Les Étoiles d’Ivry — Wikipédia

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  • Renée Gailhoustet est morte hier. Certains d’entre vous sont sans doute familiers de son architecture, elle qui a beaucoup travaillé sur le logement social de la périphérie parisienne.

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    Déjà, elle habitait dans une de ses œuvres  !

    Renée Gailhoustet est morte hier. Certains d’entre vous sont sans doute familiers de son architecture, elle qui a beaucoup travaillé sur le logement social de la périphérie parisienne. Un petit thread sur l’œuvre de cette architecte extraordinaire 👇


    Née en 1929 à Oran, elle suit une formation littéraire et s’engage dans les Jeunesses communistes. Elle décide de se tourner vers l’architecture à 23 ans, par conviction sociale : pour elle, le logement décent et l’accès à la nature doivent être des droits inaliénables.

    Elle intègre les Beaux-Arts en 1953 dans l’atelier de Lods, Hermant et Trezzini, seuls enseignants de l’époque à accepter les femmes. Elle en sort diplômée en 1961, avec l’un des seuls projets de fin d’études portés sur la question du logement social.

    Elle sera l’une des têtes de proue de la rénovation d’Ivry-sur-Seine, au sein de l’agence Roland Dubrulle. S’y dessinent les tours Raspail, Lénine, Casanova et Jeanne Hachette : à l’époque, ce sont des tours modernes, offrant un niveau de confort inédit à une population précaire


    Lorsqu’elle prend son indépendance, elle rejette les grands ensembles « dortoirs » et tente de créer une mixité de fonctions, avec des logements, des activités, des commerces dans les mêmes bâtiments. Elle invite la nature en ville, en favorisant les plantations sur ses créations.

    Elle est nommée architecte en chef d’Ivry en 1969, et travaille avec d’autres municipalités communistes de la banlieue parisienne, où les cités ouvrières sont en pleine expansion. Elle s’associe avec son compagnon Jean Renaudie, également architecte et urbaniste.
    Elle affirme son style : plutôt que des barres aux logements systémisés, elle invente des ensembles aux formes éclatées, offrant des myriades de configurations et d’expositions différentes. Les logements donnent sur des terrasses plantées et baignées de soleil.

    Les usages y sont mélangés : on trouve des logements, donc, mais aussi des galeries commerçantes, des locaux associatifs, des salles de sport, des cabinets médicaux. Par ses formes, elle invite l’imprévu, la rupture, les creux et la surprise dans une ville dense et monolithique.

    Si ces projets semblent anarchiques, ils répondent en réalité à une logique constructive et géométrique précise, suivant des séries de variations simples. Cela permet de tenir le budget et les délais de chantier, et d’offrir des appartements bien agencés et lumineux. Vues en plan et en chantier...

    Son projet le plus connu est probablement le Liégat, ensemble du centre d’Ivry où elle a elle-même vécu. Ses allées et cours intérieures sont devenues des ruelles passantes, à l’abri des voitures, qui serpentent et invitent à se perdre dans un dédale de béton et de verdure.

    Dans la cité Jeanne-Hachette, ce principe a été développé avec des passerelles hautes, Renaudie et Gailhoustet cherchant à rendre la rue « habitable », et ne plus la réduire à un lieu de passage stérile. Un concept mal accepté par les autorités, qui craignent la délinquance

    Christophe Catsaros parle d’ « habitat collectif singularisé », ce que je trouve très juste : par son œuvre, elle parvient à créer un habitat dense, mais où chaque habitant trouve sa singularité, son espace unique. Loin des centaines d’appartements identiques et numérotés.

    Renée Gailhoustet et Jean Renaudie ont réussi l’une des plus audacieuses campagnes d’urbanisme expérimental des 70’s, avec d’autant plus de mérite pour elle que les femmes architectes étaient alors extrêmement rares.
    Leurs projets ont été menés avec l’aide des mairies, puisqu’il s’agissait le plus souvent de concours publics. Ils sont parvenus à proposer des innovations décoiffantes en restant dans des enveloppes budgétaires très serrées, puisque destinées au logement social.

    Ils prouvent qu’avec de l’engagement de la part des concepteurs ET des commanditaires publics, il est possible de sortir des systèmes éprouvés et de porter l’innovation urbaine et architecturale. Ce n’est ni un mirage, ni un idéal de d’écolos nantis.
    Bref, c’est une grande dame qui nous a quittés, et qui inspire et inspirera des générations d’architectes après elle, sur les problématiques sociales et écologiques que posent la ville. Bon vent Madame

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