• Annie Ernaux : sur France Culture, Alain Finkielkraut et Pierre Assouline brossent le portrait d’une Nobel illégitime, nymphomane et bornée. Mystère : elle est traduite dans 37 langues.

    Est-ce le monde qui est fou ou France Culture ?

    Chronique « Médiatiques », par Daniel Schneidermann
    Annie Ernaux : France Culture est-elle devenue folle ?
    https://www.liberation.fr/idees-et-debats/opinions/annie-ernaux-france-culture-est-elle-devenue-folle-20221204_OEXCJ6XLUBBIJ

    Sur France Culture, Alain Finkielkraut et Pierre Assouline brossent le portrait d’une Nobel de littérature illégitime, nymphomane identitaire et débordant de ressentiment borné. Reste un mystère : elle est traduite dans 37 langues. Est-ce le monde qui est fou ou France Culture ?

    Infortunée Annie Ernaux, qui a cru se voir décerner le Nobel de littérature. En réalité, ce Nobel n’était pas un « vrai » Nobel. C’était surtout un « non Nobel » non décerné à Salman Rushdie. C’est France Culture qui développe cette analyse. D’abord dans l’émission Signe des temps, le 27 novembre, la fake Nobel Ernaux (« écrivain des identités fixes, sociale et sexuelle, auxquelles est lié à peu près tout le monde ») est opposée au seul Nobel légitime Salman Rushdie, « écrivain du cosmopolitisme et de l’identité changeante ». Coupable, Ernaux, comprend-on, de n’être sortie de l’enfance à Yvetot que pour s’installer en mère de famille dans le Val d’Oise, et d’oser faire œuvre d’une vie si ordinaire.

    Mais si elle n’était que banale ! Toujours sur France Culture, ils sont deux, pour instruire son procès dans l’émission Répliques, le 26 novembre. L’animateur et académicien Alain Finkielkraut, et l’écrivain (et ancien juré Goncourt) Pierre Assouline. Face à eux, dans le rôle de l’avocate commise d’office aux flags, rame Raphaëlle Leyris, journaliste au Monde. Après un début d’émission consacré à saluer...

    #paywall

    « La honte absolue, c’est de confier à un réactionnaire raciste, sexiste, climatosceptique et défenseur des pédocriminels les commandes d’une émission hebdomadaire du service public. »

    • « Aux propos honteux de Finkielkraut et Assouline, on préfèrera la vision éclairée de Gisèle Sapiro, directrice d’études à l’EHESS »

      Annie Ernaux : un engagement qui dérange
      https://www.en-attendant-nadeau.fr/2022/11/30/ernaux-engagement

      « Les attaques, insultes et propos méprisants qui, à côté du concert de louanges, se sont déchaînés sur la toile après l’annonce du prix sont révélateurs des conditions sociales qui sous-tendent la reconnaissance symbolique et la légitimité culturelle . »

      Le 10 décembre prochain, Annie Ernaux recevra le prix Nobel de littérature et prononcera à cette occasion son discours de réception. Mais d’ores et déjà, la première écrivaine française récompensée est la cible d’attaques injustifiées concernant ses engagements politiques, qu’il est urgent de dénoncer mais dont il faut aussi comprendre la signification plus profonde. Car si Annie Ernaux est attaquée au moment même où son œuvre est célébrée dans le monde entier, c’est que ses textes sont porteurs d’une critique de la domination symbolique, que ses détracteurs font tout pour reproduire.

      Il est dans la tradition française des intellectuels engagés de mettre leur capital symbolique au service d’une cause, à l’image d’Émile Zola dans l’affaire Dreyfus. Lauréat du prix Nobel de littérature en 1952, François Mauriac s’engageait dans le combat anticolonial, engagement qui lui valut insultes et menaces. L’académicien avait déjà pris position contre le franquisme, puis contre la politique de collaboration. Jean-Paul Sartre, qui refusa la distinction de l’Académie suédoise en 1964, utilisait de longue date sa renommée mondiale pour défendre les opprimés de par le monde, ce que la classe dominante ne lui a pas pardonné.

      Annie Ernaux n’a pas dérogé à cette tradition en appelant, le jour où la vénérable académie annonçait son choix de la distinguer, à manifester contre la vie chère et l’inaction climatique, dans la continuité de son combat contre les injustices sociales. Son œuvre met à nu la violence symbolique inhérente aux rapports de classe, qu’elle parvient à dépasser par une écriture qui restitue au monde d’où elle vient, celui des petites gens, des dépossédés, des sans voix, toute sa dignité. La poignante description d’un avortement clandestin qui ouvre son premier roman, Les armoires vides (paru en 1974, alors que se tenaient à l’Assemblée nationale les débats sur le projet de loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse), fondée sur une expérience sur laquelle elle est revenue dans L’événement (2000), et son analyse fine de la violence symbolique qui s’exerce dans les rapports genrés, mais aussi l’affirmation du désir féminin et jusqu’au renversement du rapport de domination dans l’aventure que narre Le jeune homme, font d’elle une référence pour les féministes.

      https://twitter.com/gunthert/status/1599685356621701120?cxt=HHwWgIClnefWnLMsAAAA