérieurs. Ils sont en effet de l’ordre de 6% à 7% contre 18% à 20% pour les panneaux en silicium, dont une grande majorité est produite en Chine. En revanche, beaucoup plus sensibles à la lumière diffuse, les films solaires organiques produisent de l’énergie quelle que soit la température, l’orientation et la couverture nuageuse, du lever au coucher du soleil. « A puissance égale, le film produit 30% d’énergie de plus qu’un panneau solaire », fait valoir Hubert de Boisredon. Sa souplesse et sa maniabilité, comme une seconde peau, en font une solution pour aller là où les panneaux photovoltaïques ne peuvent être installés en raison des contraintes architecturales ou environnementales. Et qui plus est économe en Co2, puisqu’elle évitera, entre autres, d’utiliser le transport maritime, nécessaire pour importer des panneaux photovoltaïques chinois.
    Asca vise une production multipliée par trois en 2023

    « Il ne s’agit pas de raisonner en rendement mais en empreinte carbone, laquelle constitue, quand même, l’enjeu final. Le président de la République dit vouloir améliorer la souveraineté française et européenne. Or, sur le photovoltaïque, si on devait se passer des productions chinoises, les conséquences pour les Français seraient encore pire que pour le gaz russe ! », tacle Hubert de Boisredon, regrettant aussi que l’argent public investi dans la transition énergétique contribue à faire fonctionner les usines chinoises, alors qu’une partie des besoins énergétiques pourrait être assurée par les films solaires organiques. Et, ainsi, renforcer la souveraineté nationale. Pourquoi la France a-t-elle tardé à s’intéresser à cette technologie pourtant prometteuse ? « Par méconnaissance. Et puis, une croyance s’est répandue dans certains cercles qui pensaient que l’on avait déjà perdu face aux autres solutions solaires", ajoute le PDG d’Armor.

    Et pourtant, en dehors de l’Hexagone, les films nantais ont la cote. Et pour cause : ce matériau recouvre déjà la façade média du pavillon Novartis à Bâle en Suisse, devenu le symbole de la ville, mais aussi des balustrades d’immeubles génératrices d’énergie en Allemagne, ou encore le voile d’ombrage du siège de l’Union Africaine en Éthiopie, le toit solaire du pavillon des Pays-Bas lors de l’exposition universelle 2020 à Dubaï, la façade LEDs de la biennale d’architecture et d’urbanisme à Séoul, ou encore, habille des objets connectés...Pour l’heure, l’énergie est entièrement réinjectée dans les bâtiments pour accroître l’autoconsommation.

    « La réalisation de Bâle a créé un véritable appel d’air qui devrait nous permettre de multiplier par trois la production en 2023 », estime Moïra Asses, vice-présidente d’Asca, en charge de la stratégie et du marketing, qui a, depuis, reçu un millier de demandes.
    En attendant une législation française ad hoc

    En revanche, en France, on traine les pieds. Pour l’instant, à défaut d’une législation ad hoc, le fabricant de films souples est tenu d’obtenir un avis technique et une certification du CSTB (Centre scientifique et technique du Bâtiment) pour chacune de ses réalisations, et ce, selon le type de modules, sa forme, sa taille...

    « Sans cette homologation, un bâtiment n’est pas assurable. Et donc personne ne prend le risque », déplore Moïra Asses.

    Conséquence, seul le statut expérimental permet à Asca de présenter son innovation dans l’Hexagone. D’où le courroux du PDG d’Armor, dont la technologie a été soutenue par les chercheurs du CEA, l’Institut national de l’énergie solaire à Chambéry et à hauteur de 800.000 euros par France Relance. « Rien à voir avec les soutiens apportés aux filières allemandes (18 millions d’euros) et brésiliennes, qui sont nos principales concurrentes », précise-t-il.

    « Nous sommes face à une absurdité qui, par méconnaissance et manque de compréhension, consiste à priver les agriculteurs de terre, alors que des solutions complémentaires existent pour venir là où l’on ne peut pas implanter de panneaux photovoltaïques », indique Hubert de Boisredon.

    Mais, la prise de conscience avance. Le 4 novembre dernier, le Sénat adoptait, en première lecture, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Dont deux amendements portant, l’un sur la prise en compte de l’empreinte carbone dans les commandes publiques, l’autre sur la possibilité de solariser les façades de bâtiments dont l’emprise au sol dépasse 250 m².

    Même si les dirigeants d’Asca regrettent que les contraintes pesant sur les balustrades et garde-corps n’aient été prise en compte, l’adoption du texte à une large majorité (343 votants, 325 exprimées, 320 pour, 5 contre et 18 abstentions), toutes couleurs politiques confondues, a créé une lueur d’espoir.

    « Ils ont compris que, derrière, c’est l’emploi en France que l’on défend », assure le PDG d’Armor, qui entend « enfoncer le clou », en multipliant les rencontres avec les députés et les ministres concernés pour les convaincre du potentiel de cette technologie française et de la nécessité d’assouplir les contraintes, d’ici l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale le 6 décembre prochain.

    « Ce n’est pas un sujet politique, c’est un sujet d’intérêt national. Nous sommes prêts à y aller, et on est crédible », dit-il, rappelant que l’ETI Armor est, à force d’innovations, d’investissements et de dialogue social, passée de la quatrième place au titre de leader mondial du ruban à transfert thermique en vingt ans, avec un chiffre d’affaires (consolidé) de 403 millions d’euros en 2021 et 2.450 employés dans le monde dont 780 en France.
    Une technologie caméléon

    Techniquement, il aura fallu dix ans à Asca pour mettre au point une « recette », à base de polymères, inspirée des technologies déployées pour les rubans thermiques, et pour industrialiser son process d’enduction de couches fines sur films minces.

    « Le choix des polymères est un élément fondamental dans la production de modules photovoltaïques organiques. Ce sont eux qui déterminent le rendement des modules photovoltaïques », explique Moïra Asses, dont les équipes de recherche ont réussi à doubler les rendements en laboratoire pour atteindre, cette fois 14%. Un objectif qu’Asca tente maintenant d’industrialiser dans son unité de la Chevrolière dimensionnée pour produire 1 million de mètres carrés par an.

    Le procédé repose sur cinq couches imprimées, en rouleau, sur le film OPV, encapsulées dans deux couches protectrices pour isoler et protéger les polymères (la couche active) de l’oxygène, de l’humidité ou encore des rayons ultraviolets.
    Un process qui a engendré le dépôt d’une centaine de brevets.

    Pour permettre un élargissement des applications, Armor a, en 2019, mis la main sur la startup allemande Opvius (devenue Armor Solar Power Films), détentrice du savoir-faire « free-form » permettant de découper au laser le film sous différentes formes (losanges, cercles, feuilles d’arbres...) pour s’adapter à la morphologie de bâtiments, de balustrades, d’objets connectés, de bâches de recharges, d’arbres solaires... mais aussi de proposer des offres sur-mesure, et en différentes couleurs.

    Compatible avec une multitude de matériaux (bois, métal, verre, tissus...), cette solution solaire, qui revendique d’être à la fois bas carbone et design, permet d’apporter de l’énergie à une grande diversité d’applications pour la mobilité, les villes connectées, etc.

    « À énergie constante, la consommation de ressources est trois fois moins importante pour la planète qu’avec des panneaux photovoltaïques. C’est un moyen d’allonger le capital de ressources de la planète Terre, dont la durée d’utilisation, épuisée cette année le 28 juillet dernier, raccourcit chaque année », plaide Hubert de Boisredon, loin d’être à court de ressources.