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  • Une histoire méconnue, l’évolution de l’âge de la majorité dans la Rome antique, qui pourtant a diffusé dans tous les systèmes juridiques européens.

    La République romaine a légué, encore de nos jours, tout son vocabulaire dans beaucoup de droits européens, en matière de tutelle, curatelle, minorité, etc.. À Rome, sous la République, la majorité était à 12 ans pour les filles, 14 ans pour les garçons. Pourtant, dans l’Empire décadent, elle est à 25 ans. Comment en est-on arrivé là ?

    Au début de IIe siècle avant Jésus-Christ, il y a beaucoup de jeunes pubères (14–25 ans) qui se font rouler dans des contrats et des affaires. Cela excède le peuple romain qui vote par plébiscite la Lex Plaetoria , condamnant à des peines sévères ceux qui abuseraient des adolescents. Il y avait aussi un droit de rescision pour les contrats passés avant 25 ans, qui d’ailleurs a été repris dans des droits médiévaux et existe encore en Ecosse, par exemple (pour les engagements avant 21 ans).

    Cette loi, avec vindicte populaire infâmante pour le coupable, faisait peur aux contractants avec des jeunes pubères. Il en résultat qu’on refusait de plus en plus souvent de passer des contrats avec des jeunes de moins de 25 ans. Ceux-ci devaient donc contracter accompagnés de leur père, d’un tuteur ou d’un courateur, qui dégageait la partie adverse du coup de la Lex Plaetoria .

    Au bout de quatre siècle, la plupart des jeunes se sont retrouvés ainsi avec un curateur attitrés, c’était devenu indispensable et quasiment obligatoire. Marc-Aurèle en prend acte et déclare incapable mineur tout jeune avec un curateur. Dioclétien ira jusqu’au bout de la logique et passe la majorité à 25 ans pour tous.

    Comme cela pourrit la vie des jeunes, on crée alors une émancipation, la Venia Aetatis, visant à compenser les effets néfastes de l’âge tardif de la majorité.

    Nous assistons donc à une évolution caractéristique de la bureaucratie, de l’inflation législative qui apparaît dans la phase de décadence d’une civilisation. On reconnaît là un trait de notre triste époque.

    Toute cette Histoire a été reçue de différentes façons dans les droits européens.

    Ainsi, dans le droit canon et dans de nombreux droits locaux médiévaux, ont été reprises les majorités à 12 (♀)et 14 ans (♂), parfois ramené à 13 pour les deux sexes comme dans certaines régions des Pays-Bas.

    Au contraire, la majorité à 25 ans, reprise dans les compilations jutiniennes de d’Ulpien, a été reprise avec la soi-disant « redécouverte du droit romain » du bas Moyen Âge et de la Renaissance, en fait redécouverte du droit de la décadence romaine. A ces époque, la mode a été de relever l’âge de la majorité. En France, c’est l’ordonnance de Blois de 1579 qui passe brutalement la majorité à 25 (♀) et 30 ans (♂).

    La Révolution baisse à 21 ans et continue de très mal traiter les mineurs de 21 ans (objets de droit, pas sujets de droits) ; Napoléon n’arrange rien. Ce sont les mouvements de jeunesse des années 1960 qui pousseront, un peu partout en Occident, à passer à 18 ans (1970 en Angleterre, 1974 en France et… 1988 aux Pays-Bas, 1991 en Belgique !). En France, les moins de 18 ans demeureront encore objets de droit : en 1989, les juristes français se sont encore montrés très conservateurs face à la Convention des Droits de l’Enfant.

    Toutefois, certains territoires européens ont gardé une majorité basse en continue depuis le Moyen Âge, échappant à la stupidité de la Renaissance : îles anglo-normandes, Île de Man. Il y a aussi pas mal de dispositifs proposant un statut intermédiaire aux adolescents, gardant l’apparition d’une capacité juridique précoce : Écosse, Allemagne (héritage du Miroir de Saxe), Suisse…

    Le Miroir de Saxe, recueil juridique allemand où il existe une pré-majorité à 14 ans, encore en vigueur en Allemagne aujourd’hui :

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