Les femmes ou les « oublis » de l’Histoire - épisode 3 : Alice Seeley Harris

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  • Les femmes ou les « oublis » de l’Histoire - épisode 3 : Alice Seeley Harris
    https://blogs.mediapart.fr/julietteraynaud/blog/190223/les-femmes-ou-les-oublis-de-lhistoire-episode-3-alice-seeley-harris

    Congo, 1898. Alice Seeley Harris installe, avec son époux, une mission au Congo, propriété privée du roi Léopold II. Enseignante, elle ne s’attendait pas à la sinistre réalité qu’elle allait découvrir sur place.

    Léopold II impose des quotas de production de caoutchouc impossibles à atteindre :

    « La landolphia doit être saignée deux fois par an maximum mais les Belges exigeaient des saignées deux fois par mois. Si les indigènes ne rapportaient pas assez de caoutchouc, leurs femmes et leurs enfants étaient pris en otages jusqu’à ce qu’ils en rapportent suffisamment. »

    Ni la prison ni le fouet ne suffisant à obtenir les rendements exigés, on donne l’ordre aux soldats indigènes de passer aux meurtres à grande échelle. La terreur comme instrument de gestion des ressources humaines.

    Témoins directs de l’horreur, Alice et John Harris tentent d’alerter l’opinion. Lors de leurs premiers congés à Londres, ils ne parviennent pas à convaincre leurs amis de la réalité des crimes commis au Congo. Alice décide alors d’acheter le premier appareil photo portatif jamais mis sur le marché : le Brownie de Kodak. C’est avec ce Brownie qu’elle prendra le cliché qui va changer la donne. Nous sommes le 14 mai 1904.

    « Un dimanche matin, j’étais seule et mon boy est venu me prévenir qu’un indigène m’attendait à l’arrière de la mission portant avec lui la main et le pied d’une petite fille enveloppés dans une feuille de bananier. Je l’ai fait asseoir en haut des marches de la véranda et il a ouvert la feuille de bananier et j’ai pris une photo. Ils étaient là, sous mes yeux, la main et le pied de cette petite fille. »

    La petite fille assassinée et démembrée s’appelle Boali. Elle avait 5 ans.

    Les mutilations sont alors monnaie courante. Quand les chefs de poste blancs envoient la troupe tuer les villageois·es pour l’exemple, ils demandent aux soldats de rapporter une main humaine par habitant·e assassiné·e. Préférant garder les balles pour braconner en chemin, les tueurs se contentent souvent de couper la main ou le pied de la victime.

    Alice et ses collègues missionnaires multiplient les photos de Congolais·es mutilé·es et les envoient à Edmund Morel, un activiste britannique déterminé à mettre un terme aux horreurs du Congo. Ces images implacables vont provoquer le 1er scandale humanitaire de l’histoire contemporaine.

    Leopold II devient l’ennemi public n°1 en Angleterre et aux Etats-Unis. Pour que les foules se mobilisent encore plus, Edmund Morel envoie Alice et son mari en tournée avec une lanterne magique : de Londres à Manchester, de New-York à Minneapolis, salles de spectacle et églises se remplissent de fidèles déterminés à mettre un terme aux atrocités.

    La pression internationale est telle qu’en 1908, à Bruxelles, le Parlement oblige Leopold II à céder le Congo à l’Etat belge. Alice Seeley Harris et Edmund Morel ont gagné leur combat. Mais nous sommes encore au début du XXe siècle, il n’est pas question d’indépendance, juste d’une colonisation plus humaine… Si tant est que cela existe…

    Texte inspiré du documentaire Décolonisations de Karim Miské, Marc Ball et Pierre Singaravélou.

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