• Thomas Piketty : « Avec sa réforme des retraites, Emmanuel Macron va-t-il de nouveau se tromper d’époque en s’illustrant comme président des riches ? »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/07/thomas-piketty-il-est-temps-que-le-systeme-des-retraites-se-concentre-sur-le

    Je n’ai pas si cette chronique a déjà été référencée. Elle dit clairement qui seront les pigeons de la réforme des retraites, par delà la polémique sur la pertinence de l’affirmation que les 25% des plus pauvres sont déjà morts à 62 ans.

    Or, avec la réforme des retraites, le pouvoir s’apprête à faire tout le contraire. L’objectif affiché est de faire 20 milliards d’économies par an d’ici à 2030, afin de financer les autres priorités du gouvernement. Le problème est que ces 20 milliards vont peser entièrement sur les plus modestes. Actuellement, pour toucher une retraite à plein taux, il faut deux conditions : avoir l’âge légal de 62 ans et la durée requise de cotisations, qui est de 42 annuités pour ceux nés en 1961-1962 (et va passer graduellement à 43 d’ici à la génération 1973). Prenons une personne née en 1961 et qui aura donc 62 ans en 2023. Si elle a fait des études de niveau master et a commencé à travailler à 23 ans, il lui faut d’ores et déjà attendre 65 ans pour atteindre les 42 annuités.

    Autrement dit, la réforme consistant à repousser l’âge légal à 64 ou 65 ans n’aura par définition aucun impact sur ces personnes. Sur les 20 milliards, les plus diplômés contribueront exactement zéro centime. Par construction, ces milliards seront prélevés intégralement sur le reste de la population, notamment sur les ouvriers et employés, qui sont aussi ceux qui ont les plus faibles espérances de vie et qui souffrent déjà d’un système profondément injuste, puisque ce sont leurs cotisations qui financent les retraites des cadres à haute espérance de vie.

    Inégalités sociales
    Le gouvernement peut chercher à maquiller les choses : la réalité est qu’il a inventé l’impôt régressif pesant exclusivement sur les moins diplômés. Quand Elisabeth Borne annonce que personne n’aura à cotiser 47 ou 48 ans, elle ne fait qu’avouer que certains cotiseront 45 ou 46 ans, à savoir ceux qui ont commencé à travailler à 19 ou 20 ans et occupent souvent des métiers difficiles. Par définition, toutes les mesures d’atténuation ne pourront être financées que par les moins diplômés eux-mêmes. Cette réalité est tellement évidente que la réforme a uni contre elle non seulement la gauche, mais aussi l’essentiel de la droite : le Rassemblement national, bien sûr, mais également une part croissante des Républicains.