Erreur 404

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  • « Consensuel, le GIEC intègre toutes les “parties prenantes”, y compris celles qui sont à la racine du problème » | #Jean-Baptiste_Fressoz
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/29/consensuel-le-giec-integre-toutes-les-parties-prenantes-y-compris-celles-qui

    Aujourd’hui considéré comme la pointe avancée de l’alerte climatique, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du #climat (#GIEC) avait un objectif inverse lors de sa création, en 1988 : soustraire à l’Organisation des Nations unies (#ONU) l’alerte climatique pour la remettre à une instance dont les nominations et les travaux seraient soumis à l’approbation des gouvernements.

    Durant les décennies précédentes, l’ONU avait en effet pris des initiatives radicales – la création de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (1964), en particulier –, et l’influence des pays pauvres en son sein était jugée trop importante. Le président du Programme des Nations unies pour l’environnement, le biologiste égyptien Mostafa Tolba, commençait à faire des déclarations inquiétantes, appelant par exemple à réduire de 60 % les émissions de CO2. Pour les Etats-Unis, alors les premiers émetteurs de la planète, il semblait inopportun de laisser l’ONU gérer une question qui touchait au cœur des inégalités économiques mondiales.

    Comme il était difficile de remettre en cause les travaux du groupe I du GIEC sur le constat climatologique, tout l’enjeu était de cadrer les « stratégies de réponse », dont était chargé le groupe III. Ce groupe a une histoire très étrange.

  • « Nous sommes les Soulèvements de la terre », une tribune publiée en presse ce soir que l’on trouve là
    https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/nous-sommes-les-soulevements-de-la-terre

    la version presse

    Trois cents personnalités, dont Philippe Descola, Cyril Dion, Annie Ernaux et Adèle Haenel ont décidé de rendre publique leur appartenance aux Soulèvements de la terre, alors que le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé sa volonté de dissoudre ce collectif écologique.

    Mardi 28 mars, alors que les manifestations contre la réforme des retraites battaient leur plein dans toute la France, parcourues de gestes de solidarité pour les blessés de la répression à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), Gérald Darmanin a annoncé entamer une procédure de dissolution à l’encontre des Soulèvements de la Terre. Celle-ci a été lancée le 29 mars.

    Cette annonce vise à répondre au déluge de critiques adressées au déplorable pilotage du maintien de l’ordre en France depuis quelques semaines. La manifestation de Sainte-Soline contre les mégabassines et l’accaparement de l’eau, samedi 25 mars, n’était à cet égard que le point d’orgue d’une partition macabre, entamée il y a plusieurs semaines, pour rappeler qu’il ne fait plus bon aujourd’hui sortir de chez soi pour manifester son opposition à la politique du gouvernement.

    Entre la vie et la mort

    Nous pleurons aujourd’hui tous les blessés du 25 mars, et veillons les deux manifestants plongés dans le coma entre la vie et la mort. Nous pensons à toutes celles et ceux qui ont dû faire face à un dispositif militaire conçu pour terrifier au risque de tuer. Un dispositif d’une brutalité inouïe, allant le jour même jusqu’à l’obstruction de l’arrivée des secours, pour protéger un symbole, celui de leur autorité, envers et contre toute raison.

    Mutiler et dissoudre. La dissolution, cette nouvelle manœuvre du ministre de l’intérieur pour tenter de faire oublier la brutale répression qu’il a orchestrée est un peu trop grossière. Le projet de dissolution avait en effet « fuité » dans la presse depuis un article du Parisien du 20 décembre 2022, premier d’une série d’articles sur le profil des militants écologistes radicaux, sur ces mouvements ou ces territoires qui « s’éloignent des règles de la République ».

    Ce que nous comprenons au fil des interventions des ministres de ce gouvernement, c’est qu’ils semblent décidés, emportés dans leur propre fébrilité, à taxer d’« ultragauche » tout ce qui se met en travers de leur chemin. Au gré des recyclages de cette appellation, elle recouvre désormais presque parfaitement celle d’« opposant », toutes catégories confondues.

    Le gouvernement a en l’espèce tenté d’user d’une double stratégie. D’une main, fustiger l’écoterrorisme, les black blocs et les activistes écologistes radicaux, accusés de parasiter les « légitimes mouvements pour la préservation de la planète », de l’autre couper sournoisement les vivres à toutes les associations de défense de l’environnement qui se battent pied à pied pour ralentir le cours du désastre écologique.

    Vieilles ficelles

    Ainsi, depuis la loi contre le séparatisme, ce sont des dizaines d’associations sociales, environnementales et culturelles soupçonnées de ne pas souscrire au « pacte républicain », ou juste trop critiques à leur goût, qui se sont vu refuser des financements, inquiétées par les préfectures, bannies des instances de concertation, portées sur de mystérieuses listes noires qui circulent de service en service.

    Rien ici qui ne nous surprenne vraiment. Ce qui nous sidère, c’est qu’ils et elles puissent penser que ces vieilles ficelles suffisent à mettre un coup d’arrêt à une révolte de fond contre la continuelle destruction du vivant.

    Car les Soulèvements de la Terre sont une grandissante coalition de forces. Au fil des mois c’est toute une constellation de collectifs d’habitants en lutte, d’associations de défense de l’environnement, de fermes, de groupes naturalistes, de cantines populaires, de syndicalistes paysans, de scientifiques en rébellion, de syndicats, de groupes autonomes, de mouvements d’éducation populaire, d’élus, de personnes de tous âges et de tous horizons qui se retrouvent et s’organisent sous la bannière des Soulèvements de la Terre. Et ça, rien n’est en mesure de le dissoudre.

    En réalité, aujourd’hui, c’est ce gouvernement que la majorité des habitants et habitantes du pays voudrait voir dissous.

    Multiple et vivant

    Alors, pour donner un peu de chair à leur inquisition, nous allons, nous qui signons cette tribune et toutes celles et ceux qui ne manqueront pas de nous rejoindre, rendre publique notre appartenance aux Soulèvements de la Terre.

    Nous serons dans les rassemblements de solidarité avec les blessés de Sainte-Soline et pour que cessent les violences policières, ce jeudi [30 mars] à 19 heures devant les préfectures, comme nous participerons aux comités locaux des Soulèvements de la Terre que nous appelons aujourd’hui à créer partout sur le territoire et au-delà.

    Nous nous soulevons toutes et tous contre la vision du monde et de la vie que ce gouvernement incarne, contre le saccage des milieux naturels, la disparition des terres arables, l’accaparement de l’eau, l’augmentation de la durée de cotisation [pour la retraite] qui n’est que le paravent de l’injuste partage des richesses, contre les mutilations parfois fatales qu’ils infligent depuis trop longtemps à nos amis, à nos enfants, à nos camarades.

    Nous nous soulevons, chacun de notre endroit, chacun à notre manière. Le mouvement des Soulèvements de la Terre ne peut pas être dissous, car il est multiple et vivant. On ne dissout pas un mouvement, on ne dissout pas une révolte. Nous appelons toutes et tous à nous rejoindre pour rendre caduque cette tentative d’étouffement. Nous sommes, toutes et tous ensemble, les Soulèvements de la Terre.
    Premiers signataires : Mathieu Amalric, acteur et réalisateur ; Dominique Bourg, philosophe et professeur à l’Université de Lausanne ; Philippe Descola, anthropologue, professeur émérite du Collège de France ; Cyril Dion, réalisateur, poète et activiste ; Annie Ernaux, écrivaine, prix Nobel de littérature ; Camille Etienne, activiste ; Clémence Guetté, députée, vice-présidente du groupe LFI-Nupes ; Murielle Guilbert, codéléguée générale de l’Union syndicale Solidaires ; Adèle Haenel, actrice : Corinne Masiero, actrice ; Philippe Poutou, porte-parole du Nouveau Parti anticapitaliste ; Marine Tondelier, secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts ; Youlie Yamamoto, porte-parole d’Attac France.
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/30/nous-serons-dans-les-rassemblements-de-solidarite-avec-les-blesses-de-sainte *

    • l’augmentation de la durée de cotisation [pour la retraite] qui n’est que le paravent de l’injuste partage des richesses

      dommage d’attribuer à Micro-Ubu une augmentation de la durée de cotisation (Hollande Touraine) qu’il ne fait ici qu’accélérer et de nommer cette hache avec son tranchant des 64 ans un "paravent"

    • « Paravent », en effet, n’est pas le terme idoine. Rallonger les durées de cotisation (et donc l’âge de la retraite) est l’une des méthodes possibles — parmi beaucoup d’autres qui prendraient pour cibles soit les chômeurs, soit l’hôpital public, soit l’éducation nationale, etc. — de transférer l’argent public vers le capital.

      Si Macron échoue sur les retraites, sa panoplie de saccages possibles lui permettra malgré tout de remplir sa fonction.

    • il s’agit évidemment pas d’un paravent, les 64 ans ne cachent rien ! ils sont bien plutôt la vitrine - attaquée en tant que telle- d’une politique du capital centrée sur la mise au travail du vivant (humain ou pas), quitte à mimer celle-ci de manière disciplinaire, en sachant ne pas pouvoir en attendre une profitabilité directe effective.
      je ne m’attendais pas à une participation si ample de tant de gens qui savent n’avoir aucun intérêt matériel palpable à défendre une retraite qui pour elleux restera virtuelle en raison des mesures déjà existantes et de ce que sont leurs « carrières » de retraités potentiels, et qui resteront tels, pour de multiples raisons (discontinuité de l’emploi, longues périodes de chômage, allongement de la durée d’études, autoentreprenariat).
      je ne m’attendait pas non plus à un tel degré de désespérance parmi tous ceux qui perdent effectivement deux ans de vie au profit du patron et qui, à part quelques secteurs, paraissent si peu se défendre (le rôle des confs n’explique pas tout, même si elles font beaucoup pour peser vers l’extinction de la grève). tou semble parions se passer comme si ils « acceptaient » de se faire dépouiller à leur tour, comme ils l’ont accepté pour « les chômeurs » (qu’ils ont toute chance d’être de noves un jour), comme de vulgaires chômeurs, lorsqu’aucune perspective qui leur permettrait de s’affranchît un tant soit peu de l’idéologie du travail ne les anime.

      #travail #chômage #retraites

  • « Les #mégabassines sont une mal-adaptation aux #sécheresses présentes et à venir »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/26/les-megabassines-sont-une-mal-adaptation-aux-secheresses-presentes-et-a-veni

    « Il est possible d’assurer un avenir durable et équitable dans le domaine de l’eau. Il faut pour cela changer radicalement la façon dont nous apprécions, gérons et utilisons l’eau. Cela commence par traiter l’eau comme notre bien collectif mondial le plus précieux, essentiel à la protection de tous les écosystèmes et de toutes les formes de vie. »

    Ces écrits ouvrent le rapport de synthèse sur l’économie de l’eau publié lors de la Conférence des Nations unies sur l’eau organisée du 22 au 24 mars, qui succède à un hiver exceptionnellement peu pluvieux en France. La crise qui s’installe et les restrictions associées soulignent l’importance de la gestion des stockages naturels fournissant une grande partie de l’eau dont nous dépendons.

    Car si l’eau est une ressource renouvelable, l’équilibre est en phase d’être rompu alors que les effets combinés du changement climatique et de la surconsommation d’eau s’accroissent. Que ce soit dans les lacs, les rivières, les sols ou les nappes phréatiques, les quantités d’eau se réduisent en France. Il est donc très probable que la compétition entre les principaux usages de l’eau (industrie, eau potable et sanitaire, refroidissement des centrales électriques, agriculture) s’amplifie.

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    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/26/les-megabassines-sont-une-mal-adaptation-aux-secheresses-presentes-et-a-veni

    Notre souveraineté alimentaire menacée
    L’agriculture utilise actuellement 45 % de l’eau consommée en France, principalement à travers l’irrigation, et représente plus de 90 % de la consommation estivale dans certaines régions. Dans un contexte de raréfaction de l’eau disponible, il est donc crucial de (re)penser notre système agricole. Une adaptation est indispensable, mais laquelle ?

    Les mégabassines, qui sont des retenues à ciel ouvert remplies en hiver par pompage des nappes phréatiques sont régulièrement présentées comme nécessaires pour « nourrir la France ». Les projets se multiplient en Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire, Centre et Bretagne, entre autres. Sur le plan hydrologique et économique, les mégabassines menacent la préservation de l’eau et notre souveraineté alimentaire.

    Elles sont d’abord une mal-adaptation aux sécheresses présentes et à venir, qui vont augmenter notre vulnérabilité tout en fragilisant les écosystèmes. Ces réservoirs dépendent de la recharge souterraine et ne permettent pas de faire face à une sécheresse prolongée laissant les nappes à des niveaux trop bas. Un remplissage de mégabassines mise sur une recharge phréatique satisfaisante en hiver, alors que les prévisions hydrogéologiques ne peuvent dépasser six mois.

    Ces retenues « court-circuitent » une partie du transit lent des nappes phréatiques qui sont de véritables tampons hydrologiques dans les paysages, et peuvent créer des « sécheresses anthropiques » amplifiant l’impact des sécheresses météorologiques en aval des prélèvements d’eau, comme déjà observé dans la péninsule ibérique et au Chili.

    Un cercle vicieux
    Ces sécheresses d’origine humaine proviennent d’une dépendance accrue aux infrastructures d’approvisionnement en eau, et peuvent créer un cercle vicieux : les sécheresses alimentent une demande pour plus de dispositifs de stockage, accroissant les usages, qui causera de nouveaux déficits et ainsi d’autres dégâts socio-économiques.

    Les retenues ont aussi un impact sur la biodiversité des zones humides et des systèmes aquatiques avec des effets cumulés encore largement inconnus, alors que ces écosystèmes ont connu une régression massive en Europe et que la biodiversité aquatique a fortement décru.

    Face à ces risques, aucune étude ne permet d’affirmer un effet positif local des bassines sur la ressource en eau. Dans les Deux-Sèvres, une étude du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) en 2022 a modélisé l’effet régional du pompage de la nappe pour le remplissage hivernal de seize réservoirs à ciel ouvert.

    Une contre-expertise et plusieurs collègues ont relevé que la méthodologie utilisée ne décrit pas les dynamiques des nappes phréatiques et les effets de l’évaporation, et n’intègre pas les effets de sécheresses comme celles de la dernière décennie et encore moins celles – plus intenses et plus fréquentes – à venir. Nous ne mettons pas en cause nos collègues du BRGM, qui n’ont répondu qu’à une commande émise par la Coopérative de l’eau des Deux-Sèvres avec des scénarios précis sur une période 2000-2011 peu représentative du futur, comme admis dans un communiqué de presse récent.

    « Greenwashing hydrologique »
    Il est inacceptable que l’instrumentalisation de résultats scientifiques sortis de leur contexte, justifie des politiques de gestion de la ressource sourdes à l’intérêt collectif et à l’évaluation scientifique rigoureuse. En effet, le déploiement des mégabassines freine la transformation de notre modèle socio-économique et de nos modes de vie, nécessaire et urgente pour la préservation de la ressource en eau. La recherche doit contribuer à cette transformation, et non être mise au service de projets qui aggravent la situation ou détournent les efforts des véritables priorités.

    Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Nos organisations alertent sur l’arbitraire policier et juridique mis en place comme stratégie de répression des manifestations »
    Par ailleurs, les mégabassines alimenteront une minorité d’exploitations agricoles de taille importante pouvant réaliser les investissements nécessaires, en fragilisant l’accès à l’eau souterraine de tous les utilisateurs. Dans cette mise en concurrence, il s’agit alors d’engager le dialogue.

    Diverses dynamiques mettent les professions agricoles sous pression : baisse du nombre de #paysans, agrandissement des exploitations, et dépendance aux importations (engrais, pétrole) réduisent la souveraineté alimentaire et la résilience du système agricole. Nous conseillons de nouvelles orientations politiques et économiques pour l’agriculture​​​​​​​ afin de soutenir les paysans pratiquant une agriculture plus sobre en eau, plutôt que de subventionner des mégabassines (à hauteur de 70 % des 76 millions d’euros pour le projet dans les #Deux-Sèvres).

    Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Dans les Deux-Sèvres, une #mobilisation_anti-mégabassines sous haute tension
    Quelle est donc l’utilité réelle des bassines, « #greenwashing hydrologique » où l’argent public bénéficie à un petit nombre au détriment de tous les autres ? L’éthique scientifique nous impose de susciter et d’éclairer un débat démocratique, pour que soient prises des décisions collectives à la hauteur des enjeux. Les mobilisations contre les projets de mégabassines nous paraissent légitimes, et les Scientifiques en rébellion estiment nécessaire d’agir pour replacer les débats scientifiques et la gestion des ressources au cœur d’une prise de décision égalitaire entre tous les acteurs.

  • La voie de sortie... de dans 3 semaines. Dominique Rousseau, constitutionnaliste : « Il semble difficile que le Conseil constitutionnel ne censure pas la loi sur la réforme des retraites »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/26/dominique-rousseau-constitutionnaliste-il-semble-difficile-que-le-conseil-co

    Le professeur de droit constitutionnel Dominique Rousseau envisage les différents scénarios possibles alors que la loi sur la #réforme des #retraites continue de susciter une tempête sociale et politique.

    Le #Conseil_constitutionnel doit désormais se prononcer sur la conformité du texte. Qu’attendez-vous de cette étape ?

    Les décisions du Conseil constitutionnel sont évidemment très importantes. Je dirais même que l’institution joue en quelque sorte son destin dans cette affaire. Il semble difficile, en effet, qu’elle ne censure pas la loi sur la réforme des retraites tant les motifs d’inconstitutionnalité pour des raisons de forme sont sérieux.

    Personne ne peut contester que les débats ont été précipités à l’aide d’outils comme l’article 47.1, détourné de son usage habituel, que des amendements ont été déclarés irrecevables de manière très discutable, que les débats ont pour le moins manqué au principe constitutionnel de « clarté et de sincérité » reconnu par le Conseil, notamment sur la pension minimale à 1 200 euros, et que l’Assemblée nationale n’a pas voté le texte.

    Sur ces seuls motifs, le Conseil constitutionnel peut censurer la loi sans se prononcer sur la conformité du passage de 62 à 64 ans, ce qui n’est pas son rôle. L’apaisement social serait immédiat tout en permettant de satisfaire le droit. Le gouvernement ne pourrait pas promulguer la loi et devrait repartir de zéro, sur d’autres bases. Alors qu’on lui reproche souvent d’être soumis au pouvoir, le Conseil pourrait, en prenant une telle décision, montrer son indépendance et sortir renforcé. Il jouerait alors pleinement son rôle de gardien du bon fonctionnement de la procédure et du débat parlementaire.

    • oh, je l’ai trouvé https://justpaste.it/a6mds
      avec le rappel qu’une loi peut être suspendue à n’importe quel moment avant ou après son adoption et une citation tronquée de la Constitution

      Celles et ceux qui défilent aujourd’hui demandent le respect de la Constitution : le principe de « clarté et de sincérité » des débats ; le droit inscrit dans le préambule de 1946, qui précise que la nation « garantit à tout être humain en raison de son âge et de son état physique le droit d’obtenir des moyens convenables d’existence » (...)

      #RIP

  • Réforme des retraites : « Quasiment toutes les règles du maintien de l’ordre ont été violées »
    https://www.lejdd.fr/societe/reforme-des-retraites-quasiment-toutes-les-regles-du-maintien-de-lordre-ont-et

    À la suite du 49-3 sur la réforme des retraites, de nombreuses manifestations spontanées ont eu lieu en France et ont transformés la doctrine de maintien de l’ordre jusqu’ici en œuvre. Pour le JDD, Sébastian Roché, directeur de recherche au CNRS et auteur de « La Nation inachevée – la jeunesse face à l’école et la police », fait le point sur ces changements.

    Allons bon, v’là-t-y pas que même l’organe dominical du macronisme donne la parole à un odieux islamo-gauchiste pro-black-blocs…

    • Le Monde publie un entretien en vue d’une amélioration du maintien de l’ordre qui comporte quelques sentences bien senties et son lot de critiques

      Maintien de l’ordre : « La brutalisation des interventions est aujourd’hui au cœur de la stratégie française »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/27/maintien-de-l-ordre-la-brutalisation-des-interventions-est-aujourd-hui-au-c-

      Nasses, contrôles d’identité à grande échelle, gardes à vue, gazage rapproché : dans un entretien au « Monde », le sociologue Olivier Fillieule regrette que la stratégie policière, plutôt que de faire baisser la tension, contribue à amplifier le désordre.

      et, le cherchant ailleurs, je l’ai trouvé là
      https://justpaste.it/6axug

      je signale de nouveau que, n’en déplaise aux experts académiques et médiatiques, l’obstruction aux secours est malheureusement un classique d’un MDO qui fonctionne nécessairement à la punition, avant même que son pseudopode judiciaire soit mis en oeuvre. évidement, cela doit reste inaperçu, ne pas faire scandale. autrement dit, il faudrait que leurs tortures par manœuvre dilatoire ne pas fabriquent pas des mourants, ça fait sale, sauf qu’ils sont tributaires, jusqu’au préfets et ministres qui les commandent, d’un regrettable manque de finesse et d’adaptabilité

      #police #maintien_de_l'ordre #BAC #Brav_m #violence_d'État #violences_policières

    • Manifestations : « Le niveau de violence décidé par la police varie en fonction de la représentation que la police se fait du public qu’elle rencontre » [ça alors !], Paul Rocher, économiste

      L’économiste Paul Rocher, par ailleurs spécialiste des violences policières, explique dans une tribune au « Monde », que les policiers subissent un syndrome de « citadelle assiégée » par rapport à l’ensemble de la population, mais cela n’excuse pas du tout le recours de la police à la brutalité. [ah bon]

      Le premier secrétaire du Parti socialiste et député Olivier Faure vient de publier le récit des violences policières subies par le fils d’un ami. Le médecin du jeune homme constate de nombreux hématomes et dermabrasions ainsi qu’une tuméfaction et une lombalgie. M. Faure se livre ensuite à une critique du gouvernement qui aurait donné la consigne de faire du chiffre. Mais cette critique comporte un paradoxe : si l’ordre donné à la police était de faire du chiffre, pourquoi le médecin constate-t-il de nombreuses #blessures ? Arrêter un maximum de personnes n’impose nullement de les brutaliser [ces derniers jours on a vu que brutaliser en masse n’impose pas d’arrêter arrêter, trop de taff administratif ballé qui restera sans suite : on punit in situ et en circuit court]. Or depuis une semaine, les vidéos de violences policières se multiplient. Pour dissiper ce paradoxe, la consultation des travaux sur l’institution policière se révèle édifiante.

      Tout d’abord, l’idée que la police fonctionnerait de manière rigoureusement hiérarchique, avec un ordre d’en haut qui serait strictement appliqué sur le terrain, ne correspond pas à la réalité, et ce a fortiori en contexte de maintien de l’ordre. Le sociologue Patrice Mann souligne que dans ce contexte, l’intervention policière « ne se déroule jamais concrètement comme le prévoit la procédure formelle » [eh oui]. L’application d’un ordre offre toujours un degré d’initiative aux policiers.

      Cette marge de manœuvre policière se prolonge avec une sorte de prophétie autoréalisatrice policière que Herbert J. Gans, ancien président de l’American Sociological Association, a mise en avant : l’anticipation de révoltes par les policiers, fortement imprégnés par des conceptions stéréotypes sur la population, augmente leur niveau de violence. Dans cette lignée, la recherche sur la police a identifié un phénomène important : les forces de l’ordre font preuve d’un respect relatif à l’égard de revendications autour du pouvoir d’achat des ouvriers et agriculteurs ; en revanche elles manifestent « une hargne certaine envers des étudiants-jeunes-privilégiés-casseurs ».

      Une figure floue du #casseur

      A première vue, la séparation entre bon et mauvais manifestant paraît nette, mais la figure floue du casseur permet d’inclure dans la deuxième catégorie une multitude de publics. Une manifestation pour le pouvoir d’achat, ou contre le recul de l’âge légal de départ à la retraite, peut ainsi être qualifiée par les forces de l’ordre d’initiative de « casseurs ». Tomber dans la catégorie des casseurs comporte un risque significatif. Car le pouvoir de définition de la légitimité des mobilisés, dont jouissent les policiers [bien aidés par les gouvernements et les média], façonne leur recours à la violence. Les violences contre les cortèges syndicaux depuis 2016 [loi Travaille branleur où on te casse la gueule !] en attestent.

      Le niveau de violence décidé par la police varie donc en fonction de la représentation que la police se fait du public qu’elle rencontre. La force des conceptions stéréotypées explique pourquoi, en dépit du fait que les manifestants ne sont pas nécessairement plus violents aujourd’hui, comme le montre une enquête récente réalisée auprès de policiers par l’association ACAT, les violences policières explosent.

      Pour s’en convaincre, il suffit de prendre les chiffres du ministère de l’intérieur sur le recours aux #armes [dite] non létales. Alors qu’en 2009 il dénombre 3 700 recours, le chiffre grimpe à plus de 32 000 en 2018 et reste depuis à un plateau très élevé de plus de 10 000 recours annuels. Pourtant, ces chiffres ne comprennent ni coups de matraque ni gaz lacrymogène, qui sont les armes les plus utilisées par la police.

      Un esprit de corps puissant

      Cette explosion des violences conduit à souligner une autre spécificité de la police. Elle attire des personnes peu représentatives de la population dans leur attitude par rapport à la violence. Une majorité des personnes désirant devenir policiers se caractérise par une conception purement répressive du futur métier potentiel. Une fois admis, les nouveaux policiers traversent une période de formation au cours de laquelle ils n’apprennent pas seulement les gestes techniques, mais s’imprègnent de la vision du monde de l’#institution_policière.

      C’est une vision assez singulière car les policiers se vivent dans une « citadelle assiégée », qui produit un esprit de corps puissant. Assiégée par qui ? Par le reste de la population que les policiers tendent ainsi à considérer au mieux avec méfiance, au pire avec hostilité. De ce point de vue, lorsque l’ancien préfet Lallement fait savoir à une « gilet jaune » qu’ils ne se trouvent pas dans le même camp, il ne s’agit pas d’un dérapage. C’est un moment de vérité sur la manière dont la police voit la population. De l’hostilité à la violence physique, il n’y a qu’un petit pas, que les policiers ont franchi dès les premières manifestations contre la réforme des retraites.

      Certes, Olivier Faure ne fait pas totalement fausse route [déjà presque mort, il se nourrit à la paille] : le gouvernement est le premier responsable de l’escalade violente actuelle. En refusant d’écouter l’opposition massive à la réforme des retraites, puis en jetant de l’huile sur le feu avec la décision du 49.3, il a réussi à transformer une crise sociale en crise démocratique. Mais rien n’oblige la police à exécuter les ordres du gouvernement avec brutalité – à moins qu’elle ne sache fonctionner autrement. [parce que "la police e déteste tout le monde" ?]

      Paul Rocher est économiste, auteur de Que fait la police ? Et comment s’en passer (2022, La Fabrique)

      #travail #autonomie_professionnelle

  • Megabassines : deux poids, deux mesures | Le monde | 26.03.23

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/26/megabassines-la-debauche-de-moyens-depeches-par-l-etat-contre-les-opposants-

    Ces situations sont d’autant plus choquantes que l’Etat déploie – brandissant le respect du droit en étendard – des moyens considérables pour entraver toute protestation. Interdictions de manifester, mobilisation d’hélicoptères, barrages filtrants déployés pour empêcher les rassemblements d’« écoterroristes », etc. Les forces de l’ordre utilisent pour surveiller et confondre ceux-ci des systèmes généralement réservés à l’antiterrorisme : installation de caméras devant le domicile d’un militant, pose d’un traceur GPS sous le véhicule de Julien Le Guet, le porte-parole du collectif Bassines non merci…

    Ce dernier a d’ailleurs été placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction de paraître à Sainte-Soline et à Mauzé-sur-le-Mignon. Lui sont reprochées une variété d’infractions de gravité variable, parmi lesquelles le vol d’une pelle, à l’automne 2022. Nul ne saurait contester la réalité des débordements et des dégradations matérielles qui se sont produites ce week-end autour des bassines de Sainte-Soline et de Mauzé-sur-le-Mignon. Mais la débauche de moyens dépêchés par l’Etat pour les empêcher contraste cruellement avec la tranquillité opérationnelle dont jouissent les tenants de l’agro-industrie lorsqu’ils malmènent des journalistes ou des opposants à leurs projets.

    Mercredi 22 mars, pour la seconde fois, le vice-président de Nature Environnement 17 a vu sa propriété saccagée par des agriculteurs pro-bassines, des inscriptions homophobes taguées sur les murs. Son épouse a été agressée. Dans son édition du 23 mars, L’Obs publie une enquête édifiante sur les exactions dont sont régulièrement victimes les militants écologistes, souvent dans une indifférence à peu près totale.

    L’Etat de droit est, paraît-il, un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit et où l’égalité de traitement de chacun est garantie. Que le simple rappel de cette définition puisse ces jours-ci sembler tout à coup si subversif : cela devrait tous nous inquiéter.

    • Manifestations en France : de nombreux blessés à Sainte-Soline, Elisabeth Borne dénonce un « déferlement de violence intolérable »
      25 mars 2023
      https://www.lemonde.fr/politique/live/2023/03/25/manifestations-en-direct-pres-de-la-megabassine-de-sainte-soline-de-nombreux

      6:58
      La manifestation contre le projet de mégabassine dans les Deux-Sèvres a donné lieu à de violents affrontements dans l’après-midi. Le parquet a compté 35 blessés, dont 28 gendarmes ; les organisateurs ont eux dénombré « pas moins de 200 » manifestants blessés.

      Mégabassine de Sainte-Soline | Les organisateurs et la Ligue des droits de l’homme dénoncent une « entrave par les forces de l’ordre à l’intervention des secours »

      Les organisateurs de la mobilisation à Sainte-Soline et des témoins à l’Agence France-Presse (AFP) ont accusé les forces de l’ordre d’avoir entravé l’arrivée des secours. « La police a retardé la prise en charge des blessés en bloquant le SAMU à Sainte-Soline, alors que celui-ci avait été appelé par les manifestants dès 13 heures », écrit le mouvement des Soulèvements de la Terre dans un communiqué provisoire.

      « Les organisateurs dénoncent les graves violences aux personnes (…) et appellent les forces de l’ordre au calme. Nous sommes inquiets pour ces blessés, la priorité est et doit être leur prise en charge. »

      Mandatés par la Ligue des droits de l’homme (LDH), des observateurs des pratiques policières ont « constaté l’entrave par les forces de l’ordre à l’intervention des secours pour une situation d’urgence absolue ». Selon la Ligue, le SAMU aurait affirmé « ne pas pouvoir intervenir dès lors que le commandement leur avait donné l’ordre de ne pas le faire ». La victime se trouvait dans « une zone parfaitement calme, selon la LDH. La situation sur place ne faisait pas obstacle à l’intervention du SAMU ».

      Interrogée à ce sujet, la préfecture des Deux-Sèvres a expliqué que « pour faciliter et sécuriser l’arrivée des secours » les gendarmes les retrouvent d’abord en un point spécifique pour les escorter ensuite « jusqu’à la zone à risque ». « Cela permet, ainsi, une approche des services de secours en toute sécurité » pour la prise en charge des blessés, la manœuvre étant « soutenue par des équipes médicales opérationnelles de gendarmerie » formées à cet effet, selon la préfecture.

      #novlangue
      #mégabassines #Bassines #no_bassaran #méga-bassines
      #Sainte_Soline

    • Rassemblement contre les mégabassines : à Sainte-Soline, un deuxième acte d’une violence extrême
      25 mars 2023
      https://www.youtube.com/watch?v=EV5kG192F8g

      Cinq mois après de premiers affrontements, la commune des Deux-Sèvres a été, samedi, le théâtre de violents heurts à proximité du chantier d’une mégabassine de retenue d’eau agricole. Les blessés se comptent par dizaines, dont deux gendarmes et trois manifestants en urgence absolue.

    • L’Etat de droit est, paraît-il, un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit et où l’égalité de traitement de chacun est garantie.
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/26/megabassines-la-debauche-de-moyens-depeches-par-l-etat-contre-les-opposants-

      La guerre de l’#eau que se livrent, en France, les grands irrigants, d’une part, et les défenseurs de l’environnement et de l’#agriculture paysanne, de l’autre, est intéressante à plus d’un titre. Pas pour les images des confrontations parfois violentes, entre militants et forces de l’ordre, qu’elle occasionne de temps à autre, comme en cette fin mars autour des #mégabassines de Sainte-Soline et de Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres) : elle est intéressante car elle jette une lumière crue sur les partis pris de l’#Etat et sur l’asymétrie radicale de son action dans les situations de conflits sur l’usage de la nature et des biens communs en général. Le #productivisme y semble l’emporter sur toute autre considération, qu’elle relève de la science ou même du droit.

      (...)

      De nombreux chercheurs ont expliqué, en divers lieux et à plusieurs reprises, que ces mégabassines sont le paradigme d’une « maladaptation » au changement climatique. Au lieu d’aider les territoires et les exploitations à évoluer, elles les enferment dans l’idée dangereuse qu’il va encore être possible de maintenir des systèmes agricoles dont nul n’ignore plus qu’ils sont condamnés à brève échéance. Ces avis, répétés et jouissant d’un large consensus savant, n’ont pas changé d’un iota la position des pouvoirs publics sur le sujet.
      Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Autour des mégabassines, deux visions s’affrontent sur le partage de l’eau
      Plus inquiétant, la justice semble n’avoir pas plus de prise sur le cours des choses. Par exemple, le barrage de Caussade, en Lot-et-Garonne. Par la signature du préfet, l’Etat l’autorise en juin 2018, en dépit des avis défavorables de l’Autorité environnementale, de l’Agence française de la biodiversité, du Conseil national pour la protection de la nature. Saisie par des opposants, la justice le déclare quelques mois plus tard illégal, mais les porteurs du projet n’en ont cure. Ils lancent les travaux.

      #Stéphane_Foucart , une plume, rareté à Le Monde .

    • La Bataille des Méga-Bassines : Qui veut la Guerre de l’Eau ?
      26 mars 2023
      https://www.youtube.com/watch?v=LMJK2YZEa4M

      Voilà comment s’écrit l’Histoire. Malgré la répression et les barrages de police, 30000 personnes ont mis leur corps sur la ligne, parce que ce qui se joue ici, c’est un choix entre deux modèles d’agriculture, et l’un des deux s’accapare l’eau. La Bataille des #MégaBassines à Sainte Soline en était bien une, mais qui veut la guerre ?

    • Les Soulèvements de la Terre
      @lessoulevements 6:48 PM · 25 mars 2023
      https://twitter.com/lessoulevements/status/1639685642731831298

      🦦💥 COMMUNIQUÉ : 30 000 personnes manifestent à #SainteSoline malgré la brutalité policière pour une avancée déterminante vers la fin des #megabassines !

      ✊ Nous continuerons le combat, malgré les intimidatio
      ns et la brutalité extrème dont a fait usage le gouvernement.

    • Les observateurs de la Ligue des droits de l’homme ont confirmé « avoir constaté l’entrave par les forces de l’ordre à l’intervention des #secours pour une situation d’urgence absolue ». Ils détaillent : « Le #Samu a indiqué, […] lors d’une conversation à laquelle les avocats de la LDH ont assisté, que le commandement sur place leur avait donné l’ordre de ne pas intervenir. »

      https://www.liberation.fr/societe/bassines-de-sainte-soline-un-long-samedi-sur-un-champ-de-bataille-2023032

      Comme à Bure et ailleurs, comme j’ai vu à Paris des #pompiers militaires refusant les secours à des manifestants grièvement bléssés.

      #çacommenceàsesavoir

    • Les flics y ont laissé 6 quads en feu quand même ; bien joué ; leur démo, nos impôts ; et ça c’est qu’une partie du matos roulant. Les barbouzes y ont laissé de plumes et des traces cf https://seenthis.net/messages/996115 ; ça en fait du budget détourné par les flics pour les bassines.

      Question : Darmator a un budget illimité avec ses joujous et ses cohortes romaines de guerre en rase campagne contre les gaulois, ou il va devoir rendre des comptes, disons, à César, et en public, à un moment donné ?

    • https://www.francetvinfo.fr/france/nouvelle-aquitaine/deux-sevres/mega-bassines-qui-sont-les-manifestants_5733524.html

      Au milieu de la foule, les agriculteurs anti-bassines n’ont pas participé aux violences, mais espèrent ainsi faire entendre leur voix. « On ne s’y associe pas de manière directe, mais on est en parallèle, et chacun ses moyens d’action », estime Laurent Therond, viticulteur.

      Marine Tondelier, secrétaire nationale d’EELV, déplore les violences, sans les condamner pour autant. « On a toujours dit qu’on était des manifestants non violents chez les écologistes, (…) mais on ne va pas arrêter de venir aux manifestations parce que le maintien de l’ordre ne va pas dans ce pays », commente-t-elle.

    • la Chronique de Foucart en entier :

      « La débauche de moyens dépêchés par l’Etat contre les opposants contraste avec la tranquillité dont jouissent les tenants de l’agro-industrie »
      Chronique - Stéphane Foucart, journaliste au « Monde » Publié le 26 mars 2023,
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/26/megabassines-la-debauche-de-moyens-depeches-par-l-etat-contre-les-opposants-

      Des réserves d’eau de substitution jugées illégales par la justice continuent d’être exploitées sans que l’Etat, prompt à interdire les rassemblements des militants écologistes au nom du respect du droit, n’y trouve rien à redire, relève Stéphane Foucart, journaliste au « Monde ».

      La guerre de l’eau que se livrent, en France, les grands irrigants, d’une part, et les défenseurs de l’environnement et de l’agriculture paysanne, de l’autre, est intéressante à plus d’un titre. Pas pour les images des confrontations parfois violentes, entre militants et forces de l’ordre, qu’elle occasionne de temps à autre, comme en cette fin mars autour des mégabassines de Sainte-Soline et de Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres) : elle est intéressante car elle jette une lumière crue sur les partis pris de l’Etat et sur l’asymétrie radicale de son action dans les situations de conflits sur l’usage de la nature et des biens communs en général. Le productivisme y semble l’emporter sur toute autre considération, qu’elle relève de la science ou même du droit.

      On le sait, le principe de ces « retenues de substitution » est de stocker en surface de l’eau pompée dans les nappes phréatiques en hiver, pour la rendre disponible au printemps et en été à quelques grands exploitants. Or, on le constate aujourd’hui, la recharge hivernale des nappes n’est pas garantie. Et elle le sera de moins en moins dans un monde où le climat est toujours plus chaud, les précipitations plus irrégulières et les sols plus imperméables. Le remplissage des bassines est donc susceptible d’avoir un impact fort sur l’hydrographie locale, les écosystèmes terrestres et côtiers, l’humidité des sols, etc.

      De nombreux chercheurs ont expliqué, en divers lieux et à plusieurs reprises, que ces mégabassines sont le paradigme d’une « maladaptation » au changement climatique. Au lieu d’aider les territoires et les exploitations à évoluer, elles les enferment dans l’idée dangereuse qu’il va encore être possible de maintenir des systèmes agricoles dont nul n’ignore plus qu’ils sont condamnés à brève échéance. Ces avis, répétés et jouissant d’un large consensus savant, n’ont pas changé d’un iota la position des pouvoirs publics sur le sujet.

      Plus inquiétant, la justice semble n’avoir pas plus de prise sur le cours des choses. Par exemple, le barrage de Caussade, en Lot-et-Garonne. Par la signature du préfet, l’Etat l’autorise en juin 2018, en dépit des avis défavorables de l’Autorité environnementale, de l’Agence française de la biodiversité, du Conseil national pour la protection de la nature. Saisie par des opposants, la justice le déclare quelques mois plus tard illégal, mais les porteurs du projet n’en ont cure. Ils lancent les travaux.
      Le barrage est construit sur une largeur de plus de 350 mètres et sur plus de 10 mètres de profondeur, détruisant une zone humide. Le tout dans une atmosphère délétère où les membres des associations de défense de l’environnement sont intimidés, menacés de mort. Aujourd’hui, France Nature Environnement recense cinq décisions de justice, de différentes juridictions, confirmant l’illégalité de l’ouvrage. Il est toujours là, avec sa retenue de près de 1 million de mètres cubes.
      Hélicoptères, barrages filtrants, traceur GPS…

      L’histoire des cinq mégabassines de La Laigne, Cramchaban et La Grève-sur-Mignon (Charente-Maritime), et leur 1,6 million de mètres cubes, n’est pas différente. Annulation de l’autorisation de remplissage et d’exploitation en 2009. Confirmation en appel l’année suivante. Rien à faire : les bassines sont construites et exploitées. Une nouvelle demande d’autorisation, presque identique à la première, est formulée en 2015… et accordée par le préfet. Avant que ce nouvel arrêté ne soit derechef annulé par la justice administrative en 2018, puis en 2022. Comme la retenue de Caussade, ces ouvrages sont illégaux et toujours exploités – à l’exception d’un seul, endommagé par des militants en 2021.

      Ces situations sont d’autant plus choquantes que l’Etat déploie – brandissant le respect du droit en étendard – des moyens considérables pour entraver toute protestation. Interdictions de manifester, mobilisation d’hélicoptères, barrages filtrants déployés pour empêcher les rassemblements d’« écoterroristes », etc. Les forces de l’ordre utilisent pour surveiller et confondre ceux-ci des systèmes généralement réservés à l’antiterrorisme : installation de caméras devant le domicile d’un militant, pose d’un traceur GPS sous le véhicule de Julien Le Guet, le porte-parole du collectif Bassines non merci…
      Ce dernier a d’ailleurs été placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction de paraître à Sainte-Soline et à Mauzé-sur-le-Mignon. Lui sont reprochées une variété d’infractions de gravité variable, parmi lesquelles le vol d’une pelle, à l’automne 2022. Nul ne saurait contester la réalité des débordements et des dégradations matérielles qui se sont produites ce week-end autour des bassines de Sainte-Soline et de Mauzé-sur-le-Mignon. Mais la débauche de moyens dépêchés par l’Etat pour les empêcher contraste cruellement avec la tranquillité opérationnelle dont jouissent les tenants de l’agro-industrie lorsqu’ils malmènent des journalistes ou des opposants à leurs projets.

      Mercredi 22 mars, pour la seconde fois, le vice-président de Nature Environnement 17 a vu sa propriété saccagée par des agriculteurs pro-bassines, des inscriptions homophobes taguées sur les murs. Son épouse a été agressée. Dans son édition du 23 mars, L’Obs publie une enquête édifiante sur les exactions dont sont régulièrement victimes les militants écologistes, souvent dans une indifférence à peu près totale.
      L’Etat de droit est, paraît-il, un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit et où l’égalité de traitement de chacun est garantie. Que le simple rappel de cette définition puisse ces jours-ci sembler tout à coup si subversif : cela devrait tous nous inquiéter.

  • Gaël Giraud, les zones d’ombres d’un économiste qui prenait la lumière
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/24/gael-giraud-les-zones-d-ombres-d-un-economiste-qui-prenait-la-lumiere_616679

    ENQUÊTE La brillante trajectoire de l’intellectuel a été percutée, à l’automne 2022, par des accusations de plagiat et par la tenue de propos complotistes. Tiraillé entre recherche académique et quête de notoriété, ce prêtre jésuite est aussi attiré par l’engagement politique.

    Gaël Giraud a disparu. Ses profils sur Facebook, Twitter et LinkedIn n’existent plus ; son site s’affiche « en maintenance ». Seul demeure son compte Instagram, figé depuis octobre 2022. Dans sa dernière publication, l’économiste jésuite annonçait la parution de ce qui devait être son grand œuvre, Composer un monde en commun. Une théologie politique de l’anthropocène (Seuil, 2022). De France Inter à L’Obs, de Mediapart à Blast, Gaël Giraud avait alors bénéficié d’une couverture médiatique à la hauteur de sa notoriété qui se chiffre en millions de vues sur Internet. Depuis, plus rien. L’entrée dans le trou noir porte une date : le 23 octobre 2022. Ce jour-là, l’économiste de 53 ans est invité pour la troisième fois sur le fauteuil noir de Thinkerview, chaîne YouTube connue pour ses entretiens-fleuves. Pendant trois heures, comme à son habitude, il y déroule les charges qui ont fait l’audience de ce contempteur des dérives de la finance et du néolibéralisme.

    Au bout de vingt-trois minutes, Gaël Giraud cible David de Rothschild, ancien dirigeant de la célèbre banque d’affaires, et affirme : « Lui a un grand projet eschatologique, qui vise la fin des temps, qui est la privatisation absolue du monde et la médiocrisation de l’Etat de manière qu’un traumatisme comme les nationalisations [des banques] de 1981 ne soit plus possible. » Information, assertion, analyse ? Relancé, Gaël Giraud persiste : « C’est mon point de vue sur une information qui circule à Paris. » Et signe, en qualifiant Emmanuel Macron de « porte-flingue » de Rothschild, banque dont l’actuel président de la République a été associé-gérant de 2008 à 2012, et à laquelle il serait resté fidèle, tels les « enfants-soldats au Congo ». Le scandale est immédiat. L’Institut Rousseau, jeune cercle de réflexion dont il est président d’honneur, le somme de publier un communiqué d’excuses. Les jésuites de la province d’Europe occidentale francophone (EOF) en publieront un, eux aussi, pour condamner des « propos outranciers » aux « références antisémites ».

    #paywall

    • Le paragraphe suivant est encore visible

      Quelques semaines plus tard, Gaël Giraud disparaissait des réseaux sociaux. Et de France, où il n’a plus remis les pieds. Officiellement parce qu’il se concentre sur sa nouvelle œuvre, à Washington : la direction du programme de justice environnementale qu’il a fondé, en 2020, à Georgetown, la plus grande université jésuite du monde. Officieusement, ce silence public a été exigé par sa congrégation jésuite. Gaël Giraud, si prolixe sur les réseaux, doit donc se taire – au moins « jusqu’à l’été prochain », nous glisse un proche qui ne souhaite pas être cité. « Il ne s’agit pas d’une demande de silence public mais d’une demande de se recentrer sur son travail académique afin de le mener à bien et d’éviter la dispersion, le surmenage ou des propos inadéquats », nous précise la province jésuite d’EOF.

    • on me l’a donné je partage

      Il plaide le « surmenage »

      Depuis, un brouillard de gêne entoure cet orateur hors pair. Comprendre pourquoi le verbe lui échappe revient d’abord à se heurter au silence. De Gaël Giraud d’abord, qui n’a répondu à aucune des sollicitations du Monde ; de ses proches, ensuite. Presque aucun n’a donné suite, à l’exception de Marcel Rémon. « Il s’emporte quand il parle des banques, son dégoût est plus fort que lui », constate, avec une pointe de regret, l’ami jésuite depuis 2004. Cécile Renouard et Christoph Theobald, eux, ont décliné par l’intermédiaire de leurs assistants : leur agenda est surchargé. La première, avec qui il est aujourd’hui brouillé, fut longtemps son acolyte. Ensemble, ils ont signé quantité d’articles et d’études ; coécrit les livres à succès Vingt propositions pour réformer le capitalisme (Flammarion, 2009), qui comptera trois éditions, et Le Facteur 12. Pourquoi il faut plafonner les revenus (Carnets nord, 2012) ; sillonné le delta du Niger où, pour Total, ils ont enquêté, au risque du kidnapping, sur l’impact local de la firme. Quant à l’éminent théologien jésuite Christoph Theobald, l’un de ses maîtres à penser, il a dirigé sa thèse en théologie, soutenue en 2020 à l’université jésuite du Centre Sèvres, à Paris.

      Lire aussi : Qui sont les jésuites ?

      Durant quelques mois, la vidéo de sa soutenance a été disponible sur YouTube. Malgré son thème aride – fonder une théologie des communs (des ressources partagées telles que l’eau ou les pâturages, gérées et maintenues collectivement) –, elle atteignait plusieurs dizaines de milliers de vues. Elle a, depuis, été supprimée. Une histoire de disparition, encore, que le scandale provoqué par les propos sur Thinkerview aurait presque fait oublier. Composer un monde en commun, essai tiré de sa thèse, devait initialement paraître début mars 2022. Mais à dix jours de la sortie, le philosophe et critique Philippe Chevallier prévient Hugues Jallon, le patron du Seuil : il a identifié plusieurs pages « pour tout ou partie recopiées » de sources non citées, et s’apprête à en tirer un article dans L’Express.

      Alors que l’ouvrage est quasiment arrivé dans les librairies, la maison décide d’annuler sa commercialisation. Un courriel est envoyé en urgence aux journalistes qui ont déjà reçu le pavé de 800 pages : « Le travail de notes et de référencement des travaux cités par l’auteur n’est pas achevé et porte préjudice à la réception du livre et au déploiement de la pensée de l’auteur. » Gaël Giraud, lui, plaide le « surmenage ». Le Centre Sèvres le convoque, puis décide de supprimer la mention Summa cum laude mais de valider son travail, ces « erreurs et négligences » ne concernant pas « le cœur de la thèse théologique ».

      « Gaël est traqué »

      Le livre est republié à peine huit mois plus tard, mi-octobre. Le jour de sa sortie, Philippe Chevallier signale une poignée de nouveaux emprunts, avant que Le Monde n’en ajoute un à la liste, le 28 octobre. Le même jour, la province jésuite publiait son communiqué. Depuis, Gaël Giraud fait silence.

      Seuls montent au créneau le carré d’apôtres gravitant autour de l’Institut Rousseau, qui ont tenté d’en faire un présidentiable en 2022, et chez qui pointe un soupçon de complot. « J’ai l’impression que Gaël est traqué », s’emporte l’un d’eux. Ulcéré par la « malveillance » dont il serait victime, ce proche évoque un « article commandé à charge » dans L’Express : « Mon hypothèse est que Gaël prend de l’ampleur. Il est devenu un outsider politique à surveiller, et même à salir. »

      Lire aussi : L’Institut Rousseau, nouveau venu dans la galaxie des think tanks de gauche

      Un cofondateur de l’Institut Rousseau, qui a répondu à nos questions avant de se rétracter, reconnaît une sortie « maladroite » sur Thinkerview, mais juge que le traitement « n’a pas été très digne ». Les deux soutiens répètent : les plagiats n’excèdent pas la limite admise de 5 % du contenu total, et les propos sur Rothschild ne sont qu’une maladresse immédiatement regrettée par l’intéressé.

      Considérations à l’emporte-pièce

      La thèse du dérapage a pourtant des allures de loi des séries. Quelques mois plus tôt, juste avant l’invasion russe de février 2022, Gaël Giraud avait évoqué un « piège tendu par la CIA pour faire de l’U[kraine] une zone insurrectionnelle anti-russe [et] rompre le lien millénaire Moscou-Kiev » dans un tweet très vite supprimé.

      Son parcours de chercheur, commencé dans les années 1990, est impressionnant : ancien élève de l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm, polytechnicien, docteur en mathématiques appliquées, directeur de recherches au CNRS, ancien chef économiste à l’Agence française de développement (AFD). Son parcours d’intellectuel, lui, a débuté en 2013, lorsqu’il se fait remarquer pour l’éloquence de son opposition à la loi de séparation bancaire (qui oblige les banques à séparer leurs activités de marché [trading] des autres activités bancaires [dépôts, crédits, conseil financier…]), qu’il juge insuffisante, au début du quinquennat de François Hollande. Il émerge ainsi, dans les années 2010, en même temps que s’épanouissent les médias YouTube. L’économiste en devient une figure ; Thinkerview, l’emblème. Ses deux premiers passages sur la chaîne, en mars 2019 puis en septembre 2020, font exploser sa notoriété : l’ensemble atteint 3,6 millions de vues.

      Lire aussi : Article réservé à nos abonnés ThinkerView, la chaîne YouTube qui veut hacker les médias

      Ce format, avec sa longueur et son ton anti-élites, est propice aux envolées analytiques, voire aux considérations à l’emporte-pièce. Gaël Giraud n’y échappe pas, se laissant aller à résumer la guerre en Syrie à une « énorme sécheresse (…) très très mal gérée » par le pouvoir de Bachar al-Assad, ou à enjoindre à « l’islam » de sortir de son « fondamentalisme scripturaire ». C’est sur ces opinions brouillonnes que se greffent, quelquefois, les propos équivoques. Tels ceux tenus dans un long entretien pour la webtélé Blast, en février 2021, où il cherche à nouveau à étayer le « grand plan dogmatique de privatisation du monde » mené, selon lui, par l’exécutif. Gaël Giraud y soutient que la non-réquisition, lors du Covid-19, des cliniques privées où se soigne « la petite oligarchie pour laquelle travaille Macron » est un « indice » : le pouvoir laisserait les patients mourir dans un hôpital public dégradé pour justifier une privatisation, dont il fait « le pari » qu’elle interviendra durant le second quinquennat… L’esprit brillant troque à nouveau la rigueur pour une rhétorique déconcertante, où les arguments laissent place à des démonstrations aux sources floues, souvent attribuées à des rumeurs.

      Son nom comme une caution

      Comme si Gaël Giraud avait deux faces. Côté pile, l’économiste star est auditionné à l’Assemblée nationale et au Sénat, désiré par toute la gauche, notamment par le député insoumis François Ruffin, qui le faisait encore venir au Palais-Bourbon à l’automne 2022 ; côté face, l’intellectuel témoigne d’obsessions pour certaines figures qui touchent au conspirationnisme. « Il a une manière de présenter les choses comme reposant sur une intention cachée. Son raisonnement sur Rothschild et Macron qui seraient main dans la main est pathologique », relate une source qui l’a côtoyé dans le cadre de l’Institut Rousseau et qui a voulu rester anonyme.

      D’autant que ces sorties nourrissent des contenus ouvertement complotistes sur YouTube et Twitter, où son nom est exhibé comme une caution. L’équipe rassemblée par Pierre Gilbert, jeune consultant lié à l’Institut Rousseau, pour faire monter sa candidature à l’élection présidentielle de 2022, ne l’ignorait pas. Ces proches n’ont pas seulement intégré le groupe Facebook « Les amis de Gaël Giraud » pour mobiliser des soutiens. Sur cette page aux 12 500 membres créée sur l’initiative isolée d’un fan, sont régulièrement postés des contenus gênants aux yeux de l’équipe de campagne. Ces petites mains en sont d’ailleurs devenues administratrices pour faire le ménage.

      Cette ambivalence transparaît aussi quand on écoute ceux qui le croisent. Gaël Giraud fascine : plusieurs de nos interlocuteurs ont été impressionnés par son charisme et sa puissance intellectuelle, mais aussi par sa gentillesse et sa loyauté. D’autres, au contraire, évoquent une personne hautaine et cherchant l’ascendant sur ses interlocuteurs. Le jésuite Marcel Rémon, lui, le connaît depuis vingt ans. Le directeur du Centre de recherche et d’action sociales (Ceras), qui publie la revue Projet à laquelle Gaël Giraud a longtemps collaboré, est familier de toutes ses complexités. Elles s’enracinent dans deux moments clefs.

      Au commencement de tout, il y a une « expérience de sens » et une « expérience de non-sens », complète Marcel Rémon. La première a lieu dans une région déshéritée du Tchad où, de 1995 à 1997, il enseigne les maths et la physique au sein d’une école jésuite. Ces mois le bouleversent. A son retour, ce Parisien éveillé à la spiritualité par un oncle vicaire en Suisse, tente une première fois – sans succès – d’intégrer la Compagnie de Jésus. Il y entre finalement en 2004, année où il obtient son habilitation à diriger des recherches (HDR), marquant le retour définitif à son autre vocation, celle de l’économiste.

      « Désir de reconnaissance »

      Six ans plus tôt, le normalien condisciple de Thomas Piketty obtenait son doctorat en mathématiques appliquées à l’économie, après une thèse sur les « jeux stratégiques de marchés ». Entre les deux aura lieu l’autre expérience décisive. Dans l’équipe d’un poids lourd des mathématiques financières, Jean-Michel Lasry, il devient consultant pour la Compagnie parisienne de réescompte (CPR) et pour Calyon : à New York, Gaël Giraud forme des traders.

      Lui-même courtisé, il renonce finalement à une carrière en salle de marchés : ce « non » originel est la première marque de son dégoût pour la finance. De retour en France, s’ouvre une décennie où il passe de l’ombre à la lumière, jusqu’à franchir un palier en devenant chef économiste à l’AFD, en 2015. Durant ces années, il ne se contente pas d’enseigner (Sorbonne, ESCP, Paris School of Economics…) et de se consacrer à la recherche, dans son laboratoire du Centre d’économie de la Sorbonne, ou à travers des bourses octroyées par Veolia, Danone ou Total. Gaël Giraud travaille aussi ses réseaux. Il participe au cercle de réflexion The Shift Project, de Jean-Marc Jancovici, cofonde l’ONG Finance Watch, coordonne le projet d’évaluation du risque climatique Riskergy, qui accouche de l’agence de notation énergie-climat Beyond Ratings, crée la chaire « Energie et prospérité », intègre le conseil scientifique de la Fondation Nicolas Hulot. En parallèle, son noviciat jésuite débouche, en 2013, sur son ordination comme prêtre.

      Lire aussi la tribune : La finance a-t-elle été domestiquée ?

      Contempteur de la finance, critique des fondements théoriques du néolibéralisme et promoteur d’une économie au service du vivant : l’hyperactif émerge définitivement comme une figure médiatique durant ses années de chef économiste à l’AFD, de 2015 à 2019. Là, il développe, avec son équipe, un outil de modélisation macroéconomique appelé Gemmes (pour General Monetary and Multisectoral Macrodynamics for the Ecological Shift). Sa nouveauté est d’intégrer, à ses scénarios, les risques financiers et monétaires, et leur interaction avec l’impact des dérèglements écologiques, en particulier le réchauffement climatique et la raréfaction des ressources naturelles minières.

      De ces années date également sa transformation physique. Gaël Giraud se relooke, enlève ses lunettes, se fait repousser des cheveux. Derrière l’apôtre des causes légitimes, Marcel Rémon reconnaît son « désir de reconnaissance », et une obsession : « Son discours expert transpire sa détestation pour le monde bancaire, qu’il connaît de l’intérieur. Sa violence est une réaction à l’attirance quasi idolâtrique qu’il a éprouvée au départ. » L’ami de longue date devine, dans ce rapport d’attraction-répulsion, une relation paradoxale « au pouvoir ». Influent dans le champ intellectuel, Gaël Giraud a peut-être rêvé de plus. La question est cependant délicate : tout engagement électoral signifierait une rupture avec l’ordre jésuite. « Certains aimeraient en faire un politique. A chaque fois, il a choisi les jésuites. C’est un très bon compagnon », se réjouit Marcel Rémon. Qui sait que, malgré ses vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, Gaël Giraud est sensible au vertige de la politique.

      Les idées ou les urnes

      L’économiste s’est retrouvé au centre d’une curieuse campagne lors de l’élection présidentielle de 2022. Officiellement, il entendait juste peser dans le débat grâce à douze propositions soumises aux candidats. Pourtant, en coulisses, la jeune équipe constituée autour de Pierre Gilbert s’est démenée, en 2021, pour « pousser sa candidature » dans le cadre de la Primaire populaire, initiative visant à faire émerger un candidat unique à gauche. L’objectif : faire monter le nombre de parrainages de l’économiste afin qu’il finisse parmi les dix personnalités présentées au vote final. Le jésuite sait alors qu’il frôle une ligne rouge.

      « Gaël Giraud était au courant, mais sans se dire candidat. L’idée était de créer une équipe de campagne et un programme, jusqu’à ce que lui-même souhaite se déclarer », raconte Gaspard Chameroy, membre de ce collectif. Cet entrepreneur social était chargé de la mobilisation, notamment en créant des « groupes locaux » via Facebook. Chaque intervention de l’intellectuel donne d’ailleurs lieu à des visuels travaillés, diffusés sur les réseaux sociaux. « L’enjeu était de provoquer un effet d’emballement », explique le militant, qui s’est depuis présenté aux législatives avec son parti Equinoxe.

      Gaspard Chameroy côtoyait alors un collectif largement issu du vaste réseau initié par le média d’opinion en ligne Le Vent se lève (LVSL), créé fin 2016. De l’Institut Rousseau, notamment fondé en 2020 par des membres de LVSL et dont l’économiste a été fait « président d’honneur » pour lui apporter sa notoriété, à Blast où Salomé Saqué, elle aussi issue de LVSL, l’interviewe régulièrement, Gaël Giraud s’appuie sur ces cercles où se croisent de jeunes journalistes, chercheurs, consultants, entrepreneurs et activistes.

      Si l’aventure politique n’a pas duré, malgré plusieurs milliers de parrainages, elle n’était pas vraiment du goût de la Compagnie de Jésus. « A chaque fois qu’il allait sur un plateau, il se faisait taper sur les doigts. Les jésuites n’apprécient pas vraiment qu’il prenne la parole politiquement », souffle une autre membre de l’équipe. Tiraillé entre les idées et les urnes, Gaël Giraud l’est aussi entre ces cercles. Qu’importe : l’homme pressé n’a pas le temps. Depuis 2020, il est aux Etats-Unis. A l’étroit dans une France où il n’arrivait pas à bâtir de grand programme de recherche, mécontent d’une AFD jugée trop alignée sur le pouvoir macroniste, l’intellectuel se voit proposer, comme une aubaine, par Georgetown, de fonder un programme de justice environnementale.

      Lire aussi la chronique : La Compagnie de Jésus dans la cité des hommes

      Car la plus grande université jésuite entend suivre « son » pape (François), dont l’encyclique sur l’écologie Laudato si’ (2015) a été « un choc », témoigne Marcel Rémon : « Les jésuites du monde entier ont cherché à assumer cet appel venu d’un pape issu de la Compagnie. »

      Un goût de trahison

      Dans ce nouveau poste s’esquissent encore les traits des deux visages de Gaël Giraud, entre l’économiste de niveau mondial qui se voit offrir « carte blanche » à Washington, et ce dissident de l’élite qui vaticine simultanément sur les médias YouTube. Ses pas seraient-ils inspirés par deux grands jésuites marginalisés dans la Compagnie, le philosophe Michel de Certeau (1925-1986) et le paléontologiste Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955) ? Toujours dedans, mais jamais entièrement. Marcel Rémon est presque d’accord. A une nuance près : « Certeau et Teilhard ont beaucoup écrit. » Or, si Gaël Giraud a beaucoup parlé, il a peu publié. Rien de marquant, du moins. Son œuvre se résume surtout à des articles de revues académiques, des préfaces et quelques livres grand public. Le directeur du Ceras se demande encore si la pensée de son ami aura une postérité. Et tranche : « La réponse se jouera dans l’écrit. »

      L’enjeu de Composer un monde en commun était aussi là : peser enfin par un livre pour, peut-être, s’imposer comme le grand intellectuel chrétien contemporain. Il y avait en outre le désir de conjoindre l’économiste et l’homme de foi. « Gaël avait cette envie de cohérence entre sa spiritualité et ses actions depuis longtemps, mais il n’avait pas le temps », glisse Marcel Rémon. Cette thèse, il a dû la caser dans son agenda impossible de chef économiste à l’AFD. Puis la boucler entre 2019 et 2020, durant son « Troisième An », ces neuf mois durant lesquels le jésuite en probation prend du recul sur son engagement. Lui a choisi de le faire à Dublin, où son responsable lui demande déjà d’arrêter de tweeter. Il y finit sa thèse. Trop vite, donc trop mal ? « Il avait une impatience de terminer les choses avant de partir aux Etats-Unis », rapporte Marcel Rémon.

      Aujourd’hui, après ce livre de 800 pages entaché par les plagiats et une respectabilité plombée par sa sortie sur Thinkerview, plusieurs interlocuteurs qui se réjouissaient de voir émerger la grande figure de la pensée chrétienne s’attristent à présent d’un immense gâchis. Il y a par ailleurs ceux pour qui l’épisode porte un goût de trahison. Comme aux éditions du Seuil, où la séquence a laissé des traces.

      « On suspend les projets en cours »

      « J’ai été en colère et déçue. D’avoir encore à en parler, c’est difficile », prévient son éditrice, Elsa Rosenberger. La thèse de Gaël Giraud est le « plus gros texte » de sa carrière, et sûrement le pire. Au Seuil depuis 2006, l’éditrice attendait depuis plusieurs années qu’il lui confie un livre. C’est elle qui l’a lu et défendu en comité d’édition. Des 2,5 millions de signes qui l’époustouflent par leur densité, le manuscrit est raccourci à 1,6 million. La première version passe au radar d’un des « meilleurs préparateurs » du Seuil, chargé de vérifier les citations, corriger les références, bref : de rendre le texte impeccable sur le fond.

      La mise au jour par L’Express des plagiats et l’annulation de la mise en vente de la première version, qui s’est jouée fin février 2022, produit « un choc ». Le Seuil décide pourtant de maintenir sa confiance en l’économiste. « En discutant avec lui, je réalise qu’il découvre ses propres plagiats et, pour preuve de sa bonne foi, il a envoyé sa thèse à Philippe Chevallier », raconte Elsa Rosenberger. Gaël Giraud ira jusqu’à saluer le bourreau de son propre livre dans les remerciements de la seconde version. « On l’a ressorti en pensant sincèrement qu’il avait péché par surmenage. D’une certaine façon, réparer c’était effacer. » L’éditrice sacrifie alors ses vacances d’été pour retravailler le texte, passé au crible de deux logiciels anti-plagiat.

      La V2 sort le 14 octobre. Philippe Chevallier dégaine à nouveau, identifiant d’autres négligences. L’Express publie l’article le jour de la sortie, à 9 heures. « Nous attendons, avec une impatience modérée, la troisième édition corrigée », ricane le journaliste. « Là, c’est trop tard. On a seulement pu corriger les passages signalés par L’Express puis Le Monde pour la prochaine réimpression », relate Elsa Rosenberger. Le livre, pourtant, s’écoule très bien… 10 000 exemplaires : une performance au regard de son aridité, de son kilo et de ses 27 euros. « Les ventes ont été bonnes avec la tournée médiatique, puis ont baissé avant de repartir après le passage sur Thinkerview », rapporte l’éditrice. Même son succès ballotte entre deux mondes, celui où le plagiat discrédite et l’autre où le scandale fait vendre. Au Seuil, la direction a dû s’expliquer devant ses éditeurs, troublés par cette affaire mettant « en jeu son image ». Un historique de la maison nous affirme que la décision a été prise de ne plus publier Gaël Giraud. « Pour le moment, on suspend les projets en cours », tempère Elsa Rosenberger.

      Le souffle de Bach

      Depuis, Gaël Giraud s’est exilé. Certains admettent avoir des contacts avec lui, mais refusent d’en dire plus. « Il est très sensible, tout ça le touche », assure Marcel Rémon. Sans lui chercher d’excuses, l’ami esquisse une piste pour comprendre : « La clef de lecture de tout son livre est d’ordre musical. »

      Mélomane et pianiste de haut niveau, l’économiste partage avec son directeur de thèse, Christoph Theobald, une passion pour Johann Sebastian Bach (1685-1750). Marcel Rémon en veut pour preuve le verbe musical du titre de son livre, Composer un monde en commun, où il consacre de longs passages au compositeur allemand. « Ce livre est construit comme une variation ; cette composition fractale le rend difficile. Et, comme un musicien, il emprunte parfois les partitions des autres sans les citer », analyse Marcel Rémon. Qui y voit aussi une raison de son originalité : « Des trois grands transcendantaux que sont le bien, le vrai et le beau, Giraud et Theobald sont guidés par le beau. »

      Son écologie ne se concentre pas sur « la question morale du bien et du mal, qui est une ornière », mais se fonde sur une approche sensible. La privatisation néolibérale serait « l’ennemie d’un monde regardé en commun », dont il s’agit de prendre soin : le souffle de Bach tiendrait secrètement dans ce geste théologique. Peut-être est-ce son Art de la fugue qui l’inspire, depuis, pour affronter les polémiques.

  • Réforme des retraites : face à la crise, les limites du claquement de doigts, l’extrême-centre, déçu, édito Le Monde
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/23/reforme-des-retraites-face-a-la-crise-les-limites-du-claquement-de-doigts_61

    Posture offensive, main tendue à la droite et invitation lancée aux partenaires sociaux pour qu’ils s’emparent des sujets liés au travail, Emmanuel Macron fait comme si la crise des retraites était derrière lui, au risque d’attiser la colère de ses opposants.

    (...) Macron s’est expliqué devant les Français, mercredi 22 mars, sans pour autant ménager les syndicats. (...)

    Les syndicats sont furieux, la rue menace de s’embraser chaque nuit, le président résiste. A la façon de Nicolas Sarkozy, qui, en période de tensions, cherchait d’abord à souder son électorat, Emmanuel Macron a opté pour une posture offensive mais risquée. (...)

    En adoptant cette position de surplomb, le réélu de 2022 s’est transformé en procureur des blocages français, qu’il a mis sur le compte d’un manque de « lucidité collective », d’une difficulté à « partager les contraintes » et du jeu de défausse pratiqué par les oppositions. Dans la foulée, Emmanuel Macron a tenté d’élargir sa base en courtisant l’électorat libéral de droite. Alors que le Rassemblement national devient de plus en plus menaçant, il a placé la fin du quinquennat sous le signe du plein-emploi, de la lutte contre l’assistanat et de l’ordre républicain. (...)

    La première ministre, Elisabeth Borne, en sursis, dispose d’un petit mois pour tenter d’élargir la majorité et de rebâtir un agend a susceptible de décrisper l’atmosphère.
    Le projet de loi sur l’immigration, qui risquait d’enflammer l’Assemblée nationale, est mis à la découpe ; à propos de l’école, de la santé, de l’écologie, des actions concrètes et immédiatement visibles sont invoquées qui ne passeront pas forcément par ce Parlement trop frondeur. L’idée d’une contribution exceptionnelle visant les entreprises qui font des bénéfices record est lancée dans le débat, sans autre précision.

    Plus surprenant encore, le président de la République agit comme si la crise était déjà derrière lui en tendant la main aux partenaires sociaux pour qu’ils s’emparent des sujets révélés par le conflit : l’usure professionnelle, les fins de carrière, les petits salaires. C’est peut-être aux yeux des syndicats la provocation de trop, car, si depuis six ans le dialogue apparaît si difficile à construire, l’hôte de l’Elysée y est pour quelque chose. Pour que le pays avance, un président de la République se doit de savoir fabriquer du consensus. A ce stade, on n’y est pas du tout.

    #retraites and so on...

  • La défiance envers la politique fait son retour en France après la parenthèse du Covid
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/03/15/la-defiance-envers-la-politique-fait-son-retour-en-france-apres-la-parenthes

    Cette méfiance généralisée, qui donne le sentiment d’une société malade et fracturée, rapproche désormais la France de l’Italie, qui, pourtant, s’en sort un peu mieux cette année du fait de l’arrivée du nouveau gouvernement de Giorgia Meloni. »

  • « La Silicon Valley est le microcosme des excès du capitalisme »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/13/la-silicon-valley-est-le-microcosme-des-exces-du-capitalisme_6165325_3232.ht

    La faillite de la Silicon Valley Bank est loin d’émouvoir l’opinion publique américaine, tant la vallée californienne est vécue, avec ses puissantes entreprises de tech et ses milliardaires, comme un laboratoire de la reproduction des inégalités, raconte Corine Lesnes, correspondante du « Monde » à San Francisco, dans sa chronique.

    91 000 habitants ont quitté la Silicon Valley

    A l’opposé, 220 000 foyers ne possèdent pas plus de 5 000 dollars en portefeuille. Près d’un quart (23 %) des résidents vit sous le seuil fédéral de pauvreté, une augmentation de trois points par rapport à 2019. Et 22 000 personnes n’ont pas de compte en banque. Vu le coût du logement, le rapport juge « impossible » pour quiconque ne gagne pas au moins sept fois le seuil de pauvreté d’assurer ses besoins quotidiens sans s’endetter. Ainsi, 91 000 habitants ont quitté la Silicon Valley ces deux dernières années. « Nous avons l’écart le plus grand du pays, regrette Russell Hancock, le président de Joint Venture Silicon Valley. Le capitalisme a certains attributs grotesques. L’un d’entre eux est qu’il crée ces fossés. »

    Le livre de "photosociologie" de Mary beth Meehan, au travers des récits de vie de celles et ceux qui vivent là bas est une autre manière de comprendre ce qui se joue actuellement, et entre en résonnance avec cet article.

    #Silicon_valley #Inégalités #Mary_Beth_Meehan

  • https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/13/l-affaire-aldo-moro-au-cinema-une-effrayante-machine-a-fiction_6165212_3232.

    L’affaire Aldo Moro au cinéma, une effrayante machine à fiction

    Analyse
    Jean-François Rauger

    L’assassinat, en 1978, du président du parti démocrate chrétien italien par les Brigades rouges continue de faire l’objet d’une infinité de spéculations, alors qu’Arte diffuse « Esterno notte », une série documentaire réalisée par Marco Bellocchio.

    Publié aujourd’hui à 04h00, mis à jour à 04h00 Temps de Lecture 3 min.

    Esterno notte, la série réalisée par Marco Bellocchio et diffusée sur Arte les 15 et 16 mars, vient apporter une nouvelle et décisive contribution à la réflexion sur un événement qui a traumatisé toute l’Italie. L’enlèvement à Rome, le 16 mars 1978, et l’assassinat, après cinquante-cinq jours de séquestration, d’Aldo Moro, président du parti démocrate chrétien italien, au pouvoir depuis 1945, par un commando des Brigades rouges a fait – et continue de faire – l’objet d’une littérature abondante, d’une infinité de commentaires et de spéculations, en Italie et ailleurs.

    Comme si les faits ne se suffisaient pas à eux-mêmes et que quelque chose devait se cacher derrière la brutalité et l’évidence de l’événement. Ces affirmations de l’existence d’une causalité cachée, différente des versions émises par les acteurs du drame, l’Etat italien ou les Brigades rouges – qui, en l’espèce, partagent la même version –, participèrent, la plupart du temps, sinon d’un projet politique, en tout cas d’une vision idéologique.

    Celle-ci se nourrit de tout ce qui a empêché, ou tout du moins obscurci, la compréhension immédiate de l’assassinat. Chaque coïncidence étrange, chaque témoignage hasardeux, chaque mystère irrésolu, chaque contradiction non réglée a alimenté toutes sortes d’explications. Celles-ci voyaient, derrière l’action du commando, la main des services secrets et de l’Etat italien lui-même, de la CIA, du KGB ou de la Stasi, voire du Mossad. Toutes sortes de puissances, ayant, paraît-il, eu intérêt à la mort de Moro, l’homme du « compromis historique » – une politique soutenant une éventuelle participation du Parti communiste italien à un gouvernement démocrate chrétien –, mais aussi le promoteur d’une audacieuse politique pro-arabe lorsqu’il était ministre des affaires étrangères.

    Ce que l’on a appelé la « diétrologie », du mot italien dietro, (« derrière »), a été mis au service d’une interprétation des faits, à droite et surtout à gauche, consolante et explicative, conforme à une certaine vision du monde et des enjeux politiciens de l’Italie. Version dévoyée de ce que Balzac appelait « l’envers de l’histoire contemporaine ». Les Brigades rouges n’auraient été qu’un groupe manipulé soit par l’Etat, soit par diverses puissances étrangères.

    Interprétations historiques successives

    Lorsque le cinéma s’est emparé de l’assassinat, sans doute a-t-il été confronté à cette confusion même et surtout à cette arborescente tentation fantasmatique. Comment, dès lors, relater un événement lorsqu’on lui attache diverses causalités hypothétiques, engendrant une multitude de récits virtuels ?
    Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Cannes 2022 : avec « Esterno notte », Marco Bellocchio signe un drame shakespearien en six actes inspiré de l’assassinat d’Aldo Moro

    Il caso Moro, de Giuseppe Ferrara, est tourné en 1986, d’après le livre du romancier Robert Katz. Gian Maria Volonte y incarne le chef de la Démocratie chrétienne. Le film tente de s’en tenir au déroulement des faits tout en témoignant de l’incertitude d’alors. Il s’appuie sur des éléments alors connus mais aussi sur des informations depuis lors remises en question. Lorsque la télévision s’intéresse à nouveau à cette histoire, en 2008, avec le téléfilm de Gianluca Maria Tavarelli, Aldo Moro. Il presidente, la connaissance de la réalité est plus précise.

    Les participants à l’attaque ont été arrêtés, ou en fuite mais identifié pour l’un d’entre eux. Le chef du groupe qui a enlevé et séquestré Moro avant de l’exécuter, alors leader des Brigades rouges, Mario Moretti, a publié un livre d’entretiens en 1994, Brigate rosse, une histoire italienne. Il y détaille les faits et notamment le modus operandi de l’action. Son récit sera, de surcroît, confirmé par d’autres participants à l’enlèvement et à la séquestration comme Anna Laura Braghetti (dont Marco Bellocchio adaptera librement le livre en 2003 avec son Buongiorno, notte) ou bien les brigadistes Valerio Morucci et Germano Maccari. Dans le film de Tavarelli, Michele Placido incarne Moro. Les brigadistes sont désormais identifiés précisément par leur nom et les actions relatées reposent sur des bases plus solides.

    Mais il faut aussi signaler Piazza delle cinque lune (L’Affaire des cinq lunes, 2003), film de Renzo Martinelli qui imaginait une enquête menée par un juge de province (incarné par Donald Sutherland) sur l’enlèvement. Ecrit en collaboration avec le sénateur communiste Sergio Flamigni, qui semblait s’être donné pour tâche, pour d’évidentes raisons politiques, de démontrer que les Brigades rouges étaient manipulées par la CIA et les services secrets italiens, le film accumulait, dans une espèce de délire synthétique, toutes les théories les plus complotistes. Ici, le cinéma se situait délibérément du côté de la spéculation la plus paranoïaque et la plus candide.

    L’Etat, le Vatican, la famille et la brigade

    La grande qualité de Esterno notte a consisté à sortir du caractère purement illustratif des versions précédentes, à refuser, bien sûr, toute théorie abusive, pour décrire en détail le fonctionnement des superstructures (l’Etat, le Vatican, la famille d’Aldo Moro, le groupe brigadiste lui-même) confrontées au choc que fut l’action spectaculaire des Brigades rouges. Mais on trouve aussi, dans la grande précision intellectuelle du film, comme le souci d’en finir, une fois pour toutes, avec une histoire qui n’a cessé d’être remise en question, écrite et réécrite, déformée et niée, fantasmée et instrumentalisée.
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    Vaine illusion pourtant, car il continue toujours de se publier, en Italie, des ouvrages remettant en cause la version officielle de l’attentat, alors que, depuis plusieurs années, d’ex-brigadistes, en libération conditionnelle ou en régime de semi-liberté, participent de l’industrie du spectacle contemporain en multipliant les apparitions dans des talk-shows télévisés. L’affaire Aldo Moro est une effrayante usine à fiction, une machine infernale que rien ne semble pouvoir arrêter. Surtout pas le cinéma.
    Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le long exil de l’extrême gauche italienne à Paris

    Jean-François Rauger

    https://www.arte.tv/fr/videos/RC-023478/esterno-notte

  • L’Union Européenne, organisation criminelle de masse.

    Bilan :

    La Méditerranée est devenue le plus grand cimetière d’exilés au monde, puisque c’est là qu’est survenue la moitié des 48 000 décès de migrants enregistrés sur la planète depuis 2014

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/09/en-mediterranee-la-politique-criminelle-de-l-union-europeenne-se-deploie-dan

    #crime_de_masse #union_européenne #migrants #Méditerranée #chasse_aux_pauvres #cimetière

  • « En Méditerranée, la politique criminelle de l’Union européenne se déploie dans l’indifférence générale »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/09/en-mediterranee-la-politique-criminelle-de-l-union-europeenne-se-deploie-dan

    Après un énième naufrage d’une embarcation de migrants près des côtes calabraises, le 26 février, les anthropologues Lorenzo Alunni et Didier Fassin s’indignent du fait que l’Europe soit passée, en quelques années, du secours en mer à l’intimidation et à la criminalisation de l’humanitaire.

    Dans Les Suppliants (L’Arche, 2016), le chant des exilés qu’elle a imaginé en écho à la tragédie d’Eschyle, la romancière et dramaturge autrichienne Elfriede Jelinek, Prix Nobel de littérature 2004, évoque ces femmes et ces hommes en quête d’une protection sur le continent européen qui se noient au large de ses côtes. « C’est de l’eau qui leur passe au-dessus de la tête, qui s’abat sur eux avant de les faire réapparaître, hissés à la surface, essorés, brancardés. » Mais sur la terre ferme, l’administration n’a qu’une question à l’adresse des noyés : « Comment avez-vous osé quitter le toit paternel ? »

    C’est la même incompréhension qu’a semblé manifester le ministre italien de l’intérieur, Matteo Piantedosi, après le naufrage, le 26 février, près des côtes calabraises, d’une embarcation chargée d’exilés, dont la plupart fuyaient l’Afghanistan. Aux morts – au moins 72, selon les derniers bilans –, il lançait cette accusation : « Le désespoir ne peut jamais justifier des conditions de voyage qui mettent en danger la vie de ses enfants. » Car, ajoutait-il, il aurait suffi que les naufragés en fassent la demande pour qu’on les amène en terre italienne : « Le sens de mes mots, c’est : “Arrêtez-vous, nous allons venir vous chercher.” »
    Quant à la présidente du conseil, Giorgia Meloni, elle aussi a exprimé sa compassion, annonçant, en contradiction avec son ministre : « Le gouvernement s’est engagé à prévenir les départs et, avec eux, la survenue de ces tragédies, exigeant la plus grande coopération des Etats de départ et d’origine. » Peut-être pensait-elle négocier avec les talibans, pour qu’ils dissuadent de partir les exilés afghans, généralement hazara, qu’ils persécutent, torturent et assassinent, de même qu’avec le gouvernement turc, pour qu’il retienne les candidats au départ et les ajoute aux 3 millions de réfugiés déjà confinés dans ses camps.

    Du sauvetage au refoulement

    Seul au sein des autorités italiennes, le président de la République, Sergio Mattarella, est allé se recueillir devant les cercueils, reconnaissant que les victimes « fuyaient des conditions très difficiles ». S’ils avaient osé quitter le toit paternel, comme paraissaient s’en offusquer les membres de son gouvernement, c’est qu’ils avaient de sérieuses raisons de le faire.

    Comme toujours en pareil cas – on se souvient d’Emmanuel Macron n’ayant comme réponse, au lendemain de la mort de 27 naufragés dans la Manche le 24 novembre 2021, que l’annonce d’un renforcement de l’agence européenne de surveillance des frontières Frontex –, les responsables politiques italiens ont exigé plus de contrôles et de sévérité. Or c’est ce qui avait conduit à la tragédie.

    D’une part, l’avion de Frontex qui avait survolé le bateau et identifié la présence de nombreux passagers à son bord n’avait pas signalé sa situation de détresse. D’autre part, les vedettes rapides de la Guardia di finanza, qui avaient été envoyées sur les lieux et avaient rebroussé chemin en raison du mauvais temps, ont une activité douanière. Loin d’être une opération de sauvetage, comme la Guardia costiera [« garde côtière »] aurait pu l’engager, la sortie tardive et avortée des bateaux italiens s’apparentait à une opération de police.

    Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi. Après le naufrage survenu le 3 octobre 2013 sur les côtes de Lampedusa, qui avait causé la mort d’au moins 368 personnes, le gouvernement italien, choqué par le drame, avait engagé une grande opération de secours en mer appelée « Mare Nostrum », dont on estime qu’elle a porté assistance à 150 000 personnes. Mais dès l’année suivante, faute de financement européen, le programme avait été interrompu et remplacé par l’opération « Triton » de Frontex, qui avait pour fonction d’intercepter les embarcations.

    On a découvert plus tard que l’agence pratiquait des refoulements illégaux et dangereux, et collaborait avec les prétendus gardes-côtes libyens qui interpellent les naufragés avant de les mener dans des prisons où ils sont souvent victimes de sévices. Pour compenser la quasi-disparition des opérations de secours, plusieurs organisations humanitaires affrétaient alors des navires destinés au sauvetage en mer, mais, très vite, le gouvernement italien les accusait de complicité avec les passeurs, les empêchait d’accoster avec leurs rescapés et même leur intentait des procès.

    Indifférence générale

    Tragique coïncidence, deux jours avant le naufrage sur les côtes calabraises, le Parlement italien, dominé par la droite et l’extrême droite, avait voté une loi interdisant aux navires des organisations non gouvernementales de faire plus d’un sauvetage à la fois, mesure qui s’ajoutait à l’obligation, sous peine de lourdes sanctions, de rejoindre des ports qui leur étaient assignés, loin des lieux de secours, afin de réduire le nombre d’opérations et d’en augmenter le coût. Ainsi, en quelques années, on est passé, sous les auspices de l’Union européenne, d’actions de secours en mer à l’intimidation et à la criminalisation de l’humanitaire.

    La Méditerranée est devenue le plus grand cimetière d’exilés au monde, puisque c’est là qu’est survenue la moitié des 48 000 décès de migrants enregistrés sur la planète depuis 2014, selon l’estimation basse de l’Organisation internationale pour les migrations.
    Les enquêtes montrent que plus le contrôle des frontières maritimes s’est renforcé, plus la proportion de morts parmi celles et ceux qui tentent la traversée a augmenté, tandis que les passeurs, à l’abri sur les côtes africaines, non seulement ne sont pas inquiétés, mais font monter le prix des passages. La politique criminelle de l’Union européenne se déploie ainsi dans l’indifférence générale. La disqualification des exilés participe de la banalisation des naufrages.

    Au lendemain du drame, le Forum Lampedusa Solidale a envoyé une lettre de condoléances et de fraternité aux villageois de Cutro, en Calabre, avec lesquels ils partagent la douloureuse expérience d’être les spectateurs impuissants de ces tragédies sur leurs côtes. Elle se terminait par ces vers de la poétesse américaine Emily Dickinson (1830-1886), qu’on peut lire à l’entrée du cimetière de Lampedusa où tant de naufragés, anonymes ou non, sont enterrés : « Ressentir le deuil dans la mort/ De ceux que nous n’avons jamais vus/ Signifie une parenté vitale/ Entre notre âme et la leur/ Les étrangers ne pleurent pas – un étranger. »

    Lorenzo Alunni est chercheur ­en résidence à l’Institute for Advanced Study de Princeton (Etats-Unis) ; Didier Fassin est professeur ­au Collège de France et directeur ­d’études à l’EHESS.

    #migrants #Frontex #Méditerranée

    • Voir aussi : https://seenthis.net/messages/992511

      La trasformazione di eventi di soccorso nel Mediterraneo in “operazioni di polizia” da parte delle autorità italiane, prassi in atto dal 2019, mostra i suoi effetti più letali. E #Frontex aveva già rilevato con le termocamere la presenza di centinaia di persone sulla nave poi naufragata il 26 febbraio. Che cosa non torna nelle ricostruzioni ufficiali

      Lo strumentale e ingiustificato cambio di classificazione e gestione degli eventi di ricerca e soccorso nel Mediterraneo in “operazioni di polizia” da parte delle autorità italiane, prassi in atto dal 2019, come abbiamo raccontato fin dall’inizio su Altreconomia, mostra con la strage di Cutro del 26 febbraio 2023 i suoi effetti più letali.

      Ed è patetico lo scaricabarile in atto in queste ore tra Guardia costiera, Guardia di Finanza, ministero dell’Interno e Agenzia Frontex dopo il naufragio. Sergio Scandura, giornalista di Radio Radicale e faro nella notte del Mediterraneo grazie al suo meticoloso lavoro di monitoraggio e inchiesta su fonti aperte, usa un’immagine efficace per descrivere la pantomima: cioè la scena del film “Le iene” di Quentin Tarantino del 1992, con i sopravvissuti della storia a puntarsi le pistole l’uno contro l’altro.

      Qui però ci sono morti veri, 66 quelli dichiarati alla sera del 28 febbraio, dopo il ritrovamento del corpo di un bambino di nemmeno 10 anni. Secondo la prefettura di Crotone sarebbero 28 le salme identificate: 25 cittadini afghani, un cittadino pachistano, un palestinese e un siriano. I salvati arrivano da Afghanistan, Pakistan, Palestina, Siria, Iran, Somalia. Inclusi 14 minori, alcuni dei quali ancora ricoverati a Crotone, altri finiti al Cara di Isola di Capo Rizzuto.

      “Credo che al primo avvistamento abbia seguito un modo di procedere dell’imbarcazione che non ha segnalato il distress e quindi poi si è arenata in una secca all’arrivo: non ha chiesto aiuto da quelle che sono le prime ricostruzioni”, ha detto il 28 febbraio il ministro dell’Interno, Matteo Piantedosi, su Rai1, ospite di Bruno Vespa, dopo aver incolpato i morti per esser partiti con il brutto tempo e non aver fatto come John Fitzgerald Kennedy (“Non chiedete cosa può fare il vostro Paese per voi, chiedete cosa potete fare voi per il vostro Paese”).

      Il primo avvistamento della barca partita il 22 febbraio da Smirne, in Turchia, sarebbe stato in teoria quello dell’Agenzia Frontex, nella tarda serata del 25 febbraio, poche ore prima del naufragio e della strage. L’aereo di pattugliamento Eagle1 dell’Agenzia impiegato nell’ambito dell’operazione Themis avrebbe infatti avvistato l’imbarcazione a 40 miglia dalle coste crotonesi. Scandura ha pubblicato su Twitter la traiettoria disegnata dal velivolo.

  • #Bras_d’honneur d’Eric #Dupond-Moretti : « Le #délit d’#outrage pourrait être caractérisé à l’encontre du #garde_des_sceaux »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/09/bras-d-honneur-d-eric-dupond-moretti-le-delit-d-outrage-pourrait-etre-caract

    #insulteur_insulté
    #auto_legiferation

    « Les parlementaires et les élus locaux sont, par leur engagement et le mandat qu’ils détiennent, les représentants de la démocratie nationale et locale. Ils occupent une place fondamentale dans le fonctionnement de nos institutions et toute atteinte à leur encontre constitue également une atteinte au pacte républicain » : c’est par ces mots vibrants qu’Eric Dupond-Moretti, en sa qualité de garde des sceaux, commence sa circulaire du 7 décembre 2020 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif.

    Ironie du sort : un peu plus de deux années plus tard, le ministre de la justice s’est mis en situation d’être rattrapé par sa propre circulaire. En effet, en reconnaissant avoir effectué, en plein Hémicycle, deux bras d’honneur en réaction aux propos d’Olivier Marleix, président du groupe des députés Les Républicains (LR), le garde des sceaux pourrait s’exposer à des poursuites pour outrage devant la Cour de justice de la République. D’un point de vue juridique, la démonstration en est très simple.

    Pour commencer, l’article 433-5 du code pénal prévoit que « constituent un outrage puni de 7 500 euros d’amende les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques adressés à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie ».

    [...]

    Si aucune poursuite ne devait avoir lieu, on retiendra que, chaque année, plusieurs de nos concitoyens sont condamnés pour avoir adressé des doigts d’honneur à des personnes chargées d’une mission de service public ou dépositaires de l’autorité publique, sans bénéficier d’un tel traitement de faveur, et parfois en s’appuyant sur une circulaire émanant du garde des sceaux lui-même…

    En plus de faire mal à la #République, cette #affaire serait aussi un #bras_d’honneur au #principe_d’égalité_des_citoyens_devant_la_justice.

  • Réforme des #retraites : « Un rejet massif dans toutes les catégories d’actifs nourrit la mobilisation »

    Le collectif de chercheurs Quantité critique expose, dans une tribune au « Monde », les résultats d’une enquête sur l’opinion – largement négative – des actifs sur la réforme des retraites. Mais également sur leur participation au mouvement social.

    Avec un niveau de rejet qui ne cesse de s’intensifier, le gouvernement semble avoir perdu la bataille de l’opinion sur son projet de réforme des retraites. Cette opposition se vérifie dans l’enquête par sondage réalisée par le collectif de chercheurs Quantité critique auprès d’un échantillon national représentatif de 4 000 individus, entre le 15 et le 28 février 2023. Le rejet de la réforme y est largement majoritaire (69 % des actifs), tout comme le soutien au mouvement social actuel (59 % des actifs le soutiennent ou y participent).

    Ce rejet est majoritaire dans toutes les catégories de personnes en activité : il est certes plus fort chez les membres des professions intermédiaires, les employés et les ouvriers, mais reste majoritaire chez les cadres (64 %). L’opposition est moins nettement dominante chez les 65 ans et plus (43 % favorables à la réforme, 44 % opposés) et les personnes déclarant un niveau de revenus nets supérieur à 4 000 euros par mois (51 % favorables, 42 % opposées).
    Ce refus massif renvoie d’abord à un fait documenté depuis des années : la détérioration des conditions d’emploi et de travail. Le soutien apporté aux manifestations, aux grèves et aux blocages atteste, quant à lui, de la perte de légitimité du gouvernement et de la possibilité d’un élargissement de la contestation dans les jours à venir.

    Pénibilité des conditions de travail

    L’opposition au projet de réforme s’observe chez les salariés comme chez les indépendants. Les travailleurs ayant les activités les plus pénibles et les statuts les plus précaires sont au cœur du rejet, mais celui-ci est également fortement exprimé par les plus qualifiés. L’opposition atteint 82 % chez celles et ceux qui ont choisi quatre qualificatifs négatifs parmi les quatre suivants (« stressant », « dangereux », « répétitif » et « fatigant ») pour décrire leur travail. Elle culmine dans les secteurs d’activité connus pour la pénibilité des conditions de travail, comme l’industrie, les services à la personne, les transports, la santé et l’éducation.

    Si les niveaux de rejet de la réforme sont très proches dans le privé (69 %) et le public (74 %), l’opposition est plus hétérogène dans le premier cas que dans le second. Les cadres du privé sont les plus partagés, mais le rejet de la réforme reste très majoritaire (60 % d’opposés et 25 % de favorables). Dans le secteur public, le niveau d’opposition varie moins selon la catégorie d’agents concernée.

    La solidité du statut est une autre variable-clé pour appréhender l’intensité de l’opposition à la réforme. Les chômeurs et les intérimaires sont par exemple 76 % et 79 % à se dire opposés au projet. Les salariés craignant une perte de salaire ou de revenu dans la prochaine période sont aussi 76 % à s’y opposer.

    Toutes les catégories d’actifs

    Cependant, les salariés ayant le regard le plus positif sur leur activité rejettent aussi en grande majorité la réforme (60 %), tout comme ceux qui ne craignent ni la perte de leur emploi ni une perte de revenu (68 %).
    Loin de se concentrer dans des foyers de contestation classiques, l’opposition à la réforme touche toutes les catégories d’actifs à des niveaux particulièrement élevés. Derrière cette opposition majoritaire, il semble que ce soit un idéal de retraite comme « repos » (pour 92 % des enquêtés) mais aussi comme « opportunité pour de nouvelles activités » (pour 92 % également) qui s’affirme. La volonté de s’émanciper de la marchandisation du travail est au cœur du débat actuel.

    Si l’opposition à la réforme des retraites est massive dans tous les secteurs d’activité, tous les individus ne sont pas également armés pour se mobiliser. Les individus jusque-là mobilisés dans les grèves ou les manifestations (15 % des actifs) correspondent à une fraction spécifique des opposants, d’abord caractérisée par la proximité avec un syndicat. Davantage que la syndicalisation, c’est le lien avec les syndicats et le fait d’entretenir des relations de solidarité au travail qui apparaissent décisifs. L’isolement au travail joue ainsi un rôle ambivalent : s’il alimente l’opposition à la réforme, il constitue, dans le même temps, un frein à l’action.

    Au sein du secteur public, les plus actifs contre la réforme se retrouvent davantage chez les cadres et les professions intermédiaires, et dans les secteurs de l’éducation, la recherche et la culture. Les catégories C et D, très opposées à la réforme, semblent cependant en retrait de la mobilisation.

    Fort potentiel de mobilisation

    Dans le secteur privé, ce sont en revanche surtout les ouvriers qualifiés, puis les agents de maîtrise et les employés, qui se sont les plus mobilisés. Elément inédit, les salariés de la sous-traitance affichent un niveau de mobilisation égal à celui du reste du salariat (15 %) et un fort potentiel de mobilisation, avec une forte proportion de personnes estimant pouvoir basculer dans l’action (20 %). Le nombre moyen des journées de grève par salarié mobilisé est nettement moins important qu’au sein du secteur public, mais leur participation témoigne de la profondeur du mouvement. Confrontés à une pression managériale forte, ces salariés semblent avoir construit un cadre spécifique de mobilisation.

    Ainsi, le mouvement se situe à un tournant entre la « grève par procuration », dont témoignent les 46 % d’actifs soutenant le mouvement sans y participer, et le recours à la grève (40 %), à la manifestation (43 %) ou aux actions de blocage (35 %), et son élargissement, déjà engagé par la mobilisation du privé. De plus, 15 % des actifs n’ont pas encore participé à la mobilisation mais se disent « prêts à le faire ». Ce sont d’abord des jeunes (19 % des 18-24 ans), mais également ceux qui subissent les plus mauvaises conditions de travail et les plus grandes difficultés financières (16 % chez ceux qui en éprouvent tous les mois).

    La suite de la mobilisation dépendra donc de la capacité du mouvement à maintenir dans l’action les secteurs les plus mobilisés, mais également à opérer une bascule de la volonté d’engagement dans l’engagement effectif parmi ceux qui sont encore à l’orée de la mobilisation.

    Collectif Quantité critique
    Giuseppe Cugnata, Scuola Normale Superiore (Florence) ; Gala Kabbaj, administratrice ; Maxime Gaborit, université Saint-Louis (Bruxelles) ; Nathan Gaborit, université Saint-Louis (Bruxelles) ; Tristan Haute, université de Lille ; Julie Landour, université Paris Dauphine - PSL ; Yann Le Lann, université de Lille ; Samuel Pinaud, université Paris Dauphine - PSL ; Anaëlle Solnon, ngénieure de recherche ; Hugo Touzet, Sorbonne Université ; Daniel Veron, université de Caen
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/07/reforme-des-retraites-un-rejet-massif-dans-toutes-les-categories-d-actifs-no

  • « Les centres de rétention sont devenus des lieux de violations systématiques des droits et d’atteintes graves à la dignité humaine », Fanélie Carrey-Conte, Cimade

    Depuis 1984, La Cimade est présente dans ces lieux où sont enfermées les personnes étrangères que l’administration cherche à expulser. D’une durée de sept jours initialement, la rétention peut, depuis la loi de 2018, durer jusqu’à trois mois.

    Toute personne sans papiers, y compris des familles avec enfants et des ressortissants européens, peut être enfermée dans ces lieux peu connus du grand public, assimilables à des prisons. En dépit de nos alertes régulières, les centres de rétention administrative (CRA) sont devenus des lieux de violations systématiques des droits et d’atteintes graves à la dignité humaine.
    Témoins quotidiens des pratiques abusives de l’Etat, nous dénonçons ici les conditions dans lesquelles ces personnes sont interpellées, enfermées puis expulsées.
    Contrôles au faciès, procédures administratives irrégulières, absence de prise en compte de la vulnérabilité, expulsions violentes, chaque jour des personnes sont enfermées malgré une violation manifeste de leurs droits fondamentaux, souvent avec l’assentiment des tribunaux.

    Enfermements arbitraires

    Les préfectures enferment à la chaîne sans examiner, même de manière superficielle, la situation individuelle des personnes, ce qui peut conduire à des enfermements arbitraires. Ainsi, pour le seul mois de janvier 2023, plus de la moitié des procédures de placement dans les CRA où La Cimade intervient ont été déclarées irrégulières par un juge.
    L’amalgame systématique entre immigration et délinquance conduit l’administration à enfermer et expulser toute personne étrangère qui représenterait une « menace pour l’ordre public ». La lecture des décisions administratives révèle pourtant l’absurdité de cette notion : ont par exemple été considérés comme une menace pour l’ordre public le fait de cracher au sol dans la rue, de ralentir la circulation des voitures, de regarder « suspicieusement » autour de soi, mais aussi d’appeler la police à la suite d’une agression dont l’intéressé a été la victime.

    Pour alimenter la machine à expulser, les préfectures contactent les autorités consulaires de pays qui ne respectent pas les droits humains au risque de mettre en danger les personnes qu’elles souhaitent expulser. L’Etat a par exemple transmis au gouvernement [syrien] de Bachar Al-Assad les identités de personnes syriennes alors même qu’il a rompu ses relations diplomatiques avec Damas.

    Il a aussi pris attache avec les autorités soudanaises pour des personnes dont les craintes étaient reconnues, ou iraniennes pour une opposante au régime. Des démarches ont aussi été organisées pour des expulsions vers la Somalie, l’Irak, l’Erythrée, le Soudan du Sud et vers Haïti, malgré une situation sécuritaire alarmante.

    Expulsions illégales

    L’exercice de nos missions d’accès aux droits en CRA devient toujours plus difficile. A rebours des déclarations politiques considérant que les personnes en situation irrégulière disposent de trop nombreuses possibilités de recours, nous constatons chaque jour que l’accès à un recours effectif n’est pas garanti.
    Les personnes sont parfois expulsées illégalement avant même d’avoir vu un juge ou alors qu’elles ont demandé l’asile sur le territoire français. L’Etat comme les tribunaux refusent régulièrement d’appliquer la loi et organisent l’expulsion de personnes pourtant protégées par le droit (au titre de leur vie familiale, de leur santé, de leurs craintes de persécutions, etc.).

    En dépit d’un accès aux soins défaillant, et des risques sanitaires encourus en cas d’expulsion, de nombreuses personnes malades sont enfermées dans les #CRA. Certaines, souffrant de pathologies psychiatriques lourdes, ne sont pas en mesure de comprendre où elles se trouvent et leur absence de discernement ne leur permet pas d’engager des démarches juridiques. Des personnes sous curatelle renforcée ont aussi été enfermées. Au Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), malgré nos multiples alertes, une femme est enfermée depuis plus d’un mois alors qu’elle ne communique pas et ne peut s’alimenter ni se laver seule.
    Les conditions d’enfermement se dégradent continuellement : locaux insalubres, parfois non chauffés ou sans eau courante, présence de rongeurs, quantités de nourriture insuffisantes… Les violences et les mises à l’isolement répétées se multiplient.

    Un climat de stigmatisation grandissante

    Face à l’aggravation de la situation, à l’indignité et à l’illégalité des pratiques d’enfermement et d’expulsion, nous demandons :
    – le respect du droit : la fin des expulsions illégales des personnes avant leur audience devant le juge administratif ou avant la réponse à leur demande d’asile, la fin des expulsions de personnes légalement protégées contre l’éloignement, et le respect des décisions de justice par les préfectures ;
    – la fin de l’enfermement des personnes vulnérables et leur protection, notamment pour les personnes ayant des troubles psychiatriques manifestes, les victimes de violences conjugales et les mineurs ;
    – la fin des placements à l’isolement massifs et abusifs et du recours à la force systématique : les violences policières et l’impunité des personnes dépositaires de l’autorité publique doivent cesser ;
    – la libération et la délivrance d’un titre de séjour pour les personnes inexpulsables et pour les personnes en danger dans leur pays d’origine.

    Dans un climat de stigmatisation grandissante des personnes étrangères [alors qu’un projet de loi destiné à « contrôler l’immigration et améliorer l’intégration » a été adopté, mercredi 1er février, en conseil des ministres], La Cimade demande un changement de paradigme des politiques migratoires, garantissant le respect des droits et libertés fondamentales.
    Elle réaffirme son positionnement pour la fermeture de tous les centres et locaux de rétention et plus largement la suppression de toutes les formes d’enfermement spécifiques aux personnes étrangères.

    La Cimade (à l’origine acronyme de Comité inter-mouvements auprès des évacués) est une association de défense des droits des personnes réfugiées et migrantes.
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/02/les-centres-de-retention-sont-devenus-des-lieux-de-violations-systematiques-

    #étrangers #migrants #réfugiés #immigration #politique_migratoire #rétention #enfermement #expulsions #xénophobie_d'État

  • Le président tunisien prône des « #mesures_urgentes » contre l’immigration subsaharienne

    Lors d’une réunion, mardi, du Conseil de sécurité nationale, le président tunisien, #Kaïs_Saïed, a tenu un discours très dur au sujet de « #hordes des #migrants_clandestins » en provenance d’Afrique subsaharienne, dont la présence est selon lui source de « #violence, de #crimes et d’#actes_inacceptables », insistant sur « la nécessité de mettre rapidement fin » à cette immigration.

    Il a en outre soutenu que cette immigration clandestine relevait d’une « entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie », afin de la transformer en un pays « africain seulement » et estomper son caractère « arabo-musulman ».

    Il a appelé les autorités à agir « à tous les niveaux, diplomatiques sécuritaires et militaires » pour faire face à cette immigration et à « une application stricte de la loi sur le statut des étrangers en Tunisie et sur le franchissement illégal des frontières ». « Ceux qui sont à l’origine de ce phénomène font de la traite d’êtres humains tout en prétendant défendre les droits humains », a-t-il encore dit, selon le communiqué de la présidence.

    « Discours haineux »

    Cette charge de Kaïs Saïed contre les migrants subsahariens survient quelques jours après qu’une vingtaine d’ONG tunisiennes ont dénoncé jeudi la montée d’un « #discours_haineux » et du racisme à leur égard. Selon ces organisations « l’État tunisien fait la sourde oreille sur la montée du discours haineux et raciste sur les réseaux sociaux et dans certains médias ». Ce discours « est même porté par certains partis politiques, qui mènent des actions de propagande sur le terrain, facilitées par les autorités régionales », ont-elles ajouté.

    Dénonçant « les violations des droits humains » dont sont victimes les migrants, les ONG ont appelé les autorités tunisiennes « à lutter contre les discours de #haine, la #discrimination et le #racisme envers eux et à intervenir en cas d’urgence pour garantir la dignité et les droits des migrants ».

    La Tunisie, dont certaines portions de littoral se trouvent à moins de 150 kilomètres de l’île italienne de Lampedusa, enregistre très régulièrement des tentatives de départ de migrants, en grande partie des Africains subsahariens, vers l’Italie.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/47002/le-president-tunisien-prone-des-mesures-urgentes-contre-limmigration-s
    #Tunisie #migrations #migrants_sub-sahariens #anti-migrants #grand_remplacement #démographie

    ping @_kg_

    • Dans un contexte tendu, certains Tunisiens viennent en aide aux migrants subsahariens

      Après les propos du président Kaïs Saïed, les autorités ont averti : toute personne qui hébergerait des personnes étrangères sans carte de résidence ou déclaration au commissariat violerait la loi. L’avertissement vaut aussi pour les employeurs qui font appel à des travailleurs étrangers non déclarés. Ainsi, de nombreux migrants subsahariens en situation irrégulière se retrouvent expulsés et sans travail du jour au lendemain. Des Tunisiens tentent de les aider en organisant des collectes.

      Samia, dont le prénom a été changé pour préserver son anonymat, est en train de charger une voiture de vêtements et repas, résultats de collectes auprès de Tunisiens, solidaires avec les Subsahariens mis à la rue ces derniers jours.

      « Pour les personnes mises à la rue, malheureusement, il faut des repas prêts. Pour les personnes qui sont chez elles, de la viande des pâtes, du riz, des féculents… Des choses pour tenir, surtout qu’il fait un peu froid. Et puis, du lait pour les bébés, des couches et des lingettes, des produits d’hygiène intime… »

      Un geste de solidarité qui passe par le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux, afin d’aider à la fois les migrants en attente d’un rapatriement chez eux et ceux qui restent cloîtrés sans pouvoir aller au travail.

      « La situation, elle, est très alarmante. Elle est très alarmante et elle peut dégénérer rapidement. Alors, j’entends et je comprends très bien que les gens sont contraints d’appliquer la loi. Mais c’est un peu court comme analyse. On peut donner un peu de temps aux personnes pour s’organiser. On peut leur donner une trêve parce qu’il fait froid, et on ne peut pas jeter des familles à la rue. Ça, c’est vraiment affligeant, parce qu’il y a des bébés en très bas âge qui sont à la rue avec les températures qu’il fait », poursuit Samia.

      Elle et son association aident une centaine de personnes, dont des migrants en sit-in depuis deux jours, devant l’organisation internationale pour les migrations.

      –—

      L’analyse de l’historienne Sophie Bessis

      RFI : Comment le pays en est arrivé là ?

      Sophie Bessis : « La première chose, c’est, pour remonter loin dans l’histoire, il y a quand même une vieille tradition raciste anti-Noir en Tunisie qui n’a pas disparu, même si dans les années 1960 et 1970, le panafricanisme qui était à l’honneur avait un petit mis sous boisseau cette vieille tradition qui vient d’une tradition esclavagiste et du fait que les populations noires nationales ont toujours été marginalisées. La Tunisie est en crise actuellement. La recherche de bouc-émissaire est toujours un compagnon d’une population en crise. Nous avons en Tunisie un parti nationaliste, il faudrait se poser la question sur ce qu’il représente et pourquoi. Et la question la plus importante est pourquoi les plus hautes autorités de l’État ont repris cette rhétorique qui est d’un racisme absolument primaire. Ce sont les stéréotypes racistes les plus éculés que l’on retrouve dans toutes les extrêmes droites du monde. »

      À quel point l’externalisation de la sécurité des frontières européennes a-t-elle joué dans le discours des autorités ?

      Il y a une progression des droites européennes qui est tout à fait alarmante en ce qui concerne la question migratoire et il y a une influence réelle disons et les moyens de pression des pays européens sur des pays comme la Tunisie dont vous connaissez l’ampleur de la crise économique, monétaire, financière et sociale donc il n’est pas impossible du tout qu’une partie de cette chasse anti-migrants soient dues aussi à ces pressions anti-européennes. En revanche, là où il faut se poser une question, c’est pourquoi cette violence ? Parce que malheureusement, la politique anti-migrants est devenue quelque chose de banale dans le monde d’aujourd’hui, mais la violence à la fois de la parole publique et la violence des gens contre les Subsahariens oblige aujourd’hui à se poser des questions, sur l’État de la société tunisienne et de son appareil dirigeant.

      L’Union africaine a réagi, qualifiant les propos du président de « choquants » et appelant au calme, mais quel impact pourrait avoir ces déclarations sur la diplomatie tunisienne en Afrique ?

      Il y a une boussole qui a été perdue, il y a une boussole qui est cassée aujourd’hui en Tunisie et j’espère que les pairs africains de la Tunisie et en particulier les pays dont sont originaires une bonne partie des migrants Subsahariens, sera plus ferme à l’égard de la Tunisie.

      https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230228-dans-un-contexte-tendu-certains-tunisiens-viennent-en-aide-aux-migrants

    • Étudiant congolais en Tunisie : « Je ne sors plus, je reste confiné chez moi »

      Marc* a 22 ans et vit en Tunisie depuis un an. Muni d’un visa étudiant, ce jeune homme congolais s’est installé à Tunis dans l’espoir de finaliser son cursus universitaire avant de rentrer dans son pays d’origine. Mais depuis le discours anti-migrants du président tunisien, Marc ne sort plus de chez lui de peur de se faire agresser ou embarquer par la police.

      Le 21 février, le président tunisien Kaïs Saïed n’a pas mâché ses mots à l’égard des quelque 21 000 Africains subsahariens vivant en Tunisie. Les accusant d’être source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables », le chef de l’État a évoqué la mise en place de « mesures urgentes » pour lutter contre ces « clandestins ». Depuis, dans ce pays frappé par une grave crise économique, un vent de panique souffle parmi les personnes noires - tunisiennes comme immigrées, avec ou sans papiers. Ces derniers jours, les cas de personnes victimes d’attaques verbales et physiques, expulsées manu militari de leur appartement ou arrêtées arbitrairement dans la rue par les forces de l’ordre, se sont multipliées.

      Marc est, pour l’heure, épargné. Étudiant depuis un an à Tunis, installé dans un quartier résidentiel de la capitale et muni d’un titre de séjour étudiant, Marc n’est pas un « clandestin ». Pourtant, son statut ne le protège pas des agressions.
      « Je suis à l’abri chez moi, mais jusqu’à quand ? »

      "Je ne sors plus de chez moi. Je reste confiné. Ces derniers jours, je ne vais plus en cours. J’ai trop peur. Dans la rue, on entend souvent les mêmes phrases : ’Rentrez chez vous ! Rentrez chez vous !’. Comment voulez-vous que j’arrive à l’arrêt de bus ou au métro [au tramway, ndlr] pour aller étudier ? J’ai peur de me faire agresser verbalement ou physiquement sur le trajet.

      J’ai entendu parler de camarades expulsés de chez eux, juste à cause de leur couleur de peau. Certains étaient en règle, d’autres non. Ce n’est pas un papier administratif, mon statut d’étudiant, qui va me protéger. Moi, pour l’instant, on ne me jette pas dehors. Je vis en colocation avec trois autres étudiants congolais. Je suis à l’abri, mais jusqu’à quand ?

      Des dizaines de Subsahariens, dont des familles avec enfants, campent actuellement devant les ambassades de leur pays. Certains y ont trouvé refuge après avoir été chassés de chez eux. Selon les chiffres cités par les ONG, plus 20 000 ressortissants d’Afrique subsaharienne vivent en Tunisie, soit moins de 0,2% de la population totale.

      Il y a eu des attaques à l’arme blanche aussi. Un de mes amis a reçu un coup de couteau alors qu’il sortait d’une épicerie.

      Le discours du président a eu un retentissement terrible. Il y a toujours eu du racisme en Tunisie. Il y a toujours eu des arrestations, il y a toujours eu des contrôles dans la rue de manière arbitraire, mais c’était moins violent. Par exemple, moi, avant, les autorités pouvaient m’arrêter dans la rue, des agents contrôlaient mon identité sur place et ils me laissaient repartir cinq minutes après.
      « On ne prend plus les transports en commun, on prend des taxis »

      Désormais, on arrête les gens et on les embarque directement au poste de police, on peut les mettre en cellule plusieurs jours sans raison. Pour la première fois, il y a quelques jours, des agents m’ont arrêté dans la rue, ils n’ont pas voulu me laisser aller en cours, alors que je leur montrais mes papiers en règle. Ils m’ont embarqué au poste. J’ai eu tellement peur. Ils ont vérifié mon passeport, ma carte d’étudiant et ils m’ont laissé repartir. J’ai eu de la chance.

      Pour d’autres Noirs, ça se passe moins bien. Ils peuvent rester 3, 4, 5 jours au poste.

      Pour vous dire la vérité, pour aller travailler ou aller étudier, les ressortissants noirs ne marchent plus sur les trottoirs, ne prennent plus les transports en commun. Ils prennent des taxis.

      Cette situation a poussé des centaines de personnes à vouloir rentrer dans leurs pays. L’ambassade de Côte d’Ivoire a lancé une campagne de recensement de ses ressortissants souhaitant rentrer au pays. L’ambassade du Mali propose également à ses ressortissants de s’inscrire pour un « retour volontaire ». L’ambassade du Cameroun a, elle aussi, indiqué, dans un communiqué, que ses ressortissants pouvaient se « rapprocher de la chancellerie pour tout besoin d’information ou procédure dans le cadre d’un retour volontaire ». Marc souhaite, lui aussi, rentrer dans son pays.

      J’ai tellement peur que j’ai contacté les agents de l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) pour qu’ils m’aident à rentrer chez moi [via le programme de ’retours volontaires’, ndlr], mais pour l’instant personne ne m’a répondu. Je ne comprends pas… En cette période difficile, on devrait avoir le soutien des instances internationales. Mais on n’a rien. C’est le silence radio."

      Si certains migrants ont réussi à rentrer chez eux via leurs ambassades ces dernières heures, des dizaines d’autres errent entre les bureaux du Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) et ceux de l’OIM, à Tunis. Beaucoup sont de Sierra Leone, de Guinée Conakry, du Cameroun, du Tchad ou du Soudan, des pays parfois sans ambassade dans la capitale tunisienne. Arrivés illégalement, ils se sont retrouvés, après les propos de Kaïs Saïed, soudainement à la rue et privés des emplois informels grâce auxquels ils survivaient.

      *Le prénom a été changé

      https://www.infomigrants.net/fr/post/47231/etudiant-congolais-en-tunisie--je-ne-sors-plus-je-reste-confine-chez-m

    • Racisme en Tunisie. « Le président a éveillé un monstre »

      Depuis quelques jours, la Tunisie est le théâtre d’une furieuse poussée de racisme contre les populations subsahariennes, déclenchée notamment par les récentes déclarations du président Kaïs Saïed. Du sud du pays à la capitale, Tunis, la crainte d’une escalade est grande.

      « Regarde ce qu’ils nous font, c’est terrible ! Comme si on n’était pas vraiment des hommes. » Sur l’écran du smartphone que me tend l’homme qui s’indigne ainsi, Adewale, deux hommes à la peau noire recroquevillés sur un canapé sont menacés par des assaillants encapuchonnés, armés de ce qui ressemble à des couteaux. Les victimes roulent des yeux terrifiés et psalmodient des suppliques. En réponse, leurs agresseurs hurlent, miment des coups. Puis la vidéo TikTok s’arrête et laisse place à une autre : elle montre des hommes et des femmes qui marchent dans la rue en criant des slogans, la mine hostile. « Ça ce sont des gens qui manifestaient contre la présence des Subsahariens dans le pays. Je ne comprends pas pourquoi ils nous détestent tant. »

      Adewale parle d’une voix lasse. Il l’a dit plusieurs fois pendant l’entretien : il n’en peut plus. De sa situation bloquée. De sa vie fracturée. De l’atmosphère viciée de ces derniers jours. Ce jeune Nigérian né à Benin City a beau avoir tout juste 30 ans, il a déjà derrière lui tout un passé de drames. Plus tôt, il m’avait raconté les larmes aux yeux comment sa femme est morte lors d’une tentative de fuir la Libye et de rejoindre l’Europe en bateau. Diminuée par les mauvais traitements endurés en Libye, malade, elle est décédée après un jour de traversée. « C’était le 27 mai 2017, je ne l’oublierai jamais », répète-t-il. Il explique avoir dû faire croire qu’elle s’était assoupie sur ses genoux pour éviter que son corps ne soit jeté à la mer par les autres voyageurs.

      Lui a été récupéré deux jours plus tard par un navire de gardes-côtes tunisiens alors qu’il dérivait au large de Sfax avec ses compagnons d’infortune. Depuis, il survit dans ce pays, obsédé par la perte de sa compagne dont il visite et fleurit régulièrement la tombe. Impossible pour lui de rentrer au Nigeria : la famille de sa compagne décédée le tient pour responsable et lui aurait signifié son arrêt de mort.

      À plusieurs reprises, Adewale me montre des photos personnelles pour mieux illustrer son propos. Défilent des portraits de sa défunte femme souriante, barrés d’un grand « RIP » coloré, suivis de clichés de sa tombe en béton ornée de fleurs. Puis ce sont des images où on le voit travailler sur un chantier de Zarzis, la ville où il réside désormais. Adewale me prend à témoin : c’est un bon travailleur, un ouvrier du bâtiment acharné, levé à l’aube, qui accepte de bosser au noir pour un salaire de misère. Depuis six ans qu’il réside en Tunisie, il n’a pas démérité. Comme tous ses camarades, ajoute-t-il. Alors aujourd’hui il tombe des nues : « Il y a peu de temps, j’ai été agressé dans la rue, à côté de chez moi. Un homme m’a donné un coup de poing dans l’estomac en me disant de rentrer dans mon pays. Tu imagines ? Dans ces cas-là, il ne faut surtout pas répondre sinon tout le monde se rue sur toi. C’est pour ça que je n’ai pas réagi. Mais je ne comprends pas cette haine. »

      Une version arabe du « #grand_remplacement »

      Zarzis n’est pourtant pas l’épicentre des violences racistes qui se déchaînent en Tunisie depuis plusieurs jours. Située dans le sud-est de la Tunisie, à moins de 100 kilomètres de la frontière libyenne, cette ville côtière d’environ 70 000 habitants est réputée plutôt « ouverte », avec une communauté de pêcheurs qui se sont parfois distingués par leur aide apportée aux embarcations de personnes exilées en détresse. Elle abrite aussi depuis peu un cimetière verdoyant nommé « Jardin d’Afrique », ou « Paradis d’Afrique », inauguré en 2021, qui se veut le symbole du respect accordé aux dépouilles des personnes décédées en mer.

      Mais à Zarzis comme ailleurs en Tunisie, la situation est tendue. Le déclencheur ? Un discours du président Kaïs Saïed le mardi 21 février 2023 lors d’une réunion du Conseil de sécurité nationale, qui a déchaîné ou réveillé chez certains une forme de racisme latent. Entre deux saillies sur les « violences, [...] crimes et actes inacceptables » prétendument commis par les « hordes » de personnes exilées clandestines, celui qui, depuis juillet 2021, s’est arrogé tous les pouvoirs, a déclaré que la migration correspondait à une « entreprise criminelle [...] visant à changer la composition démographique de la Tunisie ». L’objectif du complot ? En faire un pays « africain seulement » afin de dénaturer son fond identitaire « arabo-musulman ». Une traduction en arabe de la théorie du « grand remplacement » prônée en France par Renaud Camus, Éric Zemmour et leurs émules. Rodant déjà sur les réseaux sociaux, et portées par le Parti nationaliste tunisien, un mouvement relativement confidentiel jusqu’à ce début d’année, ces thèses ont soudain jailli au grand jour, entraînant une vague de violences qui s’est ressentie jusqu’à Zarzis.

      Adewale raconte ainsi qu’il se fait régulièrement insulter, qu’il ne peut plus se rendre au travail, et que plusieurs de ses amis subsahariens ont été mis à la porte de chez eux par leurs bailleurs pour la seule raison qu’ils étaient noirs. Il ajoute que lui a de chance : le sien est venu toquer à sa porte pour lui dire de le prévenir s’il avait des problèmes. Il n’empêche : il se terre chez lui. Et de dégainer encore une fois son smartphone pour me montrer une énième vidéo TikTok, ce réseau social devenu avec Facebook le vecteur principal du racisme – mais aussi la première source d’information des exilés. « Ça c’était à Sfax hier, explique Adewale, des jeunes ont attaqué un immeuble où vivaient des Subsahariens, et tout le monde a été mis dehors. » Sur l’écran, des hommes, des femmes et des enfants sont assis sur le trottoir avec leurs affaires, l’air désemparé. « Il y a des gens terribles ici », ajoute Adewale.

      « Une forme de psychose qui s’installe »

      Rencontrés à Zarzis, Samuel et Jalil vivent eux aussi dans la peur depuis le discours du 21 février. Ils ne sont pas d’origine subsaharienne, mais ils craignent que les temps à venir soient dramatiques pour les personnes exilées vivant en ville : « On conseille aux migrants qu’on suit de ne pas sortir, ou alors seulement au petit matin, pour aller faire les courses, parce qu’on ne sait pas comment ça peut tourner », explique Jalil. Il ne cache pas craindre une criminalisation de leur activité : « Les policiers savent qu’on assiste les personnes en transit ici. Dans le climat politique actuel, il y a forcément une forme de psychose qui s’installe. »

      L’entretien avec ces deux militants locaux a été fixé par WhatsApp, après vérification de ma situation : est-ce que les autorités savent que je suis journaliste ? Non ? J’en suis bien sûr ? Rendez-vous est finalement donné dans une sorte de villa touristique baroque, à quelques kilomètres du centre-ville. « C’est un peu notre cachette », dit Jalil, souriant de ce terme incongru. Tous deux expliquent en s’excusant que la situation politique les force à prendre des précautions dont ils préféreraient se passer. Âgés d’une quarantaine d’années, Samuel et Jalil s’emploient depuis des années à assister les nombreuses personnes exilées qui atterrissent dans la ville. Ils ont constaté que, bien avant l’envolée raciste du président, les personnes subsahariennes se voyaient déjà appliquer un traitement différencié : « On les accompagne s’ils doivent aller à l’hôpital, car sinon on ne les prend pas en charge. Et quand ils se font agresser, ce n’est même pas la peine pour eux de se rendre à la police, car elle n’enregistrera pas leur plainte. »

      C’est par le biais de ces deux militants que je rencontre leurs amis Yacine et Nathan. Le premier vient du Mali, le second de Côte d’Ivoire. Tous les deux sont passés par la Libye, qu’ils décrivent comme un enfer, entre sévices physiques et travail forcé. Interrogés sur la période passée là-bas, ils éclatent d’un rire nerveux. « C’est notre manière d’évacuer ces moments, explique Yacine. Personne ne peut comprendre l’horreur de ce pays pour un Noir s’il ne l’a pas vécu. »

      Quand ils ont finalement réussi à prendre la mer, après de longs mois d’errance et de labeur, ils ont été récupérés par un navire des gardes-côtes tunisiens, qui les a déposés à Zarzis. Ils ont ensuite été convoyés à Médenine puis à Djerba, où ils ont travaillé dans le bâtiment. De retour à Zarzis, ils ne pensent qu’à une chose : prendre la mer pour l’Europe. Et tant pis si pour cela ils doivent tenter la traversée sur un « iron boat », ces bateaux de métal conçus à la va-vite et qui ont sur certains rivages remplacé les navires en bois ou en résine – une évolution des conditions de navigation qui a provoqué de nombreux drames, ces embarcations de fortune prenant l’eau à la moindre vague.
      Des centaines de morts dans l’indifférence

      Plus de 580 personnes sont mortes en 2022 après avoir pris la mer depuis la Tunisie, dans l’indifférence de la communauté internationale. Pour Yacine et Nathan, qui ont déjà tenté la traversée depuis la Tunisie trois fois – pour se voir à chaque fois ramenés à quai par les gendarmes tunisiens des mers –, il existerait cependant des moyens concrets pour assurer une traversée plus sûre : « Il suffit de bien s’organiser, d’utiliser des applications pour connaître la météo dans les trois jours qui arrivent, et de regarder la hauteur des vagues. Après, tu te confies à Dieu. » Davantage que les éléments, ils craignent les hommes : « Le vrai problème, ce sont les gardes-côtes, qui se montrent violents et dangereux, au point de parfois faire couler les bateaux ».

      À Zarzis, une ville endeuillée par le terrible naufrage du 21 septembre 2022 au cours duquel 18 Tunisiens se sont noyés dans des circonstances troubles semblant impliquer les gardes-côtes, la question ne laisse pas la population insensible. De nombreuses manifestations ont eu lieu, notamment pour exiger des enquêtes sur les circonstances du drame. Début septembre a également été organisée une « commémorAction » réunissant Tunisiens et familles de disparus venus de divers pays africains. Mais dans le contexte actuel, la critique des politiques migratoires se retourne parfois contre les migrants, explique Jalil : « Certains disent que les jeunes Tunisiens sont morts à cause des Subsahariens, parce que le comportement violent des gardes-côtes serait dû à la volonté d’endiguer avant tout le départ des personnes noires. »

      Après plusieurs années passées en Tunisie, Yacine et Nathan assurent que le racisme était déjà sensible avant le discours du président. Refoulements à l’hôpital, loyers plus chers, charges d’électricité gonflées et travail sous-payé les poussent à considérer qu’eux et leurs camarades seraient en fait de pures aubaines pour ce pays. Pas dupes, ils font mine de s’étonner d’un traitement différencié avec des étrangers plus clairs de peau : « On s’est rendu compte que certains étrangers n’étaient pas concernés par les insultes et les mauvais traitements, notamment les Syriens, les Bangladais ou les Marocains. Peut-être que c’est la couleur de peau qui fait la différence ? Il faut dire qu’on est plus visuels ! »

      « Ici, c’est chez nous »

      Si l’ironie est de mise, la gravité aussi. Car les deux amis s’accordent à dire que le discours de Kaïs Saïed a jeté de l’huile sur le feu. Selon Nathan, « jouer sur la haine peut être très efficace, il suffit de voir ce qui se passe sur les réseaux sociaux ». Il s’inquiète logiquement du ralliement d’une partie de la population à cette croisade numérique. S’il a l’habitude de craindre la police, ne pas pouvoir marcher dans la rue ou se rendre à la boutique pour faire ses courses lui semble bien plus grave. Quant aux débordements, ils sont déjà là, s’indigne Yacine :

      Depuis le discours du président, on entend des insultes tout le temps. On te dit : « Ici, c’est chez nous. » Ça peut aussi passer par des petits gestes, quelqu’un à l’arrière d’un taxi qui s’étale de tout son long et ne te laisse qu’un bout de banquette, sans que tu puisses rien dire. Et parfois c’est grave : il y a quelques mois, un jeune Guinéen a été lapidé pour avoir changé une chaîne de télé dans un café. Des jeunes Tunisiens l’ont attendu à l’extérieur. Il a perdu un œil. J’ai peur que ce genre d’événements se reproduise bien plus souvent.

      Aux environs de Zarzis et dans la ville même, la plupart des personnes subsahariennes sont clandestines, n’ont aucune intention de rester en Tunisie et ont les yeux rivés sur la mer – à l’image d’Adewale, de Yacine et de Nathan. Pour beaucoup de celles et ceux passés par la Libye, ils n’ont de toute façon plus de papiers d’identité, les divers exploiteurs de misère croisés dans ce pays les leur ont confisqués. Mais les 21 000 ressortissants de pays subsahariens qui vivent en Tunisie sont tous plus ou moins logés à la même enseigne, qu’ils soient « légaux » ou « illégaux ».

      À Sfax, deuxième ville du pays secouée par plusieurs nuits de violences racistes dont le bilan est encore incertain, la tension imprègne les rues. Interrogés sur les derniers événements, certains Tunisiens déplorent les violences qu’ils attribuent à des jeunes écervelés agissant en bandes. « Ce sont des crétins qui se montent la tête sur Internet », estime un vieil homme rencontré à la terrasse d’un café. Mais d’autres assument un discours dont il ressort qu’il n’y a pas de fumée sans feu et que les victimes l’ont sans doute un peu cherché.

      Quant aux principaux concernés qui osent sortir de chez eux, certains ne croient plus vraiment au dialogue. À l’extérieur de la casbah de Sfax, en bordure de la large avenue des Martyrs, quelques exilés ont dressé les étals d’un petit marché africain – épices, fruits et légumes du pays. Interrogé, un jeune homme aux yeux tristes confie avoir « très peur des jours qui arrivent ». Il me renvoie vers un trio de femmes, apparemment chargées des communications. Tout en remballant leurs sacs de provisions, elles assurent ne pas vouloir témoigner : « On ne veut plus parler, on a trop parlé ! Et ça ne change rien ! C’est de pire en pire ! »

      « Les Noirs n’ont plus de valeur ici ! »

      Devant l’ambassade de Côte d’Ivoire à Tunis, par contre, les langues se délient. Cela fait quelques jours que le lieu excentré en banlieue est un point de rassemblement pour les Ivoiriens désemparés. Certaines familles dorment même sous des tentes, dressées sur un terre-plein à proximité du bâtiment, après qu’elles ont été expulsées de leur habitation. Tous ici affirment être arrivés par avion en Tunisie, donc par la voie légale. Leur désenchantement est immense.

      Parmi la grosse cinquantaine de présents, certains sont venus tenter de faire avancer leur situation administrative – qu’il s’agisse de rester dans le pays ou de le quitter. Beaucoup s’indignent de la question des « pénalités » que le gouvernement tunisien entend faire payer aux personnes désirant rentrer chez elles – et qui, selon la durée du séjour, peuvent atteindre de fortes sommes. Les autorités marchent sur la tête, s’accordent-ils : elles veulent qu’ils partent mais font tout pour que ce ne soit pas possible…

      Au-delà des épineuses questions administratives, les discours tenus ici sont unanimes : le racisme a explosé dans des proportions effrayantes. Prendre les transports en commun revient ainsi à s’exposer à de forts risques d’agression. Les témoignages s’enchaînent. « Moi je suis terrée chez moi depuis bientôt une semaine. C’est la première fois que je sors », dit l’une. « Des jeunes ont cassé ma porte en pleine nuit pour m’expulser de chez moi », s’émeut un autre, qui montre les contusions sur son visage et sur son cou en expliquant avoir été frappé. « J’étais dans le métro avec mes deux enfants quand des jeunes nous ont crié : “Rentrez chez vous, les singes !” », déplore une mère de famille, le petit dernier agrippé à son dos.

      Alors que plusieurs d’entre eux évoquent les rafles policières menées jusqu’à la sortie des crèches et la situation des personnes maintenues en prison, l’un d’eux sort un smartphone pour montrer les images passablement floues d’un homme noir insulté et frappé par ce qui ressemble à des policiers – « ils le torturent ». Puis c’est une autre où des Tunisiens crient « on n’est pas des Africains ! ». Enfin, une dernière qui déclenche des cris outrés quand l’orateur déclare : « Les Noirs n’ont plus de valeur ici ! »
      « Le feu vert à tous les débordements racistes »

      Face à ce déferlement de haine en ligne, les réactions sont contrastées. Un homme me déclare que le jour où il rentrera au pays il s’en prendra aux riches Tunisiens installés en Côte d’Ivoire – œil pour œil. Mais d’autres insistent pour imputer la responsabilité des violences à une minorité haineuse. « Beaucoup de Tunisiens m’ont aidé depuis que je suis arrivé », tient à témoigner Ismaël, jeune étudiant en informatique. Il parle d’une voix posée, évoque en souriant les délires administratifs qu’il a rencontrés jusqu’ici pour tenter de régulariser sa situation. Comme d’autres, il tempère, tente d’entrevoir une porte de sortie pour continuer à vivre dans ce pays qu’il dit aimer. Puis il se ravise : « En fait, je ne sais plus trop quoi penser. Le président a éveillé un monstre, et les derniers jours ont fait trop mal. »

      Une certitude : en pleine dérive autoritaire, le régime de Kaïs Saïed a libéré un fléau qui laissera des traces. « Il a donné le feu vert à tous les débordements racistes, qu’ils soient l’œuvre de la population ou des forces armées », explique un opposant tunisien, vétéran du renversement de Zine El-Abidine Ben Ali, en 2011, qui parle de « fascisme » pour désigner le pouvoir en place. « C’est un basculement très dangereux, contre lequel il va falloir lutter de toutes nos forces. »

      Inquiets, quelques centaines de manifestants se sont donné rendez-vous le 25 février pour dénoncer les discours et les violences racistes dans les rues de Tunis. Une initiative qui ne pèse pour l’instant pas lourd face à l’alliance de la parole présidentielle et des emballements racistes sur les réseaux sociaux.

      https://afriquexxi.info/Racisme-en-Tunisie-Le-president-a-eveille-un-monstre

    • Tunisie : des centaines de ressortissants d’Afrique subsaharienne rapatriés vers le #Mali et la #Côte_d’Ivoire

      Le président de la République tunisienne, Kaïs Saïed, a affirmé, le 21 février, que la présence dans le pays de « hordes » d’immigrés clandestins provenant d’Afrique subsaharienne était source de « violence et de crimes ».

      Des migrants subsahariens en attente de prendre un vol de rapatriement vers leur pays d’origine, au consul du Mali à Tunis, le 4 mars 2023. FETHI BELAID / AFP

      Quelque 300 Maliens et Ivoiriens ont quitté la Tunisie, samedi 4 mars, à bord de deux avions rapatriant des ressortissants d’Afrique subsaharienne cherchant à fuir des agressions et des manifestations d’hostilité après une violente charge du président, Kaïs Saïed, contre les migrants en situation irrégulière.

      Le 21 février, M. Saïed a affirmé que la présence en Tunisie de « hordes » d’immigrés clandestins provenant d’Afrique subsaharienne était source de « violence et de crimes » et relevait d’une « entreprise criminelle » visant à « changer la composition démographique » du pays.

      Samedi, « on a fait embarquer 133 personnes » parmi lesquelles « 25 femmes et 9 enfants ainsi que 25 étudiants » dans l’avion qui a quitté la Tunisie vers 11 heures, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) un diplomate malien. Deux heures plus tard, un autre appareil devant rapatrier 145 Ivoiriens a décollé de Tunis, selon l’ambassadeur ivoirien en Tunisie, Ibrahim Sy Savané.

      Discours « raciste et haineux »

      Le discours présidentiel, condamné par des ONG comme « raciste et haineux », a provoqué un tollé en Tunisie, où les personnes d’Afrique subsaharienne font état depuis d’une recrudescence des agressions les visant et se sont précipitées par dizaines à leurs ambassades pour être rapatriées.

      Devant l’ambassade du Mali, surchargés de valises et ballots, tous ont dit fuir un climat lourd de menaces. « Les Tunisiens ne nous aiment pas, donc on est obligés de partir, mais les Tunisiens qui sont chez nous doivent partir aussi », a dit à l’AFP Bagresou Sego, avant de grimper dans un bus affrété par l’ambassade pour l’aéroport.

      Arrivé il y a quatre ans, Abdrahmen Dombia a interrompu ses études de mastère en pleine année universitaire : « La situation est critique ici, je rentre parce que je ne suis pas en sécurité. » Baril, un « migrant légal », s’est dit inquiet pour ceux qui restent. « On demande au président, Kaïs Saïed, avec beaucoup de respect de penser à nos frères et de bien les traiter », explique-t-il.
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      Selon le gouvernement ivoirien, 1 300 ressortissants ont été recensés en Tunisie pour un retour volontaire. Il s’agit d’une part importante de la communauté ivoirienne, qui, avec environ 7 000 personnes, est la plus importante d’Afrique subsaharienne en Tunisie, à la faveur d’une exemption de visa à l’arrivée.

      Quelque trente étudiants ivoiriens, en situation régulière, font partie des rapatriés. « Ils ne se sentent pas à l’aise, certains ont été victimes d’actes racistes, certains sont en fin d’études, d’autres les ont interrompues », a précisé à l’AFP par téléphone depuis l’aéroport Michael Elie Bio Vamet, président de l’Association des étudiants ivoiriens en Tunisie. « Il y a des agressions presque tous les jours, des menaces, ou bien ils sont mis dehors par leurs bailleurs, ou agressés physiquement », a-t-il ajouté.

      « Déferlement de haine »

      Pour la plupart issus de familles aisées, des dizaines d’étudiants d’Afrique subsaharienne étaient inscrits dans des universités ou des centres de formation en Tunisie. Apeurés, beaucoup sont déjà repartis par leurs propres moyens, selon leurs représentants.

      L’Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie (AESAT) a documenté l’agression, le 26 février, de « quatre étudiantes ivoiriennes à la sortie de leur foyer universitaire » et d’« une étudiante gabonaise devant son domicile ». Dès le lendemain du discours de M. Saïed, l’AESAT avait donné comme consigne aux étudiants subsahariens « de rester chez eux » et de ne plus « aller en cours ». Cette directive a été prolongée au moins jusqu’au 6 mars.

      Des Guinéens rentrés par le tout premier vol de rapatriement mercredi ont témoigné auprès de l’AFP d’un « déferlement de haine » après le discours de M. Saïed.
      Lire aussi : Article réservé à nos abonnés En Tunisie, le tournant répressif du régime de Kaïs Saïed

      Bon nombre des 21 000 ressortissants d’Afrique subsaharienne recensés officiellement en Tunisie, pour la plupart en situation irrégulière, ont perdu du jour au lendemain leur travail et leur logement. Des dizaines ont été arrêtés lors de contrôles policiers, certains sont encore en détention. D’autres ont témoigné auprès d’ONG de l’existence de « milices »qui les pourchassent et les détroussent.

      Cette situation a provoqué l’afflux de centaines de personnes à leurs ambassades pour être rapatriées. D’autres, encore plus vulnérables car issues de pays sans ambassade à Tunis, ont rejoint un campement improvisé devant le siège de l’Office international pour les migrations (OIM), où elles dorment dans des conditions insalubres.

      Selon l’ambassadeur ivoirien, la Tunisie a promis de renoncer à réclamer aux personnes en situation irrégulière des pénalités (80 dinars, soit 25 euros par mois de séjour irrégulier) qui, pour certains, dépassaient 1 000 euros

      https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/03/04/des-centaines-de-ressortissants-d-afrique-subsaharienne-rapatries-de-tunisie
      #renvois #expulsions #rapatriement #retour_au_pays

    • La Tunisie rongée par les démons du racisme

      L’éruption d’hostilité aux Africains subsahariens encouragée par le président Kaïs Saïed s’ajoute à la régression autocratique et entache encore un peu plus l’image de la Tunisie à l’étranger.

      Il est bien loin, le temps où la Tunisie inspirait hors de ses frontières respect et admiration. Chaque semaine qui passe entache un peu plus l’image de ce pays qui brilla jadis d’une flamme singulière dans le monde arabo-musulman. Que reste-t-il du prestige que lui conférait son statut d’avant-garde en matière de libertés publiques, de pluralisme politique, de droits de femmes et de respect des minorités ? Le chef de l’Etat, Kaïs Saïed, qui s’est arrogé les pleins pouvoirs à la faveur d’un coup de force en juillet 2021, lui impose désormais un tournant répressif, conservateur et xénophobe des plus préoccupants. La Tunisie en devient méconnaissable.

      Dans cette affaire, tout est lié : le retour à l’autocratie va de pair avec la crispation identitaire, les deux se nourrissant d’un prétendu « complot » contre l’Etat et la patrie. L’une des illustrations les plus déprimantes de cette régression est la récente vague de racisme anti-Noirs qui secoue le pays. Dans la foulée de la déclaration du 21 février du président Saïed, qui a fustigé des « hordes de migrants clandestins » associées à ses yeux à un « plan criminel » visant à « modifier la composition démographique » du pays en rupture avec son « appartenance arabo-islamique », l’hostilité se déchaîne contre les étudiants et les immigrés issus de l’Afrique subsaharienne.

      Ces derniers sont chaque jour victimes d’agressions physiques et verbales à Tunis et dans d’autres centres urbains. Le discours conspirationniste du chef de l’Etat, aux accents de type « grand remplacement », a libéré un racisme enfoui au tréfonds de la société tunisienne, héritage de l’esclavage en Afrique du Nord, aux séquelles psychologiques durables.
      L’embarras prévaut

      L’éruption de cette xénophobie cautionnée au plus haut niveau de l’Etat a obscurci la perception de la Tunisie à l’étranger. M. Saïed a beau avoir tenté de nuancer ses propos en précisant qu’il visait les immigrants en situation irrégulière, le mal est fait. Ses brigades de fidèles, dont certains sont affiliés à un Parti nationaliste tunisien aux discours et aux méthodes dignes de l’extrême droite européenne, traquent les Subsahariens. Les Tunisiens les plus progressistes avouent leur « honte » et tentent d’organiser dans l’adversité un front « antifasciste ». La consternation règne aussi dans de nombreuses capitales du continent. L’Union africaine a « condamné » les « déclarations choquantes » du président Saïed.
      Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Le régime de Kaïs Saïed en Tunisie n’a pas changé de nature, mais de degré de répression »

      Dans les capitales européennes, c’est plutôt l’embarras qui prévaut. Si les chancelleries ne manquent pas d’exprimer occasionnellement leur « préoccupation » face au recul de l’Etat de droit en Tunisie, elles n’ont pas réagi à la charge présidentielle contre les migrants subsahariens. Et pour cause : M. Saïed répond plutôt positivement aux appels de l’Europe – au premier chef de l’Italie – à mieux verrouiller ses frontières maritimes afin d’endiguer les traversées de la Méditerranée.

      Le cadenassage de « l’Europe forteresse », qui contribue à fixer en Afrique du Nord des candidats à l’exil européen, n’est pas étranger aux tensions migratoires dont cette région est le théâtre. Cherche-t-on à ménager M. Saïed afin d’éviter qu’il « lève le pied » sur la surveillance de son littoral ? Si telle était l’arrière-pensée, elle ajouterait le cynisme à un dossier déjà suffisamment dramatique.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/04/la-tunisie-rongee-par-les-demons-du-racisme_6164127_3232.html

    • En Tunisie, le douloureux retour au pays des exilées subsahariennes

      Elles ont tout quitté pour venir en Tunisie, trouver un travail et subvenir aux besoins de leur famille dans leur pays. Souvent exploitées ou livrées à elles-mêmes durant leur parcours de vie en Tunisie, des femmes migrantes subsahariennes racontent comment elles ont quitté ou vont quitter le pays, après les propos du président Kaïs Saïed sur son intention de contrer le phénomène migratoire, source de violences et de crimes selon ses mots. Témoignages.

      À l’entrée de l’aéroport de Tunis Carthage, ce samedi 4 mars, l’aube commence à pointer et Mireille fait les cent pas. Emmitouflée dans une écharpe rouge pour se réchauffer, elle se confie : « J’ai vraiment hâte que tout ça se finisse. » Ivoirienne, elle attend, fébrile, avec une centaine d’autres de ses compatriotes en file indienne, valises à la main, le premier vol de rapatriement vers Abidjan, une opération lancée par l’ambassade peu après les propos polémiques de Kaïs Saïed du 21 février sur les migrants subsahariens.

      Dimanche soir, la Présidence de la République et celle du gouvernement tunisien ont tenté d’apaiser le ton tout en disant s’étonner de la « campagne liée au prétendu racisme en Tunisie » et rejette ces accusations. Mais elles ajoutent mettre en place des mesures pour les résidents subsahariens en Tunisie, notamment avec l’octroi de cartes de séjour d’un an pour les étudiants. Le gouvernement a également annoncé faciliter les départs volontaires pour ceux qui le souhaitent et un numéro vert pour signaler les violations de leurs droits.

      Après ses déclarations, qualifiées de « racistes » par de nombreuses associations, beaucoup de migrants ont été expulsés de chez eux par leur propriétaire, et ont perdu leur travail. Les agressions dans la rue se sont multipliées et les chancelleries de plusieurs pays ont décidé d’affréter des avions pour permettre des rapatriements à leurs ressortissants. Près de 2 000 Ivoiriens candidats au départ ont déjà été recensés en moins d’une semaine par l’ambassade et, chaque jour, la liste s’allonge. La Guinée a rapatrié une cinquantaine de ressortissants. Le Mali, 154.

      Depuis 2020, une étude de l’Observatoire national pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes en partenariat avec le Fonds des Nations unies pour les questions de santé sexuelle et reproductive (UNFPA), note une « recrudescence » de la présence des femmes migrantes dans les centres d’accueil de femmes victimes de violences. « Les violences faites aux femmes migrantes sont difficilement condamnées et prises en charge par l’État en raison du statut irrégulier des femmes, de leur accès limité aux services en raison de la peur d’être dénoncées ou encore d’être expulsées du pays », peut-on lire dans le rapport.

      Aujourd’hui, le retour précipité au pays, le risque d’une expulsion brutale de leur logement ou d’une agression sont devenus une préoccupation quotidienne de la grande majorité des femmes subsahariennes en Tunisie, déjà souvent exposées à des violences et à la vulnérabilité économique. Mediapart a donné la parole à trois d’entre elles.
      Quatre ans en Tunisie et un traumatisme

      Mireille a été particulièrement choquée par ses derniers jours passés dans le pays. Cette coiffeuse de formation qui avait laissé, quatre ans plus tôt, ses trois enfants en Côte d’Ivoire pour tenter de soutenir financièrement sa famille, n’a vécu que des désillusions. « Dès que je suis arrivée, mes contacts sur place m’ont mise dans le circuit de femmes de ménage. Je gagnais 450 dinars par mois (135 euros) et je travaillais 12 heures par jour, j’ai eu sans arrêt des problèmes de santé à cause des produits nettoyants qu’on nous faisait utiliser et je ne sens plus mon dos », raconte-t-elle.

      Très vite, elle regrette d’être venue mais se rend compte que les pénalités pour avoir excédé sa durée de séjour dans le pays sont lourdes, 80 dinars par mois, à payer à la police des frontières. Ces pénalités sont plafonnées à 3 000 dinars (900 euros) depuis 2017. « Alors, comme d’autres, je me suis retrouvée coincée et j’ai continué de travailler pour tenter d’économiser et de payer mon retour », dit-elle.

      Dans une étude publiée en 2020 par l’ONG Terre d’asile en Tunisie sur le parcours des femmes migrantes, la précarité et la vulnérabilité de femmes comme Mireille étaient déjà dénoncées. L’une des conclusions de l’étude invitait l’État tunisien à « travailler au développement de conditions d’accueil pour les femmes migrantes qui leur permettraient de s’autonomiser, notamment au moyen de l’accès à un travail décent et à un séjour régulier, et d’accéder véritablement à leurs droits », peut-on lire dans la conclusion de l’étude basée sur les témoignages d’une vingtaine de femmes. « Cette autonomisation leur permettra d’être moins vulnérables aux violences, aux arnaques et à la précarité, tout en leur donnant toutes les chances de s’intégrer au sein de la société tunisienne. »

      Pour Mireille, l’intégration a fini en traumatisme. Deux jours après le communiqué de la présidence sur les Subsahariens, sa maison a été mise à sac par deux jeunes Tunisiens dans la nuit du 23 février. « J’étais en train de cuisiner et j’ai entendu des coups à la fenêtre, avec des hommes qui criaient des mots en arabe, au début je n’ai pas compris », raconte-t-elle. Puis elle entend en français : « Les Africains, sortez, on veut plus de vous. »

      Elle prend peur et appelle son employeur, une femme tunisienne avec qui elle s’entend bien. « Elle a tenté de m’aider, raconte-t-elle. Elle voulait que je m’échappe sur la route principale pour passer la nuit chez elle, mais les agresseurs étaient devant ma porte. Il n’y avait aucune échappatoire et mes voisins au-dessus m’ont crié qu’ils étaient armés. »

      La police, alertée aussi par les Subsahariens vivant au-dessus de chez Mireille, arrive sur les lieux mais près d’une heure plus tard. Les deux jeunes ont pu rentrer et saccager toutes les affaires de Mireille, lui voler également une somme de 6 000 dinars (1 800 euros), l’argent qu’elle avait économisé pour rentrer chez elle et pour l’envoyer à sa famille.

      Les migrants en situation irrégulière ne peuvent pas ouvrir de compte en banque et transférer de l’argent à leur famille. L’envoi d’argent se fait surtout par des connaissances qui font des allers-retours, et certains migrants sont obligés d’emmagasiner de l’argent en espèces chez eux, faute de mieux.

      Juste avant que les agresseurs enfoncent la porte, Mireille est hissée par ses voisins à l’aide d’un drap au premier étage de la résidence, en passant par une fenêtre de la cour intérieure qui ne donne pas sur la rue. Jointe au téléphone un jour après son arrivée à Abidjan, elle se rappelle avec émotion ce moment. « Je n’arrête pas de penser jusqu’à maintenant à ce qu’ils m’auraient fait s’ils m’avaient trouvée sur place », témoigne-t-elle d’une voix tremblante.

      Aujourd’hui, elle attend de pouvoir revoir ses enfants dans un centre à Abidjan où ont été dispatchés les premiers rapatriés. « Je ne les ai pas vus depuis quatre ans, le plus important pour moi, c’est de les retrouver, ensuite je réfléchirai à l’après », dit-elle. Elle est partie avec seulement quelques affaires achetées juste avant le départ grâce à des dons.
      L’attente d’un retour, après avoir tout perdu

      Les vidéos de l’incident ont fait le tour des réseaux sociaux et ont alerté sur la recrudescence des agressions envers les Noirs en Tunisie après les propos de Kaïs Saïed, poussant de nombreux migrants à se cloîtrer chez eux ou à tenter de partir au plus vite.

      Devant l’ambassade de Côte d’Ivoire le vendredi 3 mars, Fortune, 33 ans, attend encore d’être convoquée pour faire partie des prochains vols de rapatriement mais un document lui manque, l’extrait de naissance de son enfant, né en Tunisie en 2019. « Lors de sa naissance, je n’ai pas eu l’extrait de naissance, il fallait payer et je n’avais pas d’argent, et ensuite j’avais passé le délai donc j’ai déposé une demande à l’OIM [l’Organisation internationale pour les migrations qui dépend des Nations unies – ndlr] et jusqu’à présent je n’ai pas le document. »

      Elle ne peut pas laisser son fils sur place mais elle se préparait au départ bien avant les propos de Kaïs Saïed. « Dès mon départ vers la Tunisie en 2018, des amies m’avaient avertie du racisme et des mauvais traitements que subissent les Noirs, mais je voulais quand même essayer pour gagner un peu d’argent et financer mes études au pays », dit-elle.

      Elle explique avoir eu de bons employeurs en Tunisie mais, pour elle, les propos de Kaïs Saïed, sont inacceptables. « Il y a différentes manières de dire qu’il faut mieux gérer les flux migratoires irréguliers, je peux comprendre que ça gêne vu que nous sommes tous sans statut légal ici, mais là, dans ses déclarations, j’avais l’impression d’avoir été traité comme un animal », commente-t-elle.

      À ses côtés Naomi, 33 ans, ronge son frein, déprimée. Elle avait investi toutes les économies de son salaire de coiffeuse en Tunisie pour ouvrir son propre salon. Près de 7 000 dinars (2 100 euros) dépensés dans du matériel et une location. « Je comptais sur l’été et les mariages pour gagner de l’argent et l’envoyer au pays », dit-elle. Comme Fortune, elle a tout perdu, la propriétaire lui a demandé de fermer boutique et elle attend devant l’ambassade pour s’enregistrer et partir au plus vite.
      L’impossible régularisation

      Ces deux femmes ont reçu des délais très courts de leurs propriétaires pour quitter leur logement, car les autorités ont annoncé une application stricte de la loi. Un Tunisien ne peut pas louer à un étranger sans lui demander sa carte de résidence ou bien le déclarer dans un commissariat. Une situation d’urgence à laquelle s’ajoute la peur d’être agressée.

      « Là, dès que l’on sort de chez nous, on regarde derrière nous de peur qu’un gosse nous jette des pierres. Cela m’était déjà arrivé avant les propos de Kaïs Saïed mais, désormais, c’est devenu une menace quotidienne », explique Évelyne, 30 ans, qui avait ouvert une crèche dans le quartier de l’Ariana au nord de Tunis pour permettre aux familles subsahariennes qui travaillent de laisser leurs enfants en journée. « Bien sûr que ce n’était pas déclaré, mais comment voulez-vous qu’on fasse ?, demande Évelyne. On dépense de l’argent dans des procédures pour avoir des papiers, et jamais nous n’arrivons à obtenir la carte de résidence. Tout se fait au noir parce que nous n’avons pas d’autre choix, et pendant des années personne n’y a trouvé à redire. »

      La loi tunisienne met sous conditions l’embauche d’un étranger avec la préférence nationale et très peu de migrants arrivent à se régulariser, à l’exception des étudiants.
      Rester et vivre dans la rue, le nouveau fardeau d’Aïcha

      Alors que ces femmes attendent un retour imminent vers leur pays, d’autres n’ont pas d’autre choix que de rester, dans des conditions parfois plus que précaires. Aïcha, 23 ans et originaire de la Sierra Leone, campe avec une centaine d’autres migrants devant le siège de l’OIM depuis une semaine, après avoir été expulsée de son logement.

      Son voyage pour venir en Tunisie en août 2022 par voie terrestre a pris presque trois mois. Durant son périple, elle dit avoir égaré son passeport. « Donc au final, je n’ai jamais pu travailler ici, ou alors des petits jobs ponctuels. En plus je ne parle qu’anglais donc la barrière de la langue était problématique », explique-t-elle. Elle dit attendre que la situation se calme pour voir comment rester dans le pays.

      « Au pire des cas, je rentrerai, mais vraiment j’aimerais bien rester ici, c’est difficile de repartir après avoir tout laissé dans son pays. J’étais étudiante mais je voulais tenter ma chance ailleurs et beaucoup d’amis m’ont dit qu’en Tunisie il y aurait du travail et des conditions de vie meilleures que chez nous », dit-elle. Son rêve est de suivre une formation pour devenir journaliste.

      « Au pays, on voulait que je me marie avec un homme plus âgé, moi je voulais vraiment avoir une carrière et un avenir », poursuit-elle. Mais en attendant, elle vit dans la rue avec d’autres migrants, cherchant des cafés aux alentours qui acceptent qu’elle utilise leurs toilettes. « Jamais je n’aurais imaginé me retrouver dans une telle situation, j’espère que l’OIM va nous trouver une solution ou au moins un abri. » La Tunisie n’a pas de loi régissant les demandeurs d’asile donc de nombreux migrants dans le cas d’Aïcha ne peuvent se tourner que vers les représentants des Nations unies pour demander un statut de réfugié ou demandeur d’asile.

      Depuis le début de la crise déclenchée par le communiqué de la présidence, les associations et organisations internationales disent être submergées par les appels et situations d’urgence. Une chaîne de solidarité organisée par des Tunisiens a été mise en place sur les réseaux sociaux et via le bouche-à-oreille pour apporter des denrées alimentaires à ces migrants et tenter de trouver des logements provisoires pour certains. Mais ce réseau reste discret de peur de tomber dans le viseur des autorités.

      Face à l’ampleur de la crise, les autorités tunisiennes ont indiqué ce week-end, exonérer des pénalités de séjour les migrants en situation irrégulière souhaitant rentrer dans leur pays « assistés par une instance diplomatique, une organisation internationale ou onusienne », un système qui existe déjà depuis 2018 mais avec une clause d’interdiction de retour sur le territoire tunisien.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/050323/en-tunisie-le-douloureux-retour-au-pays-des-exilees-subsahariennes

    • On the racist events in Tunisia – Background and Overview

      Current Situation

      “For several months, a racist campaign against Sub-Saharans in Tunisia has been growing. The president himself subscribed to these racist and conspiracy theories and pointed the finger at the Sub-Saharans, accusing them of being ‚hordes‘ and that sub-Saharan immigration is a ‚criminal enterprise‘ whose goal would be to ‚change the demographic composition of Tunisia‘.“ In the press statement published on the 21 February 2023 following a National Security Council meeting, president Kais Saied resurrected many racist and xenophobic tropes used by other fascist movements. He „ordered security forces to take ‚urgent measures‘. … Many „of the estimated 21,000 sub-Saharan African people in Tunisia – most of whom are undocumented – lost their jobs and housing overnight.“ The Association of African Students and Interns in Tunisia highlights that there is an „ongoing systemic campaign of control and arrests targeting [Black immigration], independently from their status, who are not carrying their residency card with them.“ „In the first three weeks of February, at least 1,540 people were detained, mostly in Tunis and provinces near the Algerian border“.

      The situation has become increasingly violent in the last weeks. In addition to the government forces targeting Black people, „violent attacks perpetrated by citizens, who taunt their victims with racial slurs“ are taking place. Attacked people report about fleeing „pogroming mobs consisting of, they said, 20+ Tunisian young men. ‚We were absolutely running for our lives,‘ said Latisha, who screamed at their son to run faster.“ There are accounts about „[a]rmed mobs“ and rape ‚by these mobs’“. On social media torture videos circulate. „In the suburbs of Tunis, a group of Sub-Saharan Africans have been attacked by young Tunisians who have broken down their doors and set fire to their building. Houses were ransacked.“

      „Everyone who falls under the socially constructed category of ‘African’ – those with or without jobs, those with university classes to attend – are too scared to leave their homes because the racist violence has spread to every street in Tunisia.“ A law from 1968 that criminalizes assistance to „illegal residence“ in Tunisia, is now being applied. Patricia Gnahoré explains „that the evictions started around February 9, when alarmist messages began circulating on social networks: landlords would be facing fines and prison sentences if they housed undocumented Sub-Saharans“. While some people are being supported by friends and activists who try to organize support, many have no choice but to sleep outside, with more than 100 people camping at the International Organization for Migration and in front of different embassies.

      „Guinea [and Mali] and Cote d’Ivoire are repatriating their citizens from Tunisia.“ „However, many people living irregularly in Tunisia have accumulated large sums of outstanding fees over the years, too much for them to pay. While Tunisian authorities are themselves pushing migrants to leave, they still insist on cashing in on those who desperately want to.“

      The African Union highlights that they are in „deep shock and concern at the form and substance of the statement targeting fellow Africans, notwithstanding their legal status in the country.“ The events of the last days strongly impacted Tunisia’s image in the African continent and within the African Union. Furthermore, an AU pan-African conference scheduled for mid-March in Tunis has been postponed. Former Senegalese Prime Minister Aminata Touré even called for Tunisia’s AU membership to be suspended and for the country to be excluded from the Africa Cup.
      Solidarity

      Multiple protests have been taking place in Tunisia with demonstrators denouncing the racist and fascist violence. Already on February 25th „over 1,000 people marched through downtown Tunis to protest what they called Saied’s fascist overtures.“ „Henda Chennaoui, one of the principal figures in the country’s new Front Antifasciste … [highlights that this] ‚the first time in the history of the republic that the president used fascist and racist speech to discriminate against the most vulnerable and the marginalised.’“ Protests in front of Tunisian embassies are being organized around the world, such as in Paris, Berlin as well as Canada.

      In the Front antifasciste – Tunisie activists and associations gather to organize support for Black people in the country. „Tunisian and foreign volunteers brought donations of food, water and blankets, along with some tents to help those displaced. … [However,] associations collecting donations [for migrants] are receiving threats.“
      Political Level

      President Saied is distracting from the political and economic situation in the country. He was elected in Fall 2019 and his governing style has become increasingly authoritarian. „Over the last two weeks, a spate of high-profile arrests has rocked Tunisia, as over a dozen political figures, trade unionists and members of the media have been taken into custody on security or graft charges. Some have been dragged from their homes without warrants; others, put on trial before military courts, despite being civilians. Many are being held in what their lawyers say are inhumane conditions, crammed in cells with scores of prisoners and without beds.“ A terrorism law allows the authorities to hold people „for a maximum of 15 days without charge or consultation with a lawyer“.

      In addition, „Saied has neutered parliament and pushed through a new constitution that gives him near-unlimited control and makes it almost impossible to impeach him.“ This was preceded and enabled by a very volatile situation in the country, as „there was increasing fragmentation within the executive branch, among state institutions, within and between political parties, within civil society, and even between regions of the country.“ The political and economic instability in the country, resulted in wide-spread support of his presidency, which has increasingly shifted to repressive centralization of power.

      The statement and development are connecting to a growing populist discourse. „Saied’s crackdown on undocumented sub-Saharan immigrants has taken place in the context of the rise of the hitherto unknown Parti Nationaliste Tunisien, which has been pushing a racist agenda relentlessly since early February. The party has flooded social media with conspiracy theories and dubiously edited videos that have encouraged Tunisians to report on undocumented neighbours before they can ‚colonise‘ the country – the same conspiratorial language adopted by Saied.“
      Economic Level

      Tunisia „is struggling under crippling inflation and debt worth around 80 percent of its gross domestic product (GDP)“. In addition, there is a shortage of basic foods such as rice, which is putting a lot of pressure on the population. ‘Les Africains’ are used as a scapegoat for the lack of products such as rice. „The rice-crisis is not the first time that populations racialized as ‘African’ are blamed for a social and economic disaster in Tunisia, which in reality is a direct consequence of the state’s abandonment of marginalized communities and the pressures of global capitalism.“ However, since the racist tropes are connecting to a familiar discourse, the „crackdown on immigrants and Saied’s political opponents has … won him favour among many in his working-class political base, who have been at the sharp end of a dire economic crisis.“

      The current events seem to have triggered international responses since Italy now supports Tunisia as it „is seeking to obtain a loan from the IMF due to a severe economic crisis.“ This is being explicitly connected to Europe’s border interests (see section on Externalization & Immigration).

      Ultimately these actions are enhancing the dependencies to Europe and weaken pan-African ties. „Kaïs Saied’s economic incompetence – as well as the refusal of North African governments to prioritize regional and inner-African trade which would allow evading dictates from the Global North and its proxies such as the IMF more effectively – are now once more fueling dynamics that in fact counter pan-African cooperation.“ In fact, the „president’s comments could also have direct consequences for Tunisian companies, which have increasingly expanded into other African countries in recent years. Guinean media report that several wholesalers have suspended imports of Tunisian products. Senegalese and Ivoirian importers want to join the boycott.“

      In addition, according to Human Rights Watch „at least 40 students have been detained so far“. This will have a detrimental impact on the education market, since „[f]or Tunisian private universities, students from other African countries are an essential part of their business model.“

      These factors might have contributed to ​​​​​​the statement posted by the government on Facebook on March 5th, attempting to backpedal the racist campaign and highlighting their „astonishment“ about the violence in the last weeks. Apart from now emphasising „Tunisia’s African identity“ and the significance of the anti-discrimination law from 2018, it announces plans to enhance the legal security of African migrants in Tunisia. Whether and how the statement will be implemented remains to be seen, „It appears likely that Tunisia is now also facing a considerable radicalization of its migration policies. […] Saied’s future migration policies, however, are likely to go beyond the ongoing wave of arrests, and in a worst-case scenario, will go even far beyond.“
      Externalization & Immigration

      „While the European Union’s violent securitization apparatus is indeed responsible for the oppression and murder of sub-Saharan migrants (and Tunisians) in Tunisia, the Tunisian state also contributes to their oppression and murder.“ Many people try to travel to Europe via and from Tunisia. „Its proximity to the EU’s external border has made Tunisia a major hub for migrants. Italy’s coasts are only around 150 kilometers (90 miles) away. Tunisia relaxed visa requirements in 2015, allowing many sub-Saharan and North Africans migrants to move to the country and work. … Authorities frequently turned a blind eye to workers without permits who were saving for a journey to Europe.“ This renders Black migrants very vulnerable to exploitation as well as policy changes.

      Already prior to the current escalation Black people experienced discrimination; Shreya Parikh highlighted in August 2022 that „Sub-Saharan women and men who depend on the labour market have spoken to me of persistent exploitation and racialised violence (both verbal and physical) at workplace.“ This is enhanced and enabled by the uncertain legal situation. „In the case of Tunisia, an im/migration non-policy is deliberately maintained by institutional actors at different levels (border police, internal affairs ministry, private legal agencies promising paper-work) because, among others, it is a lucrative site for corruption.“ This affects mostly Black people. „Most sub-Saharan migrants (like Western European migrants) enter Tunisia as legal migrants because of 3-month visa-free policies; but the Tunisian state forces all migrants to become illegal by its refusal to deliver legal documentation. This means that Tunisia also has European migrants living ‘illegally.’ But in the social and political construction of the ‘illegal migrant,’ white bodies never fit. It is the Black and dark-skinned bodies that are assumed to be illegal and criminal, as is clear from arrests of sub-Saharan migrants who carry residence permits, as well as absence of arrests of European ‘illegal’ migrants.“

      The current developments have to be understood in the context of the externalization of the European border. The Tunisian Forum for Social and Economic Rights (FTDES) highlights that the „European border outsourcing policies have contributed for years to transform Tunisia into a key player in the surveillance of Mediterranean migration routes, including the interception of migrant boats outside territorial waters and their transfer to Tunisia. Discriminatory and restrictive policies in Algeria also contribute to pushing migrants to flee to Tunisia. These policies deepen the human tragedy of migrants in a Tunisia in political and socio-economic crisis.“ Sofian Philip Naceur analyses that „[a]s Saieds government continues to play along as the watchdog for the European border regime, though not without ostentatiously displaying its self-interest in migration control, the Italian government is suddenly soliciting financial support for Tunisia’s deeply troubled public coffers from the EU and the International Monetary Fund (IMF). Interesting timing.“

      So far, the President’s statement has only provoked supportive reactions from European politicians. The French far-right politician, Eric Zemmour, who is one of the most prominent supporters of the conspiracy theory of the „Great Replacement“, supported the statement on Twitter. And the Italian foreign minister Antonio Tajani expressed in a phone call with his Tunisian counterpart that „the Italian government is at the forefront of supporting Tunisia in its border control activities, in the fight against human trafficking, as well as in the creation of legal channels to Italy for Tunisian workers and in the creation of training opportunities as an alternative to migration“ without mentioning the current violence at all. Furthermore, Italy is sending 100 more pick-ups worth more than 3.6 million Euro to reinforce the Tunisian Ministry of the Interior in the fight against ‚irregular‘ immigration.

      Or how Le Monde summarizes: „[The chancelleries] have not reacted to the presidential charge against sub-Saharan migrants. And for good reason: Mr. Said is responding rather positively to calls from Europe – primarily Italy – to better lock its maritime borders in order to stem the flow of migrants across the Mediterranean.“

      https://migration-control.info/on-the-racist-events-in-tunisia-background-overview

      via @_kg_

    • Aggressioni razziste e arresti: così la Tunisia diventa un “hotspot informale” dell’Europa

      I discorsi d’odio del presidente tunisino Saied contro presunte “orde di subsahariani irregolari” che minaccerebbero l’identità “arabo-musulmana” del Paese hanno fatto esplodere la tensione accumulata negli ultimi mesi, tra inflazione e penuria di generi di prima necessità. La “Fortezza Europa”, intanto, gongola. Il reportage

      Ogni mattina a Nadège vengono dati dieci dinari per la spesa. Esce di casa, si incammina fino all’alimentari più vicino e compra il necessario per la famiglia per cui lavora. È l’unico momento in cui le è consentito uscire. Altrimenti, Nadège vive e lavora 24 ore su 24, sette giorni su sette, tra le mura della casa di due persone anziane in un quartiere benestante di Tunisi. La sua paga mensile come domestica è di settecento dinari (225 euro), che diventeranno ottocento (240 euro) se “lavorerà bene”.

      Nadège, assicura, è qui per questo: “Sono venuta in Tunisia per metter da parte qualche soldo da mandare ai miei figli, in Costa d’Avorio”, racconta. Suo cugino, però, lavora nei campi di pomodori in Calabria. Le ha consigliato di partire per l’Italia e cercare lavoro lì. “Il cambio euro-franco Cfa è più conveniente di quello dinaro tunisino-franco Cfa. Guadagnando qualche soldo in Europa posso far vivere degnamente i miei due figli, metter da parte qualcosa e poi tornare da loro una volta che ci saremo sistemati”, spiega la trentenne ivoriana. Tre anni fa, Nadège vendeva sigarette lungo la sterrata che dal suo villaggio portava a Abidjan, ma con i lavori del governo per asfaltare la strada, il suo gabbiotto è stato abbattuto e mai più ricostruito. E lei è rimasta senza nulla.

      Nel 2022 anche Nadège ha tentato di imbarcarsi per Lampedusa da una spiaggia del Sud tunisino. A metà strada, però, la guardia costiera ha intercettato la sua barca e l’ha riportata a riva, nel porto di Sfax. Ha perso tutti i soldi che aveva messo da parte e si è ritrovata punto a capo, in Tunisia, a cercar di nuovo lavoro.

      Come nel caso di buona parte dei cittadini subsahariani presenti nel Paese, molti dei quali -a differenza di Nadège- hanno rinunciato all’idea di imbarcarsi, nessuno le ha mai proposto un contratto. Una volta scaduti i tre mesi di visto, il limite massimo per rimanere in Tunisia, tanti di loro rimangono in situazione di irregolarità accumulando una multa per la permanenza oltre i limiti del visto che aumenta di mese in mese. Dopo anni a lavorare, spesso con paghe misere e giornaliere, molti subsahariani rimangono intrappolati nelle maglie della burocrazia tunisina e, pur volendo tentare di regolarizzarsi e ottenere un permesso di soggiorno per rimanere nel Paese, non ci riescono perché non sono in grado di pagare la multa per lo sforamento del visto, che raggiunge un massimo di 3.000 dinari, mille euro. Ecco come i subsahariani finiscono in una sorta di limbo, bloccati in Tunisia, senza poter raggiungere l’Europa, senza poter tornare indietro. Si ritrovano così a costituire la manodopera in nero di aziende tunisine o estere presenti nel Paese, o di famiglie benestanti, che sfruttano la loro posizione precaria di irregolari per sottopagarli.

      Da metà febbraio di quest’anno Nadège ha dovuto rinunciare anche alla spesa quotidiana per paura di uscire dal cortile di casa. Lei, senza documenti, è oggetto di una campagna d’odio che si diffonde a macchia d’olio in Tunisia. È il 21 febbraio quando, dopo giorni di arresti di esponenti dell’opposizione alle politiche di Kais Saied, un comunicato della presidenza tunisina fa il punto sulla “lotta all’immigrazione irregolare nel Paese”, tema che è stato al centro della visita in Tunisia dei ministeri degli Esteri Antonio Tajani e dell’Interno Matteo Piantedosi di fine gennaio.

      Secondo quel comunicato, la Tunisia sarebbe invasa da “orde di subsahariani irregolari” che minaccerebbero “demograficamente” il Paese e la sua identità “arabo-musulmana”. È stata la miccia che ha fatto esplodere la tensione accumulata negli ultimi mesi, tra inflazione galoppante, impoverimento generale della popolazione e penurie continue di generi di prima necessità. A diffondere queste teorie xenofobe da fine 2022 è il cosiddetto Partito nazionalista tunisino, un gruppo di nicchia riconosciuto nel 2018, che ha intensificato la propria campagna sui social network prendendosela con le persone nere presenti in Tunisia. Non solo potenziali persone migranti in situazione di irregolarità che vorrebbero tentare di imbarcarsi verso l’Italia (come dichiarato dalle autorità), ma anche richiedenti asilo e rifugiati, studenti e lavoratori residenti nel Paese, accusati di “rubare il lavoro”, riprendendo gli slogan classici delle destre europee, spesso usati contro i tunisini stessi.

      Da allora in Tunisia si sono moltiplicate non solo le aggressioni razziste, ma anche gli arresti di cittadini subsahariani senza alcun criterio. Secondo un comunicato della Lega tunisina dei diritti umani, per esempio, otto studenti subsahariani regolarmente residenti nel Paese e iscritti nelle università tunisine sarebbero trattenuti senza alcun motivo nel centro di El-Wuardia, un centro gestito dalle autorità tunisine, non regolamentato, dove è complicato monitorare chi entra e chi esce. L’Associazione degli stagisti ivoriani e l’Aesat, la principale organizzazione degli studenti subsahariani in Tunisia, hanno consigliato alle proprie comunità di non uscire.

      Almeno cinquecento subsahariani si troverebbero invece nella prigione di Bouchoucha (Tunisi), senza che si conoscano le accuse nei loro confronti. A seguito delle misure prese dalla presidenza, molti proprietari di alloggi affittati a cittadini subsahariani hanno chiesto loro di lasciare casa, così come diversi datori di lavoro li hanno licenziati da un giorno all’altro per timore di ritorsioni da parte della polizia nei loro confronti. Centinaia di persone si sono così ritrovate per strada, senza stipendio e senza assistenza, rischiando l’arresto arbitrario, esposti a violenze e aggressioni nelle grandi città.

      In centinaia stanno optando per il rimpatrio nel Paese d’origine chiedendo assistenza per il cosiddetto ritorno volontario, che spesso di volontario ha ben poco. “Torniamo indietro per paura”, è il ritornello che ripetono in molti. Le liste per le richieste dei ritorni volontari gestiti dall’Organizzazione internazionale per le migrazioni (Oim) erano già lunghe prima del 21 febbraio, tanto che decine di persone che si sono registrate mesi fa attendono in tende di fortuna costruite con sacchi di plastica lungo la via che porta alla sede dell’Oim, nel quartiere di Lac 1, dove hanno sede diverse organizzazioni internazionali.

      “Non ci è stato messo a disposizione un foyer per l’accoglienza”, si giustifica una fonte interna all’organizzazione puntando il dito contro le autorità tunisine. La tendopoli di Lac 1 era già stata smantellata dalle forze di polizia a giugno 2022 ma alle persone migranti non è stata data un’alternativa. Qualche settimana dopo, infatti, si è riformata poco lontano. Oggi si ingrandisce di giorno in giorno.

      È qui che da fine febbraio un gruppo di volontari si fa carico di fornire acqua e cibo alle duecento persone presenti, rimaste senza assistenza. L’Oim è l’unica alternativa per chi non dispone di documenti validi, chi si trova nell’impossibilità di pagare la multa di 3.000 dinari o chi non ha un’ambasciata in Tunisia a cui rivolgersi, come per esempio i cittadini della Sierra Leone, la cui rappresentanza è stata delegata all’ambasciata d’Egitto.

      Chi può, invece, ha tentato di chiedere aiuto alla propria ambasciata di riferimento, accampandosi di fronte all’entrata. Il primo marzo è atterrato in Tunisia il ministro degli Esteri della Guinea, che ha promesso ai propri cittadini di stanziare fondi per voli di rimpatrio. Il primo aereo a decollare è stato quello della Costa d’Avorio, partito sabato 4 marzo alle 7 del mattino dall’aeroporto di Tunisi con a bordo 145 persone.

      Era giugno 2018 quando la Commissione europea proponeva ad alcuni Paesi africani, tra cui la Tunisia, l’istituzione di piattaforme regionali di sbarco dove smistare, fuori dai confini europei, le richieste di asilo. La risposta all’epoca fu “No, non abbiamo né le capacità né i mezzi”, per citare l’ambasciatore tunisino a Bruxelles Tahar Chérif. Cinque anni più tardi, l’Ue sembra esser riuscita nella propria missione di trasformare la Tunisia in un informale hotspot europeo.

      https://altreconomia.it/aggressioni-razziste-e-arresti-cosi-la-tunisia-diventa-un-hotspot-infor

    • As the disturbing scenes in Tunisia show, anti-migrant sentiments have gone global

      President Saied is scapegoating his country’s small black migrant population to distract from political failings. Does this sound familiar?

      A little more than 10 years ago, calls for freedom and human rights in Tunisia triggered the Arab spring. Today, black migrants in the country are being attacked, spat at and evicted from their homes. The country’s racism crisis is so severe that hundreds of black migrants have been repatriated.

      It all happened quickly, triggered by a speech by the Tunisian president, Kais Saied, at the end of February. He urged security forces to take urgent measures against migrants from sub-Saharan Africa, who he claimed were moving to the country and creating an “unnatural” situation as part of a criminal plan designed to “change the demographic makeup” and turn Tunisia into “just another African country that doesn’t belong to the Arab and Islamic nations any more”. “Hordes of irregular migrants from sub-Saharan Africa” had come to Tunisia, he added, “with all the violence, crime and unacceptable practices that entails”.

      For scale, the black migrant population in Tunisia is about 21,000 out of a population of 12 million, and yet a sudden fixation with their presence has taken over. A general hysteria has unleashed a pogrom on a tiny migrant population whose members have little impact on the country’s economics or politics – reports from human rights organisations tell of night-time raids and daylight stabbings. Hundreds of migrants, now homeless, are encamped, cowering, outside the International Organization for Migration’s offices in Tunis as provocation against them continues to swirl.

      Josephus Thomas, a political refugee from Sierra Leone, spoke to me from the camp, where he is sheltering with his wife and child after they were evicted from their home and his life savings were stolen. They sleep in the cold rain, wash in a nearby park’s public toilet and sleep around a bonfire with one eye open in anticipation of night-time ambushes by Tunisian youths. So far, they have been attacked twice. “There are three pregnant women here, and one who miscarried as she was running for her life.” Due to the poor sanitation, “all the ladies are having infections”, he says. “Even those who have a UNHCR card”, who are formally recognised as legitimate refugees, are not receiving the help they are entitled to. “The system is not working.”

      Behind this manufactured crisis is economic failure and political dereliction. “The president of the country is basically crafting state policy based on conspiracy theories sloshing around dark corners of the internet basement,” Monica Marks, , a professor of Middle East studies and an expert on Tunisia, tells me. The gist of his speech was essentially the “great replacement” theory, but with a local twist. In this version of the myth, Europeans are using black people from sub-Saharan Africa to make Tunisia a black-inhabited settler colony.

      Confecting an immigration crisis is useful, not only as a distraction from Saied’s failures, but as a political strategy to hijack state and media institutions, and direct them away from meaningful political opposition or scrutiny.

      The speed with which the hysteria spread shows that these attitudes had been near the surface all along. Racism towards black Arabs and black sub-Saharan Africans is entrenched in the Arab world – a legacy of slavery and a fetishised Arab ethnic supremacy. In Arab north Africa, racism towards black people is complicated even further by a paranoia of proximity – being situated on the African continent means there is an extreme sensitivity to being considered African at all, or God forbid, black. In popular culture, racist tropes against other black Arabs or Africans are widespread, portraying them as thick, vulgar and unable to speak Arabic without a heavy accent.

      The movement of refugees from and through the global south has further inflamed bigotries and pushed governments, democratic or otherwise, towards extinguishing these people’s human rights. Local histories and international policies create a perfect storm in which it becomes acceptable to attack a migrant in their home because of “legitimate concerns” about economic insecurity and cultural dilution.

      Globally, there is a grim procession of countries that have made scapegoating disempowered outsiders a central plank of government policy. But there is a new and ruthless cruelty to it in the UK and Europe. The European Union tells the British prime minister, Rishi Sunak, that his small boat plans violate international law, but the EU has for years followed an inhumane migrant securitisation policy that captures and detains migrants heading to its shores in brutal prisons run by militias for profit. Among them are a “hellhole” in Libya and heavily funded joint ventures with the human rights-abusing dictatorship in Sudan.

      Only last week, in the middle of this storm, the Italian prime minister, Giorgia Meloni, had a warm call with her Tunisian counterpart, Najla Bouden Romdhane, on, among other topics, “the migration emergency and possible solutions, following an integrated approach”. This sort of bloodless talk of enforcement at all costs, Marks says, “speaks to the ease with which political elites, state officials, can render fascism part of the everyday political present”.

      So where do you turn if you are fleeing war, genocide and sexual violence? If you want to exercise a human right, agreed upon in principle more than 70 years ago, “to seek and enjoy in other countries asylum from persecution”? The answer is anywhere, because no hypothetical deterrent is more terrifying than an unsafe present.

      You will embark on an inhuman odyssey that might end with a midnight raid on your home in Tunis, a drowning in the Channel, or, if you’re lucky, a stay in Sunak and Macron’s newly agreed super-detention centres. People in jeopardy will move. That is certain. All that we guarantee through cynical deterrent policies is that we will make their already fraught journey even more dangerous.

      https://www.theguardian.com/commentisfree/2023/mar/13/tunisia-anti-migrant-sentiments-president-saied