Parler (enfin) de la bombe

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  • Parler (enfin) de la bombe
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    À propos de : Benoît Pelopidas, Repenser les choix nucléaires. La séduction de l’impossible, Presses de Sciences Po. Son potentiel de destruction rendrait les États « responsables » et permettrait d’éviter une Troisième #guerre mondiale ; le processus de déclenchement serait contrôlé ; il faut éviter la prolifération, mais moderniser l’arsenal. Pour sortir des mythes sur la bombe atomique, le débat s’impose.

    #International #armée #politique_nucléaire #nucléaire
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    • Premier élément de langage, l’existence d’un phénomène de prolifération « horizontale ». Un nombre croissant de pays cherche à se doter de l’arme, particulièrement depuis la chute de l’URSS. Seulement voilà, la quête de la bombe fut bien plus forte dans les années 1950 ! À l’époque, même un pays comme la Suisse cherchait à fabriquer sa bombe et, par ailleurs, les États-Unis et leurs alliés ont davantage participé à la diffusion de la bombe que l’URSS. Le phénomène observable est une tendance historiquement bien documentée au ralentissement. De moins en moins de pays cherchent à obtenir la bombe.

      Un continent, l’Afrique, a même signé un traité pour être sans armes nucléaires, traité rendu possible par le renoncement de l’Afrique du Sud à l’arme atomique qu’elle possédait pourtant. S’il est une prolifération qui se porte bien, en revanche, c’est la prolifération verticale, à savoir la poursuite par la poignée des puissances nucléaires – neuf en tout – du développement de leurs gammes d’armes, que ce soit par la déclinaison en armes de puissances différentes ou par le développement de nouveaux supports de projection. Le récit de la prolifération semble avoir deux fonctions dans les pays dotés : masquer la prolifération verticale et rendre inconcevable le processus de renoncement.

      Second élément de langage, l’irrésistible technologique, à savoir que les seuls pays ayant renoncé à la bombe sont ceux qui n’en avaient pas les moyens. Tout pays pouvant développer cette technologie est supposé le faire – l’auteur nomme le phénomène « déterminisme capacitaire » – et déboucher inévitablement sur la mise en place d’un arsenal nucléaire. Or ce principe conduit à nier toute dimension politique dans le choix de la bombe et, bien sûr, à éluder les autres options, y compris en termes de défense.

      Il est remarquable que bien des pays dotés du savoir-faire ou pour lesquels il était accessible aient finalement renoncé, au profit d’autres stratégies jugées plus efficaces. Bien des critiques des programmes nucléaires sont d’ailleurs venues des milieux militaires, jugeant que l’effort demandé se ferait au détriment d’autres types d’équipements plus efficaces. Inversement, des pays économiquement plus fragiles comme le Pakistan, la Corée du Nord ou la Lybie ont cherché à se doter de la bombe et, dans le cas des deux premiers, ont réussi – au prix d’un effort extravagant.

      C’est bien une position et une analyse stratégique et politique qui fonde la quête de la bombe, plus qu’une capacité a priori. Dans une dialectique de l’œuf et de la poule, il devient difficile de savoir si un pays développe la bombe parce qu’il est menacé ou s’il est menacé parce qu’il développe la bombe. La bombe apparaît comme l’élément d’une montée en conflictualité de nature politique. L’intérêt de la thèse de l’irrésistible technologique est de justifier une ingérence, des opérations de contrôle et une mise sous tutelle asymétrique des programmes d’armement.