Lorsque l’œuvre a été acquise par le Getty en 2002, la directrice de l’époque, Deborah Gribbon, avait déclaré : « Les sculptures de Gauguin sont extrêmement rares, et cette œuvre intrigante se démarque comme un superbe exemplaire ». La tête cornue, montée sur une base solide, a été datée de 1895-97, alors que l’artiste résidait à Tahiti. Si Gauguin s’est essayé à l’exercice de la sculpture sur bois pendant son séjour polynésien, peu d’œuvres sont aussi grandes et ambitieuses que l’exemplaire du musée de Los Angeles.
Tête à cornes a figuré dans les expositions de plusieurs institutions majeures telles que la Tate Modern, le MoMA ou encore le Museo delle Culture (Milan), et demeurait dans l’exposition permanente du Getty le reste du temps. Le musée confirme aujourd’hui que l’œuvre provient de la galerie Wildenstein à New York, qui l’aurait tenue d’un collectionneur privé suisse. Le Getty ne divulgue jamais les prix de ses acquisitions faites dans la sphère privée, mais à l’époque, on avait parlé d’une vente à plus de 3 millions de dollars, un record pour une sculpture de l’artiste. Aucune signature ni monogramme ne figurent sur la sculpture, mais le catalogue raisonné rédigé par Daniel Wildenstein lui-même semblait être une preuve suffisante de son authenticité. Ayant un intérêt majeur dans la finalisation de la vente, la galerie avait donné sa bénédiction. Le Getty, qui a récemment interrogé Wildenstein sur la provenance de l’œuvre, n’a rien appris de substantiel, si ce n’est qu’elle aurait été achetée à un collectionneur privé suisse anonyme en 1993.
Les historiens ont supposé que Gauguin a exécuté l’œuvre à Tahiti, car deux photographies de Tête à cornes figurent dans son journal Noa Noa (conservé au musée du Louvre), et le visage cornu apparaît dans plusieurs de ses dessins.
Anne-Lise Desmas, la directrice de la sculpture et des arts décoratifs du Getty, avait émis des doutes en rejoignant le musée en 2008. « Aucune autre sculpture de Gauguin n’a un tel piédestal » et, bizarrement, pour une sculpture si importante de l’artiste, elle n’est pas signée.
Peu de temps après son acquisition, beaucoup de spécialistes ont commencé à questionner son authenticité. Le critique d’art Fabrice Fourmanoir avait notamment souligné, dans un album photographique de Jules Agostini (acquis en 2015 par le Musée du Quai Branly), l’existence d’une photographie de la sculpture sous-titrée « Idole Marquisienne ». Selon Agostini, l’œuvre avait été réalisée par un sculpteur indigène des Marquises. Les analyses de l’album suggèrent que la photographie a été prise entre novembre et décembre 1894, une époque où Gauguin était à Paris.
Selon une autre théorie de Fourmanoir, Tête à cornes aurait été sculptée « par un marin européen sur un baleinier qui s’est arrêté à Tahiti », où elle aurait été vendue. Un examen attentif de la provenance des bois (bois de santal de la tête et bois-dentelle de la base) pourrait également aider à déterminer où l’œuvre a vu le jour.
La célèbre sculpture a été déclassée en fin d’année dernière, et devrait maintenant être conservée dans les réserves.