JO 2024 : le Sénat favorable à une expérimentation de la vidéosurveillance intelligente
Censées permettre la détection des mouvements suspects au milieu d’une foule, des caméras dotées d’algorithmes seront expérimentées dès cette année, afin d’être opérationnelles pour les Jeux olympiques.
Le Monde avec AFP
Publié hier à 01h11, mis à jour hier à 08h58
C’est l’article-phare du projet de loi olympique, très axé sur la sécurité. Le Sénat a très largement voté, mardi 24 janvier, pour l’expérimentation de caméras dotées d’algorithmes à compter de cette année. L’objectif est de pouvoir déployer ce dispositif pour les Jeux de 2024.
Pour la ministre des sports, Amélie Oudéa-Castéra, ce texte, soumis en procédure accélérée au Parlement (une seule lecture au Sénat et à l’Assemblée), contient « les ajustements incontournables pour aller au bout de nos engagements et de nos besoins opérationnels pour la livraison et le bon déroulement des JO ». Le débat a été apaisé, y compris sur les points les plus sensibles. L’article a été voté par 243 voix pour et 27 contre.
Cette loi arrive quelques mois après le fiasco de la finale de la Ligue des champions, à la fin de mai 2022, au Stade de France. Spectateurs sans billets escaladant les grilles, détenteurs de billets bloqués à l’entrée, familles aspergées de gaz lacrymogène par la police ou encore vols et agressions : la finale avait tourné au cauchemar.
Pour sécuriser les JO de Paris, susceptibles d’attirer 13 millions de spectateurs, et quelque 600 000 personnes pour la cérémonie d’ouverture le long des quais de Seine le 26 juillet 2024, l’aide de caméras permettant de détecter des mouvements suspects dans les foules est réclamée par les autorités.
Tant aux abords des enceintes que dans les transports adjacents, elles pourront aussi détecter « des objets abandonnés », ou encore permettre « des analyses statistiques, de flux de fréquentation par exemple », selon l’étude d’impact de la loi.
Opposition des communistes et des écologistes
La mesure n’est pas du goût du Conseil national des barreaux (CNB). « Les avocats ne laisseront pas les Jeux olympiques se transformer en concours Lépine des atteintes aux libertés individuelles », a prévenu mardi son président, Jérôme Gavaudan. L’association La Quadrature du Net ne décolère pas non plus.
Les sénateurs communistes et écologistes ont marqué leur opposition. « Les JO sont un prétexte pour jouer aux apprentis sorciers, le marché est énorme », a regretté le sénateur écologiste Thomas Dossus, alors même qu’il s’agit de « technologies absolument pas matures » qui, de surcroît, pourraient « nourrir » des systèmes ensuite potentiellement utiles à des « tyrannies à l’autre bout du monde ». Eliane Assassi (PCF) a fustigé des JO devenant « un accélérateur de la surveillance », et un texte « cheval de Troie ».
Du côté du PS, les sénateurs sont soucieux « d’accompagner le développement dans de bonnes conditions ». Cependant, ils ne sont pas parvenus à ramener à septembre 2024, et non juin 2025, la fin de la période d’expérimentation.
L’expérimentation de ces nouveaux outils pourra démarrer à compter de l’entrée en vigueur de la loi, mais aussi pour des manifestations « récréatives » et « culturelles ». Le texte a été retouché par le gouvernement après l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et celui du Conseil d’Etat.
Pas de reconnaissance faciale
A la reprise de la séance en soirée, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, est venu défendre cette mesure, expliquant qu’il était important de « développer un cadre français », après qu’un peu plus tôt Amélie Oudéa-Castéra a redit que le gouvernement « ne voulait pas de la reconnaissance faciale pour les JO ». Marc-Philippe Daubresse (LR) a annoncé mardi qu’il déposerait une proposition de loi sur ce dernier sujet.
Le ministre de l’intérieur a aussi défendu la mesure permettant de « cribler » les personnes intervenant dans les fan-zones (les soumettre à une enquête administrative), sinon « nous laisserions un énorme champ d’action aux terroristes », selon lui. Un amendement de LR visant à pouvoir cribler les « intérimaires » a été adopté.
Autre mesure de sécurité : les scanners corporels, qui pourraient venir un peu supplanter le manque d’agents de sécurité privée, en particulier de femmes, que tout le monde anticipe. La mise en place de ces scanners est envisagée « avant d’en venir à l’armée », a lancé M. Darmanin, répondant à David Assouline (PS), qui a déposé un amendement sur le sujet. Un vote solennel est prévu pour le 31 janvier. Le texte sera ensuite examiné par l’Assemblée nationale.
Le Monde avec AFP