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  • 5 mars 1953 : la mort de Staline, pas du stalinisme
    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/03/08/5-mars-1953-la-mort-de-staline-pas-du-stalinisme_540011.html

    Il y a 70 ans mourait Staline. De Hitler à Franco, de Horthy à Salazar, Mussolini et tant d’autres, le 20e siècle abonda en dictateurs écrasant les peuples. Il faut pourtant faire une place à part à #Staline car il dirigea un régime se disant socialiste alors que sa dictature porta, plus qu’aucune autre, des coups terribles au mouvement ouvrier et à son avant-garde révolutionnaire, en #URSS et partout dans le monde.

    Sous Staline, ce fut « minuit dans le siècle » : la trahison des révolutions dans les autres pays, la liquidation du #Parti_bolchevique, la terreur à grande échelle comme moyen de gouverner. Comment cela a-t-il pu arriver quelques années à peine après la #révolution_d’Octobre qui, en instaurant la démocratie des soviets, voulait ouvrir la voie au socialisme mondial ?

    Le « socialisme dans un seul pays » ?

    Si le jeune État soviétique finit par triompher de 4 ans d’une guerre civile effroyable imposée par les Blancs et les armées impérialistes, le pays en sortit exsangue, son économie ravagée et sa population épuisée. Le reflux de la vague révolutionnaire en Europe laissait l’URSS isolée, handicapée par son immense arriération sociale héritée du #tsarisme. Pire : alors que les ouvriers les plus conscients, survivants de la guerre civile, étaient absorbés par les besoins du nouveau pouvoir, la classe ouvrière, déjà très minoritaire avant-guerre, n’était plus en mesure de diriger son État.

    Cela renforça une couche sociale spécialisée dans la gestion de l’État, une bureaucratie que la #classe_ouvrière n’avait plus la force de se soumettre. Lénine avait tenté d’enrayer ce phénomène qui prenait des proportions monstrueuses, mais la mort mit fin à ses efforts. Des dirigeants et militants bolcheviques, qui s’étaient regroupés autour de #Trotsky fin 1923, allaient mener ce combat contre la #dégénérescence de l’État ouvrier et du Parti communiste lui-même.

    Dans la lutte que certains dirigeants avaient engagée pour succéder à #Lénine, la fraction du Parti communiste que Staline représentait au sommet du pouvoir s’appuyait sur les bureaucrates contre les révolutionnaires. Et une foule de cadres petits et grands de l’appareil dirigeant finirent par se reconnaître dans la fraction stalinienne. Prônant le « socialisme dans un seul pays », une aberration pour tout marxiste, Staline levait un drapeau contre Trotsky, resté fidèle à la théorie de la #révolution_permanente, qui avait été au cœur de la politique de Lénine et des #bolcheviks. Il indiquait aussi aux bureaucrates et à la bourgeoisie mondiale qu’avec lui c’en serait fini de la révolution dans tous les pays.

    Sous Staline, les #camps_de_concentration se remplirent de millions de travailleurs forcés : des opposants, réels ou prétendus tels, mais surtout un nombre effroyable d’ouvriers et de kolkhoziens condamnés pour des peccadilles, voire sans raison.

    En même temps, le régime vantait sa Constitution de 1936 comme « la plus démocratique du monde ». Alors que la politique stalinienne avait permis à #Hitler d’accéder au pouvoir en ­Allemagne et qu’ensuite elle avait étranglé la révolution en Espagne, la propagande chantait Staline comme « le défenseur des travailleurs », « l’ami des peuples ». Les Partis de l’Internationale communiste, dont le parti français, applaudissaient aux procès de Moscou, présentant l’URSS comme le paradis des travailleurs.

    Terreur bureaucratique et ordre impérialiste

    La #Deuxième_Guerre_mondiale fut une tragédie pour l’URSS et son peuple. La bureaucratie n’aspirant qu’à profiter en paix de sa position privilégiée, Staline avait cru échapper à la guerre en faisant les yeux doux aux démocraties occidentales, puis à l’Allemagne nazie. Confiant dans son pacte avec Hitler, Staline avait laissé l’#Armée_rouge sans préparation, après avoir décimé ses officiers. L’armée allemande atteignit Moscou et Leningrad en quelques semaines. Finalement, l’URSS put résister à Hitler, et à l’incapacité de la #bureaucratie à assurer sa défense, grâce à l’héroïsme de sa population, au front comme à l’arrière. Elle le paya de 20 millions de morts et d’immenses destructions.

    #Churchill et #Roosevelt ayant associé Staline à leur repartage du monde, celui-ci se chargea de défendre l’ordre mondial, d’empêcher que les peuples se lancent à l’assaut du pouvoir comme en 1917-1923. Il le fit dans l’Europe de l’Est que son armée occupait, et dans les autres pays en mettant les Partis communistes au service de la bourgeoisie, au nom de la « reconstruction nationale ».

    Cela accompli, l’impérialisme n’avait plus autant besoin de Staline. La guerre froide s’engagea, marquée par la constitution de l’#OTAN, une alliance militaire occidentale dirigée contre l’URSS. Face à cette menace, Staline chercha à s’assurer la loyauté des « #pays_de_l’Est » en affermissant son contrôle militaro-­policier, et par une série de procès contre leurs dirigeants.

    En URSS, Staline, qui craignait que la population relève la tête, accentua la #répression. Il fit envoyer en camps un million de soldats, ex-prisonniers en Allemagne, qu’il accusa de s’être laissé capturer. Il fit déporter des peuples entiers, sous l’accusation d’avoir trahi. Puis, il lança une affaire aux relents antisémites, un prétendu « #complot_des_blouses_blanches », prélude à une nouvelle #purge des milieux dirigeants.

    Le #stalinisme après Staline

    Aucun membre du Bureau politique ne pouvait se croire à l’abri. Aussi le 28 février 1953, quand Staline eut une attaque, ses lieutenants le laissèrent agoniser, le temps d’organiser des obsèques grandioses, et surtout sa succession. #Béria, chef de la police politique, donc le plus dangereux des prétendants, fit l’unanimité à ses dépens : il fut arrêté, puis exécuté, avec ses adjoints. #Khrouchtchev, chef du parti, fut le plus habile. Devenu successeur en titre de Staline, il l’accusa en 1956, au 20e congrès du parti, sinon de toutes les tares du régime, en tout cas d’avoir fait exécuter de nombreux « bons staliniens », disait-il en s’adressant aux #bureaucrates.

    Ce que l’on qualifia de « #déstalinisation » n’était guère plus que la promesse faite aux bureaucrates qu’ils pourraient jouir de leurs privilèges sans plus craindre pour leur vie.

    Le régime souleva un peu le couvercle de la #censure, surtout littéraire, un « #dégel » qui permit à l’intelligentsia de voir en Khrouchtchev un libéral. Mais le régime n’avait, sur le fond, rien perdu de son caractère parasitaire, réactionnaire, policier et violemment antiouvrier.

    Il le prouva dès juin 1953, en lançant ses tanks contre les ouvriers de Berlin-Est en grève. Puis il réprima dans la foulée les soulèvements des ouvriers tchèques de ­Plzen, polonais de Poznan et, en octobre-décembre 1956, Khrouchtchev dut s’y reprendre à deux fois pour faire écraser par ses chars la révolution des #conseils_ouvriers de #Hongrie.

    #pacte_germano-soviétique #impérialisme #éphéméride #révolution_russe #marxisme #léninisme #trotskisme #trotskysme #goulag #démocraties_populaires

  • Pendant ce temps-là, les puissances occidentales mettent en ordre de bataille les esprits et transforment à vitesse accélérée leurs économies en «  économies de guerre  »

    Contre la guerre en Ukraine et sa généralisation
    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2023/02/25/contre-la-guerre-en-ukraine-et-sa-generalisation_521781.html

    Poutine, qui nie jusqu’à l’existence d’une nation ukrainienne, aura, par son sanglant mépris des peuples, contribué à ce que s’affirme le sentiment d’appartenir à l’Ukraine, alors qu’il peinait à prendre corps malgré les efforts du pouvoir et des nationalistes.

    L’échec relatif de Poutine résulte, entend-on souvent, de la mobilisation d’un peuple dressé pour défendre sa patrie, rien de tel ne motivant les soldats russes. Certes. Mais ce n’est qu’une partie de la réalité. Si l’Ukraine a tenu bon, malgré une industrie et une armée a priori moins fortes que celles du Kremlin, elle le doit avant tout à la trentaine de membres de l’OTAN, dont les États-Unis, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, qui l’ont armée, financée et soutenue de bien des façons. Et ils ne cessent de surenchérir en ce domaine, tel Biden encore le 20 février à Kiev.

    Quand les pays de l’OTAN livrent à l’Ukraine des armements de plus en plus sophistiqués, de plus en plus efficaces, ils poursuivent un objectif immédiat proclamé  : éviter la défaite de l’Ukraine et faire durer la guerre afin d’affaiblir la Russie, et si possible la mettre à genoux.

    Cela pour montrer au monde entier ce qu’il en coûte de ne pas s’incliner devant l’ordre impérialiste. Les propos de Biden à Varsovie  : «  L’Ukraine ne sera jamais une victoire pour la Russie  », son refus affiché de toute négociation avec Poutine, le fait que les dirigeants occidentaux ont tous adopté la même posture et le même langage ces derniers temps, tout cela va dans le même sens.

    Le conflit en cours n’est pas la principale raison d’une escalade que l’Occident mène tambour battant. Il fait aussi office de toile de fond pour une mise en ordre de bataille des esprits, ne serait-ce que par la banalisation d’une guerre qui s’installe pour durer, dans une Europe qui n’en avait plus connu depuis 1945, exception faite des bombardements de la Serbie par l’OTAN, il y a un quart de siècle.

    Une mise sur le pied de guerre qui vaut aussi pour les économies de chaque pays, dans un monde capitaliste qui s’enfonce dans la crise sans que ses dirigeants y voient d’issue. Certes, les dirigeants du monde capitaliste n’ont pas encore choisi la fuite en avant vers une conflagration généralisée, comme celle qui conduisit à la Première et à la Deuxième Guerre mondiale, mais rien ne garantit que le conflit ukrainien ne risque pas, à tout moment, de précipiter l’humanité dans une nouvelle guerre mondiale.

    Le conflit en Ukraine sert déjà de terrain d’entraînement aux États impérialistes pour préparer l’éventualité d’un affrontement dit de haute intensité, que les états-majors militaires et politiques envisagent explicitement. Il sert aussi aux chefs de file de l’impérialisme à renforcer des blocs d’États alliés, avec leurs réseaux de bases sur le pourtour de la Russie et de la Chine.

    sommant les autres États de se rallier à ces alliances militaires et d’adopter des trains de sanctions contre la Russie, même quand cela va à l’encontre de leurs intérêts et de ceux, sonnants et trébuchants, de leurs capitalistes. On le constate pour l’arrêt des importations de gaz et de pétrole russes, l’interdiction de commercer avec la Russie, d’y maintenir des activités industrielles, ce qui pénalise des pays européens, dont l’Allemagne et la France, mais profite aux États-Unis.

    Si un fait nouveau, capital pour l’avenir de l’humanité, s’est fait jour au feu de cette guerre, c’est l’évolution rapide de la situation mondiale dans le sens de sa #militarisation.

    Poutine a répondu de façon monstrueuse à la pression continue de l’impérialisme en Europe de l’Est en lançant ses missiles et ses tanks sur l’Ukraine le 24 février 2022. Mais c’est l’impérialisme qui s’est préparé depuis longtemps à aller à la confrontation.

    ... à plonger tôt ou tard l’Ukraine dans la guerre, donc à faire de ses habitants les otages d’une rivalité qui les dépasse, car elle oppose le camp mené par les États-Unis à la Russie, avec son dictateur, ses bureaucrates et ses oligarques pillards. D’un côté ou de l’autre, il n’y a nulle place pour le droit des peuples à décider de leur destinée, même si on veut nous le faire croire.

    L’ex-chancelière Angela Merkel n’en croit rien. Elle le dit dans une interview où elle revient sur la crise qui s’ouvrit en février 2014, quand le président ukrainien d’alors, contesté par la rue et surtout lâché par des secteurs de la bureaucratie et de l’oligarchie, dut s’enfuir. Le pouvoir issu du #Maïdan s’alignant sur les États-Unis, Poutine récupéra alors la #Crimée et poussa le Donbass à faire sécession. Les accords de Minsk, que Merkel parrainait avec Hollande et auxquels avaient souscrit Moscou et Kiev, devaient régler pacifiquement le différend, prétendait-elle à l’époque. Elle avoue désormais qu’il s’agissait d’un leurre. «  Poutine, explique-t-elle, aurait [alors] pu facilement gagner. Et je doute fortement que l’OTAN aurait eu la capacité d’aider l’Ukraine comme elle le fait aujourd’hui. […] Il était évident pour nous tous que le conflit allait être gelé, que le problème n’était pas réglé, mais cela a justement donné un temps précieux à l’Ukraine.  » Et à l’OTAN pour préparer l’affrontement avec Moscou.

    Le conflit couvait depuis l’effondrement de l’#URSS en 1991. Dès ce moment-là, États-Unis et Union européenne furent à la manœuvre pour aspirer l’Europe de l’Est dans l’orbite de l’OTAN. Des conseillers de la Maison-Blanche expliquaient qu’il fallait détacher l’Ukraine de la Russie, pour que celle-ci n’ait plus les moyens de redevenir une grande puissance.

    Or, après les années Eltsine (1991-1999), d’effondrement économique, d’éclatement de l’État et de vassalisation humiliante du pays par l’Occident, Poutine et la bureaucratie russe voulaient restaurer la #Grande_Russie.

    Une première tentative de l’Occident pour aspirer l’Ukraine eut lieu en 2004 sous l’égide du tandem ­Iouchtchenko­-­Timochenko, tombeur du pro-russe Ianoukovitch. Elle tourna court, la population, dégoûtée, finissant par rappeler Ianoukovitch. Elle allait le chasser à nouveau en 2014. Cette fois fut la bonne pour le camp occidental et signifiait la guerre  : dans le #Donbass, que l’armée de Kiev et des troupes d’extrême droite disputaient aux séparatistes, elle fit 18 000 morts et des centaines de milliers de réfugiés. Huit ans plus tard, tout le pays bascula dans l’horreur.

    Les dirigeants américains et européens savaient que Moscou ne pouvait accepter une Ukraine devenue la base avancée de l’OTAN. Ils savaient quels risques mortels leur politique impliquait pour les Ukrainiens, et pour la jeunesse russe que Poutine enverrait tuer et se faire tuer. Cette guerre, l’OTAN l’avait rendue inéluctable depuis 2014, en armant, entraînant, conseillant l’#armée_ukrainienne et les troupes des nationalistes fascisants.

    Les dirigeants occidentaux n’en avaient cure, car faire la guerre avec la peau des peuples est une constante de la politique des puissances coloniales, puis impérialistes. On le vérifie encore une fois dans le sang et la boue des tranchées en #Ukraine, dans les ruines des HLM de #Kharkiv, #Kherson ou #Donetsk que les missiles des uns ou des autres ont fait s’effondrer sur leurs habitants. N’en déplaise aux médias d’ici qui ressassent la fable d’un conflit soudain opposant le petit David ukrainien isolé et désarmé qu’agresserait sans raison le grand méchant Goliath russe.

    À l’occasion du premier l’anniversaire de l’invasion de l’Ukraine, on a eu droit au rouleau compresseur d’une #propagande sans fard dans les #médias. Il y aurait le camp du Mal (la Russie, l’Iran et surtout la Chine), face au camp du Bien, celui des puissances qui, dominant la planète, y garantissent la pérennité du système d’exploitation capitaliste au nom de la démocratie ou de la sauvegarde de pays comme l’Ukraine, dès lors qu’ils leur font allégeance.

    Cette propagande massive vise à s’assurer que l’opinion publique adhère sans réserve à ce qu’on lui présente comme la défense d’un peuple agressé, en fait, à la guerre que mènent les grandes puissances par Ukrainiens interposés. Car, au-delà de ce qu’il adviendra de la Russie et du régime de Poutine – une des préoccupations contradictoires des États impérialistes, qui disent vouloir la victoire de Kiev tout en craignant qu’une défaite de Poutine déstabilise de façon incontrôlable la Russie et son «  étranger proche  » – ces mêmes États visent un objectif au moins aussi important pour eux. Ils veulent enchaîner à leur char de guerre leur propre population, dans le cadre ukrainien, tout en ayant en vue des conflits plus larges à venir.

    En fait, le conflit ukrainien a tout du prologue d’un affrontement plus ou moins généralisé, dont politiques, généraux et commentateurs désignent déjà la cible principale  : la Chine. Ainsi, Les Échos du 15 février a mis à sa une un article qui titrait  : «  Pour l’Amérique, la Chine redevient l’ennemi numéro un  », après que «  la guerre en Ukraine [avait un temps détourné son attention] de la confrontation  » avec la Chine.

    Déjà, les steppes, les villes et le ciel d’Ukraine servent autant aux états-majors et industriels occidentaux à affronter la #Russie, par soldats ukrainiens interposés, qu’à tester sur le vif leurs #blindés, pièces d’#artillerie, #systèmes_de_commandement, de communication, d’interception, de renseignement, et à en tirer les leçons voulues. Ils y voient aussi une aubaine pour se débarrasser de #munitions et d’engins plus ou moins anciens que les combats vont consommer . Conséquence favorable pour eux, cela justifie l’escalade des livraisons d’armes et, de ce fait, l’explosion des #budgets_militaires afin de doper les #industries_de_guerre.

    Cette conjoncture permet à des États d’engranger des commandes, parfois énormes, de pays dépendants de protecteurs plus puissants et des leaders des marchés de l’#armement.

    Ainsi, Varsovie a envisagé de donner à Kiev des vieux Mig-29 de conception soviétique pour les remplacer par des F-16 américains, et promis de lui livrer d’anciens chars Leopard, qu’elle remplacera par de nouveaux modèles. Évidemment, cela ne fait l’affaire ni de Dassault ni du char Leclerc français qui peine à trouver preneur. C’est que, même alliés au sein de l’OTAN, voire soucieux d’afficher leur unité, comme Biden l’a souligné lors de la promesse que lui et Scholtz ont voulue simultanée de livrer des tanks à Kiev, les États impérialistes restent rivaux sur ce terrain, comme sur d’autres. Les États-Unis se réservent la part du lion, avec des commandes d’armement qui ont doublé en 2022, à la mesure de leur puissance industrielle, de leur suprématie militaire… et des guerres à venir.

    Ces commandes d’armes pour l’Ukraine, qui s’ajoutent à celles que l’on dit destinées à remettre à niveau chaque armée occidentale, servent autant à tenir la dragée haute à #Poutine qu’à transformer à vitesse accélérée les #économies occidentales en «  #économies_de_guerre  », selon les termes même du programme que se sont fixé les ministres de la Défense des pays de l’#OTAN, lors de leur sommet des 14-15 février à Bruxelles. Depuis des mois, les dirigeants politiques occidentaux et plus encore les chefs de leurs armées discutent publiquement et concrètement d’une guerre généralisée qu’ils savent s’approcher. Ainsi, à Brest, l’#amiral_Vandier, chef d’état-major de la Marine, a lancé à la nouvelle promotion d’élèves-­officiers  : «  Vous entrez dans une Marine qui va probablement connaître le feu à la mer.  » Certains avancent même une date pour cela, tel le général Minihan, chef des opérations aériennes aux #États-Unis  : «  J’espère me tromper, mais mon intuition me dit que nous nous affronterons en 2025  » avec la #Chine.

    Ukraine  : un effroyable bilan humain, social et économique

    En attendant, la guerre en Ukraine a déjà tué ou blessé 180 000 militaires russes, à peine moins de soldats ukrainiens, et tué plus de 30 000 civils, estime le chef de l’armée norvégienne, membre de l’OTAN. 7,5 millions d’Ukrainiens ont trouvé refuge en Pologne, Slovaquie, Autriche, etc., et en Russie. Parmi eux se trouvent une écrasante majorité de femmes et d’enfants, car les hommes de 18 à 60 ans, mobilisables, ont l’interdiction de quitter le territoire. Il y a aussi plusieurs millions de déplacés dans le pays même.

    De nombreuses villes, grandes ou petites, ont été bombardées, parfois rasées, les infrastructures énergétiques partout frappées, ce qui a plongé la population dans l’obscurité et le froid. Le montant des destructions de routes, ponts, voies ferrées, ports, aéroports, entreprises, écoles, hôpitaux, logements… atteignait 326 milliards de dollars, selon ce qu’estimait le Premier ministre en septembre dernier. Ce montant, déjà colossal, n’a pu que croître depuis, ne serait-ce que parce qu’il s’accompagne d’énormes détournements qu’ont effectués et que vont effectuer ministres, généraux, bureaucrates et oligarques ukrainiens.

    Zelensky a reconnu la corruption de l’appareil d’État jusqu’au sommet quand il a limogé une partie de son gouvernement, dont les ministres de la Défense et de la Reconstruction, et plusieurs très hauts dirigeants. Cela ne change rien à la nature d’un État qui, source principale des nantis comme en Russie, est l’un des plus corrompus au monde  : plus que l’État russe, dit-on, ce qui n’est pas rien. En fait, Zelensky n’avait pas le choix  : une commission américaine de haut niveau avait débarqué à Kiev pour vérifier ce que devenait l’aide colossale fournie par l’oncle d’Amérique. Après tout, même si l’État américain est richissime, il a aussi ses bonnes œuvres (industriels de l’armement, financiers, capitalistes de haut vol) et ne veut pas qu’une trop grosse part des profits de guerre file dans poches des bureaucrates, oligarques et maffieux ukrainiens.

    Et puis, au moment même où l’Occident annonçait fournir des tanks à l’État ukrainien, il ne s’agissait pas que le régime apparaisse pour ce qu’il est  : celui de bandits prospérant sur le dos de la population. Cela s’adressait moins à l’opinion occidentale, qui ne connaît de la situation que ce qu’en disent les médias, qu’à la population ukrainienne.

    Victime des bombardements et exactions de l’armée russe, elle se rend compte qu’elle est aussi la victime des parasites de la haute bureaucratie, des ministres véreux ou des généraux voleurs. Et l’union sacrée n’a pas fait disparaître les passe-droits qui permettent aux nantis de profiter en paix de leur fortune à l’étranger, tandis que leurs sbires de la police raflent les hommes, valides ou pas, pour le front. Les résistances que cela provoque ici ou là n’ont rien pour étonner dans un tel contexte, d’autant que, si l’armée a d’abord pu compter sur des volontaires, ceux qu’elle mobilise maintenant n’en font, par définition, pas partie.

    Tout à leurs commentaires dithyrambiques sur un régime censé incarner la démocratie et l’unité d’un peuple derrière ses dirigeants, les médias français préfèrent tirer un voile pudique sur des faits qui pourraient gâcher leur tableau mensonger.

    [...] Le régime de la bureaucratie russe et de ses oligarques milliardaires, lui-même bien mal en point socialement et économiquement, corrompu, policier et antiouvrier, ne peut représenter aucun avenir pour la population ukrainienne, même russophone.

    Quant au régime qu’incarne Zelensky, ce chargé de pouvoir des grandes puissances et de leurs trusts qui lorgnent sur les richesses agricoles et minières de l’Ukraine ainsi que sur sa main-d’œuvre qualifiée, afin de l’exploiter avec des salaires misérables , ce qui a commencé dès 2014, le conflit lui a sans doute sauvé la mise, au moins dans un premier temps. Comme dans toute guerre, la population s’est retrouvée bon gré mal gré derrière un pouvoir qui se faisait fort de la défendre. Mais gageons que de larges pans des classes populaires n’ont pas oublié pour autant ce qu’avait fini par leur inspirer cet acteur devenu président, qui avait joué au «  serviteur du peuple  » pour mieux préserver les intérêts des nantis.

    S’affrontant sur le terrain par peuples interposés, les dirigeants occidentaux, représentants d’une bourgeoisie impérialiste qui domine le monde, les dirigeants russes, représentants des parasites qui exploitent les travailleurs de Russie, les dirigeants ukrainiens, représentants de leurs oligarques autant que des trusts occidentaux, sont tous des ennemis des classes populaires, de la classe ouvrière.

    Et les travailleurs, où qu’ils se trouvent, quelle que soit leur nationalité, leur langue ou leur origine, n’ont aucune solidarité à avoir, sous quelque prétexte que ce soit, avec «  l’ennemi principal qui est toujours dans notre propre pays  », comme disait le révolutionnaire allemand Karl Liebknecht en 1916, en pleine Première Guerre mondiale.

    Partout, la marche à une économie de guerre

    Le 6 février, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU [...] : «   Le monde se dirige les yeux grand ouverts [vers] une guerre plus large .  »

    On vient d’en avoir la confirmation au sommet des ministres de la Défense des membres de l’OTAN. Il leur a été demandé, selon Les Échos, «  de passer en #économie_de_guerre  », de relancer et activer la #production_d’armements, et d’abord d’#obus, de #chars et de pièces d’artillerie, pour faire face à «  une #guerre_d’usure  » en Ukraine. Et de préciser que si, il y a dix ans, les États-Unis demandaient à leurs alliés de monter leurs #dépenses_militaires à 2 % de leur produit intérieur brut, ce chiffre est désormais considéré comme un plancher que beaucoup ont dépassé. La conférence sur la sécurité en Europe qui a suivi, à Munich, a réuni la plupart des dirigeants européens et mondiaux pour aller dans le même sens.

    C’est ce qu’ils font en cherchant à persuader leur population de l’inéluctabilité de la guerre  ; en lui désignant comme ennemis certains pays, au premier rang desquels la Russie et la Chine  ; en déployant une propagande insidieuse mais permanente dans les médias autour de thèmes guerriers  ; en mettant l’accent sur la préparation de la #jeunesse à servir «  sa  » nation, à la défendre, sans jamais dire qu’il s’agira de la transformer en #chair_à_canon pour les intérêts des classes possédantes. Le gouvernement français s’en charge avec son #Service_national_universel, qui vise à apprendre à des jeunes à marcher au pas, avec des reportages télévisés plus ou moins suscités sur le service à bord de navires de guerre, sur des régions sinistrées (Saint-Étienne) où la reprise de la production d’armes ferait reculer le chômage. Le nouveau ministre allemand de la Défense se situe sur le même terrain, lui qui veut rétablir le service militaire et faire de la Bundeswehr la première armée du continent grâce aux 100 milliards de hausse de son #budget.

    En juin dernier, Macron avait annoncé la couleur avec son plan Économie de guerre doté par l’État de 413 milliards sur sept ans. Il fallait «  aller plus vite, réfléchir différemment sur les rythmes, les montées en charge, les marges, pour pouvoir reconstituer plus rapidement ce qui est indispensable pour nos #armées, pour nos alliés ou pour celles [comme en Ukraine] que nous voulons aider  ». Et, s’adressant aux dirigeants de l’organisme qui regroupe les 4 000 entreprises du secteur militaire, il leur avait promis des décisions et, surtout, des #investissements. Pour les #profits, la guerre est belle…

    Bien au-delà du conflit ukrainien, la cause profonde de l’envolée des budgets militaires est à chercher dans la crise du système capitaliste mondial, qui va s’aggravant sans que quiconque dans les milieux dirigeants de la bourgeoisie en Europe et en Amérique sache comment y faire face.

    Comme à chaque fois que le monde se trouve confronté à une telle situation, la bourgeoisie et ses États en appellent à l’industrie d’armement pour relancer l’économie. Car, grâce au budget militaire des États, elle échappe à la chute de la demande qui affecte les secteurs frappés par la baisse du pouvoir d’achat des couches populaires et, en dopant le reste de l’économie par des commandes de machines, de logiciels, de matériaux, de matières premières, etc., la bourgeoisie peut espérer que cela l’aidera à maintenir le taux de profit général.

    [...] même quand certains prétendent chercher une solution de paix à une guerre que leur politique a suscitée, la logique de leur politique d’armement continu de l’un des deux camps sur le terrain, celle de la militarisation de l’économie de nombreux pays sur fond d’une crise générale dont l’évolution leur échappe, tout cela fait que, de la guerre en Ukraine à un conflit plus large, la distance pourrait être bien plus courte qu’on ne le croit.

    Contrairement à ce qu’affirme Guterres, ce n’est pas toute l’humanité qui avance vers l’abîme les yeux grands ouverts. Les dirigeants politiques de la bourgeoisie ne peuvent pas ne pas voir ce qu’ils trament, eux, et dans quels intérêts, ceux de la bourgeoisie. Cela, ils le discernent en tout cas bien mieux que les masses du monde entier, auxquelles on masque la réalité, ses enjeux et son évolution qui s’accélère.

    Oui, en Ukraine, en Russie, comme partout ailleurs, le niveau de la conscience et de l’organisation de la classe ouvrière est très en retard sur cette course à la guerre dans laquelle la bourgeoisie engage l’humanité. Et plus encore au regard de ce qu’il faudrait pour l’enrayer, la transformer en guerre de classe pour l’émancipation des travailleurs du monde entier.

    C’est ce que firent les bolcheviks en Russie en 1917, en pleine guerre mondiale. C’est sur cette voie qu’il faut que s’engagent, en communistes révolutionnaires et internationalistes, en militants de la seule classe porteuse d’avenir, le prolétariat, toutes celles et tous ceux qui veulent changer le monde avant qu’il ne précipite à nouveau l’humanité dans la barbarie. Alors, pour paraphraser ce que Lénine disait de la révolution d’Octobre  : «  Après des millénaires d’esclavage, les esclaves dont les maîtres veulent la guerre leur [répondront]  : Votre guerre pour le butin, nous en ferons la guerre de tous les esclaves contre tous les maîtres.  »

    #guerre_en_ukraine #capitalisme #crise

    • Royaume-Uni : hausse significative du budget militaire

      A l’occasion de la mise à jour de sa doctrine de politique étrangère, le Royaume-Uni a annoncé son intention de porter à terme son #budget_défense à 2,5 % du PIB.

      Face aux « nouvelles menaces », le #Royaume-Uni va investir cinq milliards de livres supplémentaires dans sa politique de défense. Cette rallonge va porter ce budget à 2,25 % du PIB à horizon 2025, un redressement jamais vu depuis la guerre froide.
      Cette enveloppe doit permettre de « reconstituer et de renforcer les stocks de #munitions, de moderniser l’entreprise nucléaire britannique et de financer la prochaine phase du programme de #sous-marins_Aukus », a souligné Downing Street dans un communiqué, le jour même de la signature à San Diego du contrat entre l’Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni. A terme, l’objectif est de revenir à des dépenses militaires équivalentes à 2,5 % du PIB, bien au-dessus de l’engagement pris au niveau de l’#Otan (2 % du PIB).

      Ces annonces interviennent au moment où le Royaume-Uni met à jour sa doctrine de politique étrangère dans un document de 63 pages qui fait la synthèse des principaux risques pour la sécurité du pays. La dernière mouture, publiée il y a trois ans, exposait les ambitions de la « Global Britain » de Boris Johnson au lendemain du Brexit. La #Russie y était identifiée comme la principale menace pour la sécurité. La #Chine était qualifiée de « défi systémique » et le document annonçait un « pivot » du Royaume-Uni vers l’axe Indo-Pacifique.
      Les tendances observées sont toujours les mêmes, mais « elles se sont accélérées ces deux dernières années », observe cette nouvelle revue. « Nous sommes maintenant dans une période de risques renforcés et de volatilité qui va probablement durer au-delà des années 2030 », note le rapport.

      (Les Échos)

      #militarisation #impérialisme

    • Les importations d’armes en Europe en forte hausse

      Les #achats_d'armement ont quasiment doublé l’an dernier sur le sol européen

      Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Europe s’arme massivement. C’est ce que confirme le dernier rapport de l’#Institut_international_de_recherche_sur_la_paix_de_Stockholm (Sipri), publié lundi. Hors Ukraine, les #importations_d'armements sur le Vieux Continent se sont envolées de 35 % en 2022. En intégrant les livraisons massives d’#armes à l’Ukraine, elles affichent une hausse de 93 %.

      […] Sur la période 2018-2022, privilégiée par le #Sipri pour identifier les tendances de fond, les importations d’armes européennes affichent ainsi une hausse de 47 % par rapport aux cinq années précédentes, alors qu’au niveau mondial, les transferts internationaux d’armes ont diminué de 5,1 % sur cette période. Un contraste majeur qui témoigne de la volonté des Européens d’« importer plus d’armes, plus rapidement », explique Pieter ​Wezeman, coauteur du rapport.
      Dans cette optique, outre les industriels locaux, les Européens comptent sur les #Etats-Unis. Sur la période 2018-2022, ces derniers ont représenté 56 % des #importations_d'armes de la région. Le premier importateur en #Europe a été le Royaume-Uni, suivi de l’#Ukraine et de la Norvège.
      […]

      En France, #Emmanuel_Macron a proposé une augmentation de 100 milliards d’euros pour la loi de programmation militaire 2024-2030 par rapport à la période 2019-2025. Le Premier ministre britannique, #Rishi_Sunak, vient pour sa part d’annoncer que le #Royaume-Uni allait investir 5 milliards de livres (5,6 milliards d’euros) supplémentaires dans la défense, dans un contexte de « nouvelles menaces venues de #Russie et de #Chine ». Plus symbolique encore, l’Allemagne du chancelier #Olaf_Scholz a annoncé, en mai 2022, le lancement d’un fonds spécial de 100 milliards pour moderniser son armée et rompre avec des décennies de sous-investissement.

      (Les Échos)

      #militarisation

    • La France s’apprête à relocaliser sur son sol une vingtaine de productions industrielles militaires , révèle mardi franceinfo. Ces relocalisations sont une déclinaison de « l’économie de guerre » réclamée par l’Élysée.

      Le mois dernier, on a appris que la France s’apprêtait à relocaliser la production de #poudre pour ses obus d’artillerie (de 155mm). Selon nos informations, en tout, il y aura une vingtaine de relocalisations stratégiques en France.

      Dans le détail, la France va donc de nouveaux produire sur son territoire des #coques de bateaux produites jusqu’à présent dans les pays de l’Est, des explosifs pour gros calibres produits en Suède, Italie ou encore Allemagne, mais, surtout, des pièces jugées « critiques » pour certains moteurs d’hélicoptères. On parle ici précisément des disques des turbines haute-pression des bi-moteurs RTM322. Jusqu’à présent, ces pièces étaient élaborées aux Etats-Unis puis forgées en Angleterre. Bientôt, l’élaboration et la forge seront faites en France dans l’usine #Aubert_et_Duval située dans le Puy-de-Dôme. […]

      (France Info)

      #militarisation #relocalisation #industrie_de_la_défense

    • Emmanuel Chiva est à la tête (de l’emploi) de la direction générale de l’armement (DGA). Son sale boulot : mettre en œuvre l’« économie de guerre » voulue par Macron.

      Un type qui pratique au quotidien "l’argent magique" et un "pognon de dingue" (public) au service des capitalistes de l’armement. Le principe : un vol à grande échelle des fruits du travail de millions de travailleurs pour produire en masse du matériel de destruction massive.

      Pour nous en faire accepter les conséquences (les futures baisses du pouvoir d’achat, les hôpitaux fermés, les écoles surchargées, les enseignants en sous-effectif, les transports dégradés, un budget de l’État écrasé par la dette, etc.), Le Monde lui tend ses colonnes : « Nous sommes entrés dans l’économie de guerre »
      https://www.lemonde.fr/international/article/2023/03/15/emmanuel-chiva-dga-nous-sommes-entres-dans-l-economie-de-guerre_6165595_3210

    • La marche vers un économie de guerre
      https://lutte-ouvriere.be/la-marche-vers-un-economie-de-guerre

      [...] Les USA augmentent fortement leur budget militaire, l’Allemagne débloque 100 milliards pour l’armée, la France annonce plus de 400 milliards de budget pour les prochaines années et en Belgique, 14 milliards de dépenses guerrières supplémentaires sont prévues d’ici 2030.

      Pour faire accepter l’envolée des dépenses militaires, alors que partout les besoins des populations sont criants, les dirigeants des pays capitalistes cherchent à persuader de l’inéluctabilité de la guerre. Ils désignent comme ennemis certains pays, au premier rang desquels la Russie et la Chine, et déploient une propagande insidieuse mais permanente dans les médias autour de thèmes guerriers.

      Les gouvernements mettent aussi l’accent sur la préparation de la jeunesse qu’ils comptent utiliser comme chair à canon. L’Etat belge s’en est chargé en ouvrant cette année, dans 13 écoles de la fédération Wallonie Bruxelles, une option « métiers de la Défense et de la sécurité » dans laquelle des jeunes sont préparés à devenir agent de sécurité, policier ou militaire, à partir de la quatrième secondaire technique !

      Au-delà du conflit ukrainien, la cause profonde de l’envolée des budgets militaires est à chercher dans la crise du système capitaliste mondial qui ne fait que s’aggraver.

    • Vers un doublement du budget militaire / Le Japon tourne la page du pacifisme
      https://www.monde-diplomatique.fr/2023/03/POUILLE/65605

      Ce samedi 27 novembre 2021, le premier ministre japonais Kishida Fumio effectue une visite matinale des troupes de défense terrestre sur la base d’Asaka, au nord de Tokyo. Après un petit tour en char d’assaut, il prononce un discours de rupture : « Désormais, je vais envisager toutes les options, y compris celles de posséder des capacités d’attaque de bases ennemies, de continuer le renforcement de la puissance militaire japonaise. » Selon le chef du gouvernement, « la situation sécuritaire autour du Japon change à une vitesse sans précédent. Des choses qui ne se produisaient que dans des romans de science-fiction sont devenues notre réalité ». Un an plus tard, M. Kishida annonce le doublement des dépenses de #défense et débloque l’équivalent de 315 milliards de dollars sur cinq ans. Le #Japon va ainsi disposer du troisième budget militaire du monde derrière ceux des États-Unis et de la Chine. Il représentera 2 % du produit intérieur brut (PIB), ce qui correspond à l’engagement pris en 2014 par les vingt-huit membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (#OTAN)… dont il ne fait pourtant pas partie.

      Ces décisions — qui s’inscrivent dans le cadre de la nouvelle « stratégie de sécurité nationale » dévoilée en août 2022 — changent profondément les missions des forces d’autodéfense, le nom officiel de l’#armée_nippone. Elles ne s’en tiendront plus, en effet, à défendre le pays mais disposeront des moyens de contre-attaquer. Et même de détruire des bases militaires adverses.

      Cette #militarisation et cette imbrication renforcée avec les États-Unis sonnent, pour la presse chinoise, comme dune dangereuse alerte. Certes, les rapports sino-japonais s’étaient déjà dégradés quand Tokyo avait acheté, le 11 septembre 2012, trois des îles Senkaku/Diaoyu à leur propriétaire privé et que, dans la foulée, Pékin avait multiplié les incursions dans la zone (8). Les visites régulières d’Abe au sanctuaire Yasukuni, qui honore la mémoire des criminels de guerre durant la seconde guerre mondiale, n’avaient rien arrangé.

      Mais le climat s’était plutôt apaisé dans la dernière période. « J’étais parvenu à un consensus important [avec Abe] sur la construction de relations sino-japonaises répondant aux exigences de la nouvelle ère (9) », a même témoigné le président chinois après l’assassinat de l’ex-premier ministre, en juillet 2022. Depuis l’annonce de la nouvelle stratégie de défense, le ton a changé.

      [...] en tournant le dos brutalement à sa politique pacifiste, le Japon se place en première ligne face à Pékin et éloigne tout espoir d’autonomie vis-à-vis des États-Unis. Cette impossible entrée dans l’après-guerre froide cohabite pourtant avec un dynamisme régional haletant où, de Hanoï à Colombo, ce pays vieillissant a construit les leviers de sa future croissance. Il y est en concurrence directe avec la Chine, très présente. Déjà, la plupart des pays asiatiques refusent de choisir entre Pékin et Washington, qui leur promet la sécurité. Et avec Tokyo ?

      (Le Monde diplomatique, mars 2023)

      #budget_militaire

    • Le géant de l’armement Rheinmetall surfe sur la remilitarisation de l’Europe (Les Échos)

      L’entrée au DAX, lundi, du premier producteur de munitions et constructeur de chars en Europe consacre le retour en force des combats conventionnels terrestres. Après une année 2022 record, Rheinmetall s’attend à faire mieux encore en 2023.

      Ce lundi, Armin Papperger, le patron de Rheinmetall, se fera un plaisir de sonner la cloche de la Bourse de Francfort pour marquer l’entrée de son groupe dans le Dax après une année record. Son cours a doublé et sa valorisation avoisine 10,5 milliards d’euros. « Le changement d’ère et la guerre en Europe ont ouvert une nouvelle page pour #Rheinmetall », a-t-il déclaré jeudi, lors de la présentation des résultats du premier producteur de munitions et constructeur de chars en Europe.

      Le retour des combats conventionnels terrestres a dopé le résultat net de ce dernier : il a bondi de 61 %, à 469 millions d’euros pour un chiffre d’affaires record de 6,4 milliards d’euros, en hausse de 13,25 %. Le résultat opérationnel (Ebit hors effets exceptionnels) a, lui, progressé de 27 %, à 754 millions d’euros. Et ce n’est qu’un début : « Je m’attends à ce que l’année 2023 soit de loin la meilleure année de l’histoire de l’entreprise en termes de commandes », a annoncé Armin Papperger.

      Carnet de commandes record

      Il a plusieurs fois loué devant la presse l’efficacité du nouveau ministre de la Défense Boris Pistorius, qui devrait, selon lui, permettre de débloquer enfin les 100 milliards du fonds de modernisation de l’armée allemande. Sur cette enveloppe, le patron de Rheinmetall estime pouvoir capter 38 milliards d’euros d’ici à 2030, dont 20 milliards répartis à parts équivalentes entre les chars et la numérisation des forces terrestres, et 8 milliards pour les munitions. A ces montants s’ajoute la hausse prévisible du budget de la défense allemande : Boris Pistorius a réclamé 10 milliards de plus par an et il faudrait même 10 milliards supplémentaires pour atteindre les 2 % du PIB. Un objectif pour tous les membres de l’Otan qui devrait rapidement devenir un prérequis minimum. Le réarmement généralisé des pays de l’Alliance atlantique ne peut donc que profiter à Rheinmetall. Il vient en outre d’élargir sa palette en s’invitant dans la fabrication du fuselage central du F-35 américain qui devrait lui rapporter plusieurs milliards d’euros. Le groupe, qui affichait déjà l’an dernier un carnet de commandes record de 24 milliards d’euros, estime avoir les capacités pour faire bien davantage.

      600.000 obus

      En Ukraine, Rheinmetall assure ainsi pouvoir livrer un peu moins de la moitié des besoins de la production d’artillerie. Avec l’achat du fabricant espagnol Expal Systems, qui devrait être bouclé dans l’année, la capacité annuelle du groupe passe à environ 450.000 obus, voire 600.000 d’ici à deux ans.

      Rheinmetall est en train d’agrandir une usine en Hongrie et souhaite en ouvrir une de poudre en Saxe avec la participation financière de Berlin. Selon Armin Papperger, l’intégration verticale de l’entreprise, qui produit elle-même ses composants, la met par ailleurs à l’abri d’un chantage éventuel de la Chine sur les matières premières. Quant à la main-d’oeuvre, elle ne manquerait pas : le groupe se dit « inondé de candidatures », il a recruté 3.000 personnes l’an dernier et compte en faire autant cette année. Toutes les planètes sont donc alignées aux yeux de Rheinmetall pour pousser les feux. Le groupe vise un chiffre d’affaires de 7,4 à 7,6 milliards d’euros en 2023, ce qui représenterait une nouvelle hausse de 15,5 % à 18,7 %. Sa marge opérationnelle devrait passer de 11,8 % à 12 % environ.

      #militarisation #militarisme #capitalisme #troisième_guerre_mondiale

    • La guerre en Ukraine accélère la militarisation

      La guerre en Ukraine accélère la militarisation de l’Europe. Tragédie pour les populations ukrainienne et russe qui ont déjà payé cette guerre de 30 000 morts, elle est une aubaine pour les militaires et les marchands d’armes. Première guerre dite «  de haute intensité  » en Europe depuis 1945, sur un front de plus de 1 000 kilomètres, elle permet aux militaires de tester leurs matériels, de valider ou adapter leurs doctrines d’utilisation. Elle offre un marché inespéré pour les marchands d’armes appelés à fournir munitions et missiles, drones ou chars détruits en grande quantité. Elle accélère la hausse des budgets militaires de tous les États.

      Une militarisation engagée avant la guerre en Ukraine

      La hausse des dépenses militaires dans le monde était engagée avant l’invasion russe de l’Ukraine. Selon le dernier rapport du Sipri, l’Institut international pour la paix de Stockholm, publié le 25 avril, les dépenses militaires dans le monde ont dépassé en 2021, pour la première fois, la barre des 2 000 milliards de dollars, avec 2 113 milliards de dollars, soit 2,2 % du PIB mondial. C’est la septième année consécutive de hausse des dépenses militaires dans le monde selon ce rapport, qui précise  : «  Malgré les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19, les dépenses militaires mondiales ont atteint des niveaux records.  »

      Si la Russie, présentée comme le seul agresseur et va-t-en-guerre, a augmenté son budget militaire en 2021, qui atteint 66 milliards de dollars et 4 % de son PIB, elle n’arrive qu’en cinquième position dans le classement des puissances les plus dépensières, derrière les États-Unis, la Chine, l’Inde et la Grande-Bretagne.

      En Grande-Bretagne, avec 68,3 milliards de dollars, les dépenses militaires sont en hausse de 11,1 %. Après le Brexit, Boris Johnson a multiplié les investissements, en particulier dans la marine. Peu avant sa démission, il affirmait vouloir restaurer l’impérialisme britannique en tant que «  première puissance navale en Europe  » et marquait à la culotte les autres puissances impérialistes du continent. Il a été l’un des premiers dirigeants européens à se rendre à Kiev pour afficher son soutien à Zelensky. Toute une brochette de politiciens britanniques milite pour que les dépenses militaires augmentent plus vite encore dans les années à venir. Ainsi, Nile Gardiner, ancien collaborateur de Thatcher, affirmait en mars au Daily Express : «  Les dépenses de défense devraient doubler, de deux à quatre pour cent [du PIB] dans les années à venir si la Grande-Bretagne veut sérieusement redevenir une puissance mondiale.  »

      Johnson a renforcé par divers canaux sa coopération militaire avec les États-Unis. Ces liens étroits entre les impérialismes britannique et américain ont été illustrés par l’alliance #Aukus (acronyme anglais pour Australie, Royaume-Uni et États-Unis) contre la Chine. Cette alliance s’est concrétisée par la commande australienne de huit sous-marins à propulsion nucléaire, pour la somme de 128 milliards de dollars. Déjà en hausse de 4 % en 2021 par rapport à 2020, les dépenses militaires de l’Australie sont donc appelées à augmenter. C’est aussi la politique occidentale agressive vis-à-vis de la Chine, et les pressions américaines, qui ont poussé le Japon à dépenser 7 milliards de dollars de plus en 2021 pour ses armées, la plus forte hausse depuis 1972.

      Selon le rapport du #Sipri, dès 2021, donc avant la guerre en Ukraine, huit pays européens membres de l’#Otan avaient porté leurs dépenses militaires à 2 % de leur PIB, ce que réclament depuis longtemps les États-Unis à leurs alliés. Avec 56,6 milliards de dollars (51 milliards d’euros) dépensés en 2021, la France est passée de la huitième à la ­sixième place des États pour leurs dépenses en armement. La loi de programmation militaire 2019-2025 avait déjà prévu un budget de 295 milliards d’euros sur six ans, pour arriver à plus de 2,5 % du PIB en 2025.

      La guerre en Ukraine a donc éclaté dans ce contexte d’augmentation générale des dépenses d’armement, qu’elle ne peut qu’accélérer et renforcer.

      Les leçons de la guerre en Ukraine

      Pour les états-majors et les experts, la #guerre_en_Ukraine n’est pas une tragédie mais d’abord un formidable terrain d’expérimentation des matériels de guerre et des conditions de leur mise en œuvre. Chaque épisode – offensive contrariée des armées russes au début de la #guerre, retrait du nord de l’#Ukraine puis offensive dans le #Donbass, destruction méthodique des villes – et les diverses façons d’utiliser l’artillerie, les drones, l’aviation, les moyens de communication et de renseignement sont étudiés pour en tirer le maximum de leçons. Depuis six mois, des milliers d’experts et d’ingénieurs chez #Thales, #Dassault, #Nexter, MBDA (ex-Matra), #Naval_Group ou chez leurs concurrents américains #Lockheed_Martin, #Boeing ou #Northrop_Grumman, étudient en détail comment cette guerre met en lumière «  la #numérisation du champ de bataille, les besoins de munitions guidées, le rôle crucial du secteur spatial, le recours accru aux drones, robotisation, cybersécurité, etc.  » (Les Échos du 13 juin 2022). Ces experts ont confronté leurs points de vue et leurs solutions technologiques à l’occasion de l’immense salon de l’#armement et de la sécurité qui a réuni, début juin à Satory en région parisienne, 1 500 #marchands_d’armes venus du monde entier. Un record historique, paraît-il  !

      Les leçons de la guerre en Ukraine ne sont pas seulement technologiques. Comme l’écrivait le journal Les Échos du 1er avril 2022, «  la guerre entre grands États est de retour en Europe. » Cette guerre n’a plus rien à voir avec «  les “petites guerres” comme celles de Bosnie ou du Kosovo, ni les opérations extérieures contre des groupes terroristes (Al Qaida, Daech) ou des États effondrés (Libye, 2011)  ». Pour les militaires, cette guerre n’est plus «  une guerre échantillonnaire mais une guerre de masse  », tant du point de vue du nombre de soldats tués ou blessés au combat que du nombre de munitions tirées et du matériel détruit.

      Entre février et juin, selon les estimations réalisées malgré la censure et les mensonges de chaque camp, cette guerre aurait fait 30 000 morts russes et ukrainiens, plusieurs centaines par jour. L’Ukraine rappelle que la guerre est une boucherie, que les combats exigent sans cesse leur chair à canon, avec des soldats qui pourrissent et meurent dans des tranchées, brûlent dans des chars ou sont tués ou estropiés par des obus et des missiles. Leur guerre «  de haute intensité  », c’est avant tout des morts, parmi les militaires comme les civils. Préparer les esprits à accepter de «  mourir pour nos valeurs démocratiques  », autre déclinaison du «  mourir pour la patrie  », est l’un des objectifs de la #propagande des gouvernements occidentaux qui mettent en scène la guerre en Ukraine.

      Côté matériel, les armées russes ont perdu plusieurs centaines de chars. Les États-Unis et leurs alliés ont livré plusieurs dizaines de milliers de missiles sol-sol ou sol-air de type Javelin ou Stinger, à 75 000 dollars pièce. Une semaine après le début de l’invasion russe, le colonel en retraite Michel Goya, auteur d’ouvrages sur les guerres contemporaines, écrivait  : «  L’#armée_de_terre française n’aurait plus aucun équipement majeur au bout de quarante jours  » (véhicules de combat, pièces d’artillerie…). La conclusion de tous ces gens-là est évidente, unanime  : il faut «  des forces plus nombreuses, plus lourdement équipées [qui] exigeront des budgets de défense accrus  » (Les Échos, 1er avril 2022). Augmenter les budgets militaires, drainer toujours plus d’argent public vers l’industrie militaire ou sécuritaire, c’est à quoi s’emploient les ministres et les parlementaires, de tous les partis, depuis des années.

      Des complexes militaro-industriels concurrents

      La guerre en Ukraine, avec l’augmentation spectaculaire des #budgets_militaires qu’elle accélère, est une aubaine pour les marchands d’armes. Mais elle intensifie en même temps la guerre que se livrent ces industriels. L’annonce par le chancelier allemand, fin février, d’un emprunt de 100 milliards d’euros pour remettre à niveau la #Bundeswehr, autrement dit pour réarmer l’Allemagne, a déclenché des polémiques dans l’#Union_européenne. Le journal Les Échos du 30 mai constatait avec dépit  : «  L’#armée_allemande a annoncé une liste de courses longue comme le bras, qui bénéficiera essentiellement aux industries américaines  : achat de #F-35 à Lockheed Martin, d’hélicoptères #Chinook à Boeing, d’avions P8 à Boeing, de boucliers antimissiles à Israël, etc.  » Au grand dam des militaristes tricolores ou europhiles, le complexe militaro-industriel américain profitera bien davantage des commandes allemandes que les divers marchands de mort européens.

      Il en est ainsi depuis la naissance de l’Union européenne  : il n’y a pas une «  #défense_européenne  » commune car il n’y a pas un #impérialisme européen unique, avec un appareil d’État unique défendant les intérêts fondamentaux d’une #grande_bourgeoisie européenne. Il y a des impérialismes européens concurrents, représentant des capitalistes nationaux, aux intérêts économiques complexes, parfois communs, souvent opposés. L’#impérialisme_britannique est plus atlantiste que les autres puissances européennes et très tourné vers son vaste ex-­empire colonial. L’#impérialisme_français a développé ses armées et sa marine pour assurer sa mainmise sur son pré carré ex-colonial, en particulier en Afrique. L’impérialisme allemand, qui s’est retranché pendant des décennies derrière la contrition à l’égard des années hitlériennes pour limiter ses dépenses militaires, en se plaçant sous l’égide de l’Otan et des #États-Unis, a pu consacrer les sommes économisées à son développement économique en Europe centrale et orientale. Les interventions militaires ou diplomatiques n’étant que la continuation des tractations et des rivalités commerciales et économiques, il n’a jamais pu y avoir de défense européenne commune.

      Les rivalités permanentes entre Dassault, Airbus, #BAE, #Safran ont empêché la construction d’un avion de combat européen. La prépondérance des États-Unis dans l’Otan et leur rôle majeur en Europe de l’Est et dans la guerre en Ukraine renforcent encore les chances du #secteur_militaro-industriel américain d’emporter les futurs marchés. Ces industriels américains vendent 54 % du matériel militaire dans le monde et réalisent 29 % des exportations. L’aubaine constituée par les futures dépenses va aiguiser les appétits et les rivalités.

      Bien sûr, les diverses instances européennes s’agitent pour essayer de ne pas céder tout le terrain aux Américains. Ainsi, le commissaire européen au Commerce et ex-ministre français de l’Économie, Thierry Breton, vient de débloquer 6 milliards d’euros pour accélérer le lancement de 250 satellites de communication de basse orbite, indispensables pour disposer d’un réseau de communication et de renseignement européen. Jusqu’à présent, les diverses armées européennes sont dépendantes des États-Unis pour leurs renseignements militaires, y compris sur le sol européen.

      À ce jour, chaque pays européen envoie en Ukraine ses propres armes, plus ou moins compatibles entre elles, selon son propre calendrier et sa volonté politique. Les champs de bataille du Donbass servent de terrain de démonstration pour les canons automoteurs français Caesar, dont les journaux télévisés vantent régulièrement les mérites, et les #chars allemands Gepard, anciens, ou Leopard, plus récents. La seule intervention commune de l’Union européenne a été le déblocage d’une enveloppe de financement des livraisons d’armes à l’Ukraine, d’un montant de 5,6 milliards sur six ans, dans laquelle chaque État membre peut puiser. C’est une façon de faciliter l’envoi d’armes en Ukraine aux pays de l’UE les moins riches. Avec l’hypocrisie commune aux fauteurs de guerre, les dirigeants de l’UE ont appelé cette enveloppe «  la facilité européenne pour la paix  »  !

      Vers une économie de guerre  ?

      Pour passer d’une «  guerre échantillonnaire  » à une «  guerre de masse  », la production d’armes doit changer d’échelle. Pour ne parler que d’eux, les fameux canons Caesar de 155 millimètres sont produits en nombre réduit, une grosse dizaine par an, dans les usines #Nexter de Bourges, pour la somme de 5 millions d’euros l’unité. Pour en livrer une douzaine à l’Ukraine, le gouvernement a dû les prélever sur la dotation de l’armée française, qui n’en a plus que 64 en service. Juste avant le début de la guerre en Ukraine, Hervé Grandjean, le porte-parole des armées, rappelait les objectifs de l’armée française pour 2025  : «  200 chars Leclerc, dont 80 rénovés, 135 #blindés_Jaguar, 3 300 #blindés_légers, 147 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque dont 67 Tigre, 115 #hélicoptères de manœuvre, 109 #canons de 155 et 20 drones tactiques notamment  ». En comparaison, et même si les chars des différentes armées n’ont ni les mêmes caractéristiques ni la même valeur, en trois mois de guerre en Ukraine, plus de 600 chars russes ont été détruits ou mis hors service.

      La guerre en Ukraine devrait donc permettre aux militaires d’obtenir davantage de coûteux joujoux. Ils ont reçu le soutien inconditionnel du président de la Cour des comptes, l’ex-socialiste Pierre Moscovici, pour qui «  l’aptitude des armées à conduire dans la durée un combat de haute intensité n’est pas encore restaurée  ». Et dans son discours du 14 juillet, Macron a confirmé une rallonge de 3 milliards d’euros par an pour le budget de l’armée. Mais pour rééquiper en masse les armées européennes, il faut que les capacités de production suivent. Le 13 juin, Le Monde titrait  : «  Le ministère de la Défense réfléchit à réquisitionner du matériel du secteur civil pour refaire ses stocks d’armes  », et précisait  : «  L’État pourrait demander à une PME de mécanique de précision qui ne travaille pas pour le secteur de la défense de se mettre à disposition d’un industriel de l’armement pour accélérer ses cadences.  » Et comme toujours, l’État s’apprête à prendre en charge lui-même «  les capacités de production de certaines PME de la défense, en payant par exemple des machines-outils  ». Les capitalistes n’étant jamais si bien servis que par eux-mêmes, le chef de l’UIMM, le syndicat des patrons de la métallurgie, est désormais #Éric_Trappier, le PDG de Dassault.

      Produire plus massivement du matériel militaire coûtera des dizaines, et même des centaines, de milliards d’euros par an. Il ne suffira pas de réduire encore plus les budgets de la santé ou de l’école. Les sommes engagées seront d’un tout autre niveau. Pour y faire face, les États devront s’endetter à une échelle supérieure. Les gouvernements européens n’ont peut-être pas encore explicitement décidé un tel tournant vers la production en masse de ce matériel militaire, mais les plus lucides de leurs intellectuels s’y préparent. L’économiste et banquier Patrick Artus envisageait dans Les Échos du 8 avril le passage à une telle «  #économie_de_guerre  ». Pour lui, cela aurait trois conséquences  : une hausse des #dépenses_publiques financées par le déficit du budget de l’État avec le soutien des #banques_centrales  ; une forte inflation à cause de la forte demande en énergie et en métaux parce que les #dépenses_militaires et d’infrastructures augmentent  ; enfin la rupture des interdépendances entre les économies des différents pays à cause des ruptures dans les voies d’approvisionnement.

      Avant même que les économies européennes ne soient devenues «  des économies de guerre  », les dépenses publiques au service des capitalistes ne cessent d’augmenter, l’inflation revient en force, aggravée par la spéculation sur les pénuries ou les difficultés d’approvisionnement de telle ou telle matière première. L’#économie_capitaliste est dans une impasse. Elle est incapable de surmonter les contradictions qui la tenaillent, et se heurte une fois de plus aux limites du marché solvable et à la concurrence entre capitalistes, qui engendrent les rivalités entre les puissances impérialistes  ; à la destruction des ressources  ; et à son incapacité génétique d’en planifier l’utilisation rationnelle au service de l’humanité. La course au militarisme est inexorable, car elle est la seule réponse à cette impasse qui soit envisageable par la grande bourgeoisie. Cela ne dépend absolument pas de la couleur politique de ceux qui dirigent les gouvernements. Le militarisme est inscrit dans les gènes du capitalisme.

      Le #militarisme, une fuite en avant inexorable

      Il y a plus d’un siècle, #Rosa_Luxemburg notait que le militarisme avait accompagné toutes les phases d’accumulation du #capitalisme  : «  Il est pour le capital un moyen privilégié de réaliser la plus-value.  » Dans toutes les périodes de crise, quand la rivalité entre groupes de capitalistes pour s’approprier marchés et matières premières se tend, quand le marché solvable se rétrécit, le militarisme a toujours représenté un «  champ d’accumulation  » idéal pour les capitalistes. C’est un marché régulier, quasi illimité et protégé  : «  L’#industrie_des_armements est douée d’une capacité d’expansion illimitée, […] d’une régularité presque automatique, d’une croissance rythmique  » (L’accumulation du capital, 1913). Pour la société dans son ensemble, le militarisme est un immense gâchis de force de travail et de ressources, et une fuite en avant vers la guerre généralisée.

      Pour les travailleurs, le militarisme est d’abord un vol à grande échelle des fruits de leur travail. La production en masse de matériel de destruction massive, ce sont des impôts de plus en plus écrasants pour les classes populaires qui vont réduire leur pouvoir d’achat, ce sont des hôpitaux fermés, des écoles surchargées, des enseignants en sous-effectif, des transports dégradés, c’est un budget de l’État écrasé par la charge de la dette. Pour la #jeunesse, le militarisme, c’est le retour au service militaire, volontaire ou forcé, c’est l’embrigadement derrière le nationalisme, l’utilisation de la guerre en Ukraine pour redonner «  le sens du tragique et de l’histoire  », selon la formule du chef d’état-major des armées, Thierry Burkhard.

      L’évolution ultime du militarisme, c’est la #guerre_généralisée avec la #mobilisation_générale de millions de combattants, la militarisation de la production, la #destruction méthodique de pays entiers, de villes, d’infrastructures, de forces productives immenses, de vies humaines innombrables. La guerre en Ukraine, après celles en Irak, en Syrie, au Yémen et ailleurs, donne un petit aperçu de cette barbarie. La seule voie pour éviter une barbarie plus grande encore, qui frapperait l’ensemble des pays de la planète, c’est d’arracher aux capitalistes la direction de la société.

      Un an avant l’éclatement de la Première Guerre mondiale, #Rosa_Luxemburg concluait son chapitre sur le militarisme par la phrase  : «  À un certain degré de développement, la contradiction [du capitalisme] ne peut être résolue que par l’application des principes du socialisme, c’est-à-dire par une forme économique qui est par définition une forme mondiale, un système harmonieux en lui-même, fondé non sur l’accumulation mais sur la satisfaction des besoins de l’humanité travailleuse et donc sur l’épanouissement de toutes les forces productives de la terre.  » Ni Rosa Luxemburg, ni #Lénine, ni aucun des dirigeants de la Deuxième Internationale restés marxistes, c’est-à-dire communistes, révolutionnaires et internationalistes, n’ont pu empêcher l’éclatement de la guerre mondiale et la transformation de l’Europe en un gigantesque champ de bataille sanglant. Mais cette guerre a engendré la plus grande vague révolutionnaire de l’histoire au cours de laquelle les soldats, ouvriers et paysans insurgés ont mis un terme à la guerre et menacé sérieusement la domination du capital sur la société. L’issue est de ce côté-là.

    • France. Militaires et industriels doutent d’être suffisamment gavés

      Les « promesses déjà annoncées : une hausse de 5 milliards d’euros pour combler le retard dans les drones, un bond de 60 % des budgets des trois agences de renseignement, une relance des commandes dans la défense sol-air , la reconstitution des stocks de munitions. Il a aussi promis plus de navires et de satellites pour l’Outre-Mer, des avancées dans la cyberdéfense, le spatial, la surveillance des fonds marins, le doublement du budget des forces spéciales, et enfin une progression de 40 % des budgets pour la maintenance des équipements, afin d’en accroître les taux de disponibilité.

      Ajouter à cette liste un doublement de la réserve, une participation potentiellement accrue au service national universel, la promesse de dégager 10 milliards pour l’innovation... « Toutes les lignes budgétaires vont augmenter, sauf la provision pour les opérations extérieures », a déclaré le ministre. Selon lui, les dépenses pour aider l’armée ukrainienne ne seront pas imputées sur le budget des armées. Ce dont beaucoup de militaires doutent. Un partage des frais entre ministères est plus probable.

      (Les Échos)

    • Pour eux, la guerre n’est pas une tragédie, mais une aubaine.

      Entre 2018 et 2022, la France a vu sa part dans les ventes mondiales d’armes passer de 7 à 11 %.

      Actuellement 3e sur le marché de l’armement, elle se rapproche de la 2e place. Un record qui contribue à la surenchère guerrière, en Ukraine et ailleurs, et qui alimente les profits des marchands d’armes.

    • La nouvelle #loi_de_programmation_militaire a été présentée en Conseil des ministres ce mardi 4 avril. Un budget de la défense en hausse de 40 % par rapport à la #LPM 2019-2025. Un montant historique

      D’autant que la LPM 2024-2030 n’inclura pas le montant de l’aide militaire à l’#Ukraine

      La politique de l’actuel président de la République contraste avec celle de ses prédécesseurs. Comme beaucoup de ses voisins, la France a vu ses dépenses de défense diminuer depuis la fin de la #guerre_froide

      Réarmement spectaculaire de la #Pologne par le biais de la Corée du Sud

      « Ce pays est en première ligne et sera potentiellement une grande puissance militaire en 2030 », a affirmé Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique lors de son audition au Sénat. Le 30 janvier dernier, le Premier ministre polonais a ainsi annoncé que le budget de la défense atteindrait 4 % du PIB en 2023.

      #militarisation #budget_de_la_défense

    • On ne prépare une guerre qu’à la condition de pouvoir la gagner. Et en l’état, les occidentaux commencent tout juste à comprendre que ce qu’ils pensaient assuré (première frappe nucléaire et bouclier ABM) de la part des américains, n’est finalement pas du tout si assuré que cela et que même, ma foi, la guerre est peut-être déjà perdue.

    • En l’état, ce n’est pas la guerre. Mais, oui, ils s’y préparent.

      Et cette nouvelle guerre mondiale ne sera pas déclenchée nécessairement quand ils seront certains de « pouvoir la gagner ».

    • L’Union européenne et ses obus : un petit pas de plus vers une économie de guerre
      https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/05/10/lunion-europeenne-et-ses-obus-un-petit-pas-de-plus-vers-une-

      Mercredi 3 mai, le commissaire européen Thierry Breton a présenté son plan pour produire un million de munitions lourdes par an. Les industries d’armement européennes ne sont plus adaptées au rythme de production nécessaire pour des guerres de « haute intensité », ou même simplement telle que celle en Ukraine.

      Alors que l’armée ukrainienne tire 5 000 obus d’artillerie par jour de combat, la production annuelle du fabricant français Nexter ne permettrait de tenir ce rythme... que huit jours. Thierry Breton a annoncé une enveloppe de 500 millions d’euros pour stimuler dans ce sens les industriels de l’Union européenne. Elle fait partie d’un plan de deux milliards d’euros annoncé fin mars pour fournir des obus à l’armée de Kiev, sous prétexte « d’aider » l’Ukraine. Il s’agit d’abord de puiser dans les stocks nationaux, puis de passer des commandes, et enfin de remplir les caisses des industriels pour qu’ils produisent plus vite.

      Les sommes déployées par l’UE sont très marginales par rapport aux dépenses faites par chaque puissance impérialiste pour financer son propre armement et enrichir ses capitalistes de l’armement. Ainsi, la programmation militaire française a augmenté de 100 milliards d’euros, tandis que le gouvernement allemand promet, lui, 100 milliards pour moderniser son armée.

      L’annonce européenne vise sans doute surtout à afficher à l’échelle du continent, donc aux yeux d’un demi-milliard d’Européens, que l’on va vers une économie de guerre et qu’il faut s’y adapter dès maintenant. Dans ce qu’a déclaré Thierry Breton, il y a aussi l’idée de s’attaquer à tous les goulots d’étranglement qui bloquent cette marche vers une économie de guerre. Il prévoit des dérogations aux règles européennes, déjà peu contraignantes, sur le temps de travail, c’est-à-dire de donner carte blanche aux patrons pour allonger la journée de travail dans les usines concernées. Le flot d’argent public dépensé en armement, que ce soit au niveau des États ou de l’Union européenne, sera pris sur la population d’une façon ou une autre. Chaque milliard en plus pour les obus signifiera un hôpital en moins demain.

  • Les prix des produits alimentaires se sont envolés de 15 % sur les 12 derniers mois dans la zone €.

    La #hausse_des_prix de l’énergie ralentit quand on la regarde sur un an dans la #zone_euro mais les prix de l#'alimentation continuent, eux, à accélérer. Tant et si bien que, sur les douze derniers mois, le prix des produits alimentaires a augmenté plus vite que celui de l’énergie pour la première fois depuis l’été 2021. Les prix de l’alimentation, y compris le tabac et l’alcool, ont bondi de 15 % dans la zone euro et le constat est le même dans tous les pays du Vieux Continent. C’est désormais un problème politique dans toute l’#Europe.

    En France, la hausse du prix des #produits_alimentaires a certes atteint 14,5 % sur un an. Mais la situation est pire de l’autre côté du Rhin où les prix alimentaires ont crû de 21,8 % en un an. Au Royaume-Uni, les prix ont grimpé de 16,7 % selon l’institut Kantar, ce qui représente une dépense supplémentaire de près de 800 livres sur une année complète pour le ménage britannique moyen.

    Certains produits sont particulièrement touchés. Le prix du sucre s’est envolé de 54 % en un an dans la zone euro et celui du beurre et du lait, de l’ordre de 27 %, selon les chiffres d’Eurostat. [en Hongrie] Des pénuries ont fait leur apparition et les supermarchés ont été obligés de limiter les achats de lait ou d’huile de leurs clients.

    (Les Échos)

    Les causes de l’#inflation sont expliquées dans ce papier de Lutte de Classe : L’inflation, une forme de la guerre de classe
    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2022/02/20/linflation-une-forme-de-la-guerre-de-classe_213408.html

    Fondamentalement, la seule et unique voie pour supprimer l’inflation, c’est-à-dire empêcher qu’un nombre de plus en plus restreint de grandes fortunes accaparent les richesses créées par les travailleurs pendant que l’immense majorité de la population s’appauvrit, c’est d’arracher le pouvoir aux capitalistes et de les exproprier. Les grands groupes utilisent aujourd’hui leurs puissants moyens de recensement, de planification et de production pour faire monter les prix et gonfler leurs profits. Aux mains des travailleurs, ces mêmes moyens pourront être utilisés pour satisfaire tous les besoins humains, en minimisant le temps de travail humain et les coûts énergétiques et environnementaux.

    #lutte_de_classe

  • Ukraine : derrière la Russie, les USA visent la Chine
    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/03/01/ukraine-derriere-la-russie-les-usa-visent-la-chine_528276.ht

    Depuis le #sommet_de_Munich sur la sécurité, les États-Unis mènent campagne contre la #Chine, qu’ils accusent chaque jour de vouloir armer la Russie dans sa guerre en Ukraine. Venant de Washington l’accusation pourrait faire sourire.

    On ne peut cependant oublier que les États-Unis, qui ont fourni pour 26,4 milliards de dollars d’aide militaire à l’Ukraine en un an, à quoi s’ajoute tout ce que lui ont livré ses alliés de l’Otan, portent par là même une responsabilité écrasante dans le fait que la guerre dure et que le nombre de ses victimes ne cesse de croître.

    Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a été le premier à prétendre, le 18 février, que la Chine s’apprêtait à fournir des « armes létales » à la Russie. Pékin ayant démenti la chose, la vice-Présidente Kamala Harris a renchéri, affirmant que Washington était « troublé par le fait que Pékin approfondisse ses relations avec Moscou ».

    Le lendemain, l’ambassadrice américaine aux #Nations_unies s’est faite plus précise dans ses menaces : pour elle, aider militairement la Russie, c’est « franchir la ligne rouge ». Le 20, le ministre chinois des Affaires étrangères rétorqua qu’au lieu de « propager de fausses nouvelles », les États-Unis feraient mieux de « prendre de véritables mesures en faveur […] de l’avancement des pourparlers de paix ». Malgré cela, le 26 février, #Jake_Sullivan, conseiller à la Sécurité nationale de la Maison Blanche, fit encore monter la pression en affirmant que Pékin « devra choisir s’il fournit ou pas une aide militaire » à Moscou, et que, « s’il choisit cette voie, cela aura un coût réel pour la Chine ».

    Derrière ce qui reste, pour l’instant, un bras-de-fer diplomatique, il y a toute l’arrogance de la première puissance militaire et économique mondiale, sûre de son bon droit, celui du plus fort qui entend dicter sa loi à la planète. Que l’État impérialiste le plus puissant accuse les pays qui s’opposent à lui, ou pourraient le vouloir, d’être des agresseurs ennemis de la démocratie, c’est une constante de la politique des grands États occidentaux, y compris quand, pour faire respecter leur ordre mondial, ils mettent à feu et à sang d’autres pays et leurs populations. On l’a constaté du #Vietnam à l’#Algérie, de l’#Irak à l’#Afghanistan et en tellement d’autres occasions.

    Dans le cas de la guerre qui oppose en #Ukraine la Russie au bloc de l’#Otan, il s’agit de cela aussi, mais pas seulement. Les États-Unis et leurs alliés veulent empêcher que des pays menacés par leur puissance hégémonique fassent bloc pour y résister.

    Ainsi, en représailles de ce qu’il fournit des drones de combat à la #Russie, l’#Iran vient de voir s’abattre des sanctions américaines sur ses entreprises qui fabriquent et acheminent ces armes : leurs avoirs et biens situés aux États-Unis sont gelés.

    S’agissant de la Chine, qui subit déjà certains embargos sur des productions ou fournitures que l’Occident considère comme stratégiques, les menaces de Washington sont d’un autre niveau. Dans la perspective d’une guerre plus large que celle d’Ukraine, une guerre de « haute intensité » dont les dirigeants politiques et militaires occidentaux parlent ouvertement, c’est la Chine qui devient leur cible principale.

    Pour eux, il s’agit de préparer les peuples à cette nouvelle guerre en leur désignant par avance l’ennemi à combattre. Ainsi, parmi d’autres de son acabit, le #général_Minihan, chef des forces aériennes aux #États-Unis, a déclaré dans une note interne, confirmée ensuite par le Pentagone : « J’espère me tromper. Mais mon instinct me dit que nous combattrons en 2025. » Et cela vise la Chine.

    Si les travailleurs veulent vivre en paix, ils doivent d’abord refuser toute solidarité avec de tels fauteurs de guerre. Mais ils doivent aussi se préparer à transformer cette guerre menée contre les peuples en une guerre sociale, une guerre de classe contre le système capitaliste. Car il faut renverser ce système qui « porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage », comme disait Jaurès à la veille de la Première Guerre mondiale.

    #capitalisme #ONU #impérialisme

  • Afrique : pillée par TotalEnergies
    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/03/01/afrique-pillee-par-totalenergies_528273.html

    La Tanzanie a donné son accord, mardi 21 février, à la construction de l’oléoduc East African Crude Oil Pipeline (Eacop). Outre les ravages environnementaux à prévoir, cet énorme projet pétrolier est dénoncé depuis des années par les populations locales et les ONG.

    Le projet est en effet synonyme de #confiscation de terres et du délogement de dizaines de milliers de paysans. Mais les profits escomptés par les actionnaires pèsent plus lourd, particulièrement ceux de Total qui détient 62 % des parts.

    L’#Eacop doit relier sur 1 443 kilomètres les champs de pétrole du lac Albert en Ouganda au port de Tanga en #Tanzanie, sur l’océan Indien. Il a la particularité d’être chauffé à 50 degrés sur tout son trajet, du fait de la forte viscosité du pétrole brut ougandais. De plus, d’après un rapport publié en octobre 2022 par les associations Les amis de la Terre et Survie, environ 118 000 personnes parmi les paysans des régions où sera extrait puis acheminé le pétrole, seront chassées de leurs terres. Les multiples témoignages relayés par les médias depuis des années font état d’intimidations et de menaces, émanant des forces de sécurité de TotalEnergies et des forces armées ougandaises et tanzaniennes. Plusieurs leaders de communautés et des membres d’ONG locales ont été arrêtés et doivent aujourd’hui se cacher du fait de leur opposition au projet.

    La #multinationale_pétrolière nie bien entendu tout cela. Elle parle sur son site d’« attention forte au respect des droits des communautés » et explique que toutes les familles ont droit à une compensation financière. Dans les faits, de nombreux paysans chassés il y a plusieurs années disent n’avoir toujours rien perçu. Et même si ce devait être le cas, les sommes resteraient dérisoires face à la perte de leurs terres nourricières et du fait de l’#inflation.

    L’#oléoduc menace aussi le plus grand bassin d’eau douce d’Afrique, le bassin du #lac_Victoria, dont plus de 40 millions de personnes dépendent. Les militants des #ONG locales redoutent les fuites de pétrole, en se basant sur l’exemple catastrophique du #Nigeria.

    Le #pillage impérialiste, qui est au cœur de toute l’histoire de #TotalEnergies et de son ancêtre Elf, se poursuit, avec le soutien indéfectible de l’État français. Macron s’en défend depuis des années, et vient de réaffirmer le 27 février qu’il « n’y a plus de politique africaine de la France ». Dans les faits, il cherche juste à lui donner une forme plus discrète. L’Élysée a ainsi dû reconnaître que le président avait écrit en mai 2021 une lettre au président ougandais #Museveni, dans laquelle il affirme souhaiter une accélération du chantier Eacop. Face à la #loi_du_profit, le sort de la planète et des êtres humains compte pour rien.

    #impérialisme

  • Mars-avril 1963 : les mineurs en grève résistent à la réquisition
    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/03/01/mars-avril-1963-les-mineurs-en-greve-resistent-la-requisitio #archiveLO

    Pendant plus d’un mois, du 1er mars au 5 avril 1963, les #mineurs en #grève affrontèrent le pouvoir de #De Gaulle, ignorant notamment son ordre de réquisition. Alors que syndicats et partis de gauche le présentaient comme un pouvoir fort face auquel on ne pouvait rien faire, le mouvement des mineurs démontra qu’il ne l’était que tant que personne ne se dressait contre lui.

    Au début de l’année 1963, les #bassins_houillers avaient été touchés par des grèves. Les mineurs réclamaient des augmentations de salaire, mais étaient également inquiets de la politique des Houillères, alors nationalisées. Le #gouvernement_Pompidou commençait à fermer des puits. Mais, pour la #CGT, il n’était pas question d’affronter de front ce gouvernement. Elle préconisait la « grève des bras croisés », consistant à travailler au ralenti.

    Lorsque des négociations salariales s’ouvrirent le 15 février 1963, la CGT revendiquait 11 % d’#augmentation, justifiant ce chiffre par le retard des #salaires dans les #mines sur ceux du secteur privé. Cette manière de poser le problème excluait d’emblée la possibilité que la revendication puisse être reprise par l’ensemble de la classe ouvrière. Les Houillères et le gouvernement ne voulant céder que 5,77 % d’augmentation, la CGT se contenta d’appeler à une journée de grève le 1er mars, suivie de grèves du rendement. C’est alors que le gouvernement annonça qu’il réquisitionnerait les mineurs.

    La grève du 1er mars fut un succès qui dépassa largement les attentes de la CGT. Presque totale dans les puits du Nord, du Pas-de-Calais et de Lorraine, des mineurs de fond aux ingénieurs, elle fut aussi suivie dans les mines de fer, de #potasse, de #bauxite et d’#uranium. De Gaulle signa alors un décret de réquisition qui précisait : « Les agents intéressés devront se mettre sans délai à la disposition des établissements désignés pour assurer le service qui leur sera demandé. » Ce décret, pris en application d’une loi de juillet 1938 concernant « l’organisation générale de la nation en temps de guerre », était une atteinte sans précédent au droit de grève, visant non seulement les mineurs mais l’ensemble de la classe ouvrière. Tout mouvement de protestation pouvait désormais être interdit.

    Face à cette attaque, la CGT se limita à appeler à une #grève_générale de 15 minutes dans tout le pays, qui fut largement suivie. Surtout, les mineurs refusèrent de descendre. La réquisition fut effective le 1er mars pour les cokeries et le 4 mars pour les mineurs du Nord, du Pas-de-Calais et de Lorraine. La CGT appela à faire la « #grève_des_bras_croisés » dans les cokeries. Mais, dès le 2 mars, la grève fut totale dans le #Nord et le #Pas-de-Calais. Elle fut suivie à 95 % en Lorraine. Les mines de l’Hérault, de l’Aveyron, des Cévennes se mirent également en grève. Les mineurs traitaient le décret de De Gaulle comme un vulgaire chiffon de papier.

    Le 4 mars, les #CRS arrivèrent autour des puits de mine. Un correspondant du journal L’Humanité décrit ainsi ce qui se passa à Forbach comme dans tous les bassins houillers : « Des véhicules chargés de CRS stationnent le long de la route nationale et des gendarmes mobiles patrouillent sur le carreau des mines. » Mais cette tentative d’intimidation policière resta sans effet. Dès lors, les mineurs allaient résister pendant cinq semaines à un gouvernement qui, n’ayant pu les forcer à travailler, cherchait en vain à les affamer. Des cortèges de grévistes applaudis par la population n’allaient cesser de parcourir la région, fanfares ouvrières en tête, en scandant : « Pas de sous, pas de charbon ».

    La résistance acharnée des mineurs face au coup de force de De Gaulle posait clairement le problème de l’extension de la grève, d’autant plus que les mineurs jouissaient d’un large soutien dans le pays et que le mouvement était susceptible d’ouvrir une crise politique. Mais la direction de la CGT, alors fermement tenue par le PCF, se garda bien de s’engager dans cette voie. Tout en organisant des actions de solidarité avec les mineurs en grève, elle n’appela à aucun moment le reste de la classe ouvrière à les rejoindre dans un mouvement d’ensemble contre le pouvoir gaulliste et le patronat.

    Il y eut ainsi des appels à des grèves de solidarité chez les électriciens, les gaziers, à la SNCF ou à la Poste. Il s’agissait de débrayages de quelques heures, parfois d’une journée entière, auxquels les travailleurs répondirent présents. La solidarité financière fut aussi organisée, sur le thème : « Les mineurs comptent sur les milliards de la solidarité ». La CGT appela au versement d’une journée de salaire pour les mineurs. Mais rien de tout cela ne pouvait suffire à faire plier le gouvernement.

    Le 27 mars, de Gaulle annonça que le gouvernement proposait 6,5 % d’augmentation au 1er avril, portés à 7,25 % en juillet et 8 % au 1er octobre. Les journées de grève n’étaient pas payées. La CGT signa l’accord et appela à la reprise, mais une vague de colère s’exprima parmi les grévistes. Ceux-ci huèrent le secrétaire de la fédération CGT du sous-sol et refusèrent l’accord.

    Le premier jour, 50 % des mineurs ne reprirent pas le travail. Certains piquets tentèrent spontanément de faire continuer la grève mais, désormais sans direction et sans perspectives, les mineurs reprirent le travail la rage au ventre. Le 5 avril, la grève était terminée.

    Dans le numéro du 8 avril 1963 de leur journal Voix Ouvrière, nos camarades rapportent ainsi comment les mineurs exprimèrent leur colère : « Quelque 3 000 mineurs ont manifesté à Lens au chant de L’Internationale sous les fenêtres du siège de la CGT, afin de protester contre la trahison de leur lutte par les chefs de la classe ouvrière. D’habitude, au cours des manifestations organisées par le #PCF ou la CGT, s’il arrive que quelques manifestants entonnent l’Internationale, ils se font immédiatement traiter de provocateurs par les dirigeants “communistes” qui, eux, ne connaissent qu’un seul chant, La Marseillaise, un seul drapeau, celui de la bourgeoisie. Seulement, quand les travailleurs entrent sérieusement en lutte, ils retrouvent le vieux chant et le drapeau rouge du #prolétariat. Ils trouvent également face à eux les flics et les CRS tricolores, et leurs propres “dirigeants” qui le sont aussi pour saboter leur lutte. »

    Cette grève avait marqué un retour de la classe ouvrière sur la scène. Elle montrait à toute une génération que #de_Gaulle n’était pas le « pouvoir fort » que décrivaient à l’envi les dirigeants syndicaux. Des travailleurs massivement en lutte peuvent mettre un gouvernement bourgeois en échec, cependant pour vaincre, ils ne doivent pas se fier à la direction syndicale, mais se donner les moyens de diriger eux-mêmes leur mouvement. Cette leçon de #1963 est toujours d’actualité.

    #répression #éphéméride

  • 7 mars : amplifier la lutte pour faire reculer Macron et le Medef
    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/03/01/7-mars-amplifier-la-lutte-pour-faire-reculer-macron-et-le-me

    3 semaines après la dernière manifestation contre le report à 64 ans de l’âge de départ à la retraite, l’#intersyndicale appelle à faire du 7 mars « une journée morte dans les entreprises, les administrations, les services, les commerces, les lieux d’études, les transports » et « à participer massivement aux manifestations »...

    C’est bien dans la rue, par les manifestations, et plus encore dans les entreprises, par la grève, que les travailleurs peuvent faire ravaler leur projet à Borne et Macron. Malgré un rejet massif parmi toutes les catégories de #travailleurs, rejet qui augmente chaque fois qu’un ministre ouvre la bouche, le #gouvernement_Borne peut trouver une majorité de parlementaires pour faire adopter sa loi. À défaut, il dispose de l’article 49-3. Même les minuscules #concessions sur les longues carrières, imposées par les députés, ont disparu du texte soumis aux sénateurs. Il n’y a rien à attendre du côté du Parlement.

    La force des travailleurs est qu’ils font fonctionner toute l’économie. S’ils se mettent massivement en #grève, ils arrêtent la machine à profits de la #bourgeoisie. Et c’est bien les capitalistes qu’il faut viser pour faire reculer #Macron, simple exécutant de leurs exigences. Roux de Bézieux, président du #Medef, l’a dit sans fard sur CNews : « Les politiques doivent prendre des décisions qui ne sont pas populaires. » Et de préciser : « Cette réforme est douloureuse mais indispensable. » Douloureuse, elle l’est pour les #salariés qui devront s’user deux ans de plus au travail ou finir leur vie active au chômage ou en invalidité ; indispensable, elle l’est pour augmenter la part de richesses qui revient aux capitalistes.

    Cette réforme n’a pas d’autres raisons d’être. Elle est d’autant plus insupportable qu’elle s’ajoute à la flambée de tous les prix. À l’angoisse de ne plus pouvoir payer les factures, se chauffer correctement, se déplacer quand on veut et même d’être obligé de se restreindre sur la nourriture, s’ajoute le cauchemar de se faire exploiter jusqu’à la tombe. Pendant ce temps, les grandes entreprises annoncent les unes après les autres des records historiques pour leurs profits. Les bénéfices en hausse pour les capitalistes, les sacrifices multiples pour les travailleurs sont les deux bouts du même bâton. Eh bien ce bâton, les travailleurs doivent le briser pour défendre leur droit à l’existence !

    Sur Cnews, #Roux_de_Bézieux s’est dit plus préoccupé des grèves pour des augmentations, en cours un peu partout dans le pays à l’occasion des négociations annuelles obligatoires sur les salaires dans les entreprises du privé, que des grèves pour les #retraites. Son inquiétude confirme qu’il faut présenter l’addition au grand patronat : cela inclut les retraites, les salaires, la précarité, l’emploi. Macron et les patrons ne céderont que si la grève part dans quelques secteurs et menace de s’étendre à toutes les entreprises.

    Contrairement à l’intersyndicale interprofessionnelle, plusieurs fédérations syndicales, à la SNCF, dans l’énergie, la chimie, les ports et docks, appellent d’ores et déjà à une grève reconductible à partir du 7 mars. Sans s’arrêter aux petits calculs des divers chefs syndicaux, tous les travailleurs conscients, dans tous les secteurs, doivent s’appuyer sur le succès prévisible de la journée du 7 mars pour convaincre leurs collègues de travail qu’il est nécessaire d’engager le combat. Il devra être placé sous le contrôle des travailleurs eux-mêmes et devra s’élargir à l’ensemble de leurs revendications, à commencer par les #salaires. Il sera difficile car les capitalistes, qui s’affrontent dans une guerre économique acharnée, ne lâcheront rien facilement. Mais, s’ils la déploient sans réserve, la force collective des travailleurs est immense.

    #capitalisme #lutte_de_classe #mouvement_social #mobilisation_sociale #grève_illimitée #réforme_des_retraites #inflation #dividende #super-profits

  • Ukraine-Russie : à bas la guerre de Biden-Macron, à bas celle de Poutine ! (LO, 22 février 2023)

    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/02/22/ukraine-russie-bas-la-guerre-de-biden-macron-bas-celle-de-po

    L’ONU se prépare à adopter un Appel à sortir du conflit en Ukraine. Ce sera au mieux un vœu hypocrite, telles ces centaines de résolutions de l’ONU visant la politique d’Israël contre les Palestiniens.

    Le président américain, lui, ne se paie pas de mots. De passage à Kiev le 20 février, Biden a donné 500 millions de dollars d’aide militaire supplémentaire à Zelensky, ajoutant que l’heure n’était pas à négocier avec Poutine.

    Représentant de l’État le plus puissant de la planète, il a manifesté ainsi son « soutien indéfectible » à l’Ukraine. En fait, il aide à poursuivre la guerre dans laquelle le peuple ukrainien a été jeté, victime de la politique de poussée vers l’Est de l’OTAN.

    C’est Poutine qui a décidé, le 24 février 2022, de lancer ses chars et ses missiles sur l’Ukraine. Mais en voulant attirer l’Ukraine dans l’OTAN comme, avant elle, les ex-­Démocraties populaires et trois ex-républiques soviétiques, les puissances occidentales forçaient Poutine à choisir. Soit il laissait l’OTAN installer ses missiles à portée de Moscou, soit il réagissait. Ce qu’il a fait avec tout le mépris pour les peuples dont ce chef d’un régime réactionnaire, policier et antiouvrier est capable.

    La barbarie des combats dans les tranchées, des villes rasées, des centaines de milliers de victimes militaires et civiles, est devenue le quotidien de ce bout d’Europe. Elle n’a d’égale que celle dont les puissances occidentales ont fait preuve de l’Afghanistan à l’Irak, du Vietnam aux ex-colonies françaises d’Afrique, et sous tant d’autres cieux depuis longtemps. Sans oublier deux guerres mondiales, dans lesquelles les tenants du monde capitaliste en crise ont précipité l’humanité au 20e siècle.

    Il faut d’autant plus le rappeler que les Biden et autres dirigeants mondiaux répètent que la guerre en Ukraine va durer, qu’il faut se préparer à des affrontements plus vastes, de « haute intensité », dont la Chine serait la cible désignée.

    Les dirigeants américains exigent de la Chine qu’elle s’engage à ne pas livrer d’armes à la Russie, alors qu’eux mêmes en fournissent toujours plus au régime ukrainien. Ce faisant, les États de cette formidable alliance militaire qu’est l’OTAN espèrent que la Russie n’arrivera pas à les suivre dans cette escalade, que son économie s’y épuisera. Le 21 février, Poutine ne les a sans doute pas impressionnés avec son discours à la nation, se félicitant que l’#économie_russe ait tenu malgré les sanctions occidentales. Et d’ajouter qu’il « est impossible de vaincre la Russie sur le champ de bataille ».

    Tel #Biden lui répondant le même jour de Varsovie : « L’#Ukraine ne sera jamais une victoire pour la Russie », les dirigeants occidentaux tiennent à afficher leur volonté de défaire la Russie. Ils le font pour des raisons où l’Ukraine compte peu : il s’agit de montrer au monde ce qu’il en coûte à un État de ne pas se plier à leur politique, de contester cet ordre mondial qu’ils ne conçoivent qu’au service des nations capitalistes les plus riches. Ils se servent aussi de la situation créée en Ukraine pour obtenir des autres pays qu’ils fassent bloc avec l’#OTAN. Il leur faut suivre les États-Unis, même quand cela lèse les intérêts économiques ou diplomatiques de certains. Depuis un an que la guerre fait rage, elle a bien plus profité à l’État américain et à ses grands groupes qu’à ceux de leurs alliés européens tels l’Allemagne ou la France.

    Avec cette politique de bloc, le camp occidental veut mettre le monde en ordre de bataille en vue d’un affrontement majeur, dont la guerre en Ukraine ne serait qu’un prologue.

    Cette conflagration mondiale à venir, les États impérialistes la préparent de bien des façons : en voulant convaincre leurs opinions publiques de la légitimité de l’escalade guerrière, de la nécessité d’augmenter partout les budgets militaires, de celle aussi qu’il y aurait à faire passer les économies nationales en « économies de guerre ». Cette formule, qui revient souvent dans la bouche des Biden, Macron, Scholtz, la récente conférence des ministres de la Défense de l’OTAN en a fait son mot d’ordre. Et pour cause : la militarisation de l’économie répond à un double objectif.

    Dans un monde capitaliste dont la crise va s’aggravant, comme à chaque fois en pareil cas, les bourgeoisies et leur personnel politique trouvent dans la relance des industries de guerre un moteur de secours pour doper la production des profits. En effet les commandes militaires ne subissent pas la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs populaires. C’est le budget des États qui alimente la machine, même si, au final, régler la note échoit aux classes populaires.

    Cette #militarisation de l’économie et celle des esprits, dont se chargent les médias et les États, ne vont, ne peuvent aller que dans un sens : celui d’un affrontement gigantesque auquel la mise au pas de toute la société fournira les moyens techniques et humains.

    La guerre en Ukraine est celle des grands groupes capitalistes mondiaux, celle aussi des bureaucrates et oligarques de #Poutine, mais également d’autres bureaucrates et oligarques, ukrainiens eux, qui lorgnent avec #Zelensky du côté de l’Occident. Mais elle n’est pas celle des prolétaires ukrainiens, ni de leurs frères de Russie, ni des travailleurs d’Europe, d’Amérique et d’ailleurs.

    Il manque aujourd’hui au prolétariat la conscience de classe nécessaire pour tenter d’enrayer cette marche à la catastrophe, pour transformer cette guerre généralisée que les exploiteurs préparent en une guerre sociale, pour l’émancipation des travailleurs et de l’humanité. C’est ce qu’avaient entrepris les ouvriers russes, ukrainiens et autres avec la révolution d’Octobre, lors de la Première Guerre mondiale. Aussi lointaine que semble cette perspective, elle est la seule qui sera capable de sauver l’humanité d’une catastrophe, dont la #guerre_en_Ukraine ne donne encore qu’un aperçu.

    #impérialisme

  • Cet article est l’éditorial du mensuel La Voix des Travailleurs édité par l’#OTR (#Organisation_des_travailleurs_révolutionnaires) d’Haïti.

    Haïti : les classes possédantes ont failli, le pouvoir aux classes exploitées !
    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/02/08/haiti-les-classes-possedantes-ont-failli-le-pouvoir-aux-clas

    L’économie d’#Haïti est en train de s’effondrer. L’#inflation annuelle approche les 50 % ! Un niveau jamais atteint jusque-là. Les prix des biens et des services explosent. En moins d’une année, deux hausses spectaculaires des produits pétroliers. La gourde a perdu 52 % de sa valeur sur un an ! Le pouvoir d’achat se réduit comme peau de chagrin. Les classes possédantes et leurs valets au pouvoir livrent une sale guerre aux classes exploitées pour leur faire payer la crise.

    La presse bourgeoise parle d’insécurité alimentaire pour 5 millions de personnes qui crèvent de faim. Des chiffres très en dessous de la réalité, car c’est l’écrasante majorité de la population qui est brutalement poussée dans la misère abjecte. La terreur des gangs vient aggraver les conditions déjà précaires des classes laborieuses.

    Les gens veulent s’échapper de cet enfer par tous les moyens. Des voiliers surchargés prennent la mer, au mépris des risques inhérents à de telles traversées. Des naufrages entraînant des morts et des disparus sont régulièrement rapportés par la presse. La petite bourgeoisie, qui n’a jamais caché son mépris à l’endroit des classes pauvres, comme le personnel de maison, s’est appauvrie elle-même. L’écrasante majorité de ceux qui disposaient d’un visa se sont envolés vers d’autres cieux, pour se retrouver à travailler au noir dans des emplois précaires réservés aux immigrés, aux illégaux, bref, aux pauvres.

    Le nombre de #chômeurs a également explosé avec la fermeture de nombreuses entreprises, petites et moyennes, dont les reins ne sont pas assez solides pour faire face à la crise. À Caracol, l’entreprise S & H Global, principale pourvoyeuse d’emplois au Parc, vient d’annoncer le licenciement de 3 500 employés. Les « #factories », qui fonctionnent, imposent des cadences et des conditions de travail de plus en plus dures, sans compter les suspensions intempestives.

    L’agonie que vit actuellement la population laborieuse, l’état de délabrement du pays, la catastrophe humanitaire qui s’avance à grands pas : c’est le bilan des classes au pouvoir. Depuis l’indépendance, la tête de l’État a vu se succéder une variété de dictateurs ou de démocrates, militaires, prêtres, agronomes, avocats, ingénieurs et même musicien, souvent bardés de diplômes. À la tête des entreprises, des familles capitalistes, comme les Mevs, Brandt, Biggio, Paid, etc., se transmettent de père en fils la gestion du butin tiré de l’#exploitation des classes laborieuses. Les dirigeants économiques et politiques ont irrémédiablement failli. Il revient aux classes pauvres, exploitées depuis toujours, de se donner l’énergie et la volonté politique nécessaires en vue de chasser leurs oppresseurs et offrir une autre perspective au pays.

    La Voix des Travailleurs

    Traduction en anglais par nos camarades de Spark aux États-Unis

    https://the-spark.net/np_1171601.html

    The following is the editorial of the monthly Workers’ Voice (La Voix des Travailleurs)published by the Organization of Revolutionary Workers in Haiti.

    Haiti’s economy is collapsing. Prices of goods and services explode. Annual inflation nears 50%, a peak never reached before. In under a year we had two huge increases in gas prices. The gourd (Haiti’s currency) lost more than half its value over the year! Purchasing power is dwindling. The owning classes and their lackeys in the government wage a dirty war on the exploited classes to make them pay for the crisis.

    The bourgeois press talks about food insecurity for five million starving people. But these numbers are far below the reality. The overwhelming majority of the population is brutally pushed into abject poverty. Gang terror makes the already precarious conditions of working people all the harder.

    People escape from this hell by any means. Overloaded sailboats take to the sea, defying the inherent risks. The press regularly reports on shipwrecks with deaths and disappearances. For all its contempt for the poorer classes like domestic workers, now the petty bourgeoisie has also become poor. The overwhelming majority of those with visas flew overseas and work there on the black market in precarious jobs reserved for illegal immigrants—for the poor.

    The number of unemployed also exploded as many small and medium size businesses not tough enough to face the crisis simply closed. In the Caracol industrial park, principal employer S & H Global just announced it will lay off 3,500 workers. The job sites still open impose increasingly harsh piecework and working conditions, not to mention ill-timed furloughs.

    The agony of the #working_population, the sorry state of the country, the humanitarian catastrophe that is fast approaching: that’s what the ruling classes in power have brought us. Since independence, the head of government has been a succession of dictators and democrats, soldiers, priests, agronomists, lawyers, engineers and even a musician, often loaded with diplomas. Capitalist families like Mevs, Brandt, Biggio, and Paid, pass management of their companies, and the spoils derived from exploiting workers, from father to son.

    Economic and political leaders have definitively failed. It is up to the poor classes, who have been exploited non-stop, to energize themselves to drive out their oppressors and give the country another perspective.

    #calsse_ouvrière #révolution_sociale #crise_économique #crise_sociale #capitalisme

  • "Le monde se dirige vers le minuit de “l’Horloge de l’#apocalypse"

    [...] C’est en ces termes que la publication officielle des #Nations_unies résume les propos de son secrétaire général devant l’assemblée du 6 février. Au-delà des représentants à l’ONU des divers États auxquels il s’adressait, Antonio Guterres propose donc aux dirigeants politiques et à ceux des grandes entreprises de taille mondiale de « se réveiller ». Il voudrait qu’ils passent d’une politique de l’instant, dictée par la recherche des profits immédiats, à une politique raisonnable, c’est-à-dire tenant compte de l’intérêt général. Faute de quoi le genre humain irait à l’apocalypse, rien de moins.

    Il n’y a évidemment aucun espoir qu’ils le fassent, et #Guterres est plutôt bien placé pour le savoir. L’#ONU a en effet été le témoin muet voire l’acteur de bien des exactions impérialistes depuis 1945, de la guerre en Corée à la première guerre du Golfe, à la reconnaissance de fait de toutes les dictatures, du soutien indéfectible à la politique américaine à la bénédiction quotidienne de la libre entreprise, des trusts et des milliardaires. Guterres le sait évidemment et il sait trop bien où cette situation peut mener.

    Il est frappant que ­#Guterres, un des dirigeant du monde capitaliste, ne peut imaginer autre chose pour celui-ci qu’une vision apocalyptique. Il faut souhaiter que les symptômes qu’il décrit, et que chacun constate en effet, soient plutôt les prémisses de convulsions révolutionnaires et annoncent non pas la fin de l’humanité mais, plus joyeusement, celle du système capitaliste.

    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/02/15/onu-lapocalypse-selon-guterres_504987.html

    #capitalisme #guerre #guerre_en_Ukraine #impérialisme #catastrophe_climatique #menaces_nucléaires #António_Guterres

  • Nombre de travailleurs mobilisés contre l’attaque sur les retraites se demandent comment faire reculer le gouvernement.

    Dans de nombreuses villes moyennes et petites le nombre de manifestants a été particulièrement élevé. Pour beaucoup de travailleurs, cela a été la confirmation qu’ils vivaient tous la même chose, qu’ils avaient la même colère. Les caissières de supermarché, les manutentionnaires, les ouvriers de l’automobile, les aides-soignants, les conducteurs de bus ont défilé côte à côte. Et cette conscience retrouvée de former un seul camp et de se sentir forts a été primordiale.

    Est-ce suffisant pour l’emporter ? Bien des travailleurs sentent qu’il faudrait un rapport de force bien plus favorable pour gagner contre le patronat et le gouvernement. Ces journées d’action sont un tremplin utile pour que le monde du travail retrouve confiance en lui. Mais beaucoup sentent aussi que l’enjeu du mouvement ne se résume pas aux seules retraites.

    L’allongement de la durée du travail n’est qu’une des multiples attaques du gouvernement et du patronat qui diminuent les salaires, écrasent les travailleurs de toutes les façons possibles afin d’obtenir encore plus de profits. Ils sont d’autant plus violents et déterminés dans leurs attaques que leur système économique est en faillite et que les capitalistes sont de plus en plus soumis à la pression de la concurrence. Pour les faire reculer, il faudra que les travailleurs s’attaquent au nerf du patronat, c’est-à-dire à ses profits, ou lui fassent suffisamment craindre pour ceux-ci. C’est pourquoi il faudra une grève massive et déterminée pour le contraindre à reculer .

    Les centrales syndicales annoncent une « mise à l’arrêt du pays » le 7 mars, et certains parlent d’un durcissement du mouvement. Certains syndicats appellent à la grève reconductible à partir de cette date. C’est effectivement dans ce sens qu’il faut aller. Mais ce qui pourrait surtout faire peur au gouvernement et au patronat serait que ces grèves soient décidées par en bas, qu’elles s’étendent comme une traînée de poudre et qu’elles débordent le cadre fixé par les directions syndicales .

    Il faut que des assemblées générales, réunissant le maximum de salariés, discutent de la suite du mouvement et du recours à la grève. Il faut qu’elles discutent de tout, des revendications bien sûr mais aussi et surtout de la manière de mener le mouvement .

    Se réunir partout, discuter des moyens de poursuivre et d’étendre le mouvement, c’est la voie pour faire renaître dans le monde du travail une force qui peut devenir invincible.

    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/02/15/le-mouvement-doit-se-developper-et-se-renforcer_504950.html

  • 13 février 1945 : destruction de Dresde : la terreur contre le peuple allemand

    https://journal.lutte-ouvriere.org/2015/02/11/il-y-70-ans-le-13-fevrier-1945-la-destruction-de-dresde-la-t

    Un terrible coup contre les opposants au nazisme :

    [...] En réalité, la campagne de bombardements systématiques porta un terrible coup aux résistants allemands, qui attendaient depuis des années le moment où ils pourraient agir efficacement contre la dictature. L’État nazi était en train de s’effondrer, le chaos généralisé pouvait offrir la possibilité aux classes laborieuses de s’organiser, d’intervenir, de renverser le pouvoir comme elles l’avaient fait en 1918. Et c’est bien cette éventualité que les Alliés craignaient, et la raison pour laquelle ils écrasèrent la population sous les bombes. Il fallait ne lui laisser aucun espoir : les armées alliées ne viendraient pas libérer le peuple allemand du dictateur, mais le traiteraient tout entier en ennemi qu’on vient de vaincre. Tuer, terroriser, démoraliser, disperser la population était une mise en condition pour lui faire accepter son sort et l’occupation à venir.

    #impérialisme #barbarie #bombardements #Dresde #deuxième_guerre_mondiale #nazisme

    • Autant que je trouve plausible l’hypothèse d’Alice Morgen j’aimerais voir les sources à la base de son affirmation que les alliés de l’Ouest auraient visé la population allemande afin d’empêcher une résistance antinazie de se former. Est qu’il y a des documents qui témoignent de cette stratégie ?

      Pour moi les bombardements de cibles civiles et les centaines de milliers de victimes allemandes pendant des derniers mois de la guerre entrent dans la même catégorie comme les victimes des bombes atomiques utilisées contre la population du Japon. Les généraux US visaient surtout leurs alliés soviétiques qu’ils comptaient dominer dans l’après guerre. Plus le nombre de victimes fut élevé mieux c’était pour impressionner l’allié et futur ennemi oriental.

      Autrement les généraux britanniques et américains furent aussi dépourvus de scrupules comme leurs homologues allemands qui inventèrent la guerre aérienne par bombardement en 14-18.

      L’écrivain étatsunien Kurt Vonnegut a survecu le bombardement de Dresde comme prisonnier der guerre. Il raconte son expérience dans son roman Slaughterhouse-Five. So it goes.

      https://en.wikipedia.org/wiki/Kurt_Vonnegut#World_War_II

      On May 14, 1944, Vonnegut returned home on leave for Mother’s Day weekend to discover that his mother had committed suicide the previous night by overdosing on sleeping pills. Possible factors that contributed to Edith Vonnegut’s suicide include the family’s loss of wealth and status, Vonnegut’s forthcoming deployment overseas, and her own lack of success as a writer. She was inebriated at the time and under the influence of prescription drugs.

      Three months after his mother’s suicide, Vonnegut was sent to Europe as an intelligence scout with the 106th Infantry Division. In December 1944, he fought in the Battle of the Bulge, the final German offensive of the war. During the battle, the 106th Infantry Division, which had only recently reached the front and was assigned to a “quiet” sector due to its inexperience, was overrun by advancing Geman armored forces. Over 500 members of the division were killed, and over 6,000 were captured.

      On December 22, Vonnegut was captured with about 50 other American soldiers. Vonnegut was taken by boxcar to a prison camp south of Dresden, in the German province of Saxony. During the journey, the Royal Air Force mistakenly attacked the trains carrying Vonnegut and his fellow prisoners of war, killing about 150 of them. Vonnegut was sent to Dresden, the “first fancy city [he had] ever seen”. He lived in a slaughterhouse when he got to the city, and worked in a factory that made malt syrup for pregnant women. Vonnegut recalled the sirens going off whenever another city was bombed. The Germans did not expect Dresden to be bombed, Vonnegut said. “There were very few air-raid shelters in town and no war industries, just cigarette factories, hospitals, clarinet factories.”
      Dresden in 1945. More than 90% of the city’s center was destroyed.

      On February 13, 1945, Dresden became the target of Allied forces. In the hours and days that followed, the Allies engaged in a firebombing of the city. The offensive subsided on February 15, with about 25,000 civilians killed in the bombing. Vonnegut marveled at the level of both the destruction in Dresden and the secrecy that attended it. He had survived by taking refuge in a meat locker three stories underground. “It was cool there, with cadavers hanging all around”, Vonnegut said. “When we came up the city was gone ... They burnt the whole damn town down.” Vonnegut and other American prisoners were put to work immediately after the bombing, excavating bodies from the rubble. He described the activity as a “terribly elaborate Easter-egg hunt”.

      The American POWs were evacuated on foot to the border of Saxony and Czechoslovakia after US General George S. Patton captured Leipzig. With the captives abandoned by their guards, Vonnegut reached a prisoner-of-war repatriation camp in Le Havre, France, before the end of May 1945, with the aid of the Soviets.

    • Oui, au nombre des motivations probables des puissances occidentales : impressionner l’alliée et futur ennemi occidental.

      Même calcul avant de carboniser le Japon : les dirigeants américains prétendaient vouloir hâter sa capitulation, alors que, au moment de lâcher leurs bombes atomiques, celle-ci était déjà inéluctable et proche. Il ne pouvait s’agir que d’autre chose...

      L’expérience et l’analyse de classe nous portent à croire que, outre la démonstration de puissance – en particulier en direction de l’Union soviétique –, il y avait aussi l’objectif de terroriser les populations pour éviter toute vague de révoltes.
      Souvenirs des lendemains de la Première guerre obligent...

      Pas de documents, mais je vais chercher.

    • Oui, Sétif est un bon exemple. Mais il en est bien d’autres qui prouvent que, en 1945, la crainte des crises, des convulsions, des affrontements sociaux et politiques qu’avait pu connaître l’Europe en 1917, 1918 ou 1919 n’était pas une vue de l’esprit.

      C’est vrai qu’en 1944 et 1945, les Alliés voulaient mettre fin à la guerre. Mais ils voulaient aussi maintenir la politique de domination militaire de l’impérialisme dans le monde. Et pour cela, il leur fallait démontrer, et le plus clairement possible, que l’impérialisme serait prêt à tout, y compris l’effroyable, et qu’il en avait les moyens.

      C’est à cela qu’il faut attribuer la précipitation des Alliés (des américains en particulier) à cramer Dresde et à utiliser la bombe atomique avant que le Japon exsangue ne se rende.

      Mais même cela – frapper de terreur tous les peuples qui auraient pu vouloir s’opposer aux grandes puissances – n’a pas empêché la révolte. Dès 1946, nombre de peuples coloniaux entrèrent en révolte contre les puissances colonisatrices et réclamèrent leur indépendance (Indonésie, etc.). Résultat : une vague de fond jusqu’à l’indépendance, en vingt ans, de la quasi-totalité des territoires coloniaux ou semi-coloniaux. Sans parler de la Chine, qui voit le PC chinois s’emparer du pouvoir en 1949.

      Et cette peur de la révolution n’est donc pas absente lors des grandes décisions prises à Yalta. D’autant qu’au même moment, 2 pays en Europe – l’Italie et la Grèce – connaissent une situation bien chaude susceptible de donner quelques sueurs froides aux dirigeants de l’impérialisme …

      Anecdote : Trotsky raconte comment, en 1939, Paris-Soir rapportait le curieux dialogue entre l’ambassadeur français en Allemagne et Hitler. A propos de la signature du pacte germanosoviétique, l’ambassadeur faisait remarquer : « Staline a joué un gigantesque doublejeu. En cas de guerre, le vainqueur réel sera Trotsky. Y avez-vous pensé ? ». « Je le sais », répondit le Führer. Par « Trotsky », aussi bien Hitler que le représentant de la France, désignaient la révolution prolétarienne. De là à dire qu’en 1943, 1944, 1945, ces mêmes considérations pouvaient encore agiter Staline, Churchill et Roosevelt n’est sans doute pas absurde.

      Du reste, en quoi a consisté Yalta si ce n’est de réaliser une Sainte-Alliance des gouvernements contre les peuples ? Et pas seulement contre ceux du Japon ou de l’Allemagne. Une Sainte-Alliance pour maintenir l’ordre dans tous les pays « libérés ». Quitte à faire des concessions à Staline s’ils avaient son engagement de les aider à rester maîtres de la situation en Europe de l’Ouest et dans le reste du monde… et à y pouvoir maintenir leur capacité à imposer à la population la continuation des sacrifices.

      À ce propos, l’attitude des PC européens (notamment du PCF) se précipitant à la rescousse de leur bourgeoisie respective pour reconstruire leurs États — empêchant toute grève en intimidant violemment la classe ouvrière — ne s’explique pas autrement…

    • Lu ce matin :

      Ébranlé après la déroute des premiers mois, le pouvoir de #Staline sortit finalement consolidé de la ­Deuxième Guerre mondiale. Aux côtés de Churchill et Roosevelt, les dirigeants de la Grande-Bretagne et des États-Unis, il participa au nouveau partage du monde et au contrôle des régions libérées et des pays vaincus, prêtant main-forte aux puissances impérialistes pour écraser toute tentative révolutionnaire qui aurait pu survenir au sortir de la guerre, à l’instar de ce qui s’était produit après 1918. Tout autant que les dirigeants impérialistes, Staline craignait une telle issue qui, en renouant avec les idées de la révolution d’Octobre, aurait été fatale à son pouvoir et à celui de la #bureaucratie.

      La victoire de #Stalingrad apporta à l’URSS un prestige dont, pour quelques années, les partis communistes staliniens profitèrent. Mais la classe ouvrière, en particulier dans les pays d’Europe de l’Est « libérés », ne tarda pas à s’apercevoir que les nouveaux gouvernements mis en place étaient, tout comme à l’Ouest, profondément antiouvriers.

      #impérialisme

      https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/02/15/fevrier-1943-la-victoire-de-lurss-stalingrad_504971.html

  • Les Vingt-Sept prêts à renforcer la chasse aux #migrants. Ils ont appelé au renforcement « immédiat » des mesures.

    La plupart des pays d’#Europe orientale, mais aussi l’#Autriche ou le #Danemark, demandent que les fonds européens puissent financer le déploiement de ces barrières physiques. On en compte déjà sur plus 2.000 km aux #frontières de l’#UE.

    Une grande victoire pour les héritiers du fascisme :

    Le compromis trouvé par les Vingt-Sept convient aussi à l’#Italie. « Je suis très contente des résultats obtenus », a assuré #Giorgia_Meloni, évoquant « une grande victoire pour l’Italie ».

    (Les Échos)

    #immigration #immigration_illégale #flux_migratoires #espace_Schengen #réglementation #stigmatisation

    • Europe : entente contre les migrants

      Tous les chefs d’État de l’Union européenne se sont entendus, au cours du sommet du vendredi 10 février, pour renforcer la #lutte_contre_l’immigration.

      De nouvelles #clôtures aux frontières de l’UE et entre pays de l’UE vont être construites et financées par l’Europe.

      2 000 km de #murs ou de #barbelés sont déjà en place dans douze pays de l’Union, comme en Espagne, à la frontière avec le Maroc, en Bulgarie, pour bloquer les migrants venant de Turquie, et même en France, à Calais, pour les empêcher de rejoindre l’Angleterre. La barrière la plus longue fait 500 km. Elle est située entre la Lituanie et la Biélorussie.

      Officiellement, la France et l’Allemagne sont opposées au financement des murs et des clôtures par l’UE. C’est pourquoi la déclaration finale ne les mentionne pas. Mais elle parle de restreindre les visas ou de faire pression sur les pays d’où sont originaires les migrants, au travers de l’aide au développement par exemple, pour qu’ils bloquent leurs ressortissants. Et puis, si les murs ne seront pas financés, les « clôtures mobiles », les tours de guet et les véhicules de surveillance, le seront ! Ce n’est qu’une question de sémantique. De la part des dirigeants européens, c’est surtout une posture hypocrite. Car c’est la domination des grandes puissances aux quatre coins du monde qui est responsable de bien des guerres et de la misère qui poussent des femmes et des hommes à tout quitter pour espérer vivre mieux dans un pays « riche ».

      Cette déclaration de l’Union européenne qui appelle au renforcement immédiat des mesures contre les migrants montre quel avenir se profile. L’Europe d’aujourd’hui fait de plus en plus penser à celle des années 1930 où les prétendues démocraties, comme la France, côtoyaient les dictatures fascistes comme celles de Hitler et de Mussolini et s’entendaient avec elles pour faire des migrants de l’époque, souvent les Juifs, les parias du continent. Ceux qui fuyaient l’Allemagne ou l’Autriche devenues nazies ne trouvaient pas de refuge : ni en France ni aux États-Unis. Les visas n’étaient plus délivrés. Les quotas d’immigration, dérisoires, étaient dépassés. Beaucoup de migrants étaient renvoyés dans leur pays d’origine où ils risquaient la mort, tout comme c’est souvent le cas aujourd’hui.

      https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/02/15/europe-entente-contre-les-migrants_504988.html

      #barbarie

  • La #Dares, un organisme dépendant du ministère du Travail, constate que, entre octobre 2021 et août 2022, le #smic a augmenté de 5,6 %, un chiffre qui reste moins élevé que la #hausse_des_prix, en particulier celle des #produits_alimentaires.

    Le #salaire_minimum est donc toujours plus éloigné du minimum nécessaire pour vivre. Mais l’ensemble des salaires a évolué à un rythme encore inférieur. D’après le ministère, les #salaires de base (la première ligne du bulletin de paie) dans les entreprises de plus de dix salariés auraient augmenté de 4,5 % chez les #ouvriers et #employés et de 2,8 % chez les professions dites intermédiaires.

    Ces chiffres issus des déclarations des entreprises paraissent bien optimistes, mais même eux confirment que le #pouvoir_d’achat recule.

    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/02/08/pouvoir-dachat-officiellement-en-recul_494147.html

    #inflation #niveau_de_vie

  • Il y a un siècle : 1923, l’occupation de la Ruhr

    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/02/08/1923-loccupation-de-la-ruhr_494161.html

    Le 7 janvier 1923, des troupes françaises et belges franchissaient la frontière allemande, avant d’occuper la #Ruhr pendant plus de deux ans. Les dirigeants de l’#impérialisme français, sorti victorieux de la #Première_Guerre_mondiale, voulaient « faire payer l’#Allemagne »… et sa population.

    Le gouvernement du conservateur #Raymond_Poincaré voulait obtenir ainsi le paiement des réparations financières imposées à l’Allemagne par le traité de Versailles, qui avait sanctionné la fin du conflit mondial entre les principales puissances pour un repartage des colonies et des #zones_d’influence.

    L’impérialisme français nourrissait aussi le projet d’affaiblir durablement son concurrent allemand, « en séparant de la Prusse les Pays rhénans pour les placer sous un régime spécial du point de vue militaire », comme le dit le ministre Louis Loucheur. Il exprimait alors la volonté des capitalistes français de mettre la main sur les industries de Rhénanie. Mais l’esprit revanchard à courte vue des politiciens français et la rapacité de leur impérialisme allaient provoquer en Allemagne une crise sociale et politique remettant la révolution à l’ordre du jour.

    Effondrement économique et #crise_politique

    En 1918, la révolution ouvrière avait obligé l’empereur Guillaume II à abdiquer. Inspirés par l’exemple des soviets de Russie, les travailleurs constituèrent alors des conseils ouvriers dans tout le pays. La bourgeoisie allemande ne dut son salut qu’au soutien que lui apporta le Parti social-démocrate qui, depuis 1914 et son ralliement à l’Union sacrée, avait abandonné toute perspective de renversement révolutionnaire du capitalisme. Pire, allié à l’état-major, il organisa l’écrasement de la révolution. En récompense pour son rôle de sauveur de l’ordre bourgeois, le principal dirigeant social-démocrate, Friedrich Ebert, put devenir le premier président de la République. Mais, l’Allemagne étant sortie exsangue de la guerre, la situation était loin d’être stabilisée.

    Les sanctions financières contribuaient à aggraver les conditions de vie de la population. Depuis 1920, les travailleurs allemands ne recevaient que 90 % de leurs salaires. Les 10 % restants et les impôts indirects servaient à payer les réparations. Le mark ne cessait de perdre de la valeur : à l’été 1922, le dollar, qui auparavant valait 200 marks en valait 10 000. Les salaires ne suivaient plus les prix : viande, beurre, café, sucre et lait disparaissaient des foyers ouvriers.

    En envoyant son armée occuper la Ruhr, le gouvernement français plongeait l’Allemagne dans une situation de chaos économique. Le dollar passa brutalement de 10 000 à 50 000 marks et l’inflation s’emballa. Le gouvernement et le grand patronat allemands organisèrent une « résistance passive », cherchant à y associer les ouvriers en les appelant à la « grève patriotique ». Si de grands patrons comme Fritz Thyssen junior ou Gustav Krupp furent emprisonnés, les travailleurs subirent la répression, l’armée française tirant à plusieurs reprises sur des manifestants qui protestaient contre la hausse des prix et allaient parfois jusqu’à piller des magasins pour se nourrir. Menacé d’une faillite financière, contesté par une vague de grèves, le Premier ministre allemand Cuno démissionna en août 1923.

    PC français et allemand contre l’occupation

    Les Partis communistes allemand et français s’étaient constitués en 1919 et 1920 en regroupant les militants qui voulaient suivre l’exemple de la révolution russe. Ils furent en première ligne pour organiser la lutte contre l’occupation de la Ruhr, défendant une politique internationaliste cherchant à lier les prolétariats des deux pays dans une lutte commune contre leurs dirigeants.

    Ce n’était pas facile dans un contexte où les gouvernements, de part et d’autre, attisaient le nationalisme. En Allemagne, l’#extrême_droite tentait d’accroître son influence en menant une politique terroriste, commettant des actes de sabotage et des attentats contre les soldats français. Le #KPD, le Parti communiste d’Allemagne, mit en avant le mot d’ordre : « Combattre Poincaré sur la Ruhr et Cuno sur la Spree » (la rivière traversant Berlin). C’est sur cette base politique que les communistes allemands organisèrent la protestation contre l’occupation de la Ruhr, appelant à des fraternisations entre travailleurs allemands et soldats français.

    En France, ceux qui dénonçaient l’occupation de la Ruhr étaient dénoncés comme des traîtres et arrêtés. Cachin et Treint, deux dirigeants du PC, et Montmousseau, le secrétaire général de la #CGTU, furent emprisonnés pour complot contre la sûreté de l’État. L’organisation des Jeunesses communistes fut particulièrement active pour dénoncer l’aventure militaire dans la Ruhr. Ses militants menaient une agitation révolutionnaire parmi les soldats.

    Les Partis communistes des deux pays organisèrent des conférences communes contre l’occupation. Le PC de France s’exprima ainsi dans une déclaration à Francfort : « Le prolétariat français condamne l’#occupation_de_la_Ruhr comme un crime contre la classe ouvrière de tous les pays. Les jours de 1914 sont revenus, mais il y a quelque chose de changé parmi nous. Nous n’attendons plus rien de la démocratie. Nous ne croyons plus à la patrie bourgeoise. Nous ne sommes plus dupes des phrases réformistes. Nous avons pris conscience de notre force révolutionnaire. Les travailleurs de France et d’Allemagne ne marcheront plus les uns contre les autres. Ils se tendront la main pour s’unir contre la bourgeoisie. »

    L’échec des ambitions françaises

    La crise ouverte par l’occupation de la Ruhr allait créer une #situation_révolutionnaire en octobre 1923, à la suite de laquelle les États-Unis, dont l’importance parmi les puissances s’affirmait, intervinrent avec Charles Dawes et son « plan des experts », signé à Paris le 16 août 1924, pour imposer un aménagement de la dette allemande. Les dirigeants américains étaient conscients de la nécessité de régler cette question pour écarter le risque révolutionnaire. Ils refusaient aussi le mariage du charbon allemand et du fer français susceptible de concurrencer leur production d’acier. Le gouvernement français finit par retirer ses troupes en 1925, sans avoir atteint aucun de ses objectifs.

    Les capitaux américains qui s’investirent massivement en Europe, et en particulier en Allemagne, contribuèrent alors à stabiliser la situation sociale et politique jusqu’à l’éclatement de la crise de 1929. La stalinisation des Partis communistes les empêcha de jouer alors un rôle révolutionnaire. Mais, en 1923, les deux Partis communistes avaient fait la démonstration de ce que pouvait être une politique internationaliste menée par des militants refusant d’être dressés les uns contre les autres par leurs gouvernements et affirmant ensemble leur volonté de lutter ensemble pour le renversement du #capitalisme .

    #PCF #crise_économique

  • Loi sur l’immigration : diviser dans l’intérêt du patronat

    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/02/08/loi-sur-limmigration-diviser-dans-linteret-du-patronat_49414

    Le projet de #loi_Immigration a été présenté en Conseil des ministres le 1er février. Depuis les années 1980, c’est le 29e texte législatif consacré au droit d’asile et à l’#immigration, le second de l’ère Macron.

    L’ objectif est toujours le même : faire diversion en cette période de crise et diviser les travailleurs, le tout sans léser le patronat à la recherche d’une main-d’œuvre sous-payée.

    Chaque loi a introduit un tour de vis supplémentaire contre les candidats à l’asile. Le dernier projet « rogne un petit peu plus le droit de l’asile, le droit à une vie familiale normale, les droits de l’enfant et le droit à un procès équitable », selon le président d’#Amnesty_International_France. La loi supprime la ­possibilité de déposer un recours lors du rejet de la demande d’asile ; et l’ordre de quitter le territoire, qui fera l’objet d’une inscription sur un fichier, sera délivré plus rapidement.

    Le caractère expéditif des décisions risque d’être renforcé par le recours à un juge unique, alors que jusqu’à présent la Cour nationale du #droit_d’asile statuait de façon collégiale. « Là, ça va confiner à l’abattage. On veut juger plus vite, pour débouter plus vite, pour expulser plus vite », a commenté la présidente de l’association des avocats du droit d’asile Elena.

    Cette fermeté revendiquée se double d’une volonté de garantir aux secteurs prétendus sous tension, comme l’hôtellerie ou le bâtiment, une main-d’œuvre d’origine étrangère, en délivrant des cartes de séjour au compte-gouttes et renouvelables tous les ans. Aucun démagogue anti-immigrés ne songe à priver le patronat de sa chair à exploiter à bas coût. Ainsi, en plus de s’inscrire dans l’objectif de diviser les travailleurs français et immigrés, cette nouvelle loi introduit une division entre immigrés, dont les patrons seront les seuls gagnants, car le chantage aux papiers, qui existe déjà de fait mais qui entrera dans la loi, permettra de faire pression sur les #salaires et les #conditions_de_travail.

    Contre toutes les divisions, entre travailleurs français et #immigrés, entre #travailleurs_immigrés, la ­liberté de circulation et d’installation doit être rappelée comme un #droit_humain élémentaire, mais aussi comme un moyen de défense de la classe ouvrière qui, par-­delà les différences de nationalités, doit être unie face au patronat et au gouvernement à son service.

    #exploitation #capitalisme #main_d’oeuvre

  • Des centaines d’agriculteurs en tracteur manifestent à Paris après la décision du gouvernement de renoncer à autoriser les insecticides néonicotinoïdes pour la culture de la betterave sucrière.

    https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/02/08/interdiction-des-neonicotinoides-des-agriculteurs-manifestent-a-paris-contre

    A l’arrière de son tracteur, une pancarte « Macron menteur, oui aux NNI [néonicotinoïdes], oui au sucre français ».

    Miam le bon sucre !

    #néonicotinoïdes

    • Apparemment certains producteurs venaient juste de renouveler un contrat de 5 ans avec engagement de production.
      Il faut dire que le gouvernement comptait bien continuer à les autoriser à utiliser les néonicotinoïdes, avec une consultation publique en ce sens.

      « Je n’ai pas vu venir l’interdiction et si j’avais su, j’aurais révisé à la baisse mon contrat avec Tereos [ce groupe coopératif sucrier possède 44 sites industriels dont plus d’une dizaine dans les Hauts-de-France, et rassemble 12 000 associés coopérateurs pour un chiffre d’affaires de 5,1 milliards d’euros en 2021-2022]. Ces contrats, qui portent sur cinq ans, devaient être renouvelés avant le 31 décembre 2022 et l’interdiction par le gouvernement des néonicotinoïdes est tombée le 23 janvier. Je ne sais pas ce que je vais faire. En 2022, alors que leur usage était autorisé, par dérogation, j’ai pu faire 97 tonnes l’hectare. En 2020, quand ils étaient interdits, j’ai eu une perte de 10 % à 20 % », raconte l’agriculteur.

      https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/02/08/apres-l-interdiction-des-neonicotinoides-les-cultivateurs-de-betteraves-du-p

      Avant 2017 et depuis 1968, les producteurs de betteraves à sucre européens bénéficiaient d’un temps socialement nécessaire plus long que leurs concurrents via des quotas et des prix garantis.

      Avec la réforme de la PAC, tout s’arrête, mais le syndicat unique de la filière, la CGB, était optimiste avec un plan de hausse de la production de 20% et même une hausse de la productivité à l’hectare, pour exporter plus.

      La fin des quotas sucriers ouvre un boulevard pour la France, premier producteur européen de sucre. (2017)

      https://www.usinenouvelle.com/article/vers-une-production-record-de-betteraves-et-de-sucre-en-france.N62457

      Le temps socialement nécessaire (sur le marché mondial) pour produire une tonne de betterave est maintenant ~ de 2h par tonne avec un salaire horaire au SMIC (22€/t), et était de 2 h 15 du temps des quotas. Il faut donc gagner 15 min par tonne de betteraves pour continuer à produire de la betterave, par tous les moyens !

      Normal que les néonicotinoïdes soient indispensables pour produire de la valeur avec des betteraves à sucre. Tous les arguments les plus fallacieux sont bons pour justifier a posteriori cette production de valeur absurde, alors que le sucre n’est même indispensable à l’alimentation humaine, et qu’il cause diabète et obésité à travers le monde.

      Le discours du syndicat des producteurs de la betteraves, et des députés RN qui sont venus les soutenir, est de tout faire pour produire une tonne de betterave en 2h.

      https://twitter.com/MarionMarechal/status/1623343547914113026?s=20&t=_ekX1Lhl1lNCqkZ_FB5R4Q

      #critiquedelavaleur

    • Néonicotinoïdes : les capitalistes du sucre à la manœuvre

      [...] Le prétexte invoqué était que les #néonicotinoïdes représentaient la seule solution pour protéger leurs cultures contre la jaunisse, une grave maladie de la betterave transmise par les pucerons, qui peut diminuer fortement les #rendements, comme ce fut le cas en 2020.

      Il existe en fait des alternatives aux néonicotinoïdes, comme l’utilisation d’autres #insecticides, moins efficaces mais moins dangereux, ou bien la pratique de techniques culturales différentes, mais elles ne garantissent pas d’obtenir des rendements maximums chaque année. C’est là que le bât blesse car, pour les producteurs de #betteraves_à_sucre, des rendements élevés chaque année permettent de compenser les bas prix auxquels ils vendent leur #production.

      En effet ces #agriculteurs sont complètement inféodés aux groupes de l’industrie du sucre, comme le groupe coopératif ­#Tereos – qui n’a de coopératif que le nom –, qui achète les betteraves à sucre à 12 000 agriculteurs adhérents en France, en assure la transformation en sucre, amidon ou éthanol, intervient dans le monde entier et vient de réaliser plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

      Depuis la fin de la réglementation du secteur sucrier en Europe, survenue en 2017, les tarifs proposés par les industriels aux producteurs ne sont plus garantis par les États. Les capitalistes peuvent ainsi mettre en concurrence les betteraviers européens avec les agriculteurs du reste du monde (Brésil, Inde…) et pousser les prix à la baisse. Si la production européenne de la betterave est actuellement en crise, c’est du fait de la rapacité des industriels sucriers, et ce n’est pas l’utilisation de tel ou tel insecticide qui résoudra le problème.

      Le gouvernement semble pour le moment ne pas vouloir revenir sur sa décision d’appliquer l’interdiction des #nicotinoïdes à la betterave à sucre. Mais il n’en a pas pour autant terminé avec sa politique d’aide aux #betteraviers, qui finit immanquablement par bénéficier aux capitalistes du secteur. Le lendemain de la manifestation, il a annoncé que toutes leurs pertes seront indemnisées si la jaunisse frappe en 2023, une réactivité immédiatement saluée par le groupe Tereos.

      https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/02/15/neonicotinoides-les-capitalistes-du-sucre-la-manoeuvre_50496

      #capitalisme #indemnisation

    • Une critique intéressante de la promesse de substitution aux pesticides.

      Y a-t-il une alternative aux pesticides ?
      Alexis Aulagnier, 2021

      https://laviedesidees.fr/Y-a-t-il-une-alternative-aux-pesticides.html

      Suite à l’annonce du lancement d’Ecophyto, le ministère de l’Agriculture charge l’INRA de la rédaction d’une étude, intitulée Ecophyto R&D, qui doit identifier des scénarios de réduction de l’usage des pesticides et des solutions concrètes pour atteindre un objectif de réduction de moitié.
      (...)
      Les signataires de l’étude sont catégoriques : une réduction de 50% de la consommation de pesticides ne pourra passer que par une transformation en profondeur des exploitations agricoles. La publication de cette étude installe un horizon systémique pour les politiques publiques de réduction de l’usage des pesticides.
      (...)
      Pour le petit groupe d’agronomes chargés de mettre en place une première version du réseau Dephy, il est clair que cet instrument sera un lieu d’expérimentation pour les approches systémiques de l’agronomie. Ils insistent sur la nécessité de conduire des expérimentations systémiques, c’est-à-dire d’engager autant que possible les exploitations dans une reconception de leur organisation.
      (...)
      Le réseau Dephy devient le lieu d’un affrontement entre deux conceptions très différentes de l’agronomie et des savoirs que cette discipline doit produire pour accompagner la réduction de l’usage des pesticides. D’un côté, les agronomes systèmes entendent former des conseillers très qualifiés pour en faire les intermédiaires de transformations systémiques. De l’autre côté, la direction scientifique de l’institut souhaite avant tout rassembler un grand nombre de données pour favoriser l’identification de méthodes ou pratiques économes standardisées, puis en favoriser la diffusion. Elle prend des distances avec la notion de système puisque sa priorité est de mettre à jour des méthodes dont l’efficacité puisse être estimée en dehors d’un contexte particulier.
      (...)
      Des représentants de ces deux approches cohabitent temporairement, mais les tensions deviennent telles que la direction scientifique de l’institut prend la décision à la fin de l’année 2010 d’écarter les défenseurs des approches systèmes, accusés de se montrer inflexibles.
      (...)
      Cette inflexion s’incarne particulièrement dans l’émergence d’un nouveau levier d’action pour le plan Ecophyto : la mise au point et la promotion de substituts aux pesticides.

      L’intenable promesse de la substitution

      Très rapidement, les résultats du plan Ecophyto apparaissent comme extrêmement décevants. Alors que c’est une réduction de moitié qui était ambitionnée, les indicateurs de consommation sont à la stagnation, voire à l’augmentation dès l’année 2010. Les pouvoirs publics cherchent alors de nouvelles directions pour le plan Ecophyto. C’est dans ce contexte que le ministère de l’Agriculture s’intéresse à une solution nouvelle pour le plan : le développement des solutions de biocontrôle.
      (...)
      Un rapport consacré à ces méthodes est commandé par François Fillon, alors Premier ministre, à un député de sa majorité. La publication de ce document, à la tonalité très optimiste, installe le développement de substituts aux pesticides comme une réponse aux difficultés du plan. Lors de l’arrivée au pouvoir de Stéphane Le Foll en 2012, l’enthousiasme autour de ces méthodes ne se dément pas, bien au contraire.
      (...)
      Le développement des méthodes de biocontrôle présente enfin l’avantage de s’opposer aux approches systémiques, régulièrement taxées d’irréalistes par les organisations professionnelles agricoles. Face à la perspective lointaine et ambitieuse d’une reconception des exploitations, la promesse de la mise à disposition de substituts directs aux pesticides permet aux services du ministère de se montrer volontaires et concrets. Les solutions de biocontrôle, initialement marginales dans le plan Ecophyto, deviennent un leitmotiv dans la communication gouvernementale et sont opposées aux critiques adressées à l’égard du plan.

      Malgré cet enthousiasme politique, la déferlante de solutions alternatives n’a pas lieu et la substitution en tant que registre d’action n’éclipse pas la nécessité d’une réflexion sur le fonctionnement des exploitations. Les promoteurs mêmes du biocontrôle ne présentent pas ces solutions comme de stricts substituts. Une société savante, l’Académie du biocontrôle, est créée par des acteurs gravitant autour de l’IBMA. Elle rassemble des experts de ces méthodes issus de différents secteurs et propose notamment des formations à l’usage des méthodes de biocontrôle. Ses formateurs insistent sur l’incapacité des méthodes de biocontrôle à être utilisés comme des pesticides de synthèse et raccrochent ces solutions à la nécessité d’une réflexion de fond autour de la protection des plantes.

      Conclusion

      (...)
      la promesse de substitution est porteuse de forts effets de cadrage. Si ce levier d’action est privilégié par les pouvoirs publics, c’est parce qu’il permet de délaisser ou retarder des transformations plus profondes à la fois des exploitations et du modèle de développement agricole. Il produit en ce sens un effet dépolitisant. Les promesses de substitution sont nombreuses dans le champ de l’écologie : développement des énergies renouvelables, remplacement des voitures à moteur thermique par des véhicules électriques, etc.
      (...)
      De nombreux travaux en sciences sociales s’intéressent aux rapports d’affinité qui peuvent exister entre certaines connaissances et l’exercice de l’action publique. Les récents travaux sur l’enthousiasme politique autour du nudge sont à cet égard significatifs (Bergeron et al., 2018). Ils montrent comment des savoirs et méthodes venus des neurosciences sont aisément mobilisés dans l’action publique, en ce qu’ils sont porteurs d’une vision individualisante de problèmes publics. Mobiliser ces connaissances et les incarner dans des instruments permet d’éviter de s’attaquer à la racine collective de problèmes aussi divers que la malnutrition ou le réchauffement climatique. Un phénomène similaire de sélection de savoirs a eu lieu dans le cadre du plan Ecophyto : les options de l’identification de méthodes standardisées, puis celle de la substitution ont été favorisées puisqu’elles permettaient d’éviter les réflexions organisationnelles et structurelles liées à la mobilisation de connaissances systémiques.

      #agriculture #pesticides #plan-Ecophyto

  • Une récente vague de limogeages au sommet de l’État ukrainien en dit long sur la nature véritable de ce régime que médias et gouvernants occidentaux présentent comme le héraut de la démocratie à l’est de l’Europe et le défenseur des intérêts de la population ukrainienne…

    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/01/25/ukraine-un-regime-corrompu-et-antiouvrier_475586.html

    Quatre ministres, cinq gouverneurs régionaux et quatre très hauts responsables ont été limogés. On a appris aussi que le vice-ministre de la Défense, Chapovalov, le chef adjoint de l’Administration présidentielle, Tymochenko, et le procureur général adjoint, Symonenko, avaient démissionné. Ou plutôt, qu’ils avaient été démissionnés, comme l’indique un communiqué du ministère de la Défense à propos de son numéro 2 : il s’agissait, dit-il, de « préserver la confiance de la société et des partenaires internationaux » de l’Ukraine.

    Il faut croire que si le régime en arrive à de telles mesures, c’est qu’il y a urgence pour lui, au moins vis-à-vis de la population. Récemment, des médias ont commencé à révéler des affaires de marchés conclus par le ministère de la Défense, qui achetait de quoi nourrir ses soldats en payant à des prix deux à trois fois plus élevés qu’en magasin. Les lecteurs ont ainsi appris qu’il payait 17 hryvnias (0,42 €) les œufs qu’eux achètent à 7 hr (0,17 €), les pommes de terre 22 hr au lieu de 8 ou 9. S’agissant de produits de première nécessité, que la population travailleuse peine à acheter, une telle différence a déjà de quoi choquer. Alors que chacun a un ou des proches à l’armée, cela montre surtout que ses grands chefs profitent de la guerre pour s’enrichir, eux ainsi que des intermédiaires et fournisseurs amis. Et puis, la presse a publié non plus les prix d’achat à l’unité, mais le montant total des contrats conclus le 23 décembre : 13,16 milliards de hryvnias (328,27 millions d’euros) pour les seules régions militaires de Tcherkassk, Poltava, Jytomir et Tchernihiv.

    Cela souligne le fait que, quand #Zelensky affirme chaque jour à la télévision que toute la population se mobilise pour défendre la patrie, les profiteurs de guerre pullulent au sommet de l’État, y compris parmi ceux qui organisent ladite #défense_nationale.

    Comme ces gens se croient tout permis, #Symonenko, censé faire respecter la loi au sommet, a, entre autres frasques, pu aller passer des vacances en Espagne, bien que toute sortie à l’étranger soit interdite aux hommes en âge de porter les armes. Qu’il y soit allé dans la voiture d’un homme d’affaires avec un garde du corps de ce dernier n’étonne guère. En effet il est de notoriété publique que la plupart des #oligarques et #affairistes de quelque importance ont fui depuis des mois se mettre à l’abri à l’étranger, laissant aux Symonenko, Zelensky et autres la charge de rafler des combattants pour servir de chair à canon face à l’armée russe.

    Peu avant ces révélations et démissions forcées, #Lozynsky, vice-ministre des Infrastructures, avait été évincé. Il avait reçu 400 000 dollars pour faciliter l’achat de générateurs, alors qu’une partie de la population est plongée dans l’obscurité et le froid du fait des frappes russes qui ont détruit beaucoup d’infrastructures énergétiques.

    #Tymochenko, le numéro 2 de l’Administration présidentielle, en poste au côté de ­Zelensky depuis son élection en 2019, serait aussi impliqué dans des détournements liés à la reconstruction du pays… dont il avait en partie la charge.

    Peut-être encore plus que ses compères limogés, ce personnage, typique de la haute #bureaucratie ukrainienne, fait en quelque sorte le pont entre le pouvoir actuel et celui d’avant février 2022. En effet il a été impliqué dans une série de #scandales_financiers avant comme après le déclenchement de la guerre. Cela n’avait pas eu d’autre conséquence jusqu’à présent.

    Ce pouvoir n’est pas moins ennemi des travailleurs que celui de Poutine : il était, est et reste fondé sur la #corruption, le #pillage en grand des ressources de l’État et un mépris sans borne pour le sort et les souffrances de la population.

    #ukraine #oligarchie