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  • L’#aide_humanitaire en phase d’introspection

    Le mouvement #Black_Lives_Matter a relancé le débat autour du #racisme_structurel et du déséquilibre des pouvoirs dans les domaines de l’#humanitaire, du #développement et de la promotion de la #paix. Un dialogue ouvert et honnête est nécessaire pour aborder ces problèmes ancrés dans l’ADN du secteur.

    Un travail d’introspection demande courage et conscience critique. C’est précisément ce qu’exigent les acteurs du mouvement Black Lives Matter de la part des organisations, des agences et des acteurs actifs dans les domaines de l’aide humanitaire et de la #coopération_internationale. Il est important de faire son introspection pour identifier le #racisme, les dynamiques et les déséquilibres de pouvoir entre le Nord et le Sud, qui remontent à l’époque coloniale. « La gestion de l’aide humanitaire qui n’implique pas les communautés locales marginalisées, les laissant isolées et sans assistance, montre comment ce secteur continue de fonctionner selon les principes colonialistes », avance Lumenge Lubangu, représentant légal de l’Association des rescapés du massacre de Makobola, perpétré en décembre 1998 en République démocratique du Congo.

    Comme près de 160 militants, universitaires, journalistes et professionnels du monde entier, Lumenge Lubangu a participé en novembre 2020 à une consultation en ligne de trois jours, lancée par une coalition d’ONG britanniques. Le but était de partager des expériences, des recommandations et des idées sur le problème du racisme et les #structures_de_pouvoir dans les secteurs de l’humanitaire, du développement et de la promotion de la paix. Sur la base des résultats des discussions, l’ONG Peace Direct a publié un rapport intitulé Time to Decolonise Aid. « L’objectif est de promouvoir le débat et d’encourager la #décolonisation de l’aide humanitaire, de la coopération au développement et de la promotion de la paix pour que ces secteurs deviennent réellement inclusifs, en transférant le pouvoir et les ressources aux acteurs locaux », explique Shannon Paige, autrice du rapport.

    Logique eurocentrée

    La décolonisation de l’aide humanitaire est un sujet récurrent. Il fait son retour dans l’actualité cinq ans après le Grand Bargain, un accord signé lors du Sommet mondial sur l’action humanitaire qui s’est tenu à Istanbul en 2016. Malgré l’engagement pris par le secteur de s’attaquer aux inégalités du système, le pouvoir et l’aide économique n’ont pas encore été transférés aux communautés et aux acteurs locaux. Il y a de nombreuses raisons à cela, notamment une gestion de projet qui consolide les structures de pouvoir existantes.

    « De nombreux programmes sont menés selon une logique eurocentrée qui remonte à l’époque des Lumières, explique Kimon Schneider, maître de conférences et initiateur d’un cours sur le sujet (voir encadré) proposé par le Centre pour le développement et la coopération (NADEL) de l’EPFZ. C’est une logique qui a façonné le concept de progrès et de développement, ancré dans l’ADN du secteur humanitaire et imposé aux bénéficiaires de l’aide. »

    Un modèle occidental et postcolonial qui se manifeste dans différents domaines, notamment le recrutement. « Pourquoi pensons-nous qu’il est préférable d’engager un expert européen ou américain pour mettre en œuvre un projet dans le Sud ? questionne Shannon Paige. Plutôt que de financer les déplacements des experts occidentaux, les ONG et les donateurs devraient investir dans les chercheurs locaux. » Le rapportTime to Decolonise Aid mentionne d’autres contextes où le racisme structurel est favorisé.

    Dans la coopération au développement, on utilise souvent le terme « renforcement des capacités », un concept qui suggère que les communautés et les organisations locales manquent de compétences, perpétuant ainsi l’image du « sauvage » du Sud qui doit être « civilisé ». En outre, les réunions entre acteurs internationaux et locaux se déroulent généralement en anglais (la langue dominante dans le monde de la coopération internationale), même lorsque les anglophones sont minoritaires. Le langage utilisé par les humanitaires est truffé de termes spécialisés et académiques. Ceux-ci empêchent souvent les collaborateurs locaux de participer activement à la discussion et consolident le système d’exclusion ainsi que le déséquilibre de pouvoir entre le Nord et le Sud.

    « Qui définit ce qu’est la connaissance ? s’interroge Kimon Schneider. Qui décide que les connaissances locales et autochtones sont moins importantes que celles de l’Organisation mondiale de la Santé ou d’un professeur d’université ? ». Conscients du problème, de nombreux donateurs, ONG et agences encouragent l’échange d’informations Sud-Sud. Cependant, là aussi, l’évaluation des connaissances s’effectue selon les valeurs et les modèles occidentaux.

    Enfin, citons encore les collectes de fonds qui s’appuient sur des images d’enfants affamés ou de milliers de personnes attendant de la nourriture pour susciter l’empathie et ainsi récolter des dons. Ces clichés consolident l’imaginaire collectif selon lequel l’Africain est impuissant et dépendant de l’Occident, du « sauveur blanc ».
    Délocaliser les décisions

    « Cela fait des décennies que l’on parle d’une manière ou d’une autre de décolonisation de l’aide. Malgré les efforts déployés pour transférer le pouvoir au Sud, il n’y a pas eu de progrès substantiels. Bien qu’il y ait une plus grande prise de conscience de la question, on est resté plus ou moins au statu quo », souligne Kimon Schneider. Le problème du racisme dans la coopération internationale est difficile à aborder. On part souvent du principe que les acteurs du secteur ne peuvent pas être racistes, parce qu’ils sont des gens « bien » qui sacrifient leur vie pour aider les personnes défavorisées dans les pays du Sud.

    Pourtant, il existe des comportements inconscients et ritualisés. Aux yeux de Lumenge Lubangu, la clé du changement réside dans l’implication des acteurs locaux. « Sans la communauté locale, on n’arrive à rien », soutient l’activiste, qui se souvient de sa participation à une consultation des Nations Unies visant à élaborer des stratégies de prévention et d’atténuation de la violence dans l’est de la République démocratique du Congo. « Les forces de l’ONU sur le terrain appliquent mes propositions, prises comme modèle pour gérer l’insécurité dans la région. Les premiers résultats sont prometteurs. »
    Espaces de dialogue

    Le rapport de l’ONG Peace Direct formule d’autres recommandations. Il demande, par exemple, aux donateurs, aux organisations et aux décideurs politiques de reconnaître l’existence d’un racisme structurel. « Cela ne signifie pas qu’il faille nier le bien que fait le secteur ou rejeter la coopération internationale. Il existe toutefois une responsabilité collective face à ce problème », peut-on lire dans le document.

    La création d’espaces de dialogue et de confrontation sur les déséquilibres de pouvoir du système est également proposée. Objectif : promouvoir la création de partenariats plus équitables avec les communautés locales et favoriser la décentralisation de la prise de décision, en la transférant vers le Sud. Une idée également soutenue par Kimon Schneider : « Nous avons besoin d’un dialogue constructif entre personnes provenant du monde entier pour créer un monde meilleur,. L’élément crucial est l’attitude, qui doit être humble, autocritique, ouverte et consciente. » Selon Shannon Paige, le rapport Time to Decolonise Aid n’est que le début du processus que l’aide humanitaire et la coopération internationale doivent entreprendre. « Le débat sur la décolonisation de l’aide est important, mais pas suffisant. Nous avons besoin d’une transformation des structures de pouvoir. »

    https://www.eine-welt.ch/fr/2021/edition-4/laide-humanitaire-en-phase-dintrospection
    #décolonial #pouvoir #coopération_au_développement #aide_au_développement #eurocentrisme #ressources_pédagogiques

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