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  • La Chine prise au piège de l’épidémie de Covid
    par Simon Leplâtre
    Le Monde, mardi 27 décembre 2022 1564 mots, p. 2

    Alors que la circulation du virus est massive, Pékin a décidé de ne plus divulguer le nombre de décès et de cas

    Shanghaï - correspondance - Après trois ans passés à contrôler la vie des gens étroitement, à présenter le Covid-19 comme une menace mortelle et à se moquer du « chaos » qui régnait aux États-Unis, la propagande chinoise peine à trouver le ton à l’heure de l’ouverture.

    Le 7 décembre, Pékin a prononcé la fin de sa politique zéro Covid : plus de tests généralisés, plus de centres d’isolement pour les malades, plus de confinement pour des villes entières. Plus de décompte quotidien du nombre de personnes infectées non plus,ni de celui du nombre de décès dus au Covid-19 : dimanche 25 décembre, la Commission nationale de la santé a annoncé mettre fin à la publication de ces chiffres après avoir admis qu’il était « impossible » de continuer à mesurer l’évolution de l’épidémie puisque les tests n’étaient plus obligatoires.

    Dans ces conditions, le coronavirus se diffuse à une vitesse exceptionnelle, créant une première vague ressemblant plus à un tsunami dans une population qui n’avait jamais connu le Covid-19 jusqu’ici. Comme ailleurs, les hôpitaux commencent à saturer et les crématoriums tournent à plein. Mais cette situation nouvelle est plus difficile à défendre pour un régime qui a fait du faible nombre de victimes durant ces dernières années une source de légitimité, même si cette politique coûtait cher à une grande partie de la population, privée de liberté.

    L’un des symboles de ce virage à 180 degrés dans la communication officielle des autorités est l’un des nouveaux slogans en vogue : « Chaque personne est individuellement la première responsable de sa santé. »

    Le message est apparu la première fois dans une lettre envoyée aux citoyens de la ville de Shijiazhuang, la capitale du Hebei, au sud de Pékin – une zone qui a abandonné les tests PCR obligatoires dès le 13 novembre, avant de revenir en arrière devant l’inquiétude des citoyens déboussolés. Le même message s’est affiché, le 1er décembre, sur le plus haut gratte-ciel de Canton, la capitale du Guangdong, l’une des premières villes de Chine à relâcher les contrôles face au Covid-19. Depuis, il est repris partout, affiché sur des banderoles en sinogrammes jaunes sur fond rouge, et réaffirmé par les autorités, accompagnant par exemple un communiqué conseillant aux étudiants de faire de l’exercice pour renforcer leur système immunitaire.

    Quelques semaines plus tôt, à la mi-novembre, une série d’éditoriaux parus dans le très officiel Quotidien du peuple appelaient encore à « résolument appliquer la politique zéro Covid » . L’Etat, qui s’immisçait jusque dans l’intimité des Chinois sans leur laisser le choix, pour « les protéger » d’une menace sans cesse amplifiée par la propagande, conseille aujourd’hui à sa population de se débrouiller.

    Le message passe mal. « Ils ont ouvert le pays vraiment du jour au lendemain, sans la moindre préparation, sans formation pour le personnel, sans prévoir assez de médicaments. Et sans préparer la population pour lutter contre la peur que les gens ont du virus, après l’avoir diabolisé pendant trois ans », juge M. Zhang, un Pékinois de 49 ans dont la mère est morte du Covid-19 ; un premier établissement, saturé, avait refusé de la prendre en charge, perdant ainsi de précieuses heures avant qu’elle puisse avoir accès à des soins . « Tout ça pour ça : ils auraient dû arrêter avec le zéro Covid au printemps. Je ne vois pas à quoi leur ont servi ces huit mois de politique zéro Covid en plus » , soupire M. Zhang.

    « Les gens se terrent chez eux »

    Face à ce retournement complet de politique, la propagande semble avoir du mal à suivre : vendredi 23 décembre, un article de presse a diffusé le résumé d’une réunion de la Commission nationale de la santé qui avait eu lieu le 21 décembre, estimant le nombre d’infections quotidiennes à 37 millions. Mais l’article a été rapidement supprimé.

    Signe que la propagande ne s’est pas mise en ordre de bataille, des articles critiques émergent dans certains médias osant faire preuve d’indépendance. Le 21 décembre, le média Guancha (« L’Observateur ») a ainsi publié un article intitulé « Quelle est vraiment l’expérience des soignants en première ligne ? ». Il décrit la situation d’un hôpital du Henan, une province pauvre du centre du pays, qui manque d’appareils à oxygène, ou encore celle d’étudiants en médecine à Pékin forcés de travailler alors qu’ils ont contracté le Covid-19.

    Dans le même temps, la télévision nationale, CCTV, diffuse avec insistance des histoires positives et montre des pharmacies bien approvisionnées. Le 22 décembre, au journal télévisé du soir, le sujet concernant la réponse apportée au Covid-19 a moins d’importance que ceux qui traitent des récoltes abondantes de pommes inspectées par le dirigeant, Xi Jinping, ou de la guerre en Ukraine, essentiellement couverte du point de vue russe. On y apprend que « le personnel médical maintient fermement la ligne, protégeant la santé des masses » . « Cela donne l’impression que les médias d’Etat n’ont pas encore défini un grand discours pour légitimer ce changement radical et soudain. Je pense qu’eux aussi ont été pris par surprise » , commente Fang Kecheng, maître de conférences en journalisme à l’université chinoise de Hongkong.

    Ce flottement dans le discours officiel le rend inopérant. « Les médias chinois ne couvrent que les bonnes nouvelles, jamais les mauvaises. Ils n’admettront jamais avoir commis des erreurs. Mais les gens ne sont pas idiots, personne ne croit à la propagande, ils mentent tout le temps », commente, amer, M. Shi, un chauffeur de VTC à Shanghaï.

    Originaire du Liaoning, une province pauvre du Nord-Est, il est venu à Shanghaï cinq ans plus tôt pour trouver du travail. Son activité a souffert des années de confinement . « Ce virus est incontrôlable et on aurait dû ouvrir le pays bien plus tôt. Enfin si, on peut le contrôler, mais les conséquences, c’est que les gens sont pauvres, qu’ils ne peuvent plus rembourser leurs dettes et que le pays est paralysé : on risquait la crise économique et l’insurrection. »

    Il se désole aujourd’hui de voir Shanghaï encore plus vide depuis la fin des restrictions. « Les gens se terrent chez eux. Shanghaï est censée être une ville internationale, la ville la plus développée de Chine, et regardez ce qu’elle est devenue » , dit-il en montrant les rues vides, d’un coup de menton.

    Justifications

    Si la propagande n’a pas encore établi de stratégie convaincante, certaines constantes ne manquent pas. Comme le fait de cacher le nombre de victimes lors des catastrophes. Après avoir moqué rageusement le bilan humain américain, les médias chinois ne se risquent pas à évoquer celui de la vague actuelle, alors que les crématoriums sont saturés.

    Difficile à avaler pour les proches de victimes : « C’est incroyable : officiellement, hier [le 21 décembre], il y a eu six morts dans tout Pékin, mais dans la salle des urgences où était ma mère il y avait déjà cinq ou six morts, témoigne encore M. Zhang. Et au funérarium, ils m’ont dit que depuis qu’ils ont ouvert, en 1996, ils n’ont jamais eu plus de quinze corps par jour. Ma mère était le trente-sixième corps de la journée et ils en avaient encore une douzaine à brûler. »

    Face à l’incrédulité de la population, les autorités sanitaires ont dû se justifier : « Les personnes âgées ont souvent des maladies sous-jacentes. Seul un très petit nombre meurent directement d’une insuffisance respiratoire provoquée par le Covid » , a expliqué, le 20 décembre, Wang Guiqiang, de l’hôpital numéro 1 de l’université de Pékin, lors d’une conférence de presse de la Commission nationale de la santé.L’annonce du 25 décembre met fin à cette divergence qui tournait au ridicule : la Chine assume désormais de cacher le bilan du Covid-19.

    Les experts de la santé en prennent d’ailleurs pour leur grade. Zhong Nanshan, pneumologue chinois de renom et l’un des visages officiels de la lutte contre le virus, est critiqué par certains internautes pour ses retournements de veste. Ils comparent ses déclarations d’il y a quelques mois défendant la stratégie du zéro Covid, sans laquell e « beaucoup de vies seraient perdues » – comme il le déclarait, par exemple en avril –, avec ce qu’il affirmait le 15 décembre au sujet du taux de mortalité d’Omicron, à savoir qu’il ne dépasserait pas celui de la grippe saisonnière. Le médecin défend, dans le même discours, un changement d’appellation, passant de « nouvelle pneumonie corona » à « nouveau rhume corona » .

    De rares experts, comme Zhang Wenhong, qui a dirigé la réponse à l’épidémie à Shanghaï et qui est connu pour son franc-parler, trouvent grâce aux yeux des internautes en colère. Ses critiques occasionnelles des excès de la stratégie zéro Covid et ses appels à apprendre à vivre avec le virus lui avaient valu de nombreuses attaques en ligne, y compris des accusations de plagiat, pour lesquelles il a été blanchi. « Le docteur Zhang Wenhong est l’un des rares experts médicaux à avoir défendu la vérité, respecté la science, et tenu le même discours depuis trois ans. Maintenant que les faits lui donnent raison, beaucoup de gens lui doivent des excuses », écrit un utilisateur sur le réseau social Weibo.

    • C’est hallucinant tout court.

      "La Chine" prise au piège de l’épidémie de Covid ... Et sa population prise au piège du #libertarianisme occidental.

      « Chaque personne est individuellement la première responsable de sa santé. »
      Le message est apparu la première fois dans une lettre envoyée aux citoyens de la ville de Shijiazhuang, la capitale du Hebei, au sud de Pékin – une zone qui a abandonné les tests PCR obligatoires dès le 13 novembre, avant de revenir en arrière devant l’inquiétude des citoyens déboussolés. Le même message s’est affiché, le 1er décembre, sur le plus haut gratte-ciel de Canton, la capitale du Guangdong, l’une des premières villes de Chine à relâcher les contrôles face au Covid-19. Depuis, il est repris partout, affiché sur des banderoles en sinogrammes jaunes sur fond rouge, et réaffirmé par les autorités, accompagnant par exemple un communiqué conseillant aux étudiants de faire de l’exercice pour renforcer leur système immunitaire.

      « Le meilleur moyen de les aider (nos soignants, NDLR) et de soulager l’hôpital c’est de ne pas tomber malade »... disait Jean Castex un certain samedi 24 octobre 2020.

      La dictature (du prolétariat) malade de notre #individualisme ?

      N’empêche que l’article est sacrément vachard en ce sens qu’il blâme "la Chine" qui avait blâmé les États-Unis. Les autorités chinoises auront beau jeu de se défendre en disant : "C’est vous qui avez commencé".

      Non mais, on en est où, là ? En tout cas, les autorités chinoises, elles, sont vraiment à l’Ouest ...

    • Salut @monolecte . Juste pour rebondir sur cette phrase de l’article :

      L’un des symboles de ce virage à 180 degrés dans la communication officielle des autorités est l’un des nouveaux slogans en vogue : « Chaque personne est individuellement la première responsable de sa santé. »

      . Cela correspond exactement au mot « autoresponsable » que j’évoquais il y a quelques temps. Ce mot est apparu sur un site nommé anijob (réseau de particuliers à l’échelle européenne) au moment de la campagne de vaccination obligatoire. Le slogan était celui-ci :"sans test-sans vaccin-autoresponsable". Sur le moment je me demandais si la vision du monde contenue dans ce mot allait s’étendre ou bien si l’emploi de ce mot était seulement fortuit et passager. Malheureusement, le terme « autoresponsable » n’est pas anodin puisqu’i cristallise la vision libérale/libertarienne des biens collectifs (ici, la santé) ? La sélction naturelle (le règne des plus aptes au détriment des vulnérables), destruction de la protection médicale telle que conçue d’après les acquis sociaux français. Je ne suis pas habitué des réseaux, je poste très peu alors désolé pour la maladresse s’il y en a.

    • Sur l’autoresponsabilité, je tombe sur un papier de Ouest-France du 4 avril 2020 qui qualifie ainsi la stratégie de la Suède de refuser le VRAI confinement  :

      La Suède, la stratégie de l’autoresponsabilité

      Loin de son voisin le Danemark, qui a limité les rassemblements à dix personnes maximum, le gouvernement suédois a choisi la stratégie de l’autoresponsabilité. « Les autorités de santé publique et les politiciens espèrent toujours ralentir la propagation du virus sans avoir besoin de mesures draconiennes », apprend-on sur le site internet de la BBC.

      a déclaré le Premier ministre Stefan Löfven lors d’une allocution télévisée le week-end du 28 et 29 mars.

      a-t-il ajouté.

      Comme la confiance dans les autorités publiques est élevée en Suède, cela pousserait les habitants à adhérer aux directives. La démographie expliquerait également ce choix :

      Les responsables politiques ont également assumé qu’ils souhaitaient garder les habitants en bonne santé physique et mentale, une autre raison pour laquelle ils souhaitent éviter les règles qui garderaient les gens enfermés chez eux. Une stratégie populaire aussi bien parmi la population qu’au sein des entreprises.

    • Dans le Libé du 23 mars 2020

      « Couvre-feu : le terme rappelle des périodes plus sombres, admet le députe LREM des Alpes-Maritimes Cédric Roussel. Il n’y a pas de polémique à avoir. Aujourd’hui, très clairement, ma position c’est l’unité et la réactivité. Moi qui ne sors pas, quand je vois qu’on est cités en contre-exemple avec les personnes qui se baladent sur la promenade des Anglais… Il faut faire preuve de civisme. Après le temps de l’autoresponsabilité nécessaire vient le temps de la sanction. Il serait même souhaitable d’avoir une vision plus large, au niveau des bassins de vie. »

    • @sombre , @monolecte , merci pour vos commentaires. Le terme autoresponsabilité aussi n’est pas à négliger, c’est vrai.
      En fait, je pense qu’il faut faire une différence (d’usage) entre autoresponsabilité et autoresponsable. Pour répondre à @sombre , j’ai vu le terme « auto-responsable » pour la première fois sur le site de la plateforme Animap dans sa section dédiée aux emplois pour les personnes non testées, non vaccinées, etc. https://jobs.animap.fr. C’est assez particulier. L’autoresponsabilité peut être interprétée comme une manière non contrainte de prendre ses responsabilités vis à vis des autres. On est pas loin de la notion d’autogestion ou de self-government, notions qui ne connotent pas vraiment l’absence de solidarité.
      D’après moi, le terme auto-responsable fonctionne différemment, surtout dans le contexte du site mentionné plus haut : il s"agit finalement de récuser l’idée d’une protection sociale partagée et où chacun peut être responsable des autres (l’idée de l’union qui fait la force). Le terme renvoie alors à l’autonomie libertarienne. Quand on voit le langage startup utilisé sur le site, on est dans la même idée.
      Ce qui peut interpeller aussi c’est la contradiction dans le terme lui-même : comment être auto-responsable puisqu’il faut toujours autrui pour conférer/reconnaitre une responsabilité, ainsi, sans les autres, pas de responsabilité possible.
      C’est pourquoi j’ai vu dans l’emploi de ce mot, une mentalité qui consiste à nier sa responsabilité vis à vis d’autrui au nom de la liberté. Une mentalité anti-étatique séduisante mais fondée sur la désolidarisation d’avec ses semblables. Quelque-chose d’anti-social au sens fondamental. Bon je m’étends un peu trop, le langage me passionne alors ... désolé pour ce long post. Je travaille sur une recherche plus poussée autour de ce terme. À mon avis le mieux est de voir le mot dans son contexte avec le langage startup et l’exploitation qui va avec, ce sera peut-être plus parlant.

    • @bouvreuil : je rejoins les développements que tu proposes dans ton analyse. Ce concept (d’auto-responsabilité) semblerait issu du monde du #coaching et du #self_help, plus globalement du langage managérial. On est « autoresponsable » comme on est « entrepreneur de sa vie », ce qui a abouti (avec Sarkozy) au statut « d’#auto-entrepreneur ». Nous sommes confronté·es à un mythe initié par la #psychologie_positive états-unienne.
      Ma conclusion (un peu à l’arrache) : Le libertarien s’arrête lorsqu’il rencontre un type qui dégaine son « gun » plus vite que lui...

      Et merci pour la source :-)