Le policier qui a éborgné Laurent Theron acquitté

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    Le policier Alexandre M. a été acquitté par la cour d’assises. Il était jugé pour la grenade de désencerclement qui a éborgné Laurent Theron lors d’une manifestation en 2016. La cour a invoqué la légitime défense, malgré des vidéos contraires.

    Cour d’assises de Paris sur l’île de la Cité – Il est plus de 20 heures ce mercredi 14 décembre quand le verdict tombe : « Acquitté. » Le brigadier-chef Alexandre M., jugé depuis trois jours pour avoir éborgné le syndicaliste Laurent Theron en 2016, repart libre de la cour d’assises. Alors que l’avocat général avait demandé « deux à trois ans » de prison avec sursis et une interdiction de port d’armes pendant cinq ans, ou que la partie civile ne voulait pas de prison mais une « révocation » du policier, la cour a estimé qu’Alexandre M. avait agi en état de légitime défense . Tout de suite, des soutiens du mutilé dans le public crient et commencent à chanter :

    « Police partout, justice nulle part. »

    « Vous détruisez des vies », « Grâce à vous, ils vont continuer », lancent-ils à l’égard de la cour qui plie bagage rapidement. Comme Alexandre M., qui s’efface via une porte dérobée. Une vingtaine de gendarmes se placent au milieu du public, répartis entre les pro-Laurent et les policiers. Les agents partent en premier pendant que les autres continuent de chanter. Certains pleurent. « C’est la démonstration de l’impunité. Rien d’autre » , lance à une justice qui a quitté les lieux Cédric D., membre du collectif contre les violences d’État Désarmons-les.

    À côté, Laurent Theron est dépité. « On y a cru, on a cru au Père Noël au final » , souffle-t-il à son avocate, maître Lucie Simon. Face aux autres, il ne sait « pas quoi dire ». Avant l’audience, il avait déclaré à StreetPress qu’envoyer « un policier aux assises, c’est déjà une victoire », vu le peu de fois où c’est arrivé. Ce sentiment n’existe plus quand il quitte le tribunal de l’île de la Cité.

    Une vidéo combattue

    Dans cette affaire, outre le fait qu’Alexandre M. n’était pas habilité au lancement de la grenade de désencerclement (GMD) et qu’il n’avait pas été formé au maintien de l’ordre, comme StreetPress le racontait avant le procès, l’IGPN a surtout noté qu’ « aucun groupe hostile ni danger imminent n’était perceptible » lors du lancement de la grenade. L’inspection s’est basée sur des vidéos au moment où Laurent Theron a été éborgné (dont celle ci-dessous, projetée à l’audience). Une version que maître Laurent-Franck Liénard – l’avocat favori de la police – s’est attelé à démolir au bazooka verbal durant trois jours. Face au premier enquêteur de l’IGPN, il attaque :

    « Vous dites qu’il n’y a pas d’individus hostiles au moment où le policier lance sa grenade. Est-ce que vous les avez cherchés ? »
    Face au deuxième, il est encore plus direct :
    « Vous avez le sentiment de bien avoir fait votre boulot ? »
    À un expert en balistique qui avait eu le malheur de dire qu’il n’y avait pas beaucoup de monde en face d’Alexandre M. lors de son lancer, l’avocat s’énerve :
    « Vous n’y étiez pas, vous voyez ce qu’on vous a montré dans une vidéo de quatre secondes. »

    Un amoncellement de témoignages policiers

    Ses remarques provoquent l’acquiescement des dizaines de policiers présents derrière lui. Parmi eux, il y a le secrétaire général d’Alliance, Fabien Vanhemelryck, ou celui d’Unité SGP Police Grégory Joron, qui est venu bavarder avec le prévenu. Linda Kebbab, la déléguée nationale de ce syndicat, a aussi squatté les bancs. D’anciens collègues du prévenu sont également là. Dès le premier jour, certains tombent dans l’injure. Lorsque l’enquêteur de l’IGPN passe devant la cour, plusieurs témoins auraient entendu des policiers chuchoter :

    « Lui, ce n’est pas un collègue, c’est un bâtard. »
    Quelques-uns auraient également traité maître Lucie Simon, l’avocate de Laurent Theron, de « conne ». « Qu’elle ferme sa gueule », auraient soufflé des agents.

    Le deuxième jour, six policiers sont entendus tour à tour. Loin de ne parler que du moment où la grenade a été jetée, à 16h53, ils reviennent sur l’ensemble de la manifestation, marquée par des affrontements entre les forces de l’ordre et certains groupes. Deux pandores ont été touchés par un jet de cocktails Molotov. Le commissaire Alexis M. parle lui d’une « nuée » de ces engins incendiaires. « C’était destiné à nous tuer », assure Sébastien C., supérieur du brigadier-chef Alexandre M. « J’ai vu des collègues brûler. On était plus dans un climat de peur », soutient Jérôme P. Le commandant Léon R. décrit d’une « journée violente du début à la fin ». Un autre commissaire évoque des « nébuleuses violentes ». En face, maître Liénard demande rhétoriquement à un policier :

    « Vous pensez que vous méritez de mourir pour avoir défendu l’ordre public ? »
    « Condamner mon client, c’est castrer tous les CRS. »

    Et lorsqu’on aborde la question du lancer de la grenade d’Alexandre M. à 16h53, la situation ne serait pas différente. « Pour moi, la menace est toujours présente », dit le second du commandant. « C’est toujours hostile », indique son supérieur, tandis qu’un CRS de la compagnie estime qu’ils sont « pris à partie de manière éloignée ». Le commissaire Alexis M. va même jusqu’à justifier la grenade par des lancers de pavés. « Menteur », crie-t-on dans la salle. Le gradé réitère quand on revoit la vidéo des faits, où les projectiles sont invisibles. Face à ces propos, maître Lucie Simon est « stupéfaite » :

    « Alors que vous n’étiez pas là et que vous n’avez jamais dit ça avant, vous nous dites de manière très certaine que les bonds offensifs de la CRS 07 sont justifiés par des jets de pavés. »


    Le brigadier-chef a formulé des excuses envers Laurent Theron. Il a aussi décrit son parcours de policier : 20 ans dans la brigade de nuit d’un commissariat. Il est devenu CRS deux semaines avant d’éborgner Laurent Theron / Crédits : Anaële Pichot

    (...)

    Nadia Sweeny remarque
    https://seenthis.net/messages/983445

    L’évolution du taux de poursuites [ des policiers accusés de violences] reste stable autour de 16 %. Une augmentation sensible a cependant eu lieu en 2016 – 22 % des auteurs signalés étaient poursuivis – probablement dû à la mobilisation contre la #loi_travail.

    Avec l’affaire Théron, tout se passe comme si même dans le cas de plaignants plus insérés, syndiqués, militants, obstinés, l’impunité policière devait rester inentamée, y compris avec un dossier pourri pour le brigadier auteur des faits, des témoignages de collègues contradictoires quant aux circonstances de son acte, et un réquisitoire du procureur demandant à la cour d’entrer en voie de condamnation.

    https://seenthis.net/messages/983077

    #Laurent_Théron #police #justice #violences_d’Etat #maintien_de_l'ordre #légitime_défense présumée et confirmée #impunité_policière #jurés #justice_populaire #fascisation

    • reste la possibilité que le parquet fasse appel, comme seul il en a le pouvoir... un policier qui utilise une GLD alors qu’il n’est pas habilité, qu’il n’en a pas reçu l’ordre, qui la lance avec un tir en cloche, alors que les circonstances, établies par des vidéos et une partie des témoignages de ses propres collègues (!) n’en justifient en rien l’usage, c’est énorme, et c’est une occasion rêvée de faire comme si des limites légales avaient effectivement cours. mais le proc n’avait même pas jugé bon de requérir la révocation, peine visée à titre principal par Laurent Théron. si honneur de la police il y eut, celui de rares rétifs au régime de Vichy, ou celui des fachos qui s’en réclamèrent des décennies plus tard, il n’y a probablement plus rien à défendre sur ce terrain.

    • Procès 1312 : suite à l’acquittement du flic éborgneur, les mots de la rage
      https://paris-luttes.info/proces-1312-suite-a-l-acquittement-16498

      Nous rassemblons dans cet article trois textes écrits à chaud par des personnes ayant assisté aux trois jours d’audience de la cour d’assises de Paris qui a finalement acquitté le CRS mutilateur — reconnu coupable mais exonéré de sa responsabilité pour « légitime défense » !

      .... Mais plus grave encore, cette négation à l’encontre de Laurent, syndicaliste, l’a été plus encore par l’absence des syndicats dans leur ensemble à ce procès. Cela démontre une fois de plus ce manque de courage politique, voire même une tacite complicité avec l’État dans la conduite de cette guerre sociale qu’on nous inflige par des lois certes républicaines mais anti démocratiques.

      Encore une fois, ils se tirent une balle dans le pied, ...