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/2023

  • RSA : « Vivre avec 600 euros n’étant pas une contrainte suffisante, il faudra désormais être stagiaire d’Etat pour les percevoir »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/06/03/rsa-vivre-avec-600-euros-n-etant-pas-une-contrainte-suffisante-il-faudra-des

    Raphaël Amselem, chargé d’études pour GenerationLibre, spécialiste des finances publiques, et Lucien Guyon, journaliste chez « Blast », dénoncent, dans une tribune au « Monde », la notion de devoir que le gouvernement veut associer au RSA, qui constitue un droit à la dignité humaine et ne saurait par conséquent souffrir de contrepartie.

    Le revenu de solidarité active (RSA) porte un nom bien administratif pour désigner une aide essentielle, allouée aux personnes sans moyens, afin qu’elles puissent se vêtir, un peu, se nourrir, comme elles peuvent, et se loger, difficilement. Autrement dit, il reconnaît par une maigre compensation financière que le corps social doit s’assurer de la dignité de chacun de ses membres.

    Le gouvernement discute actuellement d’un projet de loi qui devrait conditionner le versement du RSA à un « accompagnement intensif » de quinze à vingt heures par semaine composé, pour le dire simplement, de réunions et d’observations en entreprise. Partant du principe que la dignité se mesure au mérite, le gouvernement choisit, dans le cas d’une telle loi, d’ indexer le droit de survivre à une activité factice, non rémunérée et déléguant toujours davantage le destin des pauvres aux mécanismes iniques de l’administration.

    Vivre avec 600 euros n’étant pas une contrainte suffisante, il faudra désormais être stagiaire d’Etat pour les percevoir. Le droit à la dignité consacre, sans dérogations, que l’être humain, au moment où il est, ne peut être privé de subsistance. L’acquisition du savoir, la vie intime, l’éducation, le travail, la famille, la santé, autrement dit tout rapport au monde, se constituent à travers la reconnaissance de l’Autre. L’homme est social d’emblée. La dignité, conçue dans ce cadre, institue un réseau de respect dont il convient de garantir les conditions d’existence.

    Chaque membre du corps social doit voir sa subsistance garantie

    Paul Ricœur (1913-2005) a écrit dans l’introduction aux Fondements philosophiques des droits de l’homme (1988) : « A toute époque et dans toute culture, une plainte, un cri, un proverbe, une chanson, un conte, un traité de sagesse ont dit le message : si le concept de droits de l’homme n’est pas universel, il n’y en a pas moins, chez tous les hommes, dans toutes les cultures, le besoin, l’attente, le sens de ces droits. L’exigence a toujours été que “quelque chose est dû à l’être humain du seul fait qu’il est humain”. »

    Le droit à la dignité prend ainsi sa source dans l’impératif du soin de l’altérité. L’individualité, en ce sens, n’est rendue possible que par l’obligation de reconnaître à l’autre ce que lui-même me reconnaît. Cette correspondance, au fondement de toute civilité, passe par l’observation et la pratique d’un principe simple : chaque membre du corps social doit voir sa subsistance garantie.

    Le RSA coûte 15 milliards d’euros, 6 % du budget de la Sécurité sociale. Ce poste de dépenses, c’est 600 euros par personne. Et si tant est que l’argument financier soit central dans ce débat, l’économiste Marc de Basquiat notait qu’une telle réforme pourrait induire la création de 50 000 postes, soit un coût supplémentaire de 1 milliard d’euros. La jargonnante prosodie qui accompagne ce projet, traversée par les « dispositifs personnalisés », les « parcours de réinsertion », la « socialisation par le travail », noie sa violence dans un langage technique informe.

    Un régime individuel réglementé à outrance

    Le ministre du travail, Olivier Dussopt, disait, le 23 mai 2023, sur Franceinfo, que les allocataires déclinant les offres d’accompagnement seraient « suspendus ». Ce qui signifie, pour le dire sans politesse lexicale, que des humains se verront retirer leur unique ressource à la discrétion d’une instance administrative. Le reste de ce programme punitif prend les allures d’un régime individuel – encore un – réglementé à outrance.

    Miracle d’inventivité, le gouvernement a inventé le service national universel (SNU) du pauvre ! Qui touchera le RSA sera désormais administré comme un irresponsable a priori, incapable de s’émanciper d’une situation de dénuement sans l’aide éclairée d’un corps technocratique soi-disant à sa mesure, à sa portée, et capable de qualifier le bon, le juste et le souhaitable pour lui.

    Puis, nous la connaissons déjà bien, l’administration française ! Il faut imaginer l’ordinaire allocataire du RSA – 600 euros, pour le redire – à qui on demande de se déplacer à 10 kilomètres de chez lui, pour s’immerger dans une « journée entreprise » censée modifier le cours de son existence ! Il y verra ce qu’est le vrai monde, où des gens missionnent d’autres gens, où des personnes écrivent des notes, où des comptables comptent, où des patrons patronnent, où des livreurs livrent : une révolution !

    La violence sociale va de pair avec la violence administrative

    Des perspectives à venir pour celui qui pensait qu’être comptable, ça n’était pas compter, qu’être patron, ça n’était pas diriger, et qu’être livreur, ça n’était pas livrer. Ce déboussolement organisé aura sans doute une influence vivifiante dans son « parcours de réinsertion », de sorte qu’il se lèvera, le lendemain, en se disant : « C’est donc ça, une épiphanie ! »

    C’est ce manque éclatant de confiance dans la part de la société civile la plus démunie, au point d’en faire l’objet d’un contrôle bureaucratique, qui scandalise, alors que les plus pauvres sont souvent les « premiers de cordée » devant les retors de l’administration, ses impondérables lourdeurs, ses voies labyrinthiques (parfois impénétrables) et son formalisme excessif. Un tiers des bénéficiaires potentiels du RSA renoncent ainsi à le réclamer.

    La violence sociale va de pair avec la violence administrative. L’assurance du droit à la dignité est consubstantielle à la philosophie libérale. De John Locke (1632-1704) à Raymond Aron (1905-1983), de Cesare Beccaria (1738-1794) à John Rawls (1921-2002), les principes du libéralisme politique ont été exposés en ces termes : l’Etat n’a pas un droit sur les individus équivalent aux droits qu’il assure.

    Ce mythe qui prétend que tout droit serait la conversion d’un devoir amène de graves fautes politiques. La garantie des droits fondamentaux doit être gratuite, spontanée, pour elle-même, par elle-même, et au fondement de l’action publique. Nul ne saurait être redevable en dignité. Une mesure qui conditionne la survie est une mesure qui oublie que des gens survivent.

    Rafaël Amselem (chargé d’études au sein du club de réflexions libéral GenerationLibre) et Lucien Guyon(journaliste pour le site de presse en ligne et la Web-TV « Blast »)

    #guerre_aux_pauvres #droits_fondamentaux #RSA #travail #accompagnement_intensif #mérite #contrepartie #contrainte #sanction #droit_au_revenu #revenu_minimum #contrôle #violence_sociale #violence_administrative

    • RSA : « Et si le gouvernement prenait vraiment les choses au sérieux ? », Jean-Claude Barbier
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/06/01/rsa-et-si-le-gouvernement-prenait-vraiment-les-choses-au-serieux_6175733_323
      La querelle sur l’activité obligatoire des allocataires des minima sociaux date d’avant le RMI de 1988, ancêtre du RSA, rappelle dans une tribune au « Monde » le sociologue Jean-Claude Barbier.

      Quelles sont les différentes options qui pourraient tracer les pistes d’une possible réforme du revenu de solidarité active (RSA), voulue par le gouvernement ? Elles sont au nombre de quatre et sont bien antérieures à la réforme envisagée aujourd’hui. Il y a d’abord ce que l’on peut qualifier de « méthode Raymond Barre ». Elle remonte à l’époque où l’ancien premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing et candidat à l’élection présidentielle de 1988 demandait l’assistance « absolue » uniquement pour les vieillards et les personnes handicapées ne pouvant pas du tout travailler.

      Puis il y a la « méthode Nixon », étendue par Clinton en 1996 : obliger pour une allocation de misère – pas même un emploi – à travailler dans les parcs publics. Elle a été surnommée « workfare ». Ensuite, l’insertion, originalité française, la « méthode Jean-Michel Belorgey » (du nom du député socialiste auteur et pilote de la loi revenu minimum d’insertion (RMI) promulguée le 1er décembre 1988), qui combine allocation et accompagnement effectif des personnes par les travailleurs sociaux.

      Laissons de côté l’actuelle tentation démagogique qui agite aujourd’hui les députés Renaissance et LR comme elle agita Clinton, et intéressons-nous à la quatrième solution, celle de la « dignité humaine » (Menschenwürde), principe constitutionnel allemand. La Cour de Karlsruhe a en effet exigé en 2019 du gouvernement fédéral qu’il respecte le minimum d’existence (digne) fixé par la Constitution en euros, applicable même après d’éventuelles diminutions pour sanctions.

      Rompre avec « l’esprit de radinerie »

      Si un gouvernement français prenait vraiment les choses au sérieux, il devrait d’abord rompre avec « l’esprit de radinerie » qui marque l’assistance aux pauvres depuis son invention en Angleterre élisabéthaine au XVIe siècle. Jamais depuis cette époque les gouvernements n’ont accordé un financement suffisant pour aider les personnes pauvres à sortir de la misère.

      Si en effet les sommes dépensées paraissent énormes, elles ne représentent, y compris l’indemnisation du chômage, que 8 % des dépenses de protection sociale, contre 80 % pour la santé et les retraites. Près des deux tiers de ceux et celles qui perçoivent les minima sociaux sont en dessous du seuil de pauvreté en France (y compris les enfants).
      Une réponse sérieuse devrait donc être celle d’un financement décent mais conséquent, et d’une action d’accompagnement elle aussi conséquente, comme elle existe par exemple au Danemark (à l’exception des immigrants désormais discriminés dans ce pays). Le RMI n’a jamais bien fonctionné en termes de suivi efficace pour le retour ou l’accès à un emploi.

      Renforcer les sanctions reste une mesure marginale

      En 2022, la Cour des comptes a noté que les dépenses des départements ne sont compensées en longue durée qu’à près de 60 %, ce qui veut dire qu’ils n’ont tout simplement pas les moyens de financer l’insertion. Au Danemark, les collectivités territoriales lèvent leurs propres impôts, et sont au contraire suffisamment dotées.
      Mieux, elles sont engagées à gérer efficacement leurs dépenses par des contrats avec l’Etat central qui les incitent à bien le faire. Il est tout à fait possible de dépenser à la fois à bon escient et avec rigueur. Et cela serait une belle réforme à entreprendre pour le ministre français des finances…

      Car renforcer les sanctions reste une mesure marginale ou inopérante. Les économistes savent que les sanctions sont d’une efficacité toute relative : elles motivent à la recherche d’emploi quand approche la fin du droit à l’indemnisation, mais elles incitent à prendre des emplois médiocres.

      Trouver des emplois de qualité et non des ombres d’emploi

      En outre, elles peuvent aussi inciter au non-recours (« Droits et devoirs du RSA : l’impact des contrôles sur la participation des bénéficiaires », Sylvain Chareyron, Rémi Le Gall, Yannick L’Horty, Revue économique n °5/73, 2022). Or, le non-recours au RSA est évalué à un tiers des personnes éligibles. Le problème à résoudre est par conséquent de placer en emploi ou en formation pendant plusieurs mois des centaines de milliers de personnes en difficulté.

      Il s’agit de trouver des emplois de qualité et non des ombres d’emploi, comme le redoute l’ancien commissaire au RSA Martin Hirsch. Les personnes pauvres craignent en effet des emplois de seconde zone, selon l’avis du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale https://www.cnle.gouv.fr/l-avis-accompagnement-vers-l-1672.html (CNLE) sur l’accompagnement et l’insertion.

      Dans le rapport qui envisage la réforme du RSA, l’administration annonce l’objectif d’un conseiller Pôle emploi et d’un travailleur social pour 50 personnes, afin d’obtenir un « accompagnement global » adéquat pour des candidats très éloignés de l’emploi. Or, le régime normal, dit « de suivi », à Pôle emploi est de un pour 363, le régime « guidé » de un pour 211) et régime « renforcé » de un pour 97, selon les chiffres de la Cour des comptes. Un pas immense reste à franchir.

      Le service de l’emploi et de l’insertion est en outre confronté à trois populations hétérogènes : les jeunes ayant de grosses difficultés (à qui Le RSA est refusé, jusqu’à l’âge arbitraire de 25 ans), les chômeurs et les titulaires des minima sociaux, et parmi eux ceux qui ont des problèmes de santé (et ils sont nombreux). Chacun de ces groupes a besoin de services adaptés, qui ne peuvent être automatisés.

      L’essence de l’esprit de solidarité

      Par exemple, il faut des allocations aux jeunes sans emploi ni formation : ils sont plus d’un million, mais moins de 300 000 ont droit au soutien d’un contrat engagement jeune. L’idée d’un accompagnement renforcé accordé à un million de titulaires du RSA (avec un conseiller pour 50 allocataires) coûterait annuellement de 1,4 milliard d’euros, affirme l’IFRAP, un groupe de réflexion ultra-libéral.

      Or, la qualité de l’accompagnement conditionne la réussite : c’est précisément son absence qui explique les mauvais résultats de l’insertion, comme l’affirme la Cour des comptes à juste titre. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Danemark dépense trois fois plus proportionnellement que la France pour les « mesures actives » de l’emploi (c’est-à-dire les mesures de formation, d’accompagnement, d’insertion…. hors allocations), ce qui explique leur succès relatif dans notre pays.

      Or le Danemark est, comme la France, critiqué comme champion européen des dépenses sociales. Mais il n’y a rien sans rien ! Et de toute façon, l’insertion sociale et professionnelle est sans cesse à remettre sur l’ouvrage, avec des taux d’accès à l’emploi souvent décevants. Il ne faut pourtant pas renoncer, car il s’agit ici de l’essence de l’esprit de solidarité.

      Jean-Claude Barbier(sociologue CNRS au Centre d’économie de la Sorbonne /Paris 1 Panthéon Sorbonne)*

    • La réforme du RSA suscite inquiétudes et scepticisme
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/05/04/la-reforme-du-rsa-suscite-inquietudes-et-scepticisme_6172003_823448.html

      Le gouvernement s’inspire notamment du contrat d’engagement jeune (#CEJ), mis en place en mars 2022. Un dispositif réservé aux 16-25 ans et aux moins de 30 ans en situation de handicap qui ne sont ni en études, ni en activité, ni en formation, et qui peinent à accéder à un emploi durable. Ces derniers s’inscrivent dans un parcours d’accompagnement de quinze à vingt heures hebdomadaires en échange d’une #allocation de 530 euros.

      Voilà le tarif : 530e par mois
      Toujours aussi drôle de voir les articles de gauche, et les critiques libérales (comme ci-dessus) qui disent 600 euros pour le RSA individuel alors que dans les faits c’est 534,82 (dans plus de 90% des cas, et ce depuis 1988, un « forfait logement » de 12% est retranché du montant maximum théorique).

      edit trouvé le reste dont

      (...)Des mesures coercitives qui suscitent, là encore, le scepticisme. « Les sanctions annoncées posent une vraie question opérationnelle, considère Antoine Foucher, du cabinet Quintet. Comment va-t-on, même partiellement, même provisoirement, diminuer le RSA des allocataires récalcitrants ? » Ces derniers « sont déjà très contrôlés, avec pas mal de sanctions », ajoute Michaël Zemmour, qui cite notamment « la mise sous surveillance » de leurs comptes en banque.

      Discours « démagogiques »
      Si les collectivités locales expriment ces craintes c’est aussi parce qu’elles pensent qu’une sorte de double discours existe au sein du gouvernement. « Nous sommes rassurés sur les conditions de l’expérimentation, mais inquiets concernant le contenu de la loi », lance Bruno Bernard. Le président écologiste de la métropole de Lyon dénonce les discours « démagogiques » du président de la République et du ministre des comptes publics, Gabriel Attal. Lors d’un déplacement dans l’Hérault, le 25 avril, ce dernier a opposé « les classes moyennes », « ceux qui comptent pour l’essentiel sur leur travail pour vivre, pas sur les aides sociales ni sur un gros patrimoine », aux opposants à la réforme des retraites qui accueillent les déplacements de ministres avec des casseroles.

      Cette opposition entre les actifs et ceux qui bénéficient des minima sociaux avait déjà utilisée par Emmanuel Macron, lors de son entretien télévisé, le 22 mars. « Beaucoup de travailleurs disent “vous nous demandez des efforts mais il y a des gens qui ne travaillent jamais” », avait déclaré le locataire de l’Elysée pour justifier le conditionnement du RSA. (...)

      Une rhétorique qui trouve un écho dans la population et qui peut en partie expliquer la difficulté que peuvent avoir les opposants à mobiliser largement. « L’idée s’est imposée dans l’opinion publique [que nous fabriquons] qu’il y a trop de gens qui vivent de la solidarité nationale, analyse le directeur général délégué d’Ipsos, Brice Teinturier. Une forme de consensus sur le sujet s’est installé, donc une telle réforme du RSA ne sera pas vraiment contestée par les Français. » Un climat politique issu de vingt ans de discours sur le supposé « assistanat » auquel vient s’ajouter un contexte économique favorable.
      Compte tenu des difficultés de recrutements rencontrées par les employeurs dans de très nombreux secteurs, ceux qui ne travaillent pas sont considérés comme profitant du système. Plusieurs études montrent qu’il y a surtout beaucoup de personnes qui peuvent prétendre au RSA et qui n’en bénéficient pas. « En 2018, un tiers (34 %) des foyers éligibles au RSA serait non recourant chaque trimestre, et un sur cinq (20 %) le serait de façon pérenne trois trimestres consécutifs », rappelle la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.
      Dans son entretien avec les lecteurs du Parisien, le 23 avril, Emmanuel Macron s’appuie pourtant sur ceux qui « abusent » du RSA pour défendre la réforme. Un sentiment renforcé par la sensation qu’ont les actifs, et surtout les travailleurs dit de première et deuxième lignes, que leur travail est dévalorisé et ne paie pas assez. « La précarisation du monde du travail renforce le ressentiment de ceux qui ont l’impression de se lever tôt pour un travail difficile et mal payé envers ceux qui bénéficient des minima sociaux sans travailler », signale Brice Teinturier.

      https://justpaste.it/5oq7c

    • Cela me fait penser à ce passage du Capital de Marx, chapitre 27 – L’expropriation de la population campagnarde – évoquant « la loi sur les pauvres » au XVIe siècle.

      Le protestantisme est essentiellement une religion bourgeoise. Pour en faite ressortir « l’esprit » un seul exemple suffira. C’était encore au temps d’Élisabeth : quelques propriétaires fonciers et quelques riches fermiers de l’Angleterre méridionale se réunirent en conciliabule pour approfondir la loi sur les pauvres récemment promulguée. Puis ils résumèrent le résultat de leurs études communes dans un écrit,contenant dix questions raisonnées, qu’ils soumirent ensuite à l’avis d’un célèbre jurisconsulte d’alors, le sergent Snigge, élevé au rang de juge sous le règne de Jacques-Ier. En voici un extrait :

      « Neuvième question : Quelques-uns des riches fermiers de la paroisse ont projeté un plan fort sage au moyen duquel on peut éviter toute espèce de trouble dans l’exécution de la loi. Ils proposent de faire bâtir dans la paroisse une prison. Tout pauvre qui ne voudra pas s’y laisser enfermer se verra refuser l’assistance. On fera ensuite savoir dans les environs que, si quelque individu désire louer les pauvres de cette paroisse, il aura à remettre, à un terme fixé d’avance, des propositions cachetées indiquant le plus bas prix auquel il voudra nous en débarrasser. Les auteurs de ce plan supposent qu’il y a dans les comtés voisins des gens qui n’ont aucune envie de travailler, et qui sont sans fortune ou sans crédit pour se procurer soit ferme, soit vaisseau, afin de pouvoir vivre sans travail. Ces gens-là seraient tout disposés à faire à la paroisse des propositions très-avantageuses. Si çà et là des pauvres venaient à mourir sous la garde du contractant, la faute en retomberait sur lui, la paroisse ayant rempli à l’égard de ces pauvres tous ses devoirs. Nous craignons pourtant que la loi dont il s’agit ne permette pas des mesures de prudence de ce genre. Mais il vous faut savoir que le reste des freeholders (francs tenanciers) de ce comté et des comtés voisins se joindra à nous pour engager leurs représentants à la chambre des communes à proposer une loi qui permette d’emprisonner les pauvres et de les contraindre au travail, afin que tout individu qui se refuse à l’emprisonnement perde son droit à l’assistance. Ceci, nous l’espérons, va empêcher les misérables d ’avoir besoin d’être assistés . (a) »

      (a) R. Blakey : The History of political, literature from the earliest times. Lond., 1855, vol. II, p. 83, 84

    • oui, si ce n’est qu’on est passé des #workhouse à la « société de travail » (comme Jospin l’a excellemment formulé en 1998) sur un soubassement matériel et social tout autre que les dimensions communautaires détruites par la dynamique du capital : le salaire et le salaire social (j’entends par là autre chose que Friot ; toutes les formes de salaire socialisé, hors emploi, dont le RSA). là l’enjeu du contrôle, c’est de déterminer par la loi, la jurisprudence, les pratiques de guichet, les gesticulations agressives, etc., l’étiage de la disponibilité à l’emploi (la conditionnalité de fait), quitte à multiplier les simulacres (plutôt que les murs) où s’épuise le temps des prolos (la disponibilité à l’emploi avec ses jeux imposés, du théâtre)

      des éléments sur ce théâtre, d’il y a 12 ans (...)
      https://seenthis.net/messages/46203

    • là l’enjeu du contrôle, c’est de déterminer par la loi, la jurisprudence, les pratiques de guichet, les gesticulations agressives, etc., l’étiage de la disponibilité à l’emploi (la conditionnalité de fait), quitte à multiplier les simulacres (plutôt que les murs) où s’épuise le temps des prolos (la disponibilité à l’emploi avec ses jeux imposés, du théâtre)

      Effectivement, « de l’autre côté » des allocataires du RSA on trouve des personnes qui occupent des emplois d’insertion, qui ne correspondent à guère autre chose que des missions de contrôle social et de gestion administrative de la précarité (dont un certain nombre sont d’ailleurs d’anciens « bénéficiaires » du RSA).

      C’est à ce genre d’aberration auquel conduit la défense aveugle des emplois pour les emplois, au lieu de celle des ressources. J’utilise à dessein le mot « ressources » pour évoquer - indépendamment des différentes formes qu’elles peuvent prendre (salaire, minima, pension de retraite, revenu, apprentis, stage, emplois aidés, etc.) - l’accès inconditionnel à des moyens d’existence qui ne soient jamais inférieurs au SMIC (même si le SMIC est un salaire bas, ce sera toujours mieux que ce que donne la liste des emplois bilboques).

      Quand à savoir s’il s’agit ou d’un « salaire socialisé » ou d’un « revenu garanti », à la limite, cela ne me semble pas vraiment déterminant (ce genre de questions aurait même plutôt tendance à me gonfler). Si on trouve un autre mot que « ressources » qui exprime le même sens que celui que je viens de proposer, je suis preneur.

      L’autre raison pour laquelle, de façon plus générale, je pense qu’il est essentiel de déconnecter la question des emplois et d’insister sur celle des ressources dans la lutte sociale (notamment dans la lutte syndicale - ce qui n’est vraiment pas gagné) c’est qu’à cause de la « défenses de l’emploi » on en vient à justifier le développement des pires aberrations industrielles qui nous conduisent droit dans le mur sur le plan social, politique et écologique.

      Il faut arrêter de justifier les choix politiques et sociaux sur les emplois mais, par contre, la défense des fondamentaux de la justice économique doit rester une priorité afin qu’aucune décision économique ou politique (plan sociaux, taxe carbone, etc.) se fasse au détriment des conditions d’existence matérielles de la classe ouvrière (pour faire simple).

      Et puis, après, vient la question du travail, mais là, de mon point de vue, c’est encore une autre problématique.

  • Immigration : « L’attractivité relative de la France pourrait décrocher, menaçant son économie et son modèle social »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/31/immigration-l-attractivite-relative-de-la-france-pourrait-decrocher-menacant

    Immigration : « L’attractivité relative de la France pourrait décrocher, menaçant son économie et son modèle social »
    Philippe Askenazy Economiste
    Au cours de la prochaine décennie, la France, sans apport migratoire externe, devrait connaître une baisse de son attrait économique par rapport aux autres pays européens, en particulier l’Allemagne, observe l’économiste Philippe Askenazy, dans sa chronique au « Monde ».
    Publié aujourd’hui à 16h09, modifié à 16h09 Temps de Lecture 2 min.
    Il y a dix ans, les projections des Nations unies affichaient un bouleversement de l’équilibre démographique en Europe : à l’horizon 2050, la France devait devenir le pays le plus peuplé de l’Union européenne. Plongée dans un hiver démographique, l’Allemagne devait perdre 10 millions d’habitants, alors que la France en aurait gagné près de 10 millions, pour approcher, au total, 75 millions. Une France plus jeune que sa voisine pouvait ainsi devenir la première puissance, à la fois humaine et économique, de l’Europe continentale. Cet espoir est aujourd’hui enterré : les dernières projections sont spectaculairement différentes. En 2050, la France métropolitaine ne compterait que 66 millions d’habitants, contre 79 millions pour l’Allemagne.
    Au-delà de la fragilité inhérente à ce type d’exercice prospectif, que s’est-il passé en dix ans ? Le mini-baby-boom français du début du siècle s’est estompé et le nombre de décès s’avère bien supérieur. Outre-Rhin, les flux migratoires ont été largement révisés. Dans un contexte de mondialisation des personnes, de guerres avec leurs cortèges de réfugiés, de croissance démographique et de changement climatique au « sud », partout, la population immigrée est en croissance. Mais, comme le décortique remarquablement le dernier ouvrage de François Héran, Immigration : le grand déni (Seuil, 192 pages, 13,50 euros), la France ne s’est pas révélée particulièrement attractive. Dans le même temps, l’Allemagne a accueilli un flux annuel moyen de 1 million de migrants en gros, pour moitié européens et pour moitié de pays tiers. Au contraste des chiffres répond un contraste vertigineux sur le plan politique. Au lieu d’en être inquiet, le pouvoir est, en aparté, soulagé que si peu d’Ukrainiens aient choisi la France comme refuge, même en comparaison avec des pays encore plus éloignés géographiquement de l’Ukraine : rapporté à la population, six fois moins qu’en Irlande, trois fois moins qu’au Portugal et deux fois moins qu’en Espagne. Que ce soit le projet Darmanin ou ceux des membres du parti Les Républicains, l’obsession est de « reprendre le contrôle » en luttant contre le mirage d’une France attractive, à coups d’une police bureaucratique coûteuse et de quotas également bureaucratiques.
    Pourtant, si la démographie naturelle française demeure plus favorable qu’outre-Rhin, les dernières projections de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), à politique migratoire constante, suggèrent une quasi-stagnation de la main-d’œuvre disponible dans les prochaines décennies. Même en éradiquant le sous-emploi, des bras manqueront pour répondre aux besoins déjà présents, à ceux induits par la dépendance et, plus encore, par la nécessaire « action d’envergure » pour le climat rappelée dans le rapport Pisani-Ferry - Mahfouz.
    L’Allemagne prépare également une grande loi sur la migration. Une crainte, partagée des Verts aux conservateurs, est que les flux actuels soient insuffisants pour garantir la pérennité de la puissance germanique au-delà de la sphère européenne et de son modèle social. L’Allemagne doit être plus attractive. Des universitaires sont mobilisés pour imaginer des innovations permettant l’acceptabilité sociale de cet impératif.
    Ainsi, une équipe internationale d’économistes sous l’égide de l’Institut d’économie du travail de Bonn (Rhénanie-du-Nord-Westphalie) vient de proposer un assouplissement majeur des conditions d’immigration : l’octroi quasi automatique d’une autorisation de travail pour les ressortissants des pays tiers répondant à une offre existante d’emploi ou de formation, mais uniquement dans les entreprises couvertes par un accord collectif. Les auteurs y voient un moyen d’accroître l’attractivité de ces offres, d’éviter un dumping social et de relancer le dialogue social. En intégrant de fait la gestion migratoire dans la cogestion allemande, elle serait à la fois pertinente économiquement et acceptable socialement. Si de telles propositions sont retenues, l’attractivité relative de la France décrochera, menaçant son économie et son modèle social. Dans l’histoire, l’extrême droite française a démontré qu’elle se moquait de l’avenir de la France, mais il est étonnant que les héritiers du gaullisme soient insensibles à cet enjeu.
    Philippe Askenazy est économiste au Centre Maurice-Halbwachs (ENS-CNRS-EHESS)

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  • « Pour l’opposition turque, la défaite électorale face à Erdogan est surtout une défaite morale et éthique », Bayram Balci
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/30/pour-l-opposition-turque-la-defaite-electorale-face-a-erdogan-est-surtout-un

    La démocratie en Turquie a parlé. Avec un taux de participation de 87 % au premier tour et de 85 % au second, les Turcs ont fait la preuve d’un civisme exemplaire, mais pour quel résultat ? La coalition hétéroclite de plusieurs partis politiques d’opposition menée par Kemal Kiliçdaroglu a échoué à destituer le président, Recep Tayyip Erdogan. La déception du camp social-démocrate est grande quant à l’avenir de la démocratie en Turquie.

    Par les urnes, les Turcs ont clairement fait le choix d’un statu quo autoritaire plutôt que de miser sur la promesse, non garantie, d’une alternance démocratique salvatrice. La défaite est d’autant plus cuisante pour l’opposition qu’elle est entachée de déshonneur. Focalisée dans l’entre-deux-tours sur un discours nationaliste et #anti-immigration, visant surtout les #réfugiés syriens, elle s’est retrouvée en porte-à-faux avec les aspirations profondes d’une large frange de la coalition.

    Contre toute attente, en semant le doute et la confusion sur l’identité et la force de cohésion de cette coalition, cette crispation sur un #nationalisme xénophobe a éclipsé tous les autres sujets autrement plus urgents et pertinents pour le pays : la crise économique profonde, l’inflation douloureuse, les traumatismes du séisme, dont on pouvait penser qu’ils suffiraient à sanctionner le pouvoir en place. C’est tout l’inverse qui s’est produit. La peur d’une déstabilisation encore plus incontrôlable a manqué de peu d’accorder la victoire dès le premier tour au président Erdogan. Parallèlement, son alliance s’approche également des 50 % aux législatives. Le second tour de la présidentielle vient de lui assurer une victoire totale, à hauteur de 52 %.

    Au-delà de la déception et du désaveu envers le modèle démocratique, que nous enseignent ces élections présidentielle et législatives ?
    Malgré les failles de son bilan, l’habileté tactique électoraliste d’Erdogan reste intacte. Il a su détourner l’attention des difficultés économiques, de la baisse vertigineuse et inquiétante du pouvoir d’achat, pour rendre prioritaires et faire vibrer les cordes sensibles des Turcs : la sécurité des frontières, la stabilité régionale, le statut de la Turquie sur la scène internationale et les performances du pays en matière d’industrie de défense nationale. Un avantage tactique d’autant plus judicieux que l’opposition, novice dans sa coalition et inexpérimentée sur ce terrain international, ne pouvait y répondre que par des promesses théoriques, maladroites et insuffisamment crédibles.

    L’échec du HDP

    En effet, pour l’opposition, la défaite électorale est surtout une défaite morale et éthique. Composite, disparate, traversée par diverses tendances politiques irréconciliables entre sociaux-démocrates, nationalistes, islamistes et militants prokurdes, elle n’a pas réussi à incarner le changement, à inspirer la confiance en l’alternance. Mettre fin au pouvoir d’Erdogan ne pouvait suffire comme projet politique global. Cet unique dénominateur commun ne pouvait seul gommer le dissensus.

    Et le dissensus s’est révélé abyssal, dans des erreurs de stratégie électoraliste qui ont frôlé l’indignité : promettant la démocratisation du pays, tout en siphonnant le discours nationaliste sécuritaire et antimigrants ; assurant le rétablissement de l’Etat de droit, tout en dénonçant et criminalisant les réfugiés syriens en Turquie. Ce faisant, Kemal Kiliçdaroglu a non seulement perdu les élections, mais aussi toute sa crédibilité à incarner une opposition attachée aux droits humains.

    Quant au parti prokurde HDP, qui a soutenu l’opposition contre Erdogan, le score obtenu assombrit son horizon. En net recul depuis les élections présidentielle et législatives de 2018, il perd son rôle d’arbitre. Il ne compte plus que 61 députés au Parlement, contre 67 auparavant. Plus grave, il a fait perdre son camp : ne pouvant ou ne voulant clarifier sa relation avec le versant de la lutte armée de la cause kurde, il a offert à Erdogan le bâton pour se faire battre. Il n’en fallait pas davantage à la machine de propagande pour opérer l’amalgame entre parti prokurde, guérilla et terrorisme du PKK et en démontrer la menace pour la sécurité et la stabilité du pays. Cet échec du HDP aura des conséquences sur le mouvement national kurde, qui sera amené à se repenser et à se restructurer.

    Le choix autoritaire

    Quant au parti d’Erdogan, l’AKP, il peut savourer sa victoire, même si les lendemains qui chantent ne sont pas garantis, car les problèmes intérieurs demeurent aigus. L’économie est en berne, l’inflation galope, et aucun signal en provenance du pouvoir ne semble annoncer de changement de politique économique et monétaire. Quant à la société, elle est profondément divisée, polarisée, comme le prouve cette courte victoire, avec seulement 52 % des voix.

    Sur les scènes régionale et internationale, la victoire d’Erdogan s’inscrit dans une continuité familière, assez confortable tant pour ses partenaires que pour ses adversaires. L’avènement d’un Kiliçdaroglu inconnu et imprévisible aurait été plus difficile à appréhender pour les Occidentaux. Après le président français, Emmanuel Macron, et comme cela était prévisible, son homologue russe, Vladimir Poutine, a été parmi les premiers à le féliciter. Le pragmatisme de la realpolitik rend ce pays, à la position géostratégique délicate, incontournable pour la diplomatie occidentale, quel qu’en soit son président. Dans la guerre en Ukraine, dans les conflits du Moyen-Orient, la Turquie joue un rôle pivot, de médiateur et de tampon, qu’il nous appartient de comprendre et de reconnaître.

    C’est surtout en matière de politique intérieure que les évolutions à venir risquent de compter. Le choix autoritaire, confirmé par les urnes, ne devrait pas alléger l’écrasement des libertés, l’étouffement de l’opposition, le détricotage de l’Etat de droit. L’opposition décrédibilisée aura du mal à enrayer l’infatigable machine de guerre électorale et politique de l’AKP et de son président. L’horizon des élections municipales en mars 2024 devrait nous dire si et comment elle survit à ce mandat.

    Bayram Balci, chercheur CERI-Sciences Po Paris, ancien directeur de l’Institut français d’études anatoliennes à Istanbul.

  • Le RN, « héritier de Pétain » : Macron recadre Borne en Conseil des ministres
    https://www.leparisien.fr/politique/le-rn-heritier-de-petain-macron-recadre-borne-en-conseil-des-ministres-30

    « Il lui a mis un scud », lance un membre du gouvernement, en sortant ce mardi midi du Conseil des ministres. Deux jours après les propos d’Élisabeth Borne sur Radio J, quand elle a parlé du Rassemblement national comme d’une « idéologie dangereuse », allant jusqu’à qualifier le parti de Marine Le Pen d’un « héritier de Pétain », Emmanuel Macron a indirectement fait la leçon à sa Première ministre devant les siens. Une mise au point pour rappeler ce que doit être, selon lui, la bonne stratégie pour cogner contre sa principale rivale à la dernière présidentielle, à savoir l’attaquer « par le concret », le « réel », et non pas en utilisant des « mots des années 90 qui ne fonctionnent plus ». Selon un participant, la Première ministre n’a pas réagi.

    […]

    Ce recadrage en plein Conseil des ministres est plus globalement intervenu au moment de commenter les résultats des dernières législatives en Espagne, où l’extrême droite est devenue la troisième force politique du pays. Et Macron de poursuivre son allusion aux propos de Borne, sans jamais en faire distinctement référence, pour reprocher les « postures morales » qui ne prennent plus dans l’opinion : « Le combat contre l’extrême droite ne passe plus par des arguments moraux. On n’arrivera pas à faire croire à des millions de Français qui ont voté pour elle que ce sont des fascistes. »

    • En terme de changement des mentalités, il est plutôt factuellement vrai qu’on arrivera jamais à faire changer l’avis de millions gens en disant « t’es un fasciste bouuuh spas bien, vazy change ». Le principe du « faire honte » ça marchait peut-être quand ils étaient vraiment minoritaires (et encore, est-ce que ça a vraiment marché ? les postures morales de SOS racisme etc des années 80 ça n’a jamais servi non plus) mais maintenant que c’est un si gros paquet, ça peut juste rien faire… surtout quand dans le même temps 90% des autres politiques proposent et font la même chose…

      Comment tu changes un pays où t’as un tiers ou plus des gens qui sont fascistes ?

      Évidemment comme souvent Macron dit un mot vrai pour en vomir du faux, puisque son concret c’est de faire littéralement des actions autoritaires (violence, surveillance, anti démocratisme, etc), alors qu’avec le même constat on pourrait dire qu’il faut faire des actions plus démocratiques, plus d’égalité, plus de solidarité, etc, une vie meilleure, aboutissant à moins de fachos mais ça ça prend des années à changer et voir le résultat…

    • @Nolwenn_Guellec
      https://twitter.com/Nolwenn_Guellec/status/1663551488277483520

      Macron ne peut pas ignorer l’histoire familiale d’Élisabeth Borne.
      « Recadrer » la fille d’un survivant d’Auschwitz sur la façon dont il convient de parler des complices de ceux qui voulaient l’exterminer.
      Ce type est vraiment immonde.
      Et en plus il me fait éprouver une immense sympathie pour Élisabeth Borne ça je peux pas le pardonner.
      Enfin après je comprends pas qu’elle lui ai pas immédiatement envoyé une lettre de démission dans la gueule (peut être c’est pour ça que je serai jamais ministre aussi)

      edit l’histoire est un mot des années 90

    • @rastapopoulos Je ne suis pas tout à fait d’accord. Certes ce que tu décris, c’est ce qu’ont fait les gouvernements jusqu’à présent : d’un côté jouer le jugement moral contre l’extrême-droite, et de l’autre, de manière généralement extrêmement violente et anti-démocratique, imposer la destruction des solidarités, protections sociales, services publics, etc., ce qui évidemment fait monter l’extrême-droite. Évidemment que ça ne peut pas fonctionner.

      En revanche, ça ne veut pas dire que la carte morale est une mauvaise chose en soi. Borne a bien le droit de rappeler que l’extrême-droite actuelle s’inscrit dans la lignée politique de l’extrême-droite d’antan, je ne vois pas ce que ça a de faux, ni de particulièrement contre-productif. Que ce ne soit pas « efficace » en soi, certainement, mais d’où ça lui vaut un « skud » du président ?

      Sauf à faire le calcul qu’il va sauver son quinquennat grâce à l’union avec l’extrême-droite qui va de Ciotti à Le Pen, et donc faudrait voir à pas trop insulter ses alliés de fait ? Perso c’est ça que je lis ici : pas que Borne a raison ou tord (si ces gens avaient la moindre dignité, ils ne seraient pas dans ce gouvernement, n’y seraient pas entrés, et à tout le moins auraient balancé leur démission depuis belle lurette), mais qu’elle se fait « recadrer » pour avoir dit une banalité sur le Front national. Et que cette simple banalité, qui plus est énoncée sur la première radio juive du pays, c’est encore too much…

    • Sinon, croire qu’il n’y a pas non plus un glissement moral, et que c’est juste l’économie-stupid (« le réel »), c’est un demi-mensonge.

      Certains publics ne votaient pas facho : les catholiques ne votaient pas facho, les classes aisées ne votaient pas facho, les gays ne votaient pas facho, les juifs ne votaient pas facho. Maintenant si. Donc il y a bien un glissement moral qui s’opère, « une digue qui lâche », c’est visible dans ces cas-là, parce que la seule économie n’explique pas le basculement. Et je pense que c’est le cas ailleurs. On peut regretter le cantonnement à la moraline, mais d’un autre côté on a des phénomènes de glissement moral à l’œuvre qu’on ne peut pas occulter.

      Par ailleurs, on sait que l’extrême-droite mène des culture-wars en permanence, et on passe notre temps à constater qu’elle arrive à imposer ses thèmes et à envahir l’espace médiatique et pseudo-intellectuel. Alors nier l’importance du discours et prétendre que c’est juste un problème de « réel », ça n’est pas cohérent.

    • Bah c’est très conjoncturel, suivant l’ordre dominant (ou qui s’approche de dominer) à chaque époque. Lors de la montée des fascismes, aussi bien en Italie qu’en Allemagne qu’ensuite en France, les cathos (riches) ou le « bloc bourgeois » ont massivement pris fait et cause pour les fachos, tout de même. Donc « ça dépend ». Et du coup la morale va (un peu souvent) de pair avec se retrouver dans le camp qui domine ou qui en est pas trop loin, et donc au final un choix pas si « intellectuel » que ça, mais bien du matériel derrière. :)

    • Au RN « certains y voient une forme d’aboutissement de la stratégie de dédiabolisation. »
      https://www.francetvinfo.fr/politique/gouvernement-d-elisabeth-borne/propos-d-elisabeth-borne-sur-le-rn-le-recadrage-d-emmanuel-macron-divis

      Guillaume Kasbarian [ :] "Les gens aujourd’hui attendent non pas des rappels historiques, mais appellent un combat d’idées, un combat idéologique et un combat sur les propositions concrètes, affirme le député Renaissance. Et concrètement, ils attendent qu’on leur dise en quoi les propositions du RN ne sont pas bonnes et en quoi les nôtres sont meilleures."

      "Je suis ravi de voir qu’Emmanuel Macron a enfin compris qu’il fallait parler des vraies idées", se félicite le député RN de l’Eure Kévin Mauvieux."Que tout le monde se mette au travail pour les Français et qu’on mette fin aux task forces anti-RN qui, au lieu de travailler pour les Français, travaillent pour la politique", poursuit-il.

      edit la proposition de renforcer le contrôle des dépenses de santé et des allocs parmi les étrangers et la décision d’embaucher pour ce faire 1000 agents de contrôle permet à ceux qui ne sont rien de l’oublier un peu en constatant que cette fois (encore) les moins que rien vont trinquer. (pour ce qui est de la gauche, comme pour AdamaTraoré, les Ruffins auront foot)

      #français_d'abord #racisme

    • Sous pression de LR, Macron achève sa clarification par la droite
      https://www.mediapart.fr/journal/politique/300523/sous-pression-de-lr-macron-acheve-sa-clarification-par-la-droite

      Déterminé à faire passer sa loi sur l’immigration, Gérald Darmanin veut durcir son texte pour convaincre la droite d’opposition. Entre son ministre de l’intérieur et sa première ministre, réticente à cette idée, le président de la République doit désormais faire un choix qui dira beaucoup de la suite du quinquennat.

      pour devenir « majoritaires », espérer survivre aux 4 ans qui leur reste, sur le papier, ils n’ont de choix que sur les méthodes à employer. le « scud » contre Borne qui allie la falsification historique à l’atteinte existentielle (elle est la fille d’un juif résistant survivant des camps nazis) montre que rien ne sera trop trash à leurs yeux.

      edit on se zemmourise d’autant plus opportunément que la candidature d’icelui a montré qu’il était enfin possible pour des bourgeois de voter fasciste (cf. les scores Paris VIIe, VIIIe, XVIe), ce que ni le FN ni le RN ne leur avait permis

      #droitisation

    • Sinon encore, l’idée selon laquelle on aurait eu constamment un discours moralisateur anti-Le Pen, et que ça aurait échoué, ça revient à oublier que tous les partis politiques de gouvernement se sont alignés sur les saloperies du FN (tout en proclamant l’étanchéité d’avec ses idées). À gauche on a une belle ligne droite de Chevènement à Valls, à droite du Bruit et l’odeur, Marie-France Garaud, Pasqua-Pandraud à Darmanin en passant par la racaille sarkozyste, les bonnes questions mais les mauvaises réponses, le printemps républicain, Charlie, Fourest, Finkie, Houellebecq… Alors les gentils jeunes des années 80 qui emmerdaient le Front national, c’est assez injuste de leur imputer le fait que leurs discours anti-FN c’est pas un échec mais ça n’a pas marché, alors que l’ensemble des partis de gouvernement sont allés à la soupe raciste et qu’on mangeait de la merde anxiogène tous les midi à 13 heures et tous les soirs à 20 heures.

    • Tu mélanges plusieurs époques il me semble, car à ce moment là des années 80, Touche pas à mon pote, SOS Racisme e tutti, c’était massivement une réponse organisée/impulsée par la gauche politicienne, par l’équipe Jack Lang, etc, à la suite (contre) la marche pour l’égalité et contre le racisme qui l’était par les dominés (83). C’est multi-documenté à la fois côté militants (plusieurs référence sur seenthis), et par les historiens, universitaires (un chapitre entier sur ça dans François Cusset, La décennie, Le grand cauchemar des années 80, je suis en plein dedans).

      Tout ce que tu décris c’est la suite, la montée en parallèle du FN et des autres politiques qui les suivent à chaque fois, dans les années 90 puis 2000. Mais la « création » de la posture seulement morale (péjorativement) et « apolitique », c’est bien les années 80. Et ça n’a strictement en rien endigué la montée des fachos. Notamment, en bonne partie, sans même encore copier le FN, mais parce que ce même gouvernement qui a poussé cette moraline est celui a détruit les rêves d’égalité et de vie meilleure pile au même moment (ceci expliquant cela), et donc une immense partie des prolos voulaient plus entendre parler de la gauche, et que tout ce qu’elle disait et dirait ensuite c’était un mirage. Forcément ça augmente grandement la probabilité de montée du FN dans les catégories pauvres et classes moyennes dans les années qui suivent. Avant Chirac, avant Pasqua, avant Sarko, etc.

    • Touche-pas-mon-pote, c’est juin 1985. Pasqua-Pandraud c’est mars 1986, Malik Oussekine c’est décembre 1986, la grotte d’Ouvéa c’est 1988, le Bruit et l’odeur 1991. On n’a pas attendu les années 90 et la montée du FN pour jouer la carte du gros racistes couillu et fier de l’être. Encore une fois, je suis assez d’accord sur le fait que se contenter d’un discours moraliste tout en faisant une politique de destruction des solidarités, c’est un élément important.

      Mais dans le même temps, on ne peut pas prétendre qu’il y aurait réellement eu une période avec un discours moraliste anti-faf omniprésent (et que donc « ça ne marche pas ») : le discours dominant dans les médias et en politique, en dehors d’une très courte période (je sais pas : 84-86 ? quand la gôche c’est Michel Berger, France Gall et Balavoine…), c’est largement la reprise des thèmes de l’extrême-droite, d’abord par la droite traditionnelle, et assez rapidement par la gauche de gouvernement. De ce que je m’en souviens, c’est en continu et sans interruption depuis 1986.

    • création des CRA, 1983 ; instauration du RMI avec une durée de séjour légal antérieur de 2 ans comme condition d’accès (le PS avait prévu 3 ans), 1988.
      la raréfaction des cartes de séjour de 10 ans qui avait été longue à être attribué l’argement, je ne me souviens plus quand ça a commencé mais c’est les années 80 (va te faire renouveler du 1 an, et tombe dans un trou si pas les bonnes conditions), ce qui était une remise en cause des droit et de la légitimité à être là, et à circuler, des étrangers tout à fait perceptible.

      par ailleurs SOS race fournissant la (fausse) démonstration que l’organisation autonome des premiers concernés ne paye pas, le réflexe de s’en remettre à des chefs (Tontoooon ! le RN) des grands personnages, des orgas qui vont gérer a été martelée en même temps que la centralité de l’entreprise dans la vie sociale (merci PS). une fois bien déboussolé, on s’accroche aux bouées que l’on trouve. et si le RN était un parti de contremaîtres et de petits coms, il a pu surfer sur la désindustrialisation (sans salaire) pour gagner des voix parmi ceux à qui on a assuré que c’est plus bas (coloré et étranger) qu’eux que les coups les plus violents étaient justifiés.

      la gauche chauvine (OCI, d’où venait une bonne part de la couche dirigeante sociliste ; PCF : après le « produisons français » des ’70, bulldozer de Vitry, « chasse aux dealers » et à leurs familles dans les municipalités) n’est pas pour rien dans le succès d’une gauche morale qui avait d’ailleurs dénoncé dès 1983 les grévistes arabes de l’automobile comme sabotant la production nationale.

      outre l’aspect pulsionnel (...) la droitisation/fascisation de masse, ou la tolérance pour ses thèmes, rappelle ces cochons qui deviennent cannibales une fois enfermés sans espace de vie.

    • "Sébastien Chenu (RN) n’est pas un bon mais un très bon vice-président de l’Assemblée.", Yaël Braun-Pivet

      Marine Le Pen est « trop molle », Gérald Darmanin

      MLP a été « plus républicaine » que d’autres, Olivier Dussopt

      Devant les députés LRM, Macron invoque Maurras pour parler du régalien

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/02/12/devant-les-deputes-lrm-macron-invoque-maurras-pour-parler-du-regalien_602929

      En septembre 2019, Emmanuel Macron réclamait aux députés de sa majorité de « regarder en face » le sujet de l’#immigration. Mardi 11 février, il leur a demandé d’ajouter à leur panier les sujets de l’#insécurité et du « séparatisme ». Des questions que l’Elysée estime prioritaires afin que le chef de l’Etat ne se retrouve pas submergé par le Rassemblement national (#RN) en 2022. Pour convaincre ses troupes de l’urgence, le président de la République a usé d’une rhétorique pour le moins surprenante de la part du héraut revendiqué du progressisme.

      « Le problème qu’on a politiquement, c’est qu’on a pu donner le sentiment à nos concitoyens qu’il y avait un pays légal et un pays réel, et que, nous, on savait s’occuper du pays légal – moi le premier –, et que le pays réel ne bougeait pas. Sur le sujet de la sécurité, en [sic] premier chef, il faut faire bouger le pays réel, a estimé Emmanuel Macron devant les députés de sa majorité, réunis à l’Elysée. L’insécurité, c’est le sentiment d’insécurité. Il faut y aller, s’investir sur le terrain, faire bouger les choses, faire aboutir ce Livre blanc [sur lequel travaille le ministère de l’intérieur]. Après, sur certains points, il faut faire bouger le droit. Sur le sujet immigration, sécurité du quotidien, lutte contre les séparatismes, je souhaite qu’on puisse [les] réinvestir, avec des initiatives parlementaires et avec une stratégie d’ensemble. »

      « Plan de reconquête républicaine »

      Charles Maurras, penseur nationaliste et dirigeant de l’Action française, avait théorisé durant la première moitié du XXe siècle cette distinction entre « pays légal » et « pays réel ». Une manière d’opposer des élites nécessairement déconnectées à un peuple en prise avec le « réel ». Aujourd’hui encore, cette notion de « pays réel » est régulièrement convoquée à l’extrême droite. En reprenant à son compte ce vocable, Emmanuel Macron entend montrer qu’il serait à l’écoute des catégories populaires – en partie séduites par le RN –, contrairement à l’image qui lui est accolée depuis le début du quinquennat. En septembre 2019, M. Macron avait utilisé le même argument pour justifier sa volonté de se saisir du sujet migratoire. « Les bourgeois n’ont pas de problème avec ce phénomène parce qu’ils ne les croisent pas. Les classes populaires vivent avec ça », avait-il justifié devant les parlementaires de la majorité.

      « Mais le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien, c’est différent », E.M. , Juin 2017

    • Malaise au sommet de l’Etat face à l’héritage historique du Rassemblement national

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/06/01/malaise-au-sommet-de-l-etat-face-a-l-heritage-historique-du-rassemblement-na

      [...]

      Lors d’un « colloque » commémorant les 50 ans du parti de la préférence nationale, en octobre 2022, le RN avait distribué un fascicule rappelant que « des profils très différents [avaient] pris part » au mouvement. On y lisait le nom de résistants aux rôles mineurs dans l’histoire de l’ex-FN. Le favori des cadres du RN demeure Georges Bidault, président du Conseil national de la Résistance à la suite de Jean Moulin, et présenté comme un membre fondateur. Dans les faits, rappelle Nicolas Lebourg, historien spécialiste de l’extrême droite, « Georges Bidault ne va même pas jusqu’au bout du processus de création du parti. C’est un ancien résistant, qui est là car partisan de l’Algérie française, mais il ne reste pas. C’est celui qui est passé dix minutes chez vous et que vous présentez plus tard comme votre meilleur ami. »

      A l’inverse, les historiens spécialistes du FN sont unanimes quant au rôle décisif joué par d’anciens collaborationnistes dans la création du parti, ainsi que sur la filiation idéologique avec le régime de Vichy. Selon Laurent Joly, historien spécialiste de la période vichyste et de l’extrême droite, Elisabeth Borne a raison au plan historique, puisque « Marine Le Pen est l’héritière d’un mouvement politique fondé par un ancien pétainiste militant » – étudiant, Jean-Marie Le Pen distribuait le premier journal pétainiste de l’après-guerre, puis dirigeait la campagne néopétainiste de Jacques Isorni, avocat de l’ancien chef du régime de Vichy, élu à Paris.

      En 1972, l’ancien milicien François Brigneau est pressenti pour prendre la présidence du tout nouveau Front national. La déclaration d’intention du parti, qu’il rédige, « contient quatre points, rappelle M. Lebourg : travail, école, famille et nation. L’inspiration est claire. » Pierre Bousquet, qui en a déposé les statuts, avait intégré la Waffen-SS en 1943, au sein de la division Charlemagne. Quant à Pierre Gérard, qui fut durant la guerre directeur de l’aryanisation économique au Commissariat général aux questions juives, il fut secrétaire général du FN et maître d’œuvre de son programme économique libéral en 1984. « Toutes ces figures sont mortes », évacue l’un des conseillers du chef de l’Etat.
      Mortes, mais jamais reniées. « Nous n’avons pas à rougir de notre histoire », répétait encore Marine Le Pen en octobre 2022, à l’occasion des 50 ans de son parti. A l’époque, dit-elle, le FN est « le point de ralliement de tous ceux qui ont la France au cœur ». Poursuivant par là la constante exprimée par son père : peu importe le comportement durant la guerre, pourvu qu’il ait répondu à une forme de nationalisme. « Depuis l’affaire Dreyfus, deux lignes coexistent dans le nationalisme français : une ligne populiste dont Marine Le Pen est l’héritière et une ligne doctrinaire reprise par Eric Zemmour, rappelle Laurent Joly. D’un côté, les Déroulède et La Rocque ; de l’autre, les Drumont, Maurras, Bruno Mégret ou Marion Maréchal. »
      L’idéologie du « marinisme » s’éloigne de l’héritage pétainiste et creuse le sillon populiste en évacuant les scories antisémites et négationnistes. Sans jamais, pour autant, rompre le fil reliant son parti à certains fidèles ayant pu tenir des propos révisionnistes ou s’amuser de références au IIIe Reich. Sans jamais non plus rompre avec le récit tenu sous de Gaulle et Mitterrand d’une irresponsabilité de la France dans les crimes commis sous l’Occupation – « Je considère que la France était à Londres en 1940 aux côtés du général de Gaulle », a encore répété Jordan Bardella sur RTL.
      Marine Le Pen refuse encore d’imiter Jacques Chirac et ses successeurs en reconnaissant la responsabilité de l’Etat français dans la rafle du Vél’ d’Hiv. En 2017, lorsqu’elle avait rappelé qu’à son sens, « la France n’était pas responsable du Vél’ d’Hiv », Emmanuel Macron avait sauté sur l’occasion à quelques jours du scrutin présidentiel : « D’aucuns avaient oublié que Marine Le Pen est la fille de Jean-Marie Le Pen. »

      Désormais, le chef de l’Etat se veut « en surplomb, président de tous les Français, qui pense pouvoir réintégrer Pétain dans la mémoire nationale », analysent d’anciens proches passés par l’Elysée. L’épisode en évoque un autre : en novembre 2018, le chef de l’Etat avait accepté de rendre hommage aux huit maréchaux de la guerre de 1914-18, dont Philippe Pétain, avant de se rétracter. « Le maréchal Pétain a été (…) un grand soldat », avait-il déclaré, à Charleville-Mézières (Ardennes), provoquant un vif émoi. Une manière, selon son entourage, de garder le contact avec une partie du pays tentée par le vote Le Pen.
      L’historien Laurent Joly souligne un « décalage avec la réalité : l’idée selon laquelle il faut lutter contre le FN non pas sur la morale mais seulement sur la crédibilité, programme contre programme, est un argument vieux de quarante ans. Cette méthode a-t-elle fonctionné sous Macron ? Jamais l’extrême droite n’a été aussi haute qu’à la présidentielle de 2022. »

      « Cette manière de recadrer Elisabeth Borne, volontaire ou non, n’a que des inconvénients, y compris pour Emmanuel Macron »
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/06/01/cette-maniere-de-recadrer-elisabeth-borne-volontaire-ou-non-n-a-que-des-inco

      [...] A un visiteur, qui lui demandait un jour s’il redoutait de voir arriver Marine Le Pen au pouvoir, le président avait répondu ceci : « Moi, je l’ai battue deux fois. Aux autres de la battre aussi. » Ce visiteur était reparti le cœur troublé, avec le sentiment diffus que M. Macron – qui a mis en scène depuis six ans son affrontement avec le RN, meilleur moyen de conserver le pouvoir – s’en lavait désormais les mains.

      La lutte contre le RN ne peut pas être banalisée
      ÉDITORIAL
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/06/01/la-lutte-contre-le-rn-ne-peut-pas-etre-banalisee_6175689_3232.html

      Si Emmanuel Macron a quelque légitimité à dire qu’il faut combattre le Rassemblement national par « le fond » et « le concret », Elisabeth Borne est tout aussi fondée à rappeler que le parti d’extrême droite est porteur d’une « idéologie dangereuse ». Adepte du « en même temps », le chef de l’Etat aurait été bien inspiré, sur ce sujet, d’y rester fidèle.

  • Ayé, la mort de trois flics à Roubaix permet enfin au président de mettre un pied dans la rue sans qu’aucune voix ne s’élève. Heureusement, car il faut aller au charbon, c’est à dire lancer la campagne électorale des législatives (cf. les 2 milliards de réduction d’impôts promis, ou les dires de qui tient l’encensoir https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/23/emmanuel-macron-se-comporte-comme-s-il-etait-de-nouveau-en-campagne-electora). C’est l’occasion d’un nouveau clin d’oeil à l’extrême droite avec la reprise de la notion de "décivilisation", emprunté à R. Camus.

    « Il faut être intraitable sur le fond. Aucune violence n’est légitime, qu’elle soit verbale ou contre les personnes. Il faut travailler en profondeur pour contrer ce processus de décivilisation »
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/05/25/insecurite-macron-veut-se-montrer-intraitable-sur-le-fond-contre-une-decivil

    #décivilisation #extrême_droite

    • Au passage, on ne perd pas les éléments de langage du moment, qui permettent de lancer des poursuites à tout bout de champ contre ceux qui « insultent » le Présipotent ou les flics :

      Aucune violence n’est légitime, qu’elle soit verbale

    • CR d’audience, pointé par Me Eolas sur Twitter avec ce commentaire :

      A tous ceux qui veulent assimiler les homicides involontaires routiers à des homicides volontaires : voilà. Un dossier d’homicide routier, c’est ça.
      (Le comportement des parties est plus rare, mais pas exceptionnel).

      Tribunal de Meaux : À 19 ans, elle tue son amie d’enfance dans un accident - Actu-Juridique
      https://www.actu-juridique.fr/penal/tribunal-de-meaux-a-19-ans-elle-tue-son-amie-denfance-dans-un-acciden

      Les audiences ouvrent parfois des parenthèses d’une extrême intensité émotionnelle. Ce fut le cas jeudi 25 mai lorsque, au tribunal de Meaux (Seine-et-Marne), le père d’une jeune fille morte sur la route en 2022 s’est levé pour enlacer et consoler Nadia*, conductrice responsable du drame. La victime et la prévenue s’aimaient depuis leur entrée en maternelle.

    • Emmanuel Macron, les sociologues et les classes moyennes… Récit d’un déjeuner confidentiel à l’Elysée
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/05/26/emmanuel-macron-les-sociologues-et-les-classes-moyennes-recit-d-un-dejeuner-

      Le chef de l’Etat a reçu quatre chercheurs, mardi, qui l’ont prié de projeter le pays vers une « civilisation écologique ». Il a retenu de cet échange la formule controversée de « décivilisation » pour critiquer les violences dans la société.

      Emmanuel Macron lors d’une cérémonie d’hommage aux trois policiers tués par un chauffard, à l’école nationale de police de Roubaix (Nord), jeudi 25 mai 2023. YOAN VALAT / AP
      Emmanuel Macron se cherche des capteurs. Deux semaines après avoir renoué avec des économistes qui l’avaient soutenu dans sa conquête du pouvoir, le chef de l’Etat a accueilli mardi 23 mai, selon les informations du Monde, un « déjeuner des sociologues », à l’Elysée. Ce jour-là, quatre chercheurs prennent place dans le salon des ambassadeurs, où se tient d’ordinaire le conseil des ministres : Jean Viard, directeur de recherches CNRS au Cevipof, sociologue proche d’Emmanuel Macron ; Philippe Moati, professeur d’économie et cofondateur de l’Observatoire Société & Consommation [uen société d’études et de conseil en stratégie], qui a travaillé sur les « gilets jaunes » ; Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’IFOP, et le journaliste Jean-Laurent Cassely, coauteurs de La France sous nos yeux. Economie, paysages, nouveaux modes de vie (Seuil, 2021).

      ... « Parlez-moi des transformations de la société » ...
      « Le problème, c’est que vous n’avez pas de récit face à la transition climatique. Vous nous racontez le piston [dans les hautes sphères ?], le moteur, le turbo… Mais l’enjeu, c’est le but, pas le capot de la voiture ! » .... « Il faut un récit qui embarque, sans accuser les Français de rester dans des transats, poursuit-il. Ce n’est pas une crise, c’est une rupture de civilisation. On entre dans la civilisation écologique. » ... [des dépenses et des mesures création d’impôts sont évoquées] le chef de l’Etat [...] préfère parler d’« écologie de progrès » pour insister sur les gains de croissance à venir... lorsque la conversation a glissé vers les #faits_divers sanglants... « Un processus de décivilisation s’enclenche », s’alarme le sondeur, à l’inverse du processus de civilisation des mœurs décrit par le sociologue allemand Norbert Elias. Emmanuel Macron acquiesce.
      https://justpaste.it/cvyfu

      faire diversion face à l’ampleur de la crise écologique, sociale, politique et en même temps grignoter LR et RN

      #décivilisation

  • Proposition de loi sur la « ferme France » : « L’objectif du texte du Sénat n’est pas d’œuvrer pour l’agriculture française, mais d’élargir la fenêtre d’Overton », Stéphane Foucart
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/21/proposition-de-loi-sur-la-ferme-france-l-objectif-du-texte-du-senat-n-est-pa

    Porté par les sénateurs Laurent Duplomb (Les Républicains, LR, Haute-Loire), Pierre Louault (Union centriste, Indre-et-Loire), Serge Mérillou (Parti socialiste, Dordogne) et Sophie Primas (LR, Yvelines), le texte « consacre une vision délirante, dogmatique, rétrograde » de l’agriculture, selon l’agronome Jacques Caplat, de l’association Agir pour l’environnement. Pour Alain Bazot, le président de l’UFC-Que choisir, il n’est autre qu’une « véritable lettre au Père Noël de la FNSEA » – la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.
    L’expression n’a rien d’exagéré. Le texte entend permettre le retour des épandages aériens, par exemple, et la mise en balance de la santé humaine avec d’éventuels bénéfices économiques dans le choix d’autoriser ou non le recours à tel ou tel pesticide.

    .... Les dispositions les plus controversées du texte, si elles venaient à être effectivement inscrites dans la loi, ne survivraient sans doute pas à une interprétation raisonnable de la jurisprudence et du droit européens, ou à l’application du principe de précaution, constitutionnalisé en 2005. .... A quoi peut bien servir un texte dont une part est inapplicable, et une autre sans réelle application ?

    https://justpaste.it/8eami

    #écologie #agriculture #santé #pesticides #mégabassines #eau #eau_non_potable #engrais #entreprise_France

    • Overton sans doute, et puis, quand même, sur un malentendu ou sur un coup de chance, y’a p’tet des bouts qui passeront ; ils font certainement de la politique probabiliste, comme certains commerciaux font de la vente.

      Le 2eme paragraphe de l’article :

      [le texte] prévoit :

      – la possibilité pour le ministre de l’agriculture de passer outre les décisions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses),

      – la sanctuarisation des projets de mégabassines au nom d’un prétendu « intérêt général majeur »,

      – veut lutter contre de supposées « surtranspositions » de la réglementation européenne qui porteraient préjudice à la compétitivité de la « ferme France »

      Ça, pourquoi ça passerait pas ?

  • L’« écoterrorisme », une arme politique pour discréditer la radicalité écologiste
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/17/l-ecoterrorisme-une-arme-politique-pour-discrediter-la-radicalite-ecologiste

    En revanche, il existe dans le code pénal une infraction pour « #terrorisme_écologique », qui concerne l’introduction dans l’atmosphère, dans les sols ou dans les eaux d’« une substance de nature à mettre en péril la #santé de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel » (article 421-2).

  • « Erdogan continue de répondre à une aspiration sociale fortement ancrée dans la société turque »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/17/erdogan-continue-de-repondre-a-une-aspiration-sociale-fortement-ancree-dans-

    En dépit du score élevé de l’opposition unie autour d’un seul candidat lors du premier tour de l’élection présidentielle en Turquie, l’universitaire Ahmet Insel constate, dans une tribune au « Monde », que l’« erdoganisme », ce pouvoir hyperprésidentiel et autocratique, est ébranlé mais reste debout.

    Les élections présidentielle et législatives du 14 mai en Turquie, considérées comme les plus importantes de son histoire contemporaine, ont pris de fait la forme d’un double référendum. Les électeurs se sont mobilisés massivement pour dire un « oui mais » à Recep Tayyip Erdogan, qui règne depuis vingt ans, et ils ont approuvé la continuation du régime hyperprésidentiel et autocratique, l’« erdoganisme », que le président sortant a mis en place progressivement depuis 2014. Son adversaire, un candidat qui veut mettre fin à l’autocratie en partageant le pouvoir, qui prône le retour à l’Etat de droit et un régime parlementaire, a reçu un soutien électoral important mais insuffisant.

    Le bilan d’étape de ces élections est plutôt clair. Même s’il n’est pas réélu au premier tour, Erdogan s’en sort mieux que son rival. Avec 49,5 % des voix, contre 44,9 % à Kemal Kiliçdaroglu, il est en position favorable pour le second tour. Par ailleurs, l’Alliance populaire, la coalition qui regroupe l’AKP, le parti d’Erdogan, à des partis d’extrême droite nationaliste ou religieuse, a la majorité parlementaire.
    Même si la Turquie est divisée à parts presque égales entre les partisans d’Erdogan et ceux qui veulent son départ, les résultats du 14 mai montrent que le centre de gravité politique du pays a encore plus glissé vers l’extrême droite nationaliste. Le MHP (Parti de l’action nationaliste), crédité dans les sondages d’opinion de 6 % à 7 % des voix, obtient plus de 10 % aux élections législatives. Avec l’arrivée sur la scène politique du parti ultrareligieux YRP, créé par le fils d’Erbakan − fondateur du parti de l’islam politique en Turquie −, ces deux partis compensent le recul de l’AKP, crédité de 35 % des voix aux élections législatives.

    Grave crise économique

    La principale question aujourd’hui est de savoir pourquoi et comment Erdogan a réussi à garder la confiance de la moitié des électeurs, malgré une grave crise économique, marquée par une inflation très élevée, une dépréciation vertigineuse de la livre turque, une augmentation de la pauvreté et des inégalités. Mais aussi malgré une usure du pouvoir, une corruption devenue un système de gouvernement et, enfin, un tremblement de terre qui a révélé l’incurie et le népotisme du système autocratique. L’alliance d’Erdogan avec le parti d’extrême droite MHP depuis 2016 et l’arrimage des petits partis d’extrême droite islamo-nationalistes dans cette alliance, à la veille des élections, n’expliquent qu’en partie cette résilience.

    Erdogan contrôle les médias, où son temps d’audience a largement dépassé celui de tous ses concurrents. Utilisant tous les moyens de l’Etat-parti, il a mené une campagne défensive, mais en engageant massivement des moyens budgétaires qui feraient pâlir de jalousie les dirigeants populistes d’autres pays. En effet, gérée par les réseaux clientélistes de l’AKP, la grave crise économique ne semble pas avoir ébranlé outre mesure la confiance des électeurs d’Erdogan.

    Mais, au-delà de ces éléments propres aux pouvoirs populistes, Erdogan continue manifestement de répondre à une aspiration sociale fortement ancrée dans la société turque, qui se met en rang derrière un homme autoritaire, susceptible de chasser les démons qui hantent les esprits : la peur de la dissolution de l’identité nationale et religieuse face aux revendications de reconnaissance et d’égalité des #Kurdes, des #alévis, des #femmes, plus une certaine crainte de l’Occident et, aussi, la nostalgie des grandeurs perdues d’antan.

    Turquie profonde sunnite-nationaliste

    Pourtant l’opposition s’est présentée unie derrière le leader du CHP, Kemal Kiliçdaroglu, qui a réussi à former une alliance comprenant différentes tendances politiques allant de la social-démocratie à la droite nationaliste et libérale, plus un courant islamiste anticorruption. Réunis au sein de l’Alliance de la nation, les six partis politiques qui regroupent la diversité de l’échiquier sociopolitique du pays ont tenté de mettre des bâtons dans les roues de la stratégie politique traditionnelle d’Erdogan : provoquer la polarisation de la société autour des questions ethniques, confessionnelles et culturelles, et l’obliger à se placer comme le leader de la majorité sociologique turque, sunnite, conservatrice.
    Avec la décision du parti prokurde de gauche HDP d’appeler à voter en faveur de Kemal Kiliçdaroglu dès le premier tour, jamais un rassemblement aussi large et diversifié pour la démocratie n’a été réalisé dans l’histoire contemporaine de la Turquie. Ce qui donne son caractère référendaire à ces élections. Mais la forte mobilisation électorale (88,9 %, soit de deux points supérieure à l’élection précédente, en 2018) semble avoir été portée surtout par la vague d’extrême droite islamo-nationaliste. Elle a permis à celui qui dirige le pays depuis vingt ans de se présenter en tête au second tour.

    Plus généralement, quand on prend aussi en compte les voix de la droite nationaliste au sein de l’alliance de l’opposition, et celles du troisième candidat nationaliste, dont les électeurs sont susceptibles de se reporter majoritairement sur Erdogan au second tour, on constate que l’espoir de la démocratisation est pris en tenaille par la Turquie profonde sunnite-nationaliste. Celle-ci s’inquiète de la présence du parti prokurde de gauche au Parlement, que la propagande du pouvoir assimile au Parti des travailleurs du Kurdistan et au terrorisme, et elle s’est cabrée devant la perspective qu’un alévi puisse devenir président.
    Pour cette alliance anti-Erdogan, qui a réussi à atteindre un score certes insuffisant mais historiquement élevé, l’enjeu du second tour sera surtout de prouver sa résilience. Ce sera le signal de la capacité de l’autre Turquie à continuer de s’organiser et de résister à l’autocratie #islamo-nationaliste. S’il est élu au second tour, Erdogan devra faire face à l’état lamentable dans lequel il a mis l’économie, mais aussi à la défiance de l’autre moitié de la #Turquie.

    #nationalisme #extrême_droite

  • François Dubet, sociologue : « La défense du statu quo scolaire est une défense de caste »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/15/francois-dubet-sociologue-la-defense-du-statu-quo-scolaire-est-une-defense-d

    L’explication de cette singularité n’est pas simple, mais une chose est sûre : les collèges et les lycées français sont particulièrement ségrégués. Cela signifie que les établissements les plus favorisés, d’une part, et les moins favorisés, d’autre part, participent d’un séparatisme scolaire accentuant fortement le seul jeu des inégalités sociales. A terme, derrière le décor de l’école républicaine, les élèves les plus favorisés se regroupent pendant que les moins favorisés d’entre eux sont contraints de rester ensemble.

    Les mécanismes de ces ségrégations sont parfaitement documentés et personne ne les conteste vraiment. D’abord, la carte scolaire reproduit très largement la répartition spatiale des inégalités. Ensuite, par les jeux des dérogations et, plus encore, par la présence des écoles privées, les familles les plus informées et les plus riches choisissent les meilleurs établissements et fuient ceux qui leur semblent trop populaires. Les seules inégalités spatiales sont ainsi redoublées par les choix des familles les plus favorisées.
    « Ghettos » scolaires

    Grâce à l’Indice de position sociale des établissements, auquel chacun peut accéder, on voit bien que le séparatisme scolaire est d’abord une affaire de « riches », financièrement et culturellement, pendant que les plus « pauvres » sont contraints d’aller dans des établissements de moins en moins favorisés. Les quelques établissements privés relativement populaires ne donnent pas le change : dans les grandes villes notamment, ils regroupent massivement les élèves venus de familles très favorisées. Ils participent activement d’un séparatisme qu’il est de bon ton de présenter comme une menace, sauf quand il s’agit du séparatisme des plus riches.

    après c’est #paywall

  • « Le macronisme n’est pas violent par hasard »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/15/le-macronisme-n-est-pas-violent-par-hasard_6173388_3232.html

    Quatre intellectuels dénoncent, dans une tribune au « Monde », le projet politique d’Emmanuel Macron, qui, selon eux, met à mal la démocratie afin de servir le marché. [...]

    Dès le départ, les thuriféraires du néolibéralisme ont ainsi explicitement identifié l’un des principaux problèmes qui menaçaient leur projet de fluidification du marché par l’Etat : la démocratie, toujours susceptible de mettre en danger le fonctionnement du marché. Leur stratégie politique, qui trouve ses racines dans une démophobie profondément réactionnaire, est restée invariable de Hayek à aujourd’hui. Elle consiste à neutraliser toutes les forces qui s’attaqueraient au principe de la concurrence en se prévalant de la justice sociale, dénoncée comme un mythe.[...]

    Emmanuel Macron croit utile à sa cause de jouer les défenseurs de l’« ordre républicain ». Dénoncer « les factions et les factieux », comme il l’a fait lors de son entretien télévisé du 22 mars, n’a d’autre sens que de fabriquer de l’ennemi à l’intérieur même de la société, selon une tradition bien établie des auteurs néolibéraux.[...]

    https://jpst.it/3dr-Z

    • La manifestation de ce midi, à Versailles, est une excellente illustration de cette démocratie qui vacille, tenue à bout de bras par les forces de l’ordre. Il y avait un déploiement militaire humain (des gardes mobiles, essentiellement) au moins trois fois supérieur au nombre de manifestants, avec le blocage de tous les accès au château (barrières grillagées et véhicules anti-émeute) à partir du boulevard sur lequel nous avons manifesté (depuis la gare de Versailles Chantiers).

      Ci dessous, l’article du Parisien sur la com de Macron et la manif s’y opposant qui me semble moins putassier que celui du Monde :

      Choose France : Emmanuel Macron accueilli par un concert de casseroles à Versailles - Le Parisien
      https://www.leparisien.fr/politique/choose-france-emmanuel-macron-accueilli-par-un-concert-de-casseroles-a-ve

      Alors qu’il était présent à Versailles à l’occasion du sommet Choose France, le président Emmanuel Macron a été accueilli par des casserolades.
      Plusieurs manifestants de la CGT étaient présents à Versailles pour accueillir bruyamment Emmanuel Macron. Ludovic MARIN / AFP

      Par Le Parisien
      Le 15 mai 2023 à 14h51, modifié le 15 mai 2023 à 14h59

      Sifflets et casseroles font désormais partie du décor de chacun des déplacements du président de la République. Ce lundi, à Versailles pour le sommet Choose France, Emmanuel Macron n’y a pas échappé.

    • Puissance de coalition

      Avec l’intention affirmée de dissoudre Les Soulèvements de la Terre ou de mettre en place une « cellule anti-ZAD », ce sont maintenant les termes d’« écoterrorisme » et d’« ultragauche » qui vont être systématiquement utilisés pour neutraliser toute critique de l’écologisme de marché du gouvernement. Même la Ligue des droits de l’homme est dans le collimateur, c’est dire où nous en sommes de la très grave régression en matière de démocratie.

      Un tel vertige dénonciateur présente l’immense intérêt de constituer celles et ceux qui dénoncent les diverses formes d’inégalité et de prédation en ennemis de la République, et de maintenir la croyance en la fonction pacificatrice de l’Etat, niant précisément par cette opération la guerre menée par cet Etat contre les adversaires de l’ordre néolibéral.

      Mais derrière le « chaos » que Macron a déclenché, il convient de déceler l’autre monde que portent en eux les « factieux ». En quoi la défense d’une vie digne pour les travailleurs les plus âgés et les futurs retraités et la défense de la nature contre des projets destructeurs offrent-elles aujourd’hui une rare puissance de coalition ? Parce qu’en chaque cas, il est question d’une vie désirable et d’un monde habitable, inconciliables avec la subordination de la vie et la domination du monde par le capital et son Etat.

      Il faudra s’y faire : devant l’urgence des crises, les logiques du commun et du capital apparaissent comme irréconciliables au plus grand nombre. En ce sens, le refus présidentiel et gouvernemental de tout « compromis » avec les syndicats traduit exactement cet état de guerre civile dont la grande masse de la population est la cible.

      Pierre Dardot, philosophe, chercheur à l’université Paris-Nanterre ; Haud Guéguen, maîtresse de conférences en philosophie au Conservatoire national des arts et métiers ; Christian Laval, professeur émérite de sociologie, université Paris-Nanterre ; Pierre Sauvêtre, maître de conférences en sociologie à l’université Paris-Nanterre. Ils ont coécrit « Le Choix de la guerre civile. Une autre histoire du néolibéralisme » (Lux, 2021).

  • Roudinesco dessine le portrait d’Isabelle Filliozat, l’éduc’ positive du pouvoir :

    Née en 1957, autrice d’une quarantaine de livres, Isabelle Filliozat est issue d’une famille de psychothérapeutes. Titulaire d’une maîtrise de psychologie clinique, qui ne lui permettait pas de s’installer comme psychologue, elle s’est tournée vers des thérapies non homologuées pour exercer le métier de conférencière.
    (...) Considérée par des chercheurs en neurosciences comme une scientifique de haut niveau, Isabelle Filliozat a été reçue par Anne Hidalgo à la Mairie de Paris, le 12 avril 2022, soutenue par les écologistes, décorée de la Légion d’honneur, applaudie par Muriel Salmona, fondatrice de l’association Mémoire traumatique. Elle a été vice-présidente, en 2019, de la commission des 1 000 premiers jours, mandatée par le gouvernement sous la haute autorité d’Olivier Véran, alors ministre de la santé, pour formuler des « propositions » sur la petite enfance.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/12/elisabeth-roudinesco-en-voulant-fabriquer-des-enfants-parfaits-on-risque-de-
    #psychanalyse #enfants_terribles

  • « Les Etats et les institutions européennes doivent garantir un espace humanitaire en Méditerranée »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/08/les-etats-et-les-institutions-europeennes-doivent-garantir-un-espace-humanit

    « Les Etats et les institutions européennes doivent garantir un espace humanitaire en Méditerranée »
    Tribune Collectif
    A l’occasion de la Journée de l’Europe, le 9 mai, un collectif d’une centaine d’élus, parmi lesquels Martine Aubry, Carole Delga et Grégory Doucet, appelle, dans une tribune au « Monde », les Etats de l’UE à respecter les règles applicables au sauvetage en mer et à mettre fin aux sanctions contre les associations humanitaires.

    #Covid-19#migrant#migration#postcovid#politiquemigratoire#UE#mediterranee#humanitaire#droit#asile

  • « Nous, #scientifiques et #experts, appelons les actionnaires de #TotalEnergies à voter contre la stratégie #climat de la firme »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/07/nous-scientifiques-et-experts-appelons-les-actionnaires-de-totalenergies-a-v

    « Nous, scientifiques et experts, appelons les actionnaires de TotalEnergies à voter contre la stratégie climat de la firme »

    Dans une tribune au « Monde », un collectif de 188 scientifiques et experts, parmi lesquels Valérie Masson-Delmotte, Philippe Descola ou Jean Jouzel, dénonce la « bombe carbone » que représente le projet d’oléoduc en Ouganda de la multinationale française.

    simple pb : les actionnaires ne les votent pas non plus pour d’autre raisons bassement matérialistes, selon des médisants...

  • #Nitrites dans les #charcuteries : « En dépit de la certitude de leur effet #délétère, le gouvernement se refuse à agir avec fermeté »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/08/nitrites-dans-les-charcuteries-en-depit-de-la-certitude-de-leur-effet-delete

    Quelques secondes suffisent parfois à capter l’ambiance morale et politique d’une époque. Une séquence vidéo d’une demi-minute à peine, qui circule ces jours-ci sur les réseaux sociaux, remplit assez bien cet office. On y voit, dans une salle de l’Assemblée nationale, le député Charles Sitzenstuhl (Renaissance), assis derrière un pupitre, dire : « Le texte est rejeté ! » C’était le 12 avril. Il dit cela en classant ses papiers, comme on boucle un bilan #comptable avant de passer à autre chose, et son visage est celui de l’#indifférence.

    #France

    • (...) La seule explication rationnelle est la suivante : le risque sanitaire que représentent les additifs nitrés n’est en aucun cas, pour les #industriels, un inconvénient. C’est, au contraire, une formidable occasion d’étendre le spectre du marché des viandes transformées. Aux produits nitrités « premier prix » vers lesquels se tourneront les #pauvres s’ajoutera progressivement un marché de produits non traités, à forte valeur ajoutée et réservés aux mieux informés, aux plus fortunés.

      Du strict point de vue du marché, cette diversification de l’offre est bien plus désirable qu’un nivellement par le haut, qui risquerait de limiter la consommation de cochonnailles et fermerait des occasions de développer des produits haut de gamme au pouvoir d’attraction d’autant plus fort qu’il est garanti par une meilleure sécurité sanitaire. C’est à cette aune qu’il faut comprendre l’indignation et la colère de M. Ramos : le risque de #cancer dû à la mauvaise alimentation pèsera démesurément sur les catégories défavorisées.

      https://justpaste.it/aqaqd

      #santé #haut_de_game

  • Thomas Piketty : « Les économistes commencent à prendre conscience du caractère insoutenable du modèle social et fiscal actuel »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/07/thomas-piketty-les-economistes-commencent-a-prendre-conscience-du-caractere-

    Doté d’une immense capacité de travail, d’un rare souci du détail et d’un talent sans pareil pour dénicher des données nouvelles et les faire parler, Gabriel Zucman a aussi révélé l’ampleur insoupçonnée du contournement de l’impôt sur les sociétés par les multinationales de tous les pays.

  • Covid-19 : un immense chantier de santé publique
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/06/covid-19-un-immense-chantier-de-sante-publique_6172311_3232.html

    Le SARS-CoV-2 menace toujours les personnes présentant un déficit immunitaire. Saurons-nous nous inspirer de certains pays, comme le Japon, où le port du masque était déjà banalisé vis-à-vis du risque grippal ? Les plus fragiles et les plus âgés ont payé un lourd tribut à un virus que l’on ne s’est décidé en France à enrayer par des confinements que lorsque la surcharge des réanimations mettait en péril les populations plus productives. Etait-ce le bon critère ? La fin officielle de la pandémie ne doit pas non plus masquer les séquelles endurées par les survivants. La situation des personnes souffrant de Covid long, quelle qu’en soit l’étiologie, appelle un effort de recherche et de prise en charge.

    Logos et Maître Pandaï relèvent que cet édito de Le Monde ne dit pas tout à fait nawak.

  • Pr. Logos : mise au point sur le Sars-Cov-2 - Framapiaf
    https://framapiaf.org/@Pr_Logos@piaille.fr/110323589630363362

    1/ Fauci (qui n’est pas complètement marteau) revient sur les aspects de SARS-CoV-2 qui ont conduit à des erreurs d’appréciation majeure. Il y a des conneries sur le masque dans l’interview mais c’est intéressant.

    • 2/ Première point. SARS-CoV-2 se transmet de manière asymptomatique (sans toux) parce que le lieu de première réplication virale est dans les voies respiratoires hautes, la transmission étant par inhalation de virus en aérosol.

      3/ Note sur ce premier point. Les tocards obscurantistes du ministère de la santé français ne reconnaissent toujours pas ce fait scientifique, après trois ans, ni ses conséquences.

      200 000 morts surnuméraires par obscurantisme.

      4/ Second point lié au premier. La transmission de SARS-CoV-2 se fait par inhalation d’aérosol, à la fois à courte distance mais aussi à longue distance, par stockage du virus comme une fumée de cigarette.

      5/ Note sur ce second point. Les tocards obscurantistes du ministère de la santé français ne reconnaissent toujours pas ce fait scientifique, après trois ans, ni ses conséquences. Ils en sont au lavage des mains et à Pitet.

      6/ Troisième point. Le virus se répliquant dans les voies respiratoires hautes (le nez, la gorge) mais produisant des pathologies en voies basses (poumons), le vaccin n’a pas été optimisé pour stopper la transmission.

      7/ Quatrième point. Ne pas avoir anticipé que les virus mutent, la pression de sélection se faisant sur la transmission (donc sur la réplication en voies respiratoires hautes) et avoir cru au mythe de l’immunité de groupe est DINGO.

      8/ En France, encore aujourd’hui, une ministre parlait « d’immunité globale », un concept qui n’existe même pas. Même l’Académie des sciences a écrit des conneries sur le blocage de la transmission par les vaccins optimisés en voies basses.

      9/ La France c’est ce beau pays où le ministre de la santé qualifie SA PROPRE DECISION de complotiste, lorsque l’opposition se montre aussi obscurantiste que lui.

      10/ Il est appréciable que Fauci tire un bilan (à peu près) sérieux des erreurs commises faute de prendre connaissance de la littérature scientifique.

      https://stockage.framapiaf.org/framapiaf/cache/media_attachments/files/110/323/661/212/975/643/original/a9be1dd55574cc68.mp4

      11/ En France, rigoureusement rien n’a été fait pour prévenir de nouvelles pandémies qui auraient ces propriétés :
      – transmission asymptomatique par voie d’aérosol
      – capacité de mutation liée aux multiples cellules épithéliales infectables
      https://stockage.framapiaf.org/framapiaf/cache/media_attachments/files/110/323/677/564/345/601/original/cde652d20800dce3.mp4

      12/ L’impossibilité de reconnaitre les erreurs (erreurs liées au mépris des scientifiques et au fétichisme de McKinsey) qui ont conduit aux 200 000 morts surnuméraires conduit à l’impréparation des pandémies à venir.

      13/ Cinquième point. L’existence de séquelles de long terme, d’importance très diverses selon les personnes infectées : les Covid Longs, qui vont de quelques pertes de fonctions cognitives à des vies sacagées.

      14/ En France, spécifiquement, les tocards qui peuplent les Comités Théodule de l’Etat (et une partie des journalistes) NIENT l’existence même de ces séquelles, malgré l’abondance des preuves scientifiques et l’ampleur du problème.

      15/ On le voit, l’obsession « Raoult » et la rhétorique « vax/anti-vax »’ masquent des ratages très profonds qui sont totalement occultés de l’espace public en France, ce qui creuse les dégâts faits à la santé publique.

      16/ Et je dis ça en ayant produit un thread sur Raoult, mandarin sans intégrité et tocard complet lancé par le torchon Le P*int, des semaines avant ceux qui en sont encore H24 dans l’obsession sur ce type.

      17/ J’en profite pour mettre un lien vers ce papier, qui prouve que les scientifiques se soucient aussi d’étudier les cas, rares mais existants, de myocardites induites par la vaccination.
      https://www.science.org/doi/10.1126/sciimmunol.adh3455

      18/ Je trouve la classe politicienne désolante, tous bords confondus (j’insiste), dans son incapacité à penser les politiques de santé publique et à faire un bilan sérieux de la politique désastreuse et obscurantiste menée pendant 3 ans.

      19/ Un très bon édito (si, si, c’est possible) du Monde sur le chantier de la santé publique.
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/06/covid-19-un-immense-chantier-de-sante-publique_6172311_3232.html
      Covid-19 : un immense chantier de santé publique
      Le Monde

      20/ J’apprécie tout particulièrement dans l’Edito que ceci soit mis au clair.

    • « Elle est pas belle la vie » (Bordaaayl de merdre)

      https://www.youtube.com/watch?v=kgvUY1CrVuo


      https://twitter.com/chbeziers/status/1655256408202379267

      Le 8 mai 2020, la pandémie nous obligeait à rendre le port du masque obligatoire partout et pour tous dans l’établissement. 3 ans plus tardnous levons cette obligation 😷
      Pour fêter cet événement, nos équipes sont heureuses de pouvoir l’enlever.

      #infections_nosocomiales

  • « Le projet budgétaire du gouvernement français est inutile, dangereux et injuste »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/05/le-projet-budgetaire-du-gouvernement-francais-est-inutile-dangereux-et-injus

    les baisses de recettes fiscales s’expliquent en grande partie par des exonérations fiscales et de cotisations sociales qui coûtent plus de 6 % du PIB chaque année ! Ces exonérations profitent principalement aux ménages les plus aisés et aux grandes entreprises. Pour financer le déficit public, on préfère emprunter aux plus riches épargnants plutôt que les taxer, en garantissant la sécurité et le rendement de leur placement par un mode de gouvernement autoritaire. Accélérer le désendettement au moment où la crise écologique et la contestation sociale se font de plus en plus pressantes est un contresens historique.

  • Édouard Morena : « Les #ultrariches ont la mainmise sur les #politiques_climatiques »
    https://reporterre.net/Edouard-Morena-Les-ultrariches-ont-la-mainmise-sur-les-politiques-climat

    Édouard Morena : « Les ultrariches ont la mainmise sur les politiques climatiques »
    Édouard Morena : « <small class="fine d-inline"> </small>Les ultrariches ont la mainmise sur les politiques climatiques<small class="fine d-inline"> </small> »

    Dans son livre « #Fin_du_monde et #petits_fours », le chercheur Édouard Morena montre comment les #hyper-riches se construisent une image de héros du #climat pour préserver leurs #profits.

    #Jets privés, super-yachts, #évasion dans l’espace : face à l’urgence climatique, les ultrariches et leur mode de vie ont mauvaise presse. Dans son livre Fin du monde et petits fours, à paraître le 9 février, le chercheur en sciences politiques à l’université de Londres, Édouard Morena, montre comment ces élites, au-delà de symboliser la surabondance et l’excès, sont aussi « des acteurs engagés et influents qui délimitent et imposent le champ des possibles de l’action climatique ». Face à la menace, ces grandes fortunes promeuvent le capitalisme vert comme unique issue pour garantir leurs intérêts de classe, au détriment de politiques plus efficaces et socialement justes. Alors : « Fin du monde. Fin du mois. Fin des riches. Même combat », comme l’écrit Édouard Morena ? Reporterre l’a rencontré dans les locaux de son éditeur, La Découverte, dans le 1ᵉʳ arrondissement de Paris.

    Reporterre — Les ultrariches sont de plus en plus considérés comme des « criminels climatiques ». À juste titre ?

    Édouard Morena — Oui, car les faits sont têtus : ce sont les ultrariches qui détruisent la planète. Depuis plusieurs mois, des comptes Twitter suivent les super-yachts et les jets privés de Bernard Arnault (milliardaire et directeur de LVMH) et consort, et des actions de désobéissance civile dénoncent leurs excès. Mais la responsabilité des élites dans la crise climatique ne se limite pas à leurs modes de vie carbonifères ou à certaines attitudes de repli dans des bunkers : ils ont pris la barre du bateau, d’où ils orientent les politiques de transition bas carbone.

    Ce qui distingue les ultrariches du commun des mortels, c’est leurs immenses fortunes. Ils ne les conservent pas sous leurs oreillers mais les investissent dans tout un tas de projets climaticides. L’an dernier, Greenpeace et Oxfam ont révélé que le patrimoine financier de 63 milliardaires français émettait autant de gaz à effet de serre que celui de la moitié de la population française [34 millions de personnes]. Et en même temps, ces centaines de milliards d’euros investis sont exposées aux conséquences du dérèglement climatique, voire aux politiques climatiques, qui peuvent dévaluer leurs actifs. Imaginez un hôtel de luxe en bord de mer à Miami, menacé par la montée des eaux. Il perd de la valeur. Ces détenteurs d’actifs sont donc à la fois « forceurs de climat » et très « vulnérables au climat ».

    Pour préserver leurs fortunes, les ultrariches ont donc compris qu’ils devaient mouiller la chemise et s’engager dans le débat climatique, à la fois pour réduire la menace, mais aussi pour la transformer en nouvelle source de profits. C’est cette dimension-là, peut-être moins visible mais qui pose des problèmes profonds, que j’ai voulu documenter dans Fin du monde et petits fours.

    Dans le livre, vous présentez la « jet-set climatique », un groupe d’ultrariches qui prétendent guider nos sociétés vers un monde bas carbone. Qui sont-ils ?

    C’est une sorte d’avant-garde éclairée de la classe dominante, qui a identifié avant les autres, à partir du début des années 2000, l’intérêt qu’avaient les super-riches à orienter le débat climatique. Plusieurs figures de proue de ce capitalisme climatique sont de riches hommes d’affaires qui ont bâti leurs richesses grâce au développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, ou de la finance privée.

    La #philanthropie_climatique a joué un rôle central dans la diffusion et la normalisation de leur « esprit vert ». Tout comme leurs interventions publiques, savant mélange de constats d’urgence, de critiques du manque d’ambition des États, et de célébrations des forces du marché. À l’image de Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon et du Bezos Earth Fund, qui a tenu un discours à la COP26 en 2021, ils n’hésitent pas à personnaliser l’enjeu climatique en mettant en avant leur trajectoire personnelle, à se présenter comme les seuls capables de nous tirer d’affaire.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/04/17/edouard-morena-les-ultra-riches-ont-tout-interet-a-orienter-les-politiques-c