Erreur 404

/2023

  • Libérer tous les otages de Gaza
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/25/liberer-tous-les-otages-de-gaza_6202304_3232.html

    Cette trêve doit être préservée pour obtenir les autres libérations prévues jusqu’à présent, et jusqu’à ce que le dernier des otages puisse enfin quitter cette étroite bande de terre. Le silence des armes doit aussi permettre aux centaines de milliers de civils palestiniens pris au piège des combats, chassés de quartiers réduits à des gravats, et privés de tout, d’accéder enfin à une aide humanitaire qui fait encore cruellement défaut.

    Tous les otages mais quid des prisonniers détenus arbitrairement, sans motif notifié ou au terme de procès expéditifs ? Encore un effort, Le Monde

  • « Pour la première fois, toute l’Union européenne a enclenché la marche arrière sur l’environnement »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/26/pour-la-premiere-fois-toute-l-union-europeenne-a-enclenche-la-marche-arriere

    La plupart des textes-clés du Pacte vert européen, annoncé par Bruxelles en 2019, ont été reportés, rejetés ou vidés de leur substance. Longtemps garantes du verdissement des Etats membres, les institutions communautaires opèrent un recul général sur la question environnementale, estime Stéphane Foucart, journaliste au « Monde », dans sa chronique.

    Pour la paix et l’indépendance énergétique (et on s’en tape des autres qui souffrent du réchauffement climatique, chacun sa merde d’abord).

  • Israël : le calvaire d’Esther, violée et mutilée par les terroristes du Hamas
    https://www.leparisien.fr/international/israel/israel-le-calvaire-desther-violee-et-mutilee-par-les-terroristes-du-hamas

    Les cas de viols et de mutilations sexuelles commis lors des massacres du 7 octobre sont en train de faire surface. Alors que les survivantes peinent encore à parler, l’une d’elles, qui participait au festival Tribe of Nova, a accepté de nous raconter ce qu’elle a subi.

    Dans les déliés de cette courte conversation, Esther (le prénom a été changé) n’est jamais vraiment là. Assise dans son lit, elle cherche du regard le moindre recoin de la pièce, pour fuir les yeux de son interlocuteur. Qui n’en est même pas vraiment un, pour elle : « À l’intérieur, je suis à moitié morte », dit la jeune femme de sa voix tremblante et mécanique.
    Elle a choisi « Esther » pour apparaître comme victime de sévices sexuels. En hébreu, l’une des significations métaphoriques de ce prénom désigne celle qui est « cachée ». La Bible raconte l’histoire de cette princesse juive qui se dissimulait pour ne pas être conduite au harem. « Prise de force par le roi, elle finit par utiliser sa position de nouvelle épouse pour éviter le massacre des #juifs », dit-elle en secouant la tête. « Moi, je ne vais sauver personne, je ne tiens même pas debout. »

    « Je serai toujours l’image vivante du pogrom »

    C’est en un rien de temps qu’Esther a été arrachée au monde des vivants. Le 7 octobre, lorsque la violence du #Hamas a déferlé sur le désert de Be’eri, son petit ami les a entraînées, elle et sa marraine, sous une bâche du bar de la rave party, pour passer inaperçus en faisant les morts. Elle tremblait trop de peur, les terroristes l’ont vue.
    Depuis, Esther n’a pas réussi à se lever. « Littéralement, puisque ma jambe ne répond plus à ma volonté », précise-t-elle. En langage médical, elle a subi une « lésion du pédicule nerveux innervant le membre inférieur. » Dans son souvenir, elle a été violée et en même temps tabassée devant son copain, forcé de regarder avec un couteau sous la gorge : « C’était si douloureux que j’ai perdu connaissance, ils ont arrêté lorsqu’ils m’ont crue morte. » Puis sont arrivées les #mutilations. L’un d’eux s’est mis à utiliser un couteau, ou un tesson de verre, comment savoir ? Elle en garde une paralysie, qui pourrait ne jamais disparaître. « Et même si je remarche, je boiterai. Je serai toujours l’image vivante du #pogrom. »

    Des cas similaires ont été relevés par les médecins légistes sur les cadavres — ou ce qu’il en reste. Nombre d’entre eux ont été tellement dégradés que le travail d’identification continue, six semaines après le massacre, sur la base militaire de Shura. Reconvertie en morgue, elle accueille des conteneurs réfrigérés qui y font office de chambres mortuaires. La plupart de ces #viols, particulièrement cruels, avec des objets, ont été faits post mortem.
    À l’image de la manière dont les terroristes se sont acharnés sur le corps encore chaud de la marraine d’Esther. « Ils ne l’ont pas violée de manière traditionnelle, on va dire, raconte encore la survivante. Peut-être parce qu’elle était beaucoup moins jeune que la moyenne de la rave. C’était une fêtarde, qui aimait sortir avec nous pour danser dans la nature. »

    Une stratégie pour jeter la honte sur la société ?

    Même lorsqu’elle évoque son deuil, sa voix est vierge de sanglots. Les mots s’abattent de façon clinique, froide, « comme s’il ne s’agissait pas de son histoire », observe un psychiatre hospitalier. « C’est typique du syndrome de stress post-traumatique, en particulier lors d’un viol », poursuit le médecin, expert de ces sujets. « Le cerveau de la victime met sa subjectivité et toutes ses émotions sur pause pendant l’agression, comme un animal qui se fige, pris dans le danger », poursuit-il. « Elles disent que c’est comme si elles s’étaient détachées de leur corps, laissé à l’agresseur, afin de protéger leur intégrité psychique. » Le problème survient lorsque certaines restent bloquées dans cette dissociation.

    Encore peu couverte, la question de #crimes_sexuels de masse commis ce jour-là plonge la nation israélienne dans la souffrance supplémentaire de l’incompréhension. Ces profanations des attributs sexuels féminins interpellent Noémie Issan, philosophe franco-israélienne. Selon elle, « alors que les informations sortent au compte-gouttes pour protéger les rares qui ont survécu et les familles des victimes, il est difficile de savoir si ce sadisme a découlé d’un ordre, comme un élément de stratégie » destiné à jeter la honte sur la société, à la déliter. « Je n’ai pas honte, glisse Esther. Pour ressentir ça, il faudrait que je sois plus que demi-vivante. »

    https://archive.is/LLQeY

    #7_oct #7_octobre_2023

    • #BigGrizzly n’a pas eu le clavier très léger sur cette remarque. J’ai fait l’effort de lire ce texte, avec ses détails horribles. Et j’espère - même si quelque part ce serait mieux pour elle - que ce n’est pas un mensonge de plus dans la longue liste au "crédit" des autorités israéliennes. Quand bien même tout y serait vrai (c’est bien peu sourcé, et l’anonymat n’arrange rien), la présentation (et la publication dans ce type de presse) est clairement manipulée. Quelques exemples :
      – "En hébreu, l’une des significations métaphoriques de ce prénom désigne celle qui est « cachée ». La Bible raconte l’histoire de cette princesse juive qui se dissimulait pour ne pas être conduite au harem" . Conduite au harem, voilà qui sent bon le sable chaud de l’islamophobie...
      – « Je serai toujours l’image vivante du pogrom » C’est en un rien de temps qu’Esther a été arrachée au monde des vivants. "Pogrom", comme "terroriste" n’est pas choisi au hasard. Et la phrase suivante !...
      – Des cas similaires ont été relevés par les médecins légistes sur les cadavres — ou ce qu’il en reste. Nombre d’entre eux ont été tellement dégradés qe le travail d’identification continue, six semaines après le massacre : : peut-être faudrait-il signaler que la presse israélienne elle-même reconnaît que les médecins légistes n’ont pas pu (voulu ?) faire le travail...
      – "crimes_sexuels de masse" (c’est toi le hashtag, Colporteur ?), espérons des faits, moins de manipulations, et si possible moins d’affects...

    • sur le terme pogrom, j’ai l’impression que cette remarque de l’historien Omer Bartov n’a pas été référencée sur @seenthis

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/27/omer-bartov-historien-israel-ne-semble-disposer-d-aucun-plan-politique-il-ne

      Au sujet de ces attaques, Israël et ses partisans ont parlé de « pogrom » et ont, de façon plus générale, fait référence à la Shoah. Que pensez-vous de cette comparaison ?
      Recourir au mot « pogrom » est faux et trompeur. Le terme est par ailleurs surdéterminé sur le plan idéologique. Le mot « pogrom » désignait des agressions commises contre les communautés juives, tout particulièrement dans le sud de la Russie et en Ukraine. Des foules étaient incitées à s’attaquer à ces communautés, parfois avec le soutien des autorités. Depuis, ce terme a aussi été utilisé pour désigner des actes perpétrés ailleurs par d’autres populations contre d’autres minorités.

      L’intention première du sionisme était de fonder un Etat majoritairement juif sur le sol duquel les pogroms ne seraient par définition plus possibles, puisque les autorités politiques, militaires et de maintien de l’ordre seraient toutes juives. Il est donc parfaitement anachronique de recourir à ce terme pour désigner l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas. Mais la raison pour laquelle on utilise aujourd’hui ce mot a à voir avec la référence intentionnelle ou subconsciente à la violence antijuive et spécifiquement à la Shoah, cet événement historique qui est précisément à l’origine de la fondation de l’Etat d’Israël.

      En parlant de « pogrom », on attribue au Hamas, et par extension à toutes les autres organisations palestiniennes, ou même aux Palestiniens en général, un antisémitisme féroce caractérisé par une propension à la violence vicieuse, irrationnelle et meurtrière, dont l’unique objectif serait de tuer des juifs. En d’autres termes, conformément à cette logique, il n’y aurait pas lieu de négocier avec les Palestiniens. C’est la logique du « eux ou nous » : si nous ne les tuons pas, ce sont eux qui nous tueront. Dans une telle logique, il importe au moins de les enfermer derrière des murs et des clôtures barbelées.

    • dans Haaretz (au moins) le terme pogrom a été employé à de multiples reprises pour désigner les exactions commises par des soldats ou des colons israéliens contre des palestiniens en Cisjordanie, y compris en l’absence d’homicides, au moins depuis 2021 (sans doute avant)
      https://www.haaretz.com/opinion/editorial/2021-09-30/ty-article-opinion/a-pogrom-and-silence/0000017f-e3d0-d7b2-a77f-e3d7bac80000
      https://www.haaretz.com/israel-news/twilight-zone/2022-11-18/ty-article-magazine/.highlight/theres-only-one-way-to-describe-this-settler-attack-a-pogrom/00000184-89c7-d9ce-a1f6-9be796390000
      et ensuite
      https://www.haaretz.com/opinion/2023-03-19/ty-article-opinion/.premium/the-pogrom-against-palestinians-that-brought-the-occupation-home-to-jewish-israelis/00000186-f983-d711-a9de-fdebab2b0000
      https://www.haaretz.com/opinion/editorial/2023-06-23/ty-article-opinion/.premium/standing-orders-for-a-pogrom-against-palestinians/00000188-e459-d5fc-ab9d-ff79bc690000
      https://www.haaretz.com/israel-news/2023-03-04/ty-article/.premium/israeli-settlers-threaten-another-hawara-pogrom-on-saturday-night/00000186-ad5d-de2a-a1ee-af5f092f0000
      etc.

      pour ma part, je trouvais ça un peu léger, non pas que les persécutions et les meurtres de palestiniens me paraissent anodins, mais parce que l’aspect quotidien ou presque, étalé dans le temps en "petites" quantités me semblait distinct de ce que furent les pogroms (y compris ceux contre des ouvriers italiens en France en 1893), avec leur aspect éruptif, ou la répétition ne venait qu’après des moments d’accalmie. de ce point de vue, ce qui a lieu en Cisjordanie ressemble aussi à ce que fut le traitement des esclaves dans les états du sud US, une terreur continue, le meurtre autorisé au premier prétexte.

      qu’aujourd’hui on puisse décrire les crimes du 7 octobre, dont on sait, sans détails suffisants, qu’ils ont aussi été le fait de civils palestiniens et pas seulement de soldats du Hamas ou du Djihad, sans compter les morts et blessés dus à l’armée israélienne, là aussi sans qu’on sache dans quelle proportion), ne devrait surprendre personne. de là à dire qu’ils faut tuer les palestiniens, il y a une marge, faite pour être franchie de part et d’autre, israéliens et pro-israéliens, palestiniens et pro-palestiniens. mais ce n’est pas obligatoire, y compris au sein des quatre catégories citées.

      sinon, cette survivante parle dans des termes qui sont les siens, visiblement religieux. je ne m’en étonne pas plus que lorsque je vois un gazaoui qui découvre son fils mort avoir pour premier réflexe de se prosterner pour prier. rien de mieux que la terreur et le désespoir pour renouer pour renouer avec sa religion (sens et consolation, aussi insuffisants soient-ils) lorsque l’on dispose de ce secours.

      Reddit quant à Omer Bartov il dit également dans ce même article

      De nombreux universitaires qui se disent de gauche et autres soutiens de la Palestine ont salué les massacres haineux perpétrés par le Hamas et se sont exprimés avec virulence contre le droit d’Israël à défendre ses citoyens en ripostant contre le mouvement islamiste, qui utilise les populations civiles comme boucliers humains dans la bande de Gaza, très densément peuplée. Même ceux qui ne saluent pas explicitement les massacres ont fait preuve d’un manque total d’empathie pour les centaines de victimes et les otages juifs. Et de fait, bien souvent, les déclarations condamnant les bombardements israéliens sur Gaza n’évoquent même pas l’attaque du 7 octobre.

      Omer Bartov, historien : « Israël ne semble disposer d’aucun plan politique, il ne dispose que d’un plan militaire très hasardeux »
      https://archive.is/Fcbjs

    • Habituellement, les récits de violences sexuelles font l’objet d’avertissement, de trigger warnings, de précautions.
      Habituellement, les témoignages de violences sexuelles font l’objet d’euphémisations, de conditionnels, de réécritures, voire de mise sous silence, en donnant carrément la parole à l’agresseur.
      Habituellement, le pathos dans les violences sexuelles est mal vu, parce qu’empêchant la bonne distance aux faits, à la froide compréhension que les journalistes souhaitent nous donner accès.

      Ces transgressions aux bonnes habitudes journalistiques doivent pouvoir s’expliquer.
      Par exemple, il se peut que le fait que nous soyons dans le contexte du viol parfait, le seul qui mérite d’être condamné sans jugement, sans présomption d’innocence. La victime bien blanche, l’agresseur bien « autre », étranger, et même arabislamiste, carrément.

      Un snuff movie, sous sa forme d’image ou sous sa forme textuelle, reste un snuff movie. Et en imposer le visionnage reste une violence.

      Et n’allez pas m’accuser de vouloir cacher quoi que ce soit. Je ne nie rien de tout ce qui est écrit, filmé, ni de l’horreur, ni des souffrances.

      A quel moment ceux qui relaient vont-ils cesser de nier le double standard que les transgressions que j’évoque représentent ? Hier, je lisais un texte tout en pudeur du récit d’une famille massacrée sous des tonnes de gravats, récit que l’on sait pouvoir multiplier par milliers. A quel moment est-ce que le Parisien et tous les autres vont-ils accepter de rendre la pareille à ces victimes là, moins blanches, moins conformes, moins susceptibles d’empathies de la part de leurs lecteurs ?

      Hier, colporteur, ton partage m’a mis mal à l’aise, oui, parce qu’une fois de plus, sans remords et sans vergogne, on me fout sous le nez ce qui ne ressort qu’avec difficultés quand le bourreau est du bon côté du manche, à savoir l’horreur crue que représente la barbarie débridée.

    • Même ceux qui ne saluent pas explicitement les massacres ont fait preuve d’un manque total d’empathie pour les centaines de victimes et les otages juifs.

      Concurrence victimaire.
      A chaque fois que tu réclames la prise en compte des victimes palestiniennes, n’oublie pas de rappeler que tu penses aussi aux victimes israéliennes, sinon, ton propos est disqualifié.

      Tiens, à chaque fois que tu parles des victimes d’Hiroshima, si tu veux être pris au sérieux, et ne pas être pris en flagrant délit de double standard, tu te dois de rappeler toutes les victimes de Pearl Harbour. Sinon, c’est la preuve que ton propos est malveillant.

      Procès d’intention crétin.

      Mais je comprends. L’ensemble de ces 75 années d’occupation sont une immense démonstration de la malveillance et de la crétinerie humaine.

    • Le titre du Parisien, calvaire, viol, mutilation, est explicite.
      L’entretien Bartov date du 27 octobre. Son refus de caractériser le 7 octobre comme un pogrom est discutable, comme le montre l’utilisation répétée du terme par des israéliens à propos d’actes antérieurs commis par des israéliens. Sa manière de parler du « droit d’Israël à défendre ses citoyens » est dans ce passage discutable (après 19 jours de bombardements massifs...) mais ses propos critiquer l’orientation exclusivement militaire le passage qui suit immédiatement critique aussi l’état d’esprit de nombreux israéliens et de leurs soutiens : 3A l’inverse, les soutiens d’Israël, pour l’essentiel des juifs, qui se sentent profondément trahis par leurs collègues de gauche et leur absence totale d’empathie pour les victimes du 7 octobre, et qui peuvent eux-mêmes se montrer ambivalents face aux destructions immenses actuellement infligées à Gaza par les forces israéliennes, refusent généralement de reconnaître les causes politiques plus profondes de cet état des choses". Le manque d’empathie pour les morts et blessés du 7 octobre ne peut être nié qu’en raison du déferlement compassionnel médiatique et gouvernemental qui l’accompagnait et de l’absence de toute empathie, pour les palestiniens, les tutsis et tant d’autres.

      je crois avoir été parmi les premiers ici à signaler le témoignage dune kibboutzim discrètement épargnée par un combattant du Hamas le 7/10, qui semble contredire la thèse qu’’instruction aurait été donnée de tuer le maximum de civils, comme celui d’une autre indiquant que ce sont des tirs de char des FDI qui ont tué une partie des habitants de son kibboutz, élément tout à fait contradictoire avec la propagande israélienne à l’époque et aujourd’hui.

      Merci d’éviter de me chercher systématiquement des poux dans la tête pour me couper la langue.

      edit selon Physicians for Human Rights, des viols ont bien eu lieu le 7 octobre confirme
      https://seenthis.net/messages/1029266#message1029298

    • De l’indifférenciation à l’indifférence. Sur les viols de masse le 7 octobre en Israël.
      https://k-larevue.com/de-lindifferenciation-a-lindifference-sur-les-viols-de-masse-le-7-octobre

      Que dire des crimes sexuels perpétrés par les hommes du Hamas le 7 octobre – documentés un peu plus chaque jour par le travail d’un groupe israélien de gynécologues, médecins légistes, psychologues et juristes du droit international ? Et comment comprendre l’occultation de la violence faite aux femmes ce jour-là par une partie de l’opinion mondiale – supposées « féministes » comprises ? Cette occultation ne revient-elle pas à faire une deuxième fois violence à ces femmes, comme si leur calvaire ne comptait pas et était dépourvu de signification ?

      Chaque viol est un acte. La « femme », s’il est possible de la définir, se caractérise par le fait de savoir que cet acte en quoi le viol consiste peut toujours lui arriver à elle. Elle est cet être humain qui vit, grandit, évolue et se transforme avec ce savoir intime qu’elle peut toujours se faire violer. « Sachante », cela la rend alors plus directement interrogative : comment un tel acte est-il réellement possible ? Comment fait-on pour violer une femme ? La question se pose, parce que le viol comme destruction du corps de l’autre a ceci de spécifique que l’agent destructeur use pour y parvenir de son propre corps : l’homme qui viole le plus souvent ne recourt pas à des outils, des prolongations techniques du corps humain, mais se sert de son corps propre comme d’une arme ; et plus précisément, non pas d’une partie corporelle que la fermeté constitutive rend toujours potentiellement disponible pour servir d’arme, tels le pied ou le poing, mais de son pénis, qui doit se durcir pour pouvoir devenir un moyen de destruction. Le viol à proprement parler, celui qui déchire les parties intimes de la femme par pénétration sauvage, ne peut effectivement s’accomplir que si l’homme est en érection. Qu’est-ce qui, face à une femme hurlant de terreur et de douleur, produit, puis soutient cette érection ? Quel est le processus psycho-physiologique qui rend possible cet acte ?
      Quiconque s’attèle à une enquête dans son entourage masculin se trouve peu renseigné. Interrogez les hommes autour de vous sur la question de savoir comment ces hommes-là font pour bander, et vous obtiendrez une fin de non-recevoir, dont le plus étrange est qu’elle n’est absolument pas soupçonnable d’insincérité : le viol, c’est le crime de l’autre par excellence, avec qui on n’a rien de commun. Comme si les hommes qui violent faisaient partie d’une autre espèce avec laquelle ils ne partagent rien et qu’ils ne comprennent pas.
      Les femmes, quant à elles, n’y comprennent rien non plus. Pour elles, en matière de sexualité, les hommes sont tout aussi compliqués qu’elles-mêmes. Rien de simple dans l’érection d’un homme. La sexualité leur est tout aussi désirable qu’à elles, tout aussi peu évidente également – et ce savoir partagé entre hommes et femmes se maintient contre une société qui ne cesse de colporter le fantasme d’une sexualité simple, directe et quasi-animale pour les hommes et fort compliquée pour les femmes.
      Aussi l’affirmation qui parfois est censée servir d’explication à la possibilité du viol, selon laquelle les hommes sont constitutivement et potentiellement tous des violeurs, en vérité tous excités devant n’importe quel corps de femme nue ou potentiellement dénudable et seulement tenus en respect par la crainte de sanction, n’éclaire-t-elle strictement rien. Pour quiconque d’un peu sincère, le mystère du « comment » reste entier. Peut-être même est-ce cette incompréhension absolue qui est à l’origine de la thèse étrangement rassurante de « tous des violeurs ». Comme un refus de se confronter au caractère abyssal de la question, qui ne vise pas seulement la possibilité de l’érection en vue de la destruction d’une femme, mais aussi le mystère qu’un homme puisse accepter de jouir en réalisant cette œuvre destructrice à laquelle, il faut le répéter, celui qui l’accomplit assiste à chaque seconde.
      On n’a donc aucune hypothèse à présenter pour expliquer comment ont fait les membres des commandos du Hamas pour user de leur intimité comme arme pendant leurs raids sur le festival de musique et les vingt villages israéliens à la frontière de la Bande de Gaza. On peut en revanche dire une petite partie de ce qui a été fait aux femmes, et émettre une interprétation qui éclaire non pas les faits, mais leur occultation par l’opinion mondiale. Comme cette occultation revient à faire une deuxième fois violence à ces femmes, comme si leur calvaire ne comptait pas, était dépourvu de sens et de signification, commençons par les faits.

      Le viol, l’un des objectifs – occulté – de l’attaque du 7 octobre…

      On sait désormais partiellement, grâce au travail courageux d’un groupe de professionnelles israéliennes – gynécologues, médecins légistes, juristes du droit international et psychologues[1] –, ce qu’ont fait les hommes du Hamas : ils ont violé de façon répétée, et l’ont fait en groupe. Ils ont tellement violé que l’on voit l’entrejambe des pantalons des femmes kidnappées rouges de sang, et des flaques de sang entre les jambes de femmes et de filles assassinées après les viols. Ils les ont tant violées que certaines, retrouvées mortes, ont eu les os pelviens brisés. Ils ont violé des adolescentes, des femmes et des femmes âgées. Ils ont coupé des seins. Ils ont mutilé les parties sexuelles de leurs victimes – en ce cas, y compris des hommes. Ils ont torturé les femmes après le viol. Ils se sont filmés le faisant. Ils ont envoyé les vidéos des viols et tortures aux proches, qui durent y assister à distance, là où ils n’étaient pas contraints d’assister en direct à ce qui était fait à leurs amies, compagnes, épouses, mères, sœurs et filles. Ces femmes, ils les ont presque toutes tuées après les viols, ou laissées pour mortes[2]. La plupart des victimes survivantes dont on a connaissance à l’heure actuelle, ou plutôt qu’on espère encore vivantes, sont les femmes qui ont été entraînées, déjà violées, à Gaza. On a trouvé un glossaire arabe – hébreu sur l’un des combattants morts du Hamas, indiquant, entre autres, des phrases utiles en hébreu pour faciliter l’acte de violer : « enlève ton pantalon », « retourne-toi » … Les terroristes ayant survécu et été faits prisonniers expliquent à ce propos que le viol était l’un des objectifs de l’attaque.

  • « Pour la première fois, toute l’Union européenne a enclenché la marche arrière sur l’environnement »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/26/pour-la-premiere-fois-toute-l-union-europeenne-a-enclenche-la-marche-arriere

    La plupart des textes-clés du Pacte vert européen, annoncé par Bruxelles en 2019, ont été reportés, rejetés ou vidés de leur substance. Longtemps garantes du verdissement des Etats membres, les institutions communautaires opèrent un recul général sur la question environnementale, estime Stéphane Foucart, journaliste au « Monde », dans sa chronique.

    Le torpillage du projet sur la restauration de la nature, le report sine die de la réforme de la réglementation sur les produits chimiques, la réautorisation pour une décennie du glyphosate, le vote d’un règlement sur les emballages perclus d’exemptions et, enfin, le rejet du règlement SUR sont d’autant plus signifiants qu’ils surviennent au terme d’une législature dont le Green Deal (le Pacte vert) devait être le pilier, comme l’avait promis en 2019 la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.
    Bataille d’amendements

    Les planètes se sont alignées suivant un autre axe : au sein de la Commission, les directions générales les plus hostiles à l’environnement ont pris la main, la majorité des Etats-membres ont freiné des quatre fers et le Parlement s’est laissé dominer par les droites extrêmes. Pour la première fois, toute l’Union européenne – institutions et Etats membres – a enclenché la marche arrière sur l’environnement.

    Est-ce vraiment la fin d’un cycle ? Les plus optimistes assurent que ce n’est que partie remise et que les textes-clés du Green Deal seront sans doute adoptés au cours de la prochaine législature. C’est en réalité bien peu probable. Le revirement de l’Union européenne sur les questions de santé et d’environnement n’est autre que l’un des stigmates de la droitisation des opinions sur le Vieux Continent, aiguillonnées par des droites populistes qui ont fait de la lutte contre les politiques environnementales l’un des pivots de leurs discours.
    Lire aussi le décryptage : Article réservé à nos abonnés L’écologie, ce nouveau clivage politique que le Rassemblement national compte exploiter

    Bien plus qu’une simple évolution des choix politiques, il y a sans doute là quelque chose qui relève d’une révolution anthropologique, la victoire d’un individualisme radical qui va de pair avec une lente altération de ce que George Orwell appelait notre « décence commune » (common decency).

    #Europe #Ecologie #Crise_morale

    • Le patient détricotage, puis le rejet surprise par le Parlement de Strasbourg du règlement européen sur les #pesticides (SUR) marquent probablement la fin d’une époque, la conclusion de ce qui a constitué, au cours des trois dernières décennies, une sorte d’évidence. Tout au long de cette période qui prend fin, l’Union européenne a généralement été garante d’une amélioration à peu près constante de la préservation de l’#environnement et de la #santé, à travers la construction de normes communautaires et l’introduction dans les droits nationaux de nombreux instruments de protection de la nature et de la santé publique.
      Les esprits chagrins peuvent estimer que certains dossiers restent encalminés, que ce mouvement a été lent, pusillanime et parfois chaotique, qu’il a été contradictoire avec d’autres politiques mises en œuvre par l’Union (que l’on songe à la politique agricole commune ou aux accords de libre-échange) : il n’en reste pas moins que le cap a jusqu’ici été globalement fixé par l’état de la connaissance scientifique et la recherche de l’intérêt général. Il est aussi remarquable de constater qu’en dépit des luttes internes à la technocratie bruxelloise, de la volonté souvent vacillante des Etats et de la couleur politique changeante du Parlement, l’objectif de protection de l’environnement a toujours plus ou moins prévalu.

      Ce temps est révolu.

      https://archive.is/l3e99#

      #droitisation #nature #pesticides #agriculture #industrie #produits_chimiques #glyphosate #emballages .

  • « Il convient de tout faire pour prolonger la trêve, de façon qu’elle se transforme en un véritable cessez-le-feu », une tribune d’ex-diplomates français
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/25/guerre-israel-hamas-il-convient-de-tout-faire-pour-prolonger-la-treve-de-fac

    L’horrible massacre perpétré le 7 octobre par le Hamas, mouvement qualifié de terroriste par les Etats-Unis et l’Union européenne, marque le début d’une « guerre totale » dont on peut déjà mesurer les conséquences désastreuses. Par-delà l’opacité de la situation, nourrie par les déclarations difficilement vérifiables de part et d’autre, les amalgames destinés à disqualifier l’adversaire, des propos outranciers ou mensongers et le déchaînement le plus souvent haineux des réseaux sociaux, il est clair que les populations civiles en sont les principales victimes.

    Depuis le 8 octobre, tandis que près de 240 otages israéliens, mais également d’autres nationalités, notamment française, sont aux mains du Hamas, la bande de Gaza subit des bombardements massifs indiscriminés et disproportionnés, occasionnant des morts, essentiellement civils, des déplacements de la population, un cauchemar humanitaire insoutenable. Des deux côtés, on s’accuse de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, et même de génocide. Les risques d’un embrasement de la Cisjordanie et de l’extension de la guerre vers le Liban, voire vers l’Iran, sont de plus en plus évidents.
    Par-delà cet affrontement, Israéliens comme Palestiniens ressentent cette guerre comme impliquant un enjeu majeur : leur existence sur cette terre qu’ils estiment, d’un côté comme de l’autre, leur appartenir.

    Exigence prioritaire

    Face à cette situation, que faire ? Pérenniser la trêve est un objectif immédiat et accessible. Elle répond à l’exigence prioritaire, réclamée par une grande partie de l’opinion israélienne, malgré les réticences du premier ministre, Benyamin Nétanyahou. La trêve de quatre jours négociée efficacement par l’intermédiaire du Qatar est un élément très positif. Il convient de tout faire pour la prolonger de façon qu’elle conduise à la libération complète des otages et se transforme en un véritable #cessez-le-feu.

    Cela n’a pas, jusqu’ici, été rappelé en termes suffisamment forts et explicites, malgré les appels du secrétaire général des Nations unies, qu’il convient de soutenir. En effet, le droit international condamne toute mesure de sanctions punitives à caractère collectif sur les populations civiles, entre autres le blocus total décidé immédiatement par le gouvernement israélien sur l’approvisionnement en biens essentiels. De même, il convient de condamner les attaques aériennes sur des objectifs civils comme des lieux de culte, des hôpitaux, des écoles. Israël s’en défend, affirmant que ces lieux cachent des installations militaires. Le fait que des édifices des Nations unies, d’ONG, voire d’Etats tiers comme la France, aient été touchés, invalide quelque peu cette argumentation. Il appartiendra à la Cour pénale internationale de faire la lumière, à terme, sur ce point.

    Le bilan de six semaines de combats dans la bande de #Gaza est effectivement accablant : plus de 13 000 morts, essentiellement des civils, dont 5 300 enfants ; la moitié du patrimoine immobilier de l’enclave détruit.
    #Israël, sous le vocable de « guerre totale », développe une stratégie punitive aussi brutale que vaine, et de plus en plus contestée. « Eradiquer le Hamas » relève plus du slogan que d’un objectif réaliste. En 2006, Israël avait déjà proclamé qu’il voulait « éradiquer le Hezbollah », avec le succès que l’on sait.

    Réfléchir au « jour d’après »

    Une telle stratégie est illusoire. Le Hamas, qui a déjà été visé par cinq campagnes militaires meurtrières, renaîtra immanquablement. L’armée ne pourra pas venir à bout d’une mouvance soutenue par une grande partie de la population palestinienne, à Gaza comme en Cisjordanie, face à une Autorité palestinienne disqualifiée. Emanation des Frères musulmans, le #Hamas, qui dispose de bases arrière dans le monde arabo-musulman, n’aura aucun mal à recruter de nouveaux combattants parmi des jeunes sans espoir, et à reconstituer son stock d’armement. Il restera un acteur incontournable.

    Il convient, dès maintenant, de réfléchir au « jour d’après ». Le règlement de la guerre à Gaza passe par une solution politique de la question palestinienne sur la base du droit international.

    La solution à deux Etats est devenue de plus en plus difficile à bâtir. Son assise possible s’est réduite comme peau de chagrin du fait de l’annexion du grand Jérusalem et de l’encouragement à la construction de colonies juives en Cisjordanie, qui regroupent maintenant près de 500 000 habitants. Cette solution vaut toutefois d’être tentée.

    La solution à un seul Etat binational, évoquée avant même le 7 octobre, reprend de l’actualité. Mais le dilemme est toujours le même. Soit Israël, Etat par essence démocratique, accepte le principe de l’égalité des droits, avec le risque de perdre la majorité pour la population juive, actuellement à égalité avec la population arabe sur le territoire de la Palestine historique ; soit Israël refuse un tel principe, perd une part essentielle de son âme et s’expose à une accusation d’apartheid.

    Cohabitation nécessaire

    Une mise en garde devrait être vigoureusement exprimée à l’égard de toute tentation de transfert de population vers les pays voisins, qui ne peut qu’être assimilée à un nettoyage ethnique inacceptable et qui, en toute hypothèse, ne saurait régler le problème de la sécurité d’Israël. La volonté de « détruire » l’Etat d’Israël est également inacceptable.
    Il est clair que, après ce choc traumatique subi de part et d’autre, et cette « #guerre_totale » condamnée à échouer, la sécurité d’Israël ne peut être assurée que par le juste règlement de la question palestinienne et l’affirmation de droits égaux entre deux populations qui doivent cohabiter.

    Un renouvellement des classes politiques va s’opérer de part et d’autre, tant celles qui sont en place actuellement ont perdu de leur légitimité. Du côté palestinien, des élections devront, dès que possible, être organisées et associer toutes les forces politiques en présence.
    Un fort engagement de la communauté internationale, notamment des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et des pays arabes, est indispensable. La France, qui a perdu beaucoup de sa crédibilité au Moyen-Orient et a vu son image se dégrader fortement dans le monde arabo-musulman, doit y prendre part. Encore faudrait-il qu’elle mène une politique équilibrée, cohérente et indépendante des pressions extérieures. Or, malgré un certain rééquilibrage, ce n’est pas ainsi que celle-ci est perçue par de nombreux pays et par l’opinion publique. Cette politique demande du courage et de la lucidité, par-delà les réactions émotionnelles que suscite cette « guerre totale ».

    Liste des signataires : Yves Aubin de la Messuzière, ancien ambassadeur, ancien directeur Afrique du Nord - Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères (MAE) ; Charles-Henri d’Aragon, ancien ambassadeur ; Denis Bauchard, ancien ambassadeur, ancien directeur Afrique du Nord - Moyen-Orient au MAE, ancien président de l’Institut du monde arabe ; Jean-Claude Cousseran, ancien ambassadeur, ancien directeur Afrique du Nord - Moyen-Orient au MAE, ancien directeur général de la DGSE ; Serge Degallaix, ancien ambassadeur ; Didier Destremau, ancien ambassadeur ; Yves Doutriaux, ancien ambassadeur, conseiller d’Etat honoraire ; Jean Felix-Paganon, ancien ambassadeur, ancien directeur Afrique du Nord - Moyen-Orient au MAE, ancien directeur des Nations unies ; Michel Foucher, ancien ambassadeur, ancien directeur du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du MAE ; Patrick Gautrat, ancien ambassadeur ; Stéphane Gompertz, ancien ambassadeur, ancien directeur Afrique au MAE ; Stanislas de Laboulaye, ancien ambassadeur, ancien directeur général des affaires politiques et de sécurité au MAE ; Bernard Miyet, ancien ambassadeur, ancien secrétaire général adjoint des Nations unies ; Nicolas Normand, ancien ambassadeur ; Alain Remy, ancien consul général à Jérusalem, ancien ambassadeur ; Hadelin de La Tour du Pin, ancien ambassadeur ; Pierre-Jean Vandoorne, ancien ambassadeur ; Nada Yafi, ancienne ambassadrice.

  • Dominique Méda, sociologue : « Cessons de répéter que les jeunes ne veulent plus travailler »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/25/dominique-meda-sociologue-cessons-de-repeter-que-les-jeunes-ne-veulent-plus-

    En octobre, une enquête Harris Interactive a posé aux moins de 30 ans la question classique des sondeurs lorsqu’il s’agit de rendre compte de l’importance accordée au travail : « Que feriez-vous si vous n’aviez pas besoin d’argent pour vivre ? » 77 % continueraient à travailler. Parmi ceux-ci néanmoins, 28 % changeraient de métier.

    Cette réponse invite à s’intéresser aux conditions concrètes d’emploi et d’insertion des jeunes sur le marché du travail, ce que permet de faire la très riche enquête « Génération 2017 » du Centre d’études et de recherches sur les qualifications. Ses résultats, présentés par Dominique Epiphane et Julie Couronné lors des rencontres de l’Injep, ont permis de mettre en évidence un autre élément essentiel : loin d’être une catégorie uniforme, la jeunesse est constituée, au contraire, de groupes très hétérogènes, dont le rapport au travail dépend étroitement des conditions d’emploi.

    Certes, une majorité de jeunes attachent de l’importance à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Il s’agit en réalité d’une revendication commune à toutes les générations, que l’on voit monter depuis plusieurs décennies à mesure que le taux d’emploi des femmes se rapproche de celui des hommes, que les difficultés de conciliation sont de plus en plus fortement ressenties et que le travail s’intensifie.

    Mais la sécurité de l’emploi est bien plus mise en avant par les jeunes actifs que par les étudiants : en effet, bien que le niveau de formation des jeunes n’ait jamais été aussi élevé, leurs conditions d’insertion sur le marché du travail restent, pour une partie d’entre eux, difficiles, voire très difficiles. Pour rappel, le taux de chômage des jeunes de 18 à 24 ans est deux fois plus élevé que celui de la population active (17,6 %, contre 7,4 %) ; plus de la moitié des jeunes salariés de 15 à 24 ans sont en CDD, intérim, contrat aidé ou apprentissage ; le taux de pauvreté des jeunes est plus élevé que celui de toutes les autres classes d’âge, et la durée nécessaire pour trouver un emploi stable est de plus en plus longue.

  • Guerre entre Israël et le Hamas : comment les otages israéliens libérés vont-ils être pris en charge ?
    https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/guerre-entre-israel-et-le-hamas-comment-les-otages-israeliens-liberes-v

    C’est très bien ce genre d’article, on en trouve dans toutes les langues (j’ai un peu vérifié). Pourquoi personne ne se demande jamais comment les otages palestiniens vont être libérés, eux ?

    Treize premières personnes doivent être évacuées vendredi de la bande de Gaza, où elles sont retenues depuis le 7 octobre. Elles bénéficieront toutes d’une prise en charge médicalisée après un transfert qui s’organisera depuis l’Egypte.

    Le débat peut être déplacé (https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/24/liberation-des-otages-du-hamas-une-situation-aussi-dechirante-sur-le-plan-et) pour aborder des « enjeux vertigineux » (savoir qui élire ou non)... Mais, là encore, ça ne concerne pas les Palestiniens. Eux, c’est juste du « bétail » apparemment...

    Qui sera sauvé, au risque d’exposer encore plus les autres, et selon quels critères ? Alors que doit s’accomplir une première libération d’otages détenus par le Hamas, Frédérique Leichter-Flack, professeure d’humanités au Centre d’histoire de Sciences Po, détaille dans une tribune au « Monde » les vertigineux enjeux éthiques auxquels cette situation confronte l’ensemble des Israéliens.

  • Le pionnier de l’histoire du climat Emmanuel Le Roy Ladurie est mort
    https://reporterre.net/Le-pionnier-de-l-histoire-du-climat-Emmanuel-Leroy-Ladurie-est-mort

    Dans les dernières années de sa vie, il alertait sur les conséquences du changement climatique : « Le réchauffement va s’accompagner, en diverses régions de la planète, de guerres, de troubles sociaux éventuellement graves, voire révolutionnaires », affirmait-il au Monde.

    • Alain Corbin : « Emmanuel Le Roy Ladurie était la personnification de l’historien innovant, sans cesse en quête d’objets encore inédits »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/26/alain-corbin-emmanuel-le-roy-ladurie-etait-la-personnification-de-l-historie

      Après la mort de l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie, son confrère rappelle dans une tribune au « Monde » le rôle fondateur qu’il joua pour retracer l’histoire des grands événements météorologiques, celle des tempêtes et des changements climatiques.

      La peine que provoque la disparition d’Emmanuel Le Roy Ladurie se trouve quelque peu atténuée à l’évocation de sa grandeur. Au temps où régnaient des mandarins persuadés d’être les seuls grands historiens de leur temps et désireux de régenter la recherche tout axée sur l’histoire économique et sociale, il était la personnification de l’historien innovant, sans cesse en quête d’objets encore inédits.

      En 1969, si je me souviens bien, il rédigea un article de revue appelant à œuvrer à une #histoire_du_climat ; et durant toute son existence, fût-ce lorsqu’il se trouvait handicapé à la fin de sa vie, il continua cette recherche avec l’aide de son entourage.
      Dès l’aube de cette quête, il fit preuve d’une étonnante méticulosité, d’une précision infinie au sein même de la novation. Par d’interminables calculs, notamment par l’enregistrement de la chute des récoltes, des vendanges, il a construit une chronologie du petit âge glaciaire, précisant ce qu’à la fin du règne de Louis XIV (1638-1715), on appelait le « grand hiver. »

      Grands événements météorologiques

      L’ensemble de ces travaux ont inauguré une branche de l’histoire extrêmement féconde, celle des grands événements météorologiques, celle des tempêtes, telle celle de 1788, à la veille de la Révolution, celle des volcans – le Laki (1783) et le Tambora (1815) –, qui ont déréglé les climats, celle de la circulation atmosphérique, jusqu’à celle de la météo-sensibilité.
      En permanence, Emmanuel Le Roy Ladurie quêtait l’innovation. On m’a dit que, sans cesse, il jetait des idées, des fulgurances sur des petits morceaux de papier, qu’il conservait. Il n’hésitait pas, à ce propos, à franchir les limites des spécialités alors reconnues. Un jour, dans le déroulé d’un colloque, je l’ai entendu développer une hypothèse durant quelques minutes et je n’ai jamais perdu de vue ce qu’il a dit alors.

      Selon lui, tous les régimes politiques du XIXᵉ siècle, jusqu’à la IIIᵉ République, avaient lié leur existence à un ou plusieurs massacres fondateurs. Quel beau thème pour un étudiant en recherche d’un sujet de thèse !
      Emmanuel Le Roy Ladurie était un infini lecteur. Il aimait le livre et son administration de la Bibliothèque nationale a laissé de forts souvenirs. Cette faculté lui a permis de déborder – et de beaucoup – l’histoire du climat, d’explorer nombre de territoires. Il y a quelques années, j’avais fait remarquer qu’il s’était particulièrement intéressé aux périphéries ; ce qu’il n’a pas démenti.

      Explorateur du neuf

      Il y aurait beaucoup à dire sur son humour. De sa présence, au cours d’un colloque, on attendait quelques traits amusants, lesquels perturbaient parfois les organisateurs de la réunion.

      Sa tentation de l’ouverture, de l’exploration du neuf, l’a conduit à des domaines inattendus, notamment celui de la microhistoire italienne, et, on le sait, son ouvrage Montaillou, village occitan de 1294 à 1324 (Gallimard, 1975) connut un immense succès. Bref, Emmanuel Le Roy Ladurie a été l’auteur d’une œuvre multipolaire que je n’ai fait qu’effleurer.

      Lors de notre dernière rencontre, seul à seul, il y a quelque six ans, j’ai pu percevoir sa sensibilité à l’enfance et à la jeunesse. Nous avons alors partagé les émotions d’autrefois, ressenties dans les bocages des collines de Basse-Normandie que nous avions en commun.

      Emmanuel Le Roy Ladurie restera le modèle d’une histoire fondée sur la compréhension ressentie du passé, loin de certaines tendances actuelles fondées sur le présent d’une histoire-tribunal. Il est et restera un modèle ; tel est le sentiment qui, je le répète, atténue, quelque peu, la peine de sa disparition.

      Alain Corbin est professeur émérite à l’université Paris-1-Panthéon-Sorbonne. Il est en outre membre honoraire de l’Institut universitaire de France. Il est notamment l’auteur d’Histoire du repos (Plon, 2022).

    • « De Le Roy Ladurie, retenons cette incomparable langue, portant haut l’audace d’être historien », Jérémie Foa
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/29/de-le-roy-ladurie-retenons-cette-incomparable-langue-portant-haut-l-audace-d

      Historien, spécialiste de la période des guerres de Religion
      Du « Siècle des Platter (1499-1628) » au « Carnaval de Romans », les livres d’Emmanuel Le Roy Ladurie, mort le 22 novembre, ont inspiré l’historien Jérémie Foa, qui salue, dans une tribune au « Monde, l’originalité de son œuvre.

      Dans un essai de 1979, Lawrence Stone opposait les « parachutistes » et les « chercheurs de truffes » pour distinguer deux démarches en histoire, l’une à vue ample et aérienne, l’autre plus terrienne. Si Emmanuel Le Roy Ladurie louvoyait avec aisance de l’an mil au XXe siècle – « On est chez soi dans tous les siècles », jubilait-il –, le présent hommage a la mémoire sélective, en souvenir d’un Le Roy Ladurie seiziémiste, non pour découper son grand œuvre en tranches mais pour, modestement, en dégager quelques pépites.

      Souvenir d’un style d’abord. Et quel style ! De Le Roy Ladurie, parmi cent fulgurances, retenons cette incomparable langue, ennemie des académismes, osant la formule, l’anachronisme, le trait d’humour, portant haut l’audace d’être historien, c’est-à-dire de son temps. « Le XVe siècle n’était encore âgé que de quatre-vingt-dix-neuf ans » : ainsi s’ouvre le récit de l’enfance de Thomas Platter, premier de cordée de trois générations d’hommes, dont Le Roy Ladurie édite les Mémoires.
      Dans son Siècle des Platter (Fayard, 3 vol., 1997-2006) se croisent les rêves, les succès et les impasses de toute une « centurie ». Comment imaginer plus vive incarnation de ce « beau XVIe siècle » que l’incroyable ascension sociale de Thomas Platter (1499-1582), misérable orphelin du Valais devenu patron imprimeur ? Lui qui, à dix ans, mendie sa vie, vole, garde les troupeaux « au péril des montagnes meurtrières pour les bergers d’autrefois comme pour les alpinistes d’aujourd’hui », devient en à peine deux décennies professeur de latin, de grec et d’hébreu.

      « Comme les souris dans une grange »

      Mais le XVIe siècle de Le Roy Ladurie n’est pas toujours beau. A commencer par celui des Paysans de Languedoc (Flammarion, 1966), sa thèse, soutenue en 1966. Immense livre qui, né de la démographie, embrasse le climat et la sociologie, puis épouse l’histoire des mentalités, risquant, comme il l’affiche dès l’introduction, « l’aventure d’une histoire totale ».
      Avec Le Roy Ladurie, l’histoire passe « de la cave au grenier », selon l’expression inspirée de Michel Vovelle. Au sous-sol d’abord, une thèse malthusienne, incontestable, forgée par d’austères dépouillements et des mathématiques souterraines : après l’étiage du « siècle de l’homme rare », le XVe, le XVIe siècle voit les Français proliférer « comme les souris dans une grange ».

      Il s’ensuit un morcellement des parcelles, l’emblavement de terres misérables, et, trop vite, le sacrifice de la vigne (« le vignoble du Languedoc méditerranéen au XVIe siècle est un vignoble de bas étage, sans clients et sans principe »). La paupérisation est quasi générale. Morceau de bravoure au cœur du livre, l’analyse des signatures : à Montpellier, chez le notaire Navarre, entre 1574 et 1576, 72 % des laboureurs ne savent pas signer, tandis que les artisans signent à plus de 63 %.

      La démonstration est inoubliable, qui lie « dissociation culturelle » et « décalage religieux » : si les artisans passent majoritairement au protestantisme tandis que les paysans s’y refusent, c’est non parce que ceux-ci sont riches et ceux-là pauvres, mais parce que les premiers savent lire : « La terre nie farouchement l’écriture, entre 1550 et 1600, les structures citadines, en revanche, laissent pénétrer sa lumière. »

      « Poussée du petit âge glaciaire »

      Comme si démographie galopante et schisme religieux ne suffisaient pas, la thèse montre, pionnière, comment le climat se dérègle au mitan du XVIe siècle : pratiquement inconnus entre 1492 et 1564, les gels d’oliviers se multiplient, les fleuves se figent, les hivers sont froids, les étés frais, les printemps pourris – le prouvent des vendanges de plus en plus tardives (29 septembre au temps des guerres de religion, contre 25 septembre pour le premier XVIe siècle…). Son Histoire humaine et comparée du climat (Fayard, 2004) le confirme, l’époque subit une extraordinaire « poussée du petit âge glaciaire », une « remarquable enflure offensive des glaciers alpins ».

      Le froid, la faim, la peste, la guerre : macabre quarté qui engendre l’hécatombe. En 1563, un million d’habitants meurent, soit un Français sur vingt ! Mais au temps des guerres de religion, si l’ennemi premier des paysans est météorologique, les chroniques préfèrent le soldat au climat : « Il faudrait imaginer aujourd’hui, conclut Emmanuel Le Roy Ladurie – l’hypothèse est fort vraisemblable du reste – une presse et des médias qui consacreraient l’essentiel de leurs reportages au Tour de France ou au Paris-Dakar, presque aussitôt après une catastrophe démographique qui aurait provoqué dans notre pays un minimum de trois millions de morts ou davantage. »
      Avec Le Carnaval de Romans (Gallimard, 1979), chef-d’œuvre au même titre que Montaillou, Le Roy Ladurie s’attelle à résoudre un « cold case » daté de février 1580. Dans la cité de huit mille âmes, le carnaval venu, chaque faction célèbre son « royaume » (la Perdrix du côté des notables, le Chapon pour les artisans), organise sa course, couronne son roi ou décore son quartier. Mais la fête dégénère, et, le 15 février, les notables de la cité, menés par le juge Guerin, éliminent les membres du parti populaire, conduits par un certain Paumier. D’inversif, le rituel se fait subversif.

      Refusant de voir dans l’événement le simple reflet de la lutte des classes, Le Roy Ladurie préfère les voies de l’anthropologie historique et montre comment les rites carnavalesques transfigurent l’immense ressenti fiscal, les fractures sociales béantes, mais aussi les conflits religieux et les haines personnelles qui minent la cité dauphinoise. « Le Carnaval romanais, écrit-il, me fait penser au grand canyon du Colorado. Sillon événementiel, il s’enfonce dans une stratigraphie structurelle. Il donne à voir, d’un trait de scie, les couches mentales et sociales qui composent un très Ancien Régime. Au crépuscule de la Renaissance, il dévoile toute une géologie, colorée et torturée. » A l’image du XVIe siècle laduréen : coloré et torturé.

  • « En sociologie, la prise en compte du ressenti peut aider à identifier les inégalités les plus critiques », Nicolas Duvoux
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/20/en-sociologie-la-prise-en-compte-du-ressenti-peut-aider-a-identifier-les-ine

    La sociologie ne peut prétendre à la neutralité, puisqu’elle est une science étudiant la société au sein de laquelle elle émerge. Elle est prise dans les divisions et conflits sociaux, elle met au jour des formes de contrainte et de domination auxquelles elle ne peut rester indifférente. De quel côté penchons-nous ?, demandait à ses pairs le sociologue américain Howard Becker, dans un texte majeur (« Whose Side Are We on ? », Social Problems, 1967). Cependant, cette discipline n’a pas vocation à se substituer à la politique et aux choix collectifs qui relèvent du débat public. La contribution qu’elle peut apporter est de formuler un diagnostic aussi précis que possible sur les dynamiques sociales et la différenciation de leurs effets selon les groupes sociaux.

    L’inflation et la hausse des prix alimentaires très forte depuis l’année 2022 affectent beaucoup plus durement les ménages modestes. Ceux-ci consacrent en effet une part plus importante de leurs revenus à ce poste de consommation. Le relever revient à formuler un constat objectif. De même, la hausse des taux d’intérêt immobiliers exclut davantage de l’accès à la propriété les ménages sans apport (plutôt jeunes et de milieux populaires) que les autres. Il y va ainsi des évolutions de courte durée, mais aussi de celles de longue durée : le chômage touche plus fortement les moins qualifiés, les ouvriers et employés, même s’il n’épargne pas les cadres, notamment vieillissants ; la pauvreté touche davantage les jeunes, même si elle n’épargne pas les retraités.
    Formuler un diagnostic suppose d’éviter deux écueils qui se répondent et saturent un débat public fait d’oppositions, voire de polarisation, au détriment d’une compréhension de l’état de la société. La littérature du XIXe siècle – comme les sciences sociales avec lesquelles elle a alors partie liée – a souvent oscillé entre d’un côté une représentation misérabiliste du peuple, en soulignant la proximité des classes laborieuses et des classes dangereuses, et de l’autre une vision populiste qui exalte les vertus des classes populaires. Claude Grignon et Jean-Claude Passeron l’ont montré dans un livre qui a fait date (Le Savant et le Populaire, Gallimard, 1989). De la même manière, le débat public semble aujourd’hui osciller entre un optimisme propre aux populations favorisées économiquement et un catastrophisme des élites culturelles.

    Cruel paradoxe

    Pouvoir envisager l’avenir de manière conquérante vous place du côté des classes aisées ou en ascension. Cette thèse a un enjeu politique évident : le rapport subjectif à l’avenir nous informe sur la position sociale occupée par un individu et non sur sa représentation de la société. Pour ne prendre qu’un exemple, sur la fracture entre les groupes d’âge, on n’est guère surpris qu’en pleine période inflationniste le regain de confiance en son avenir individuel soit le privilège quasi exclusif [d’un %] des seniors. Il faut être déjà âgé pour penser que l’on a un avenir, cruel paradoxe d’une société qui fait porter à sa jeunesse le poids de la pauvreté et de la précarité de l’emploi, au risque de susciter une révolte de masse.
    Peut-être est-ce un signe de l’intensité des tensions sociales, nombre d’essais soulignent le décalage entre la réalité d’une société où les inégalités sont relativement contenues et le pessimisme de la population. Les dépenses de protection sociale sont parmi les plus élevées du monde, sinon les plus élevées. En conséquence de ces dépenses, les Français jouissent d’un niveau d’éducation, d’égalité et d’une sécurité sociale presque sans équivalent. Ces faits sont avérés.

    Mais le diagnostic ne se borne pas à ce rappel : les données objectives qui dressent le portrait d’une France en « paradis » sont, dans un second temps, confrontées à l’enfer du « ressenti », du mal-être, du pessimisme radical exprimé par les Français, souvent dans des sondages. Ainsi, dans « L’état de la France vu par les Français 2023 » de l’institut Ipsos, il apparaît que « 70 % des Français se déclarent pessimistes quant à l’avenir de la France ». Les tenants de la vision « optimiste », qui se fondent sur une critique du ressenti, tendent à disqualifier les revendications de redistribution et d’égalité.

    Or l’écart entre le « ressenti » et la réalité objective des inégalités peut être interprété de manière moins triviale et surtout moins conservatrice. Cet écart peut être travaillé et mis au service d’un diagnostic affiné de la situation sociale, un diagnostic qui conserve l’objectivité de la mesure tout en se rapprochant du ressenti.

    Une autre mesure de la pauvreté

    La notion de « dépenses contraintes » en porte la marque : ce sont les dépenses préengagées, qui plombent les capacités d’arbitrage des ménages, notamment populaires, du fait de la charge du logement. Entre 2001 et 2017, ces dépenses préengagées occupent une part croissante du budget, passant de 27 % à 32 %, selon France Stratégie. « Le poids des dépenses préengagées dans la dépense totale dépend d’abord du niveau de vie. Il est plus lourd dans la dépense totale des ménages pauvres que dans celle des ménages aisés, et l’écart a beaucoup augmenté entre 2001 (6 points d’écart) et 2017 (13 points d’écart). »
    Cette évolution et le renforcement des écarts placent de nombreux ménages – même s’ils ne sont pas statistiquement pauvres – en difficulté. La volonté de rapprocher « mesure objective » et « ressenti » permet de prendre une tout autre mesure de la pauvreté, qui double si l’on prend en compte le niveau de vie « arbitrable » , soit le revenu disponible après prise en compte des dépenses préengagées.

    De ce point de vue, l’équivalent du taux de pauvreté, c’est-à-dire la part des personnes dont le revenu arbitrable par unité de consommation est inférieur à 60 % du niveau de vie arbitrable médian, s’établissait à 23 % en 2011, selon des travaux réalisés par Michèle Lelièvre et Nathan Rémila pour la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. Ce chiffre atteint même 27 % si l’on prend en compte les dépenses peu compressibles, comme l’alimentation. Comparativement, le taux de pauvreté tel qu’on le définit traditionnellement se fixait en 2011 à 14,3 %. L’augmentation de la fréquentation des structures d’aide alimentaire témoigne des difficultés croissantes d’une part conséquente de la population.

    Le parti du catastrophisme

    L’optimisme empêche de penser les réalités dans toute leur violence et d’identifier les remèdes qui conviennent le mieux à ces maux. Le catastrophisme doit également être évité. Il a tendance à accuser exclusivement les super-riches dans la genèse des maux sociaux, en mettant en avant une explosion des inégalités démentie par les faits, si l’on exclut le patrimoine et la forte augmentation de la pauvreté dans la période post-Covid-19. En prenant le parti du catastrophisme, la sociologie, et avec elle la société, s’exonérerait d’un travail de fond.
    Un certain nombre de points soulignés par ceux qui critiquent le pessimisme restent vrais. La société française a connu une relative mais réelle démocratisation de l’accès à des positions privilégiées. Les postes d’encadrement n’ont cessé d’augmenter en proportion de la structure des emplois, une partie non négligeable de la population – y compris au sein des catégories populaires – a pu avoir accès à la propriété de sa résidence principale, a pu bénéficier ou anticipe une augmentation de son patrimoine. Les discours sur la précarisation ou l’appauvrissement généralisés masquent la pénalité spécifique subie par les groupes (jeunes, non ou peu qualifiés, membres des minorités discriminées, femmes soumises à des temps partiels subis, familles monoparentales) qui sont les plus affectés et qui servent, de fait, de variable d’ajustement au monde économique. Le catastrophisme ignore ou feint d’ignorer les ressources que les classes moyennes tirent du système éducatif public par exemple.

    Le catastrophisme nourrit, comme l’optimisme, une vision du monde social homogène, inapte à saisir les inégalités les plus critiques et les points de tension les plus saillants, ceux-là mêmes sur lesquels il faudrait, en priorité, porter l’action. La prise en compte du ressenti peut aider à les identifier et à guider le débat et les décideurs publics, à condition de ne pas entretenir de confusion sur le statut des informations produites, qui ne se substituent pas aux mesures objectives, mais peuvent aider à les rapprocher du sens vécu par les populations et ainsi à faire de la science un instrument de l’action.

    Nicolas Duvoux est professeur de sociologie à l’université Paris-VIII, auteur de L’Avenir confisqué. Inégalités de temps vécu, classes sociales et patrimoine (PUF, 272 pages, 23 euros).

    voir cette lecture des ressorts du vote populaire RN depuis les années 2000
    https://seenthis.net/messages/1027569

    #sociologie #inflation #alimentation #aide_alimentaire #dépenses_contraintes #revenu_arbitrable #revenu #pauvreté #chômage #jeunesse #femmes #mères_isolées #précarité #taux_de_pauvreté #patrimoine #inégalités #riches #classes_populaires

    • « Les inégalités sont perçues comme une agression, une forme de mépris », François Dubet - Propos recueillis par Gérard Courtois, publié le 12 mars 2019
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/12/francois-dubet-les-inegalites-sont-percues-comme-une-agression-une-forme-de-

      Entretien. Le sociologue François Dubet, professeur émérite à l’université Bordeaux-II et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), vient de publier Le Temps des passions tristes. Inégalités et populisme (Seuil, 112 p., 11,80 €).

      Reprenant l’expression de Spinoza, vous estimez que la société est dominée par les « passions tristes ». Quelles sont-elles et comment se sont-elles imposées ?

      Comme beaucoup, je suis sensible à un air du temps porté sur la dénonciation, la haine, le #ressentiment, le sentiment d’être méprisé et la capacité de mépriser à son tour. Ce ne sont pas là seulement des #émotions personnelles : il s’agit aussi d’un #style_politique qui semble se répandre un peu partout. On peut sans doute expliquer ce climat dangereux de plusieurs manières, mais il me semble que la question des #inégalités y joue un rôle essentiel.

      Voulez-vous parler du creusement des inégalités ?

      Bien sûr. On observe une croissance des inégalités sociales, notamment une envolée des hyper riches qui pose des problèmes de maîtrise économique et fiscale essentiels. Mais je ne pense pas que l’ampleur des inégalités explique tout : je fais plutôt l’hypothèse que l’expérience des inégalités a profondément changé de nature. Pour le dire vite, tant que nous vivions dans une société industrielle relativement intégrée, les inégalités semblaient structurées par les #classes sociales : celles-ci offraient une représentation stable des inégalités, elles forgeaient des identités collectives et elles aspiraient à une réduction des écarts entre les classes [et, gare à la revanche ! à leur suppression]– c’est ce qu’on appelait le progrès social. Ce système organisait aussi les mouvements sociaux et plus encore la vie politique : la #gauche et la #droite représentaient grossièrement les classes sociales.

      Aujourd’hui, avec les mutations du capitalisme, les inégalités se transforment et se multiplient : chacun de nous est traversé par plusieurs inégalités qui ne se recouvrent pas forcément. Nous sommes inégaux « en tant que » – salariés ou précaires, diplômés ou non diplômés, femmes ou hommes, vivant en ville ou ailleurs, seul ou en famille, en fonction de nos origines… Alors que les plus riches et les plus pauvres concentrent et agrègent toutes les inégalités, la plupart des individus articulent des inégalités plus ou moins cohérentes et convergentes. Le thème de l’#exploitation de classe cède d’ailleurs progressivement le pas devant celui des #discriminations, qui ciblent des inégalités spécifiques.

      Pourquoi les inégalités multiples et individualisées sont-elles vécues plus difficilement que les inégalités de classes ?

      Dans les inégalités de classes, l’appartenance collective protégeait les individus d’un sentiment de mépris et leur donnait même une forme de fierté. Mais, surtout, ces inégalités étaient politiquement représentées autour d’un conflit social et de multiples organisations et mouvements sociaux. Dans une certaine mesure, aussi injustes soient-elles, ces inégalités ne menaçaient pas la dignité des individus. Mais quand les inégalités se multiplient et s’individualisent, quand elles cessent d’être politiquement interprétées et représentées, elles mettent en cause les individus eux-mêmes : ils se sentent abandonnés et méprisés de mille manières – par le prince, bien sûr, par les médias, évidemment, mais aussi par le regard des autres.

      Ce n’est donc pas simplement l’ampleur des inégalités sociales qui aurait changé, mais leur nature et leur perception ?
      Les inégalités multiples et individualisées deviennent une expérience intime qui est souvent vécue comme une remise en cause de soi, de sa valeur et de son identité : elles sont perçues comme une agression, une forme de #mépris. Dans une société qui fait de l’#égalité_des_chances et de l’#autonomie_individuelles ses valeurs cardinales, elles peuvent être vécues comme des échecs scolaires, professionnels, familiaux, dont on peut se sentir plus ou moins responsable.

      Dans ce régime des inégalités multiples, nous sommes conduits à nous comparer au plus près de nous, dans la consommation, le système scolaire, l’accès aux services… Ces jeux de comparaison invitent alors à accuser les plus riches, bien sûr, mais aussi les plus pauvres ou les étrangers qui « abuseraient » des aides sociales et ne « mériteraient » pas l’égalité. L’électorat de Donald Trump et de quelques autres ne pense pas autre chose.

      Internet favorise, dites-vous, ces passions tristes. De quelle manière ?

      Parce qu’Internet élargit l’accès à la parole publique, il constitue un progrès démocratique. Mais Internet transforme chacun d’entre nous en un mouvement social, qui est capable de témoigner pour lui-même de ses souffrances et de ses colères. Alors que les syndicats et les mouvements sociaux « refroidissaient » les colères pour les transformer en actions collectives organisées, #Internet abolit ces médiations. Les émotions et les opinions deviennent directement publiques : les colères, les solidarités, les haines et les paranoïas se déploient de la même manière. Les #indignations peuvent donc rester des indignations et ne jamais se transformer en revendications et en programmes politiques.

      La démultiplication des inégalités devrait renforcer les partis favorables à l’égalité sociale, qui sont historiquement les partis de gauche. Or, en France comme ailleurs, ce sont les populismes qui ont le vent en poupe. Comment expliquez-vous ce « transfert » ?

      La force de ce qu’on appelle les populismes consiste à construire des « banques de colères », agrégeant des problèmes et des expériences multiples derrière un appel nostalgique au #peuple unique, aux travailleurs, à la nation et à la souveraineté démocratique. Chacun peut y retrouver ses indignations. Mais il y a loin de cette capacité symbolique à une offre politique, car, une fois débarrassé de « l’oligarchie », le peuple n’est ni composé d’égaux ni dénué de conflits. D’ailleurs, aujourd’hui, les politiques populistes se déploient sur tout l’éventail des politiques économiques.

      Vous avez terminé « Le Temps des passions tristes » au moment où émergeait le mouvement des « gilets jaunes ». En quoi confirme-t-il ou modifie-t-il votre analyse ?

      Si j’ai anticipé la tonalité de ce mouvement, je n’en avais prévu ni la forme ni la durée. Il montre, pour l’essentiel, que les inégalités multiples engendrent une somme de colères individuelles et de sentiments de mépris qui ne trouvent pas d’expression #politique homogène, en dépit de beaucoup de démagogie. Dire que les « gilets jaunes » sont une nouvelle classe sociale ou qu’ils sont le peuple à eux tout seuls ne nous aide guère. Il faudra du temps, en France et ailleurs, pour qu’une offre idéologique et politique réponde à ces demandes de justice dispersées. Il faudra aussi beaucoup de courage et de constance pour comprendre les passions tristes sans se laisser envahir par elles.

      #populisme

  • La figure de l’étranger, ce repoussoir imaginaire : comment le vote RN a évolué
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/17/la-figure-de-l-etranger-ce-repoussoir-imaginaire_6200771_3232.html


    SERGIO AQUINDO

    (...) A partir des scrutins législatif et présidentiel de 2002, les métropoles et les banlieues à forte diversité qui, dans les années 1980, avaient fait le succès du Front national, se détournent peu à peu de l’extrême droite. Au second tour de l’élection présidentielle de 2017, Marine Le Pen, qui remporte 33,9 % des suffrages au niveau national, n’en rassemble que 19,68 % dans le Val-de-Marne, 14,35 % dans les Hauts-de-Seine et 21,18 % en Seine-Saint-Denis – trois départements qui comptent une proportion d’immigrés deux, voire trois fois plus élevée que la moyenne nationale de l’époque.

    (...) Si le RN, à partir des années 2000, perd du terrain dans les métropoles et les banlieues métissées qui constituaient auparavant ses bastions, il conquiert peu à peu des territoires ruraux et périurbains au profil radicalement différent. Au second tour de la présidentielle de 2022, Marine Le Pen, qui recueille 41,45 % des voix au niveau national, obtient ainsi ses plus beaux scores (plus de 50 %) dans les villages de moins de 2 000 habitants, où les étrangers sont rares – moins de 5 % de la population. (...)

    Comment, dans un paysage où l’immigration est aussi lointaine, voire absente, comprendre le triomphe du RN ? Pourquoi les électeurs de cette France rurale et périurbaine qui accueille très peu d’étrangers votent-ils massivement pour un parti qui, même s’il privilégie aujourd’hui un discours social, continue à dénoncer haut et fort les ravages de l’immigration ? La théorie du contact, qui suppose des échanges fréquents entre les communautés, ne fournit, en l’espèce, aucune clé d’explication. Plus pertinente paraît la théorie de la menace – à condition de retenir son versant non pas « réaliste » mais « symbolique ».

    Pour la politiste Nonna Mayer, l’hostilité peut en effet reposer sur des mécanismes imaginaires. « Il n’est nul besoin de vivre avec ou près des étrangers pour en avoir peur ou de connaître des juifs pour être antisémite, rappelle l’autrice de Ces Français qui votent Le Pen (Flammarion, 2002). En France comme ailleurs, il y a un antisémitisme sans juifs comme il y a un vote d’extrême droite sans immigrés. Parce que l’imaginaire se nourrit de ce que l’on ne connaît pas, l’absence de contacts favorise parfois une vision fantasmée de l’étranger : il incarne alors une menace, non pas réelle, mais symbolique. »

    Selon les chercheurs qui travaillent sur les zones rurales et périurbaines conquises par l’extrême droite, cette menace « symbolique » hante le discours des électeurs du RN. « Les immigrés, même absents, constituent des figures repoussoirs qui permettent de montrer, par contraste, que l’on est un travailleur méritant et respectable, analyse Nonna Mayer. Les salariés modestes qui ont réussi, grâce à leurs efforts, à acquérir une petite position sociale rejettent à la fois les classes supérieures, dont les valeurs culturelles sont très éloignées des leurs, et les immigrés, assimilés aux “assistés” et aux “cas sociaux”, qu’ils considèrent comme des parasites. »

    Hantise du déclassement

    Pour le sociologue Olivier Schwartz, cette vision du monde renvoie à une conscience sociale qu’il qualifie de « triangulaire ». A l’opposition classique entre le « eux » des possédants et le « nous » des ouvriers analysée dans les années 1950 par le sociologue Richard Hoggart, Olivier Schwartz ajoute un troisième terme : le « bas ». Hantées par le spectre du déclassement, les classes populaires et moyennes cherchent à se distinguer des « assistés » qui profitent indûment du système. Accusés de vivre des allocations, de la délinquance et des trafics, les immigrés incarnent l’un des visages de ce « bas » de la hiérarchie sociale – qu’ils vivent ou non dans le même quartier qu’eux.

    Les succès de l’extrême droite dans le monde rural et périurbain sont fondés, analyse le géographe Jean Rivière, sur cette « quête de respectabilité ». « Ce qui est important, pour comprendre le vote RN, ce n’est pas la proximité, ou non, avec l’immigration mais l’image que les groupes se font les uns des autres, explique-t-il. Ces classes populaires blanches, qui ont accédé à la propriété et qui travaillent dans de petites entreprises, résident à côté d’artisans, de petits patrons et de petits indépendants. Dans ces mondes sociaux qui opposent sans cesse la respectabilité acquise par le travail à l’immoralité de l’assistanat, les immigrés sont vus comme les figures emblématiques de la paresse. »

    [...]
    Les travaux ethnographiques réalisés dans les espaces ruraux ou périurbains confortent cette lecture du vote RN. Pour la sociologue Violaine Girard, l’accès à la propriété, au sein des classes populaires « établies » qu’elle a étudiées dans une commune rurale de la grande région lyonnaise, est un « élément de distinction » par rapport aux habitants des HLM. « Ce qui se joue dans l’achat d’un pavillon, c’est l’accès à la respectabilité sociale, précise l’autrice de l’ouvrage Le Vote FN au village (Le Croquant, 2017). Vivre dans un lotissement, c’est un signe de réussite professionnelle, conjugale et familiale. »

    Souvent associé au vote RN, qui est aujourd’hui motivé par des préoccupations essentiellement sociales, ce souci de se démarquer du « bas » de la hiérarchie ne s’accompagne pas forcément de discours xénophobes. « Certains rejettent ouvertement les immigrés et leurs descendants – et les plus âgés font parfois des blagues racistes, poursuit Violaine Girard. Mais les discours de stigmatisation qui visent les #étrangers, les #chômeurs et les #intérimaires sont surtout fondés sur le statut social. Cette hostilité sert à créer une frontière symbolique entre la sociabilité paisible des mondes ruraux et le mode de vie jugé déviant des résidents des quartiers d’habitat social. »

    « Une forme d’honorabilité »

    Pour le sociologue Benoît Coquard, qui travaille sur les zones rurales en déclin du Grand-Est, cette conscience sociale « triangulaire » est une manière, pour les électeurs du RN, d’affirmer leur appartenance au monde des « gens bien ». « Sur le plan social, les jeunes immigrés des cités sont les homologues de classe des jeunes des villages mais ils sont classés à l’autre bout du spectre, parmi les fainéants et les chômeurs, explique l’auteur de Ceux qui restent. Faire sa vie dans les campagnes en déclin (La Découverte, 2019). Le vote RN garantit aux jeunes des villages qu’il y a pire qu’eux : il les définit de manière positive et il leur assure une forme d’honorabilité. »

    Plus qu’un programme, plus que des candidats, plus qu’un projet politique, ajoute Benoît Coquard, le Rassemblement national propose à ses électeurs une vision du monde. « Lorsque le Parti communiste était fortement présent dans les milieux populaires, il avait, lui aussi, une conception conflictuelle de l’univers social mais il définissait le “nous” et le “eux” autrement, précise-t-il. Les tensions inhérentes aux expériences sociales étaient admises par les classes populaires mais elles étaient formulées en termes de classe et non de nationalité : le PC opposait les ouvriers aux patrons alors que le RN oppose les Français aux étrangers. »

    L’implantation, depuis le début des années 2000, du Rassemblement national dans les #classes_populaires et moyennes des zones rurales et périurbaines semble donc valider la théorie de la menace, non pas « réaliste », comme le clament volontiers les dirigeants du parti d’extrême droite, mais « symbolique » : elle est l’expression d’une conscience sociale « triangulaire » plus que le signe de difficultés tangibles de cohabitation avec les immigrés. Pour beaucoup d’électeurs du RN, l’étranger n’est ni un voisin de palier ni un voisin de quartier, mais une figure qui incarne, au même titre que les « #assistés » ou les « #cassos », un monde social dont ils tiennent à tout prix à se distinguer.

    https://archive.ph/L7h6N

    edit
    compter les pauvres avec Duvoux. depuis le revenu arbitrable et l’alimentation, on dira 27% de la population, a minima.
    ce régime d’inégalités multiples conduit à nous comparer au plus près de nous (Dubet)
    https://seenthis.net/messages/1027760

    les réformes #chômage, #RSA, puissant appel du pied politique auquel aucune vision du monde ne parait s’opposer
    #extrême_droite #RN #immigration #racisme #xénophobie #théorie_du_contact #France_rurale #France_périurbaine #concurrence #Peur #peur_du_déclassement #ségrégation_spatiale #conscience_sociale_triangulaire #stigmatisation

  • En fait, ces cinq dernières semaines, nous venons d’assister à un aboutissement de plusieurs décennies de lepenisation des esprits : la lutte contre l’antisémitisme aujourd’hui est devenu une posture pour dissimuler son islamophobie. Florilège :

    ANTISÉMITISME : LA DÉDIABOLISATION DU RN OFFERTE SUR UN PLATEAU - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=g0X58dhaJyI

    Face à la recrudescence des actes antisémites, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher ont organisé une grande marche le 12 novembre 2023. Une aubaine pour la dédiabolisation du Rassemblement National et de l’extrême droite dont la présence a été jugée par certains comme une « chance pour la France ».

    De toute façon, à écouter l’ancien premier ministre Édouard Philippe, « Quand vous menez un combat, qui est presque un combat existentiel, l’important c’est contre qui vous vous battez, pas avec qui vous vous battez ». Comme fondations de ce front républicain nouvelle génération, sur les plateaux de télévision, un torrent de stigmatisation de la communauté musulmane déferle : « la nouvelle cause de l’antisémitisme, c’est l’islamisme », « l’antisémitisme couscous ». Le passé et le présent (faut-il le rappeler ?) antisémite des mouvements d’extrême droite semblent avoir pris la poudre d’escampette. Mystère.

    • « Après s’être fait dérober la défense de la laïcité, la gauche se fait voler la dénonciation de l’antisémitisme », Philippe Bernard
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/19/apres-s-etre-fait-derober-la-defense-de-la-laicite-la-gauche-se-fait-voler-l

      La guerre à Gaza est efficacement utilisée par Marine Le Pen pour réaliser ce qui relevait de l’impensable : se poser en rempart contre l’antisémitisme, explique, dans sa chronique, Philippe Bernard, éditorialiste au « Monde ».

      Comment échapper aux indignations détournées ou manipulées ? Comment protester contre l’insupportable sans alimenter les haines ? Comment refuser de choisir un « camp » sans pour autant baisser les bras ?
      Vu de France, il devrait être possible de ne pas chercher à dresser une hiérarchie entre les attaques du Hamas du 7 octobre, le plus grand massacre de juifs depuis la seconde guerre mondiale, et les bombardements de Gaza, « catastrophe humanitaire inédite » et « carnage », selon l’ONU. Il devrait être possible de reconnaître le droit d’Israël à se défendre tout en s’indignant du sort infligé aux civils de Gaza et de Cisjordanie. De plaider en faveur du droit des Palestiniens à un Etat tout en dénonçant l’antisémitisme. De critiquer la politique d’Israël sans être accusé de haine des juifs. De manifester contre l’antisémitisme sans montrer du doigt les musulmans.
      Certes, des voix s’élèvent contre la binarité, réclamant de substituer le « oui et » au « oui mais ». Karim Kattan, écrivain palestinien, revendique ainsi « les contradictions, la nuance » comme « acte révolutionnaire » dans « un paysage politique et médiatique marqué par les superlatifs, la certitude ». Le député européen Raphaël Glucksmann, lui, se réclame d’une « raison politique » qui « condamne inconditionnellement le Hamas » mais est « incapable de soutenir inconditionnellement un gouvernement israélien qui (…) a tant fait pour renforcer l’ennemi mortel qu’il entend (…) éradiquer ». Les cinq cents artistes signataires d’un « appel à marcher silencieusement », dimanche 19 novembre à Paris, « pour faire entendre “la voix de l’union” en France », publié dans Télérama, portent un message voisin, eux qui s’insurgent contre « cette injonction de choisir un camp à détester ».
      Provocations verbales
      Si pareilles nuances, qui rallient probablement une grande partie de l’opinion, ont tant de mal à être exprimées par les responsables politiques, c’est que, contrairement à leur volonté proclamée de « ne pas importer » le conflit israélo-palestinien, leurs stratégies cherchent à exploiter les émotions exacerbées en France par la guerre. Funeste signe des temps, cette instrumentalisation se focalise pour la première fois sur la question de l’antisémitisme et elle s’opère à front renversé.

      La gauche, porteuse historiquement des droits et des libertés des Français juifs – depuis l’émancipation par la révolution en 1791 jusqu’à l’antiracisme, en passant par la défense du capitaine Dreyfus –, se trouve dramatiquement en position de défense. Le temps est fini où l’identité juive et le vote de gauche étaient quasi indissociables.
      Après s’être fait dérober la défense de la laïcité et le soutien des classes populaires, la gauche est en train de se faire voler la dénonciation de l’antisémitisme. La guerre à Gaza est efficacement utilisée par Marine Le Pen pour réaliser ce qui relevait de l’impensable : se poser en rempart contre l’antisémitisme. Dans ce rôle, 42 % des Français lui font confiance, selon un sondage IFOP, contre 41 % à Emmanuel Macron et 17 % à Jean-Luc Mélenchon.

      le refus de parler vrai à gauche laisse l’espace à un racisme anti-arabes et à un antisémitisme, qui marchent de concert.

      quand revient la concurrence des bourreaux, il est temps pour qui y aurait cédé de renoncer à la concurrence des victimes.

      #antisémitisme #RN #gauche

    • Que de naufrages « à gauche » ! Et quel niveau d’abjection par pur clientélisme électoral faudra-t-il atteindre pour que nous considérions que le fonctionnement de nos « démocraties », c’est vraiment trop de la merde ? On serait presque tenter de crier « Vive la dictature du prolétariat » si nous parvenions à oublier que les conséquences eussent été aussi funestes.

      Rapprochement : https://seenthis.net/messages/1027516

    • ce qui dédiabolise, c’est l’accord sur le mépris des cassos et autres assistés. il faut leur filer du taf pour leur dignité (gauche), qu’ils fassent leur devoir (droite) qu’il redeviennent ho-no-ra-bles ; bien sur, ce ne sont pas des chômeurs et précaires « juifs » (supposés banquiers ou boutiquiers) qui sont visés mais la figure de l’arabe (c’est moins le cas pour les africains, on en voit trop qui travaillent ?) dont tout cassos relève peu ou prou. voir cette analyse du déplacement du vote RN depuis les années 2000 ("je préfère une société de travail à l’assistance", déclarait Jospin en 1999, le message n’a pas été perdu)
      https://seenthis.net/messages/1027569

  • « Le climatoscepticisme n’a rien à voir avec le scepticisme »

    Enseignant de philosophie, Gilles Barroux regrette que le déni du réchauffement climatique soit toujours assimilé à une forme de doute, alors qu’il s’agit plutôt d’une forme de défiance. Le terme de « climatoscepticisme » doit donc être abandonné.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/19/le-climatoscepticisme-n-a-rien-a-voir-avec-le-scepticisme_6201047_3232.html

  • « Le manque d’immigration de travail handicape la France »

    Les économistes #Madeleine_Péron et #Emmanuelle_Auriol constatent, dans une tribune au « Monde », que le pays se prive d’une immigration nécessaire à sa croissance et soulignent que le débat se concentre sur des aspects identitaires et sécuritaires, omettant que les arrivées d’étrangers en France se situent sous la moyenne européenne.

    A l’occasion du projet de loi déposé par le gouvernement, le débat sur l’immigration a resurgi dans l’actualité. Sans surprise, les volets sécuritaire et identitaire y tiennent une place prépondérante, éclipsant certaines réalités économiques qu’il faudrait pourtant prendre en compte pour permettre un véritable débat démocratique. Car l’immigration pour motif économique est portion congrue en France, et notre pays se prive, pour de mauvaises raisons, d’un fort potentiel de croissance à long terme et, à court terme, de substantiels bénéfices économiques et sociaux.

    Contrairement à une idée reçue, la France est un pays de faible immigration ! Le flux annuel d’immigrés entrants était de 316 174 personnes en 2022, selon le ministère de l’intérieur, soit environ 0,45 % de la population française. En dehors des regroupements familiaux, les possibilités d’une immigration de travail sont réduites pour les ressortissants extracommunautaires.

    De ce fait, l’immigration pour motif économique est négligeable dans notre pays : en 2022, elle représentait seulement 16 % des nouveaux visas délivrés, souvent au prix de batailles administratives à l’issue incertaine pour le candidat à l’immigration et pour son potentiel employeur. Et ce, alors même que, selon l’enquête « Besoins en main-d’œuvre 2023 » de Pôle emploi, 61 % des recrutements sont jugés difficiles, principalement par manque de candidats et de compétences adéquates.

    Les #bienfaits d’une immigration de travail sont considérables à court terme, pour répondre à des tensions fortes et persistantes dans certains secteurs cruciaux tant pour notre économie que pour notre vie quotidienne. Les métiers dits « en tension » s’observent ainsi à tous les niveaux de qualification : il nous manque aussi bien des ouvriers spécialisés que des médecins, des cuisiniers, des infirmiers, des banquiers ou encore des informaticiens. Dès lors, la faible immigration de travail en France est un #problème_économique majeur. Faute de personnels, des services d’urgences ferment, des citoyens âgés dépendants sont privés de soins, des entreprises renoncent à créer de l’activité, voire ferment ou se délocalisent.

    Pourtant, les études réalisées par le Conseil d’analyse économique montrent que l’immigration de travail a, à court terme, un impact négligeable sur les #finances_publiques, dans la mesure où les immigrés travaillent, cotisent et paient des impôts. A long terme, l’#immigration_de_travail, en particulier qualifiée, stimule la #croissance en favorisant l’#innovation, l’#entrepreneuriat et l’insertion dans l’économie mondiale. Comment imaginer que les politiques de #réindustrialisation et d’adaptation au #changement_climatique pourront se faire dans une économie fermée, notamment à la recherche internationale ? Les idées et les innovations ne circulent pas dans l’éther, elles sont portées par des personnes.

    Confusion générale

    La France n’a pas de politique d’immigration, notamment économique. Notre pays subit de plein fouet une #pénurie de main-d’œuvre et se prive des bienfaits à long terme de l’immigration de travail. A l’instar de ce qu’ont fait des pays comme le Canada, l’Australie ou l’Allemagne, il est grand temps de changer nos législations et de mettre en œuvre une véritable politique d’immigration économique. Le Conseil d’analyse économique avait déjà, en novembre 2021, formulé plusieurs recommandations visant à mettre en place une politique migratoire ambitieuse au service de la croissance.

    On peut citer la poursuite des efforts destinés à numériser, centraliser et systématiser le traitement des #visas de travail émanant des entreprises avec des critères d’admissibilité clairs et prévisibles, une évaluation du dispositif « #Passeport_talent » afin de renforcer son efficacité et d’intensifier son octroi, et la facilitation de la transition études-emploi en fluidifiant et en étendant l’accès à des titres de séjour pour les étudiants, sans y adjoindre de critères de salaire minimum, ni d’adéquation du travail aux qualifications.

    Le débat sur l’immigration est monopolisé par des partis politiques qui ont fait de la lutte contre l’immigration leur fonds de commerce. En faisant des amalgames entre immigration, perte d’identité, délinquance et terrorisme, ils laissent à penser que l’immigration est un #fardeau. Le faible volume d’immigration de travail et l’absence d’un discours politique clair sur le sujet contribuent à la confusion générale. Il est, de ce point de vue, frappant de constater que le nouveau projet de loi sur l’immigration aborde pêle-mêle accueil des réfugiés, expulsion de délinquants, immigrés en situation irrégulière et tension sur le marché du travail.

    En abandonnant le débat à des partis politiques dont l’objectif n’est pas, de toute évidence, la croissance, on projette l’image d’une opinion publique uniformément hostile à toute forme d’immigration. Or les Français ne sont pas dupes : ils sont même favorables à l’immigration intracommunautaire et n’ont pas de problème avec l’immigration de travail. Ainsi, dans le baromètre 2022 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, 83 % des personnes interrogées affirment que les immigrés de travail doivent être considérés comme chez eux en France.

    On manque de bras et de compétences partout sur le territoire. Cette situation constitue un frein à notre économie et, quand il s’agit de médecins et d’infirmiers, un péril pour la sécurité et la santé des Français. Alors que même la Hongrie de Viktor Orban s’organise pour accueillir des travailleurs étrangers, et que l’Italie de Giorgia Meloni prévoit d’accorder 122 705 visas extracommunautaires en 2023, la classe politique française est paralysée. Il est grand temps que l’Etat reprenne la main sur la #politique_migratoire. Les enjeux, tant de court terme pour les #secteurs_en_tension que de long terme pour la croissance et l’innovation, sont vitaux pour notre pays.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/17/le-manque-d-immigration-de-travail-handicape-la-france_6200707_3232.html
    #travail #immigration #migrations #France #économie #main_d'oeuvre

    ping @karine4 @isskein

  • « Le manque d’immigration de travail handicape la France »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/17/le-manque-d-immigration-de-travail-handicape-la-france_6200707_3232.html

    « Le manque d’immigration de travail handicape la France »
    Tribune Emmanuelle Auriol Madeleine Péron Economistes
    A l’occasion du projet de loi déposé par le gouvernement, le débat sur l’immigration a resurgi dans l’actualité. Sans surprise, les volets sécuritaire et identitaire y tiennent une place prépondérante, éclipsant certaines réalités économiques qu’il faudrait pourtant prendre en compte pour permettre un véritable débat démocratique. Car l’immigration pour motif économique est portion congrue en France, et notre pays se prive, pour de mauvaises raisons, d’un fort potentiel de croissance à long terme et, à court terme, de substantiels bénéfices économiques et sociaux.
    Contrairement à une idée reçue, la France est un pays de faible immigration ! Le flux annuel d’immigrés entrants était de 316 174 personnes en 2022, selon le ministère de l’intérieur, soit environ 0,45 % de la population française. En dehors des regroupements familiaux, les possibilités d’une immigration de travail sont réduites pour les ressortissants extracommunautaires.
    De ce fait, l’immigration pour motif économique est négligeable dans notre pays : en 2022, elle représentait seulement 16 % des nouveaux visas délivrés, souvent au prix de batailles administratives à l’issue incertaine pour le candidat à l’immigration et pour son potentiel employeur. Et ce, alors même que, selon l’enquête « Besoins en main-d’œuvre 2023 » de Pôle emploi, 61 % des recrutements sont jugés difficiles, principalement par manque de candidats et de compétences adéquates.
    Les bienfaits d’une immigration de travail sont considérables à court terme, pour répondre à des tensions fortes et persistantes dans certains secteurs cruciaux tant pour notre économie que pour notre vie quotidienne. Les métiers dits « en tension » s’observent ainsi à tous les niveaux de qualification : il nous manque aussi bien des ouvriers spécialisés que des médecins, des cuisiniers, des infirmiers, des banquiers ou encore des informaticiens. Dès lors, la faible immigration de travail en France est un problème économique majeur. Faute de personnels, des services d’urgences ferment, des citoyens âgés dépendants sont privés de soins, des entreprises renoncent à créer de l’activité, voire ferment ou se délocalisent.
    Pourtant, les études réalisées par le Conseil d’analyse économique montrent que l’immigration de travail a, à court terme, un impact négligeable sur les finances publiques, dans la mesure où les immigrés travaillent, cotisent et paient des impôts. A long terme, l’immigration de travail, en particulier qualifiée, stimule la croissance en favorisant l’innovation, l’entrepreneuriat et l’insertion dans l’économie mondiale. Comment imaginer que les politiques de réindustrialisation et d’adaptation au changement climatique pourront se faire dans une économie fermée, notamment à la recherche internationale ? Les idées et les innovations ne circulent pas dans l’éther, elles sont portées par des personnes.
    La France n’a pas de politique d’immigration, notamment économique. Notre pays subit de plein fouet une pénurie de main-d’œuvre et se prive des bienfaits à long terme de l’immigration de travail. A l’instar de ce qu’ont fait des pays comme le Canada, l’Australie ou l’Allemagne, il est grand temps de changer nos législations et de mettre en œuvre une véritable politique d’immigration économique. Le Conseil d’analyse économique avait déjà, en novembre 2021, formulé plusieurs recommandations visant à mettre en place une politique migratoire ambitieuse au service de la croissance. On peut citer la poursuite des efforts destinés à numériser, centraliser et systématiser le traitement des visas de travail émanant des entreprises avec des critères d’admissibilité clairs et prévisibles, une évaluation du dispositif « Passeport talent » afin de renforcer son efficacité et d’intensifier son octroi, et la facilitation de la transition études-emploi en fluidifiant et en étendant l’accès à des titres de séjour pour les étudiants, sans y adjoindre de critères de salaire minimum, ni d’adéquation du travail
    Le débat sur l’immigration est monopolisé par des partis politiques qui ont fait de la lutte contre l’immigration leur fonds de commerce. En faisant des amalgames entre immigration, perte d’identité, délinquance et terrorisme, ils laissent à penser que l’immigration est un fardeau. Le faible volume d’immigration de travail et l’absence d’un discours politique clair sur le sujet contribuent à la confusion générale. Il est, de ce point de vue, frappant de constater que le nouveau projet de loi sur l’immigration aborde pêle-mêle accueil des réfugiés, expulsion de délinquants, immigrés en situation irrégulière et tension sur le marché du travail.
    En abandonnant le débat à des partis politiques dont l’objectif n’est pas, de toute évidence, la croissance, on projette l’image d’une opinion publique uniformément hostile à toute forme d’immigration. Or les Français ne sont pas dupes : ils sont même favorables à l’immigration intracommunautaire et n’ont pas de problème avec l’immigration de travail. Ainsi, dans le baromètre 2022 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, 83 % des personnes interrogées affirment que les immigrés de travail doivent être considérés comme chez eux en France.
    On manque de bras et de compétences partout sur le territoire. Cette situation constitue un frein à notre économie et, quand il s’agit de médecins et d’infirmiers, un péril pour la sécurité et la santé des Français. Alors que même la Hongrie de Viktor Orban s’organise pour accueillir des travailleurs étrangers, et que l’Italie de Giorgia Meloni prévoit d’accorder 122 705 visas extracommunautaires en 2023, la classe politique française est paralysée. Il est grand temps que l’Etat reprenne la main sur la politique migratoire. Les enjeux, tant de court terme pour les secteurs en tension que de long terme pour la croissance et l’innovation, sont vitaux pour notre pays.
    Emmanuelle Auriol est professeure à la Toulouse School of Economics et à l’université Toulouse-I-Capitole ; Madeleine Péron est économiste au Conseil d’analyse économique. Elles ont participé aux travaux de la note du Conseil d’analyse économique de novembre 2021 consacrée à l’immigration qualifiée, « Un visa pour la croissance ».

    #Covid-19#migrant#migration#france#economie#politiquemigratoire#immigration#visas#croissance#innovation#migrationqualifiee

  • Snuff movie hamasso-israélien à l’Assemblée [and all over the west world]
    « Les images produites par les criminels posent un sérieux problème et mettent les spectateurs dans une position insoutenable »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/14/projection-a-l-assemblee-de-l-attaque-du-hamas-les-images-produites-par-les-

    Pour Astrid Panosyan-Bouvet, une autre députée Renaissance citée dans Libération, ces images « doivent servir de pièces à conviction lors d’un procès, s’il y en a un et je l’espère, pour crimes de guerre ou crime contre l’humanité ». Cette procédure a été expérimentée pour la première fois lorsque des images des camps nazis ont été projetées devant le Tribunal militaire international de Nuremberg, le 29 novembre 1945. A l’époque, le correspondant de France Soir, Joseph Kessel, avait rapidement compris que « la résurrection de l’horreur n’était plus, en cet instant, le fait essentiel ». « Il s’agissait, écrit-il, de mettre tout à coup les criminels face à face avec leur forfait immense, de jeter pour ainsi dire les assassins, les bouchers de l’Europe, au milieu des charniers qu’ils avaient organisés, et de surprendre les mouvements auxquels les forcerait ce spectacle, ce choc. »

    L’objectif n’était donc pas d’imposer à la cour et aux personnes assistant au procès des images insoutenables, mais d’en faire un élément à charge contre les prévenus présents dans le box, en lien avec les autres documents présentés par l’accusation, pour leur faire reconnaître leurs crimes.

    Ne pas « ajouter l’horreur à l’horreur »
    Certains des membres du Hamas qui ont participé aux massacres du 7 octobre ont été arrêtés par l’armée israélienne et leurs interrogatoires par le Shin Bet [le service de renseignement intérieur israélien] et la police sont actuellement filmés, ouvrant ainsi la tenue prochaine de procès en Israël où il sera possible de confronter leurs déclarations avec ce que les images montrent des crimes commis. D’autre part, la France, dont plusieurs ressortissants ont péri dans les massacres du 7 octobre ou sont actuellement détenus en otage, et qui s’est dotée depuis le 9 septembre 1986 d’une loi « relative à la lutte contre le terrorisme et les atteintes à la sûreté de l’Etat », a diligenté dès le 12 octobre sa propre enquête préliminaire, qui pourrait aboutir à une action judiciaire.

    Or, depuis le procès Merah jusqu’à ceux des attentats de janvier et de novembre 2015 à Paris et à Saint-Denis [Seine-Saint-Denis], la question de la projection des images des tueries a fait l’objet de débats contradictoires entre les parties civiles, les juges affichant le plus souvent une position de prudence. Ainsi, lors du procès d’Abdelkader Merah, en 2017, le président de la cour d’assises spéciale de Paris a choisi de ne diffuser aucune des images provenant de la caméra GoPro de Mohammed Merah, indiquant qu’il ne fallait pas « ajouter l’horreur à l’horreur ».

    Documents d’actualité, pièces à conviction ou archives historiques, les images de violences extrêmes nécessitent un encadrement analytique et une forme de protection de leurs spectateurs pour transformer leur vision en un travail de connaissance et de mémoire. Sans quoi, seul l’effet de sidération l’emportera.

    https://archive.ph/L92lX

    #Israël #film #sidération

  • Des soignants racontent comment ils se sont forgé une conviction sur l’#euthanasie : « C’est moi qui vais m’en rappeler tous les jours de ma vie »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/11/14/euthanasie-face-au-geste-letal-paroles-de-medecins_6199974_3224.html

    Alors que le gouvernement peaufine son projet d’évolution de la loi, des praticiens racontent comment leur pratique auprès des malades, leurs dilemmes et des histoires intimes leur ont permis de se forger une opinion. Certains estiment que leur rôle est d’accompagner leurs patients jusqu’à répondre à leur demande de mourir, d’autres s’y opposent.

    https://archive.ph/HGgdk

    Fin de vie : « Mesure-t-on le risque d’ouvrir le chantier vertigineux de la légitimité de la demande d’accéder à la mort ? »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/12/fin-de-vie-mesure-t-on-le-risque-d-ouvrir-le-chantier-vertigineux-de-la-legi

    Si chaque individu est « libre » de mettre fin à sa vie, ce geste n’est cependant ni un droit ni une liberté au sens juridique du terme, aucun instrument juridique ne le garantissant. Au contraire, notre droit oblige à secourir la personne qui tente de mettre fin à sa vie. Quelles que soient les motivations profondes d’un geste suicidaire, le niveau de clairvoyance de son auteur et l’autonomie de sa volonté, le code pénal sanctionne pour non-assistance à personne en danger celui qui n’aurait pas tenté de sauver une personne confrontée à un péril imminent.
    La loi autorise même, dans des cadres strictement définis, à hospitaliser sans son consentement une personne pour le soigner d’une dépression lui ôtant toute envie de vivre et la prive de discernement. Dans la même veine, les acteurs du soin engagent leur responsabilité pénale lorsqu’ils manquent à leurs obligations de surveillance et que le patient hospitalisé dont ils ont la charge met fin à ses jours.

    Fixer des critères légaux

    Ce corpus de règles témoigne de deux valeurs essentielles qui fondent notre contrat social et irriguent tout le droit : le caractère primordial de la vie et le #devoir_de_solidarité. De ces valeurs croisées et absolues – car aucun jugement subjectif sur le type de vie que la société souhaite soutenir ne commande leurs mises en œuvre – découlent des droits subjectifs en faveur des personnes vulnérables, des politiques de prise en charge du handicap et de prévention du #suicide. Ces dernières sont capitales dans un pays comme la France, où le taux de suicide par habitant est un des plus élevés d’Europe.
    Si la loi devait dorénavant garantir à l’individu la liberté de se suicider et à autrui le devoir de l’y assister au nom du respect de sa volonté, comment ces droits et obligations se concilieront-ils ? A l’évidence, les partisans de la réforme ne souhaitent pas l’abandon des politiques en faveur des plus fragiles.

    Pour autant, la seule façon de maintenir une cohérence d’ensemble sera de fixer des critères légaux qui encadreront strictement ce droit. Se posera ipso facto une question plus difficile encore : celle de savoir qui, aux yeux de la loi, est légitime à obtenir une #aide_à_mourir. La personne en fin de vie que rien ne soulage ? La jeune fille anorexique qui refuse obstinément de manger et dont la vie ne tient plus qu’à un fil ? La personne qui n’est pas en fin de vie mais dont les souffrances morales et la perspective de la maladie lui ont définitivement ôté toute envie de vivre ? Le détenu condamné à des années de prison qui, en conscience, ne souhaite plus continuer ? Le vieillard sénile qui avait demandé à recevoir une aide au suicide s’il devenait dément ?

    https://archive.ph/0SL5x

    Aide active à mourir : « Il n’est pas nécessaire d’attendre une situation d’échec thérapeutique pour se poser la question de la fin de vie d’un patient »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/09/aide-active-a-mourir-il-n-est-pas-necessaire-d-attendre-une-situation-d-eche

    Les spécialistes des questions éthiques dans le domaine médical Bernard Baertschi, Jean-Charles Duclos-Vallée et Antoine Glauzy, invitent, dans une tribune au « Monde », à repenser les conditions de l’acte censé conduire le patient vers la #mort en considérant le médecin comme un accompagnateur fournissant une « aide ».

    https://archive.ph/oHPAm

    • En Belgique l’euthanasie est autorisée. J’etais assez enthousiaste sur l’idée mais il y a ce cas concret qui me fait exploser le cerveau.

      Une Belge de 50 ans a obtenu le droit de mourir. Il y a deux ans, ne supportant plus de vivre à cause d’un viol, elle a déposé une demande d’euthanasie.

      https://www.lepoint.fr/monde/belgique-l-euthanasie-accordee-a-une-femme-apres-un-viol-06-03-2023-2511005_

      Les femmes font plus de tentatives de suicide mais se ratent plus que les hommes qui ont accès à des méthodes plus efficace (arme à feu en particulier) et les femmes ont plus le soucis de la personne qui découvrira leur dépouille. Avec une methode telle que celle ci je pense que le sexe ratio va basculé sans avoir besoin d’IVG selectifs. Entre les viols subit dès l’enfance, l’inceste massif, les violences par conjoint, et la grande pauvreté passé 50 ans qui va aller en s’agravant cf- https://seenthis.net/messages/1026656

      Ca peut être un beau cadeau d’anniversaire pour les femmes à leurs 18 ans, un permis de ne plus subir leur ressenti de femme. En y repensant c’est pas si triste, l’extinction des femmes est le meilleur moyen de nous débarrassé de l’hommerie. Je vais me refaire Soleil vert en attendant que la Macronny ne m’en serve à la soupe populaire.

    • l’aide à mourir est une liberté et un droit qui peut sombrer dans l’eugénisme et une technicisation accrue de la médecine, comme le souligne la tribune ci-dessus qui évoque un « chantier vertigineux »

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Aide_médicale_à_mourir_au_Canada

      D’après le journaliste Leyland Cecco, écrivant dans le journal The Guardian, des Canadiens malades et vivant dans la pauvreté se seraient sentis contraints à recourir à l’aide médicale à mourir depuis l’élargissement des critères d’accès de la loi14.

      « [TRADUCTION] En février, une Ontarienne de 51 ans connue sous le nom de Sophia a obtenu l’aide médicale à mourir après que sa maladie chronique soit devenue intolérable et que sa maigre allocation d’invalidité lui laissait peu de moyens de subsistance, selon CTV News.

      "Le gouvernement me considère comme une poubelle inutile, une plaignante, inutile et une emmerdeuse", a-t-elle déclaré dans une vidéo obtenue par le réseau. Pendant deux ans, elle et des amis ont plaidé sans succès pour de meilleures conditions de vie, a-t-elle dit. »

      exemples internationaux depuis le cas canadien
      Experts troubled by Canada’s euthanasia laws
      https://www.latimes.com/world-nation/story/2022-08-11/disturbing-experts-troubled-by-canadas-euthanasia-laws

      le règne de l’économie fera(it) que seules les personnes bien munies, entourées ou susceptibles de nouer des relations thérapeutiques où la relation asymétrique avec le pouvoir médical reste contrôlable disposeraient d’un droit à mourir qui ne soit pas une forme d’élimination, élimination partiellement autogérée ("je coûte trop cher, tout ça ne sert à rien", etc.).

      #épineux

  • Le genre de raccourcis pénible (mise en gras ici par moi) :

    Grégoire Kauffmann, historien : « La présence sidérante du RN à la manifestation contre l’antisémitisme est le signe d’une profonde recomposition du jeu politique »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/12/gregoire-kauffmann-historien-la-presence-siderante-du-rn-a-la-manifestation-
    [...]
    Comment analysez-vous le discours de Jean-Luc Mélenchon, qui a été accusé d’antisémitisme en raison de ses positions sur le conflit entre Israël et le Hamas et de son refus de participer à la manifestation de dimanche ?

    Il y a, bien sûr, une tradition antisémite de gauche. Pierre Joseph Proudhon, l’un des pères fondateurs de la tradition anarchiste, écrivait que le juif est un prévaricateur qui vampirise l’économie, et le révolutionnaire Auguste Blanqui, qui a passé la plus grande partie de sa vie en prison, avait adopté des positions antisémites très affirmées au nom de l’anticapitalisme. A la fin du XIXe siècle, de nombreux graphomanes socialisants faisaient en outre circuler dans la presse des poncifs qui essaimaient dans le discours social et contaminaient une partie de l’extrême gauche.

    Je ne crois cependant pas que Jean-Luc Mélenchon ait quelque chose à voir avec cette tradition antisémite de gauche – même si certains des militants de LFI pourraient la revendiquer. Le calcul politique du leader de LFI est limpide : il est opportuniste et électoral. Ses déclarations ambiguës sur le conflit entre Israël et le Hamas ont pour but, cyniquement, de capter le vote des jeunes d’origine arabo-musulmane .[...]

    Il me semble incontestable que toute organisation visant à un rôle de direction politique (électoraliste ou non) reposant sur « l’adhésion des masses », adopte irrésistiblement une posture clientéliste, voire opportuniste (simple constat personnel des faits). Tout aussi incontestable est la présence de contenus antisémites dans certains textes de théoriciens socialistes du XIXe, quelle que soit la tendance, d’où la présence de discours et de pratiques tout aussi racistes et antisémites dans les organisations ouvrières, et cela, à l’époque mais encore aujourd’hui (même si c’est à un degré moindre qu’aux siècles passés).

    Pour autant, sous-entendre que les « jeunes d’origine arabo-musulmane » seraient supposés penser quelque chose comme un seul homme sur le « conflit entre Israël et le Hammas », repose sur un préjugé assez flagrant (ne parlons pas de la reprise du concept de « conflit entre Israël et le Hamas » niant le caractère colonial de la guerre).

    À ce préjugé catégoriel - l’existence de « jeunes d’origine arabo-musulmane » répondant comme un seul homme à un vote ou une opinion - se profile un autre préjugé car il est exprimé en réponse à une question concernant l’antisémitisme. On fait difficilement pire dans le raccourcis et l’amalgame.

    Il s’agit d’un préjugé tout aussi raciste à l’encontre de cette prétendue catégorie de « jeunes d’origine arabo-musulmane » que celui affirmant, par exemple que « le juif est un prévaricateur qui vampirise l’économie ».

    Enfin, affirmer que la manifestation orchestrée par le pouvoir serait un appel « contre l’antisémitisme », comme il est dit de part et d’autre, dans cet interview, tient de l’escroquerie.

    On se focalise, ici, sur la participation du RN à cette manifestation, comme si la présence ou non de cette organisation était la problématique principale, alors que ce n’est qu’une conséquence logique de la recomposition politique qui à lieu en France depuis la prise de pouvoir par Macron et qui se cristallise aujourd’hui, par cette manifestation, autour du soutien inconditionnel à la politique colonialiste de l’État d’Israël, conduite à présent par un gouvernement populiste, fondamentaliste religieux et d’extrême-droite, et soutenu par le « monde libre ».

    • Tsedek! Collectif juif décolonial France
      https://blogs.mediapart.fr/tsedek

      Tsedek ! est un collectif juif décolonial créé en juin 2023 pour lutter contre le racisme d’État en France et pour la fin de l’apartheid/l’occupation en Israël-Palestine. “Tsedek” désigne le concept de justice dans la tradition juive.

    • Marche contre l’antisémitisme : « Nous ne défilerons pas à côté du RN », assurent la présidente de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ; une partie de la gauche appelle à un « cordon républicain »

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/08/marche-contre-l-antisemitisme-nous-ne-defilerons-pas-a-cote-du-rn-assurent-l

      La venue du Rassemblement national à cette marche à l’appel de Yaël Braun-Pivet et de Gérard Larcher suscite des remous dans la majorité et à gauche.

      [...]

      Les deux élus ont déclaré qu’une « unique banderole en tête de cortège », sur laquelle sera inscrit « Pour la République, contre l’antisémitisme », sera autorisée.

    • Je ne suis pas du tout mélenchoniste mais il me semble que, dans cet article du Monde, la seule prise de position cohérente et réaliste est exprimée dans ce passage :

      Mardi soir, Jean-Luc Mélenchon, leader du mouvement, avait qualifié dans un tweet cette marche de « rendez-vous » des « amis du soutien inconditionnel au massacre » commis selon lui par l’armée israélienne dans la bande de Gaza.

      J’ajouterais que l’objectif essentiel de cette manifestation ne vise qu’à organiser des jeux d’alliances au sein des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale en constituant l’union sacrée autour la légitimation de la politique colonialiste et d’expansion colonisatrice d’Israël.

      Une fois de plus, l’anti-racisme et l’une des formes particulières de racisme - l’antisémitisme - sont instrumentalisés à cette fin.

    • Nonna Mayer : « Les stéréotypes antisémites gardent un certain impact dans une petite partie de la gauche »

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/10/nonna-mayer-les-stereotypes-antisemites-gardent-un-certain-impact-dans-une-p

      https://justpaste.it/92h5h

      La chercheuse en science politique analyse, dans un entretien au « Monde », l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme par le RN, les positions provocatrices de Jean-Luc Mélenchon et l’évolution des votes des Français de confession juive.

      Propos recueillis par Julie Carriat et Mariama Darame

      [...]

      En parallèle, La France insoumise (LFI) se retrouve isolée sur la question d’Israël… Jean-Luc Mélenchon est-il complaisant avec l’antisémitisme ?

      Le positionnement de Jean-Luc Mélenchon est ambigu, c’est le moins qu’on puisse dire, quand il refuse de qualifier le Hamas de terroriste, quand il accuse la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, de « camper » à Tel-Aviv et « d’encourager le massacre à Gaza ». C’est une vision unilatérale, biaisée des choses.

      On peut être de gauche et avoir une sympathie instinctive, tripale pour les Palestiniens, mais beaucoup d’Israéliens l’ont aussi, qui se mobilisent avec des Palestiniens pour se battre ensemble pour la paix. Le problème n’est pas de savoir si Jean-Luc Mélenchon est antisémite. Je ne pense pas qu’il le soit, mais ses argumentaires politiques sont manichéens et traduisent un manque total de compassion et d’empathie pour les victimes israéliennes du 7 octobre.

      Pourquoi, selon vous ?

      La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme [Licra] parle d’antisémitisme électoral, je n’irais pas jusque-là mais je pense qu’il a, a minima, une cécité volontaire, visant à élargir son audience à gauche et dans un électorat issu de l’immigration. Il est en train d’obtenir le résultat exactement inverse, il a été désavoué par les socialistes, les communistes et les écologistes, et divise son propre mouvement.

      Il ne fait rien pour dissiper ses ambiguïtés…

      C’est un provocateur, on ne le changera pas. Mais il est intéressant de voir ce que pensent ses sympathisants. L’enquête annuelle de la CNCDH permet d’évaluer le niveau d’antisémitisme par positionnement politique. On voit que, globalement, la gauche est moins antisémite que la droite, et que c’est l’extrême droite qui bat tous les records. Mais ces préjugés remontent légèrement à l’extrême gauche.

      Les sympathisants de La France insoumise en particulier ont un niveau d’antisémitisme nettement inférieur à celui des sympathisants du RN, mais plus élevé que la moyenne. Ce n’est pas le cas dans l’électorat de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle toutefois, qui était très divers… Autrement dit, ces stéréotypes antisémites associant les juifs au pouvoir et à l’influence gardent un certain impact dans une petite partie de la gauche. C’est à surveiller. Et l’attitude ambiguë de Jean-Luc Mélenchon ne va pas favoriser les choses.

    • La gauche et la lutte contre l’antisémitisme : état des lieux et perspectives d’action. Vidéos du débat du RAAR
      https://seenthis.net/messages/1022662

      Jonas Pardo, antidote à l’antisémitisme au sein de la gauche Portrait dans Le Monde
      https://seenthis.net/messages/1025494

      Où se produisent et se diffusent aujourd’hui les messages antisémites, et comment lutter contre ? entretien avec Jonas Pardo, formateur à la lutte contre l’antisémitisme (10 min.)
      https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-transition-de-la-semaine/former-a-la-lutte-contre-l-antisemitisme-4052550

    • Nuances et discernement

      https://juivesetjuifsrevolutionnaires.wordpress.com/2023/11/08/nuances-et-discernement

      Nous sommes mis·es en danger par l’extrême droite, qui prétend défendre les Juif·ves de France. Croire que cela puisse être le cas serait faire insulte à la mémoire de nos ancêtres. Il ne s’agit que d’une basse manœuvre politique pour mieux avancer leur racisme et leur islamophobie. Nous invitons les membres de la communauté juive à ne pas croire ces stratégies opportunistes et à s’en dissocier. Pour ce faire, les Juif·ves doivent pouvoir trouver un terrain politique respirable à gauche ce qui n’est actuellement plus le cas et nous le regrettons.

    • « L’attaque des factions palestiniennes n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel bleu » entretien avec le collectif juif décolonial Tsedek !

      https://cqfd-journal.org/L-attaque-des-factions

      Sidérés aussi devant la difficulté de penser et de s’exprimer au milieu d’un ouragan de haine, de désinformation et d’indignations sélectives. Pour entamer cette réflexion, qui se poursuivra sans doute dans les prochains numéros, nous avons interrogé le collectif juif décolonial Tsedek !, et fait un tour dans les manifs pour la Palestine, scandaleusement réprimées.

      [...]

      « Terrorisme » ou « résistance », définir le Hamas semble un débat piégé. Comment défendre la cause des Palestiniens sans paraître minimiser les crimes du Hamas ?

      « Qualifier une lutte armée et ses modes d’action, ce sont deux questions différentes. Qu’une organisation de résistance ou de libération nationale se rende coupable d’actes terroristes ne change rien à la nature du conflit qui l’oppose à la puissance occupante ou coloniale. Refuser de définir le Hamas comme une “organisation terroriste” n’implique donc aucunement de légitimer ou minimiser des actes qui nous révulsent sur le plan éthique. Il nous paraît essentiel de réfléchir au vocabulaire que nous employons pour appréhender la réalité et produire une parole politique. Ceux qui opposent “terrorisme” et “résistance” entendent thématiser le conflit dans le cadre de la “lutte contre le terrorisme” telle qu’elle émerge après le 11 septembre 2001 : il s’agit d’identifier le Hamas à Al-Qaeda et à Daesh et l’État israélien aux démocraties occidentales. Cette lecture reprend un narratif israélien utilisé par Ariel Sharon contre Yasser Arafat en 2001, qui évacue la dimension coloniale du conflit et légitime la continuation de la politique israélienne de dépossession et de répression du peuple palestinien. On peut évidemment critiquer les modes d’action ou l’idéologie du Hamas. Ces critiques ont toujours existé et émanent d’abord de Palestiniens en lutte contre la colonisation.

      Mais ce débat ne saurait se substituer à la dénonciation de l’oppression coloniale – dans le cadre de laquelle le Hamas, comme les autres organisations palestiniennes et l’ensemble du peuple palestinien, évolue. Si la critique du Hamas est décontextualisée, alors elle ne relève plus de la critique mais d’une posture déconnectée de la réalité vécue par des millions de Palestiniens, notamment à Gaza. »

      Parmi les pays occidentaux, c’est en France que la solidarité avec les Palestiniens est la plus réprimée. Pourquoi, à votre avis ?

      « La présence de grandes communautés arabo-musulmanes et juives, pour lesquelles ce conflit est un facteur de politisation important, tout comme le passé colonial et collaborationniste, fait du conflit israélo-palestinien un enjeu qui, en France, déborde souvent le cadre de la question de la Palestine. Dans les années 1960-1970, la répression de la solidarité avec les Palestiniens en France est liée à la répression des luttes anticoloniales, des luttes de l’immigration et des organisations d’extrême gauche. Les Comités de soutien à la révolution palestinienne, les Comités Palestine puis le Mouvement des travailleurs arabes ont en effet contribué à jeter des ponts entre les luttes de l’immigration et le mouvement ouvrier. Les années suivantes sont d’ailleurs marquées par de grandes grèves dans l’industrie automobile, qu’une partie du gouvernement de l’époque associe à l’islamisme2. Si cette politique s’adossait, dans les années 1960-70, à la figure-épouvantail du militant tiers-mondiste d’extrême gauche, elle s’articule aujourd’hui à la construction de la figure du musulman comme ennemi intérieur. En 2014, la forte mobilisation des quartiers populaires pour la solidarité avec les Palestiniens, débordant largement les partis politiques et les associations, mène ainsi le gouvernement de Manuel Valls à interdire les manifestations. La séquence actuelle intervient dans un contexte de réaffirmation illibérale de l’autorité de l’État, d’affaissement des libertés publiques et d’islamophobie d’État décomplexée. L’instrumentalisation d’un antisémitisme (qui est, lui, bien réel) par le gouvernement, ainsi que les positions pro-israéliennes inconditionnelles du chef de l’État, finissent de réunir les conditions pour que la répression de la solidarité avec les Palestiniens soit particulièrement dure en France. »

      Parmi la diaspora, c’est aussi en France que la communauté juive est la plus massivement pro-israélienne. Comment l’expliquer ?

      « Cela n’a pas toujours été le cas, et il faut d’abord rappeler que la communauté juive abrite une diversité d’opinions et de sensibilités politiques, y compris vis-à-vis du conflit israélo-palestinien. On observe cependant un basculement progressif à droite, dans lequel on peut inscrire ce positionnement pro-israélien. La spécificité de cette trajectoire renvoie à une histoire, liée, bien sûr, à l’antisémitisme en France et à la collaboration pétainiste, mais également à la colonisation française au Maghreb. La majorité des Français de confession juive sont issus des populations juives d’Afrique du Nord. Ils se trouvent donc au carrefour de deux grands déchirements traumatiques : la perte de leur arabo-berbérité, arrachée par le colonialisme français, et leur expulsion hors de l’humanité par le régime de Vichy. Cette histoire laisse un vide qui a été comblé, progressivement et en partie, par l’identification et l’attachement à Israël. On observe également un changement dans la fonction du Conseil représentatif des institutions juives (Crif) qui devient, dans les années 1980, un appareil politique pro-­israélien, utilisé par la classe dirigeante comme outil de relais dans la communauté juive, non sans a priori antisémites. Cette politique a contribué à réduire les espaces de discussion et de débat internes et à construire une hégémonie du discours pro-israélien. L’expression massivement pro-israélienne de la communauté juive et la fascination, notamment dans la jeunesse, pour l’État d’Israël traduisent aussi un certain mal-être face aux contradictions de la société française, structurée par son racisme et la violence de ses rapports sociaux. Le sionisme et l’État israélien apparaissent alors comme la possibilité d’une existence digne et d’une protection contre l’antisémitisme, ce que nous réfutons. »

      Vous attirez l’attention sur la dangerosité de l’amalgame entre juifs et sionistes. Au sein de la rédaction, nous nous interrogeons sur le concept d’antisionisme, que des courants antisémites se sont appropriés. Que faut-il en faire, d’après vous ?

      « Bien sûr, certains courants antisémites se sont appropriés la lutte antisioniste, notamment pour entretenir l’antisémitisme dans un contexte où il est moins audible qu’avant. On pense à la mouvance d’Alain Soral ou aux réseaux proches du GUD. Que l’extrême droite détourne des luttes ou des concepts issus des luttes pour l’émancipation, ce n’est pas nouveau : pensons à la récupération du terme “socialisme” par certains courants d’extrême droite, ou, plus récemment, au détournement des luttes autour de l’écologie. Aujourd’hui, l’antisionisme permet surtout aux antisémites de dire que la France est dirigée depuis Tel-Aviv. Il s’agit d’un recraché grotesque de la thématique du “complot juif”. Pour nous, le sionisme, c’est la question de la Palestine. Nous sommes antisionistes car la matérialisation de cette idéologie s’opère à travers un État colonial et un système d’apartheid en Palestine, contre le peuple palestinien. À de très rares exceptions près, les organisations de solidarité avec le peuple palestinien ont toujours été claires quant au refus de l’amalgame entre juif et sioniste/Israélien et au refus de l’antisémitisme. Il n’y a aucune raison de renoncer au terme “antisionisme”, tant il renvoie à une lutte fondamentalement juste et conserve aujourd’hui toute son actualité. »

    • Le CRIF approuve la perturbation de l’hommage de LFI devant le mémorial du Vél’ d’Hiv à Paris

      https://www.lemonde.fr/politique/live/2023/11/12/en-direct-marche-contre-l-antisemitisme-rassemblement-dans-le-calme-a-strasb

      « Honneur à celles et ceux qui se sont opposés ce matin à ce que le mémorial du Vél’ d’Hiv soit souillé par les récupérations de LFI ! », a commenté sur X le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), principale instance représentant les juifs de France.

      Dans la matinée, quelques dizaines de manifestants, portant des pancartes « Touche pas à la mémoire », « Touche pas au Vél’ d’Hiv », ont perturbé un rassemblement organisé par La France insoumise (LFI) qui avait pour but de déposer des gerbes de fleurs place des Martyrs juifs du Vélodrome d’Hiver, dans le 15e arrondissement de Paris. Un rassemblement plus important prévu par LFI avait été interdit par la Préfecture de police de Paris, mais le dépôt de fleurs avait été autorisé.

      14:31 Sur le terrain

      A Paris, beaucoup de manifestants avec des drapeaux français à la main

      La pluie vient de cesser et la foule commence à affluer sur l’esplanade des Invalides. Très peu de jeunes sont pour l’instant présents, et la plupart sont des quarantenaires, cinquantenaires ou bien davantage. Beaucoup tiennent des drapeaux français à la main. Ils sont venus en petits groupes. Une seule banderole est, pour l’instant, déployée, celle du CRIF, « la République unie contre l’antisémitisme ».

      15h52

      Noyée derrière un mur de caméras et protégée par le service d’ordre du Rassemblement national, la cheffe de file de l’extrême droite balaye les polémiques liées à sa venue, comme le « Marine, présidente ! », lancé par un militant. « Ce n’est pas le moment », répond-elle. Une semaine après qu’il a considéré que Jean-Marie Le Pen n’était pas antisémite, avant de se rétracter partiellement, M. Bardella reste bouche cousue. Le duo avance, ses fidèles à sa suite, vers l’esplanade des Invalides.

      Après quelques pas, ils se retrouvent face à une cinquantaine de jeunes qui crient « Juifs, “vénère” et en colère ! » ou « Et nous, on n’est pas d’extrême droite ! », sur l’air traditionnel juif Evenou Shalom Aleichem. Rapidement protégée par un cordon policier, Marine Le Pen ne bronche pas.

      Le collectif Golem s’est organisé samedi autour de militants juifs de gauche et antifascistes. « Le Golem est un organe de protection de la communauté juive, il est là pour protéger contre tous les antisémitismes », commente Arié Alimi, avocat spécialiste des luttes contre les violences policières et membre du collectif. « On a vu l’évolution dans la communauté, alimentée par un certain nombre de personnalités juives. Nous sommes là pour alerter contre ce renversement sémantique. »

      L’action est rapidement avortée, les forces de l’ordre écartant les militants vers le coin est de l’esplanade. Ils y sont attendus par une dizaine de militants du Betar, masqués et agitant des drapeaux d’Israël. Malgré la volonté de ces derniers d’en découdre, aucun coup n’est échangé. Au centre de l’esplanade, Marine Le Pen et Jordan Bardella restent statiques, formant une ligne avec une cinquantaine de membres de leurs troupes.


      Voir aussi : https://seenthis.net/messages/1026118


    • Pour le retour de l’humoriste Guillaume Meurice sur France Inter, un micro-trottoir en guise d’explication mais pas d’excuses

      https://www.youtube.com/watch?v=-UduwtL_d5M&feature=youtu.be

      https://www.youtube.com/watch?v=YIm36wB1y_0&feature=youtu.be

      https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/11/13/sur-france-inter-un-micro-trottoir-en-guise-d-explication-mais-pas-d-excuses

      Puis, fidèle à son habitude du micro-trottoir et « dans un souci d’apaisement », il a donné la parole à des interlocuteurs inattendus. En l’occurrence, un collectif juif décolonial, Tsedek !, qui « lutte contre le racisme d’Etat en France et pour la fin de l’apartheid/l’occupation en Israël/Palestine » (selon son compte Instagram), afin que celui-ci endosse ce qu’il avait voulu exprimer de manière, au minimum, très lapidaire. « [Le premier ministre israélien Benyamin] Nétanyahou accompagne un mouvement de fascisation du champ politique de la société israélienne, a ainsi déclaré un représentant du collectif. La coalition qui lui a permis d’accéder au pouvoir et qui est actuellement aux commandes en Israël est composée de ministres qu’on n’hésiterait pas à désigner comme des néonazis s’il ne s’agissait pas d’Israël. »

      Le 29 octobre, l’humoriste avait qualifié le premier ministre israélien de « nazi sans prépuce », déclenchant une polémique de grande ampleur. Le 31 octobre, la directrice de France Inter, Adèle Van Reeth, avait reconnu « partager le malaise » exprimé par des centaines d’auditeurs, tandis que Sibyle Veil, la patronne de Radio France, lui avait adressé, le 6 novembre, un avertissement. Une sanction disciplinaire que Guillaume Meurice entend contester aux prud’hommes, ainsi qu’il l’a annoncé au Monde le jour même.

      Le studio 620 privé de public pour cause de menaces de mort

      « Si nous sommes là ce soir, c’est que nous avons surmonté nos divergences et que nous avons confiance en Guillaume », a expliqué Charline Vanhoenacker en début d’émission, dimanche peu après 18 heures. Précisant user de premier degré afin d’être « bien comprise pour tout le monde », la cheffe de bande avait expliqué que si des auditeurs avaient été « choqués, ou blessés, ou les deux » par « une blague » de son collègue, s’ils avaient « ri » avant de « regretter », si les mots utilisés avaient « gêné », « divisé », « fait réfléchir » ou encore fait « passer par plusieurs états », ils n’étaient pas les seuls. La vingtaine de collaborateurs de l’émission avaient eux aussi été traversés par des sentiments similaires, à l’origine de « débats interminables » entre eux.

      « Réduire une blague à la lecture qu’en fait l’extrême droite, avait-elle poursuivi, c’est un dangereux procès d’intention. Dangereux parce que certains, dont une chaîne de télévision en particulier, dessinent une cible sur le front des clowns et on est faciles à repérer parce qu’on porte un nez rouge. » Pour ouvrir le divertissement, l’animatrice avait donné à entendre le silence qui régnait dans le studio 620, privé de public pour cause de menaces de mort proférées contre son collègue.

    • Tsedek !

      📺Quelques extraits de l’intervention de Simon Assoun sur le plateau d’ArrêtSurImage.

      🔴Au sujet de la manifestation d’hier, et pourquoi elle nous apparaît comme contreproductive pour lutter contre l’antisémitisme ⤵️
      https://video.twimg.com/ext_tw_video/1724084828222418945/pu/vid/avc1/1280x720/pum8S6XxcqTo0ZpG.mp4?tag=12

      (via @marielle )

      La mémoire assiégée

      https://blogs.mediapart.fr/tsedek/blog/131123/la-memoire-assiegee

      L’hommage organisé dimanche au monument de commémoration des victimes de la rafle du Vel d’Hiv a été violemment perturbé. Nous y étions.

    • Charles Enderlin : le tournant sioniste des Juifs de France (Mediapart, 7 février 2020)

      https://www.youtube.com/watch?v=vys3_aZutCQ&t=1940s

      A 32min. 20s. , Enderlin raconte le point de vue de Macron sur Israël.

      Ce livre [1] tombe à point alors que Macron et une majorité de députés prétendent faire de l’antisionisme un nouvel antisémitisme. Retraçant l’histoire de la communauté juive française, le journaliste Charles Enderlin documente comment le « franco-judaïsme », à son apogée sous la Troisième République, est aujourd’hui devenu un « franco-sionisme », d’abord marqué par un soutien inconditionnel à la politique israélienne

      [1] Les Juifs de France entre République et sionisme, Charles Enderlin, 2020, Seuil.

      https://www.placedeslibraires.fr/livre/9782021211658-les-juifs-de-france-entre-republique-et-sionisme-cha

    • « Des premiers socialistes à nos jours, toutes les composantes de la gauche ont tenu des propos antisémites mais selon des proportions très variables »

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/19/des-premiers-socialistes-a-nos-jours-toutes-les-composantes-de-la-gauche-ont

      L’historien Michel Dreyfus revient dans une tribune au « Monde » sur les cinq formes qu’a pris successivement l’antisémitisme à gauche depuis le XIXe siècle, un passé qui confirme que le camp du progrès n’est pas immunisé contre cette haine.

      [...]

      Des premiers socialistes à nos jours, toutes les composantes de la gauche ont effectivement tenu des propos antisémites mais selon des proportions très variables. Cet antisémitisme à gauche a pris cinq formes. Il commence par un antijudaïsme économique, reposant sur un antijudaïsme ancien et puissant dans la France catholique du début du XIXe siècle. L’image du juif, profiteur et usurier, acquiert une vigueur nouvelle avec l’émergence du capitalisme que des socialistes utopiques, tels que Proudhon, assimilent à « Rothschild » ; mais Saint-Simon et Louis Blanc n’ont pas d’hostilité envers les juifs.

    • Malgré la censure, une invitation à penser

      https://blogs.mediapart.fr/tsedek/blog/081223/malgre-la-censure-une-invitation-penser

      Une rencontre avec Judith Butler organisée par divers collectifs dont Tsedek !, qui devait avoir lieu au Cirque Électrique le 6 décembre dernier, a été annulée suite aux pressions exercées par la mairie de Paris. Nous vous invitons à lire les éléments à partir desquels devait se faire cette conversation rigoureuse et engagée.

    • Jean-Luc Mélenchon. À Gaza, « ce n’est pas de la légitime défense mais un génocide »

      https://orientxxi.info/magazine/jean-luc-melenchon-a-gaza-ce-n-est-pas-de-la-legitime-defense-mais-un-ge

      Cible de nombreuses critiques depuis des semaines, l’ancien candidat à la présidence de la République répond aux questions d’Orient XXI. Il explique pourquoi les fractures deviennent béantes entre l’Occident et le reste du monde sur le « deux poids deux mesures » en œuvre dans le soutien à Israël. Jean-Luc Mélenchon dénonce la polémique sur l’un de ses tweets et réfute sa mise en cause pour antisémitisme. Au-delà, il dresse un éloge du non-alignement comme « morale pour l’action politique ».

  • Patrick Boucheron : « Le temps impose parfois à l’historien d’entrer dans la mêlée »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/03/patrick-boucheron-le-temps-impose-parfois-a-l-historien-d-entrer-dans-la-mel

    Si un dirigeant occidental n’a pas l’âge du président américain, Joe Biden, il verra donc les conséquences de ses actes ; ou plus précisément de l’absence de ses actes. Et peut-être même sera-t-il jugé. Auparavant, il y avait toujours plus urgent que l’urgence climatique. Nous sommes maintenant dans un moment stupéfiant où ce qu’on pensait inaccessible est désormais à notre portée : on peut agir dans les temps et en percevoir le bénéfice immédiat, ce qui devrait faciliter la décision politique.
    [...]
    Mais cessons là. Je tente de me désintoxiquer de cette indignation morale que suscite en moi l’arrogance de ceux qui nous gouvernent. Ce n’est pas si facile, car je n’ai pas l’expérience d’un gouvernement qui ait à ce point méprisé les sciences sociales, l’université, l’exercice collectif de l’intelligence, le mouvement social : tant de suffisance pour tant d’insuffisances.
    [...]
    l’effondrement de l’esprit public, qui passe notamment par la barbarie télévisuelle, la mainmise de groupes financiers sur l’information et le saccage de la diversité culturelle, est un préalable à l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Et que celle-ci produit toujours une fatigue des défenses démocratiques de la société, et même une obéissance anticipée à ses penchants autoritaires, par le traitement indigne qu’elle réserve aux populations immigrées. Voilà pourquoi la question des réfugiés me semble un des dossiers critiques de notre temps, celui sur lequel nous serons jugés.

    #Macron #changement_climatique #extrême_droite #histoire

  • L’appel de 3 000 soignants : « Nous demandons le maintien de l’aide médicale d’Etat pour la prise en charge des soins des personnes étrangères »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/02/l-appel-de-3-000-soignants-nous-demandons-le-maintien-de-l-aide-medicale-d-e

    L’appel de 3 000 soignants : « Nous demandons le maintien de l’aide médicale d’Etat pour la prise en charge des soins des personnes étrangères »
    Tribune
    Nous, soignants de toutes spécialités et de toutes origines, souhaitons nous opposer fermement et de manière unie au projet de suppression de l’aide médicale d’Etat (AME) au profit d’un dispositif dégradé.
    L’AME est une aide sociale qui permet aux personnes étrangères en situation administrative irrégulière d’avoir accès aux soins. Il s’agit d’un outil de lutte contre les exclusions qui n’est accessible que pour les personnes dont les ressources sont inférieures à 810 euros par mois et qui font preuve d’une résidence stable en France.
    Les patients que nous soignons et qui bénéficient de l’AME ne sont pas, dans leur grande majorité, des personnes qui ont migré vers la France pour se faire soigner, mais des personnes qui ont fui la misère, l’insécurité ou qui l’ont fait pour des raisons familiales. Leurs conditions de vie difficiles en France les exposent à des risques importants : problèmes de santé physique et psychique, maladies chroniques, maladies transmissibles ou contagieuses, suivi prénatal insuffisant et risque accru de décès maternels.
    A ce titre, il s’agit d’une population prioritaire en matière de santé publique. Limiter leur accès aux soins aurait pour conséquence directe d’entraîner une dégradation de leur état de santé, mais aussi plus globalement celui de la population toute entière. En témoigne l’exemple malheureux de l’Espagne : la restriction de l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière votée en 2012 y a entraîné une augmentation de l’incidence des maladies infectieuses ainsi qu’une surmortalité. Cette réforme a finalement été abrogée en 2018.
    Nous, soignants du terrain, sommes extrêmement préoccupés à l’idée de devoir soigner dans un système de santé amputé de l’AME, car celui-ci serait alors exposé à un risque de paralysie. Les personnes étrangères sans papiers n’auraient d’autre choix que de consulter dans les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) et les services d’accueil et d’urgences, déjà fragilisés et en tension, et qui se trouveraient à nouveau contraints d’assumer les conséquences de décisions politiques éloignées de nos réalités.
    Les barrières à l’accès aux soins sont déjà multiples pour ces patients. Les exclure encore davantage ne pourrait qu’entraîner leur renoncement aux soins et la dégradation de leur état de santé. L’éloignement du système de santé aboutit in fine à des retards de diagnostic, au déséquilibre et à l’aggravation des maladies chroniques, ainsi qu’à la survenue de complications. Le recours aux soins dans ce contexte survient en urgence avec des hospitalisations complexes et prolongées, parfois en réanimation, dans des structures déjà fragilisées, et à des coûts finalement bien plus élevés pour la collectivité, sans oublier les difficultés attendues à transférer ces patients en soins de suite et de réadaptation, qui requièrent une couverture maladie. Dans le contexte de crise que vit l’hôpital public, et dont le Covid-19 a été le révélateur, la remise en cause de l’AME ferait donc courir un risque majeur de désorganisation du système de santé, d’aggravation des conditions de travail des soignants et de surcoûts financiers importants.
    Nous, soignants exerçant en libéral, à l’hôpital, en centre de santé, en protection maternelle et infantile, dans les PASS, dans les structures de prévention et auprès d’associations, soignons les personnes sans papiers comme n’importe quels autres patients. Par humanité, et conformément au code de déontologie médicale auquel nous nous référons et au serment d’Hippocrate que nous avons prêté à la fin de nos études. C’est l’honneur de notre profession.
    Restreindre l’accès aux soins à une population fragilisée sur la base d’un critère de régularité du séjour est contraire à la majorité des textes en vigueur en France sur les droits de l’homme, qui stipulent que tout individu doit avoir accès aux soins quels que soient son origine et son statut. Ainsi, nous refusons d’être contraints à faire une sélection parmi les malades entre ceux qui pourront être soignés et ceux laissés à leur propre sort. Nous demandons le maintien de l’AME pour la prise en charge des soins des personnes étrangères.
    Au-delà de sa raison d’être humaniste, l’AME est aussi un outil essentiel à la santé des individus et à la santé publique. Leur santé, c’est aussi la nôtre. Les restrictions politiques ne feront qu’éprouver les corps, contribuer à la dégradation de la santé publique, compliquer la tâche des soignants et fragiliser un système de santé déjà exsangue. Nous appelons donc le gouvernement et nos élus à renoncer à tout projet portant atteinte à l’AME ou venant restreindre son périmètre, et à conforter l’accès à une couverture maladie pour tous.

    #Covid-19#migrant#migration#france#AME#PASS#sante#santepublique#politiquemigratoire#accueil#droit#exclusion#systemesante#urgence