Les Américains, l’OPEP et le Shah | Mediapart | 01.01.23
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Trois mois après la fin de l’embargo [de l’OPEP], un émissaire spécial américain est envoyé en juillet 1974 à Riyad pour négocier avec le régime saoudien, comme le raconte un long article de Bloomberg à partir d’archives auxquelles il a eu accès. Il a une mission précise : faire en sorte que le pétrole ne devienne pas une arme économique et obtenir que le royaume accepte de financer le déficit américain avec les nouvelles richesses obtenues grâce à la hausse du pétrole. Celui-ci doit aussi s’assurer que les contrats pétroliers resteront toujours libellés en dollars, afin de consolider le statut de seule monnaie de réserve internationale de celui-ci.
La mission réussira au-delà des espérances américaines. Le nouvel ordre pétrolier durera plus de 40 ans. « Le paradoxe est qu’au moment où le pétrole aurait pu devenir politique, les compagnies nationales du Moyen-Orient vont devenir libérales, voire néolibérales. L’OPEP n’aura plus jamais un rôle politique comme en 1973, se contentant d’un discours économique et d’assurer l’équilibre du marché », analyse Philippe Pétriat.
Wall Street va devenir le centre de recyclage des pétrodollars, et l’Arabie saoudite un des premiers financiers des gouvernements américains. La manne pétrolière dont ont profité les pays producteurs va nourrir aussi une effroyable course aux armements au Moyen-Orient, déchirant la région par d’interminables guerres et conflits.
La crise financière de 2008 a à nouveau rebattu les cartes. Elle marque en réalité, selon Matthieu Auzanneau, « la première crise globale des limites physiques de la croissance ». Elle conduit à la crise énergétique d’aujourd’hui, nous renvoyant à des questions existentielles encore plus emmêlées, faute d’avoir imaginé d’autres solutions, en dehors du pétrole, il y a cinquante ans.