• « Nous sommes les Soulèvements de la terre », une tribune publiée en presse ce soir que l’on trouve là
    https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/nous-sommes-les-soulevements-de-la-terre

    la version presse

    Trois cents personnalités, dont Philippe Descola, Cyril Dion, Annie Ernaux et Adèle Haenel ont décidé de rendre publique leur appartenance aux Soulèvements de la terre, alors que le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé sa volonté de dissoudre ce collectif écologique.

    Mardi 28 mars, alors que les manifestations contre la réforme des retraites battaient leur plein dans toute la France, parcourues de gestes de solidarité pour les blessés de la répression à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), Gérald Darmanin a annoncé entamer une procédure de dissolution à l’encontre des Soulèvements de la Terre. Celle-ci a été lancée le 29 mars.

    Cette annonce vise à répondre au déluge de critiques adressées au déplorable pilotage du maintien de l’ordre en France depuis quelques semaines. La manifestation de Sainte-Soline contre les mégabassines et l’accaparement de l’eau, samedi 25 mars, n’était à cet égard que le point d’orgue d’une partition macabre, entamée il y a plusieurs semaines, pour rappeler qu’il ne fait plus bon aujourd’hui sortir de chez soi pour manifester son opposition à la politique du gouvernement.

    Entre la vie et la mort

    Nous pleurons aujourd’hui tous les blessés du 25 mars, et veillons les deux manifestants plongés dans le coma entre la vie et la mort. Nous pensons à toutes celles et ceux qui ont dû faire face à un dispositif militaire conçu pour terrifier au risque de tuer. Un dispositif d’une brutalité inouïe, allant le jour même jusqu’à l’obstruction de l’arrivée des secours, pour protéger un symbole, celui de leur autorité, envers et contre toute raison.

    Mutiler et dissoudre. La dissolution, cette nouvelle manœuvre du ministre de l’intérieur pour tenter de faire oublier la brutale répression qu’il a orchestrée est un peu trop grossière. Le projet de dissolution avait en effet « fuité » dans la presse depuis un article du Parisien du 20 décembre 2022, premier d’une série d’articles sur le profil des militants écologistes radicaux, sur ces mouvements ou ces territoires qui « s’éloignent des règles de la République ».

    Ce que nous comprenons au fil des interventions des ministres de ce gouvernement, c’est qu’ils semblent décidés, emportés dans leur propre fébrilité, à taxer d’« ultragauche » tout ce qui se met en travers de leur chemin. Au gré des recyclages de cette appellation, elle recouvre désormais presque parfaitement celle d’« opposant », toutes catégories confondues.

    Le gouvernement a en l’espèce tenté d’user d’une double stratégie. D’une main, fustiger l’écoterrorisme, les black blocs et les activistes écologistes radicaux, accusés de parasiter les « légitimes mouvements pour la préservation de la planète », de l’autre couper sournoisement les vivres à toutes les associations de défense de l’environnement qui se battent pied à pied pour ralentir le cours du désastre écologique.

    Vieilles ficelles

    Ainsi, depuis la loi contre le séparatisme, ce sont des dizaines d’associations sociales, environnementales et culturelles soupçonnées de ne pas souscrire au « pacte républicain », ou juste trop critiques à leur goût, qui se sont vu refuser des financements, inquiétées par les préfectures, bannies des instances de concertation, portées sur de mystérieuses listes noires qui circulent de service en service.

    Rien ici qui ne nous surprenne vraiment. Ce qui nous sidère, c’est qu’ils et elles puissent penser que ces vieilles ficelles suffisent à mettre un coup d’arrêt à une révolte de fond contre la continuelle destruction du vivant.

    Car les Soulèvements de la Terre sont une grandissante coalition de forces. Au fil des mois c’est toute une constellation de collectifs d’habitants en lutte, d’associations de défense de l’environnement, de fermes, de groupes naturalistes, de cantines populaires, de syndicalistes paysans, de scientifiques en rébellion, de syndicats, de groupes autonomes, de mouvements d’éducation populaire, d’élus, de personnes de tous âges et de tous horizons qui se retrouvent et s’organisent sous la bannière des Soulèvements de la Terre. Et ça, rien n’est en mesure de le dissoudre.

    En réalité, aujourd’hui, c’est ce gouvernement que la majorité des habitants et habitantes du pays voudrait voir dissous.

    Multiple et vivant

    Alors, pour donner un peu de chair à leur inquisition, nous allons, nous qui signons cette tribune et toutes celles et ceux qui ne manqueront pas de nous rejoindre, rendre publique notre appartenance aux Soulèvements de la Terre.

    Nous serons dans les rassemblements de solidarité avec les blessés de Sainte-Soline et pour que cessent les violences policières, ce jeudi [30 mars] à 19 heures devant les préfectures, comme nous participerons aux comités locaux des Soulèvements de la Terre que nous appelons aujourd’hui à créer partout sur le territoire et au-delà.

    Nous nous soulevons toutes et tous contre la vision du monde et de la vie que ce gouvernement incarne, contre le saccage des milieux naturels, la disparition des terres arables, l’accaparement de l’eau, l’augmentation de la durée de cotisation [pour la retraite] qui n’est que le paravent de l’injuste partage des richesses, contre les mutilations parfois fatales qu’ils infligent depuis trop longtemps à nos amis, à nos enfants, à nos camarades.

    Nous nous soulevons, chacun de notre endroit, chacun à notre manière. Le mouvement des Soulèvements de la Terre ne peut pas être dissous, car il est multiple et vivant. On ne dissout pas un mouvement, on ne dissout pas une révolte. Nous appelons toutes et tous à nous rejoindre pour rendre caduque cette tentative d’étouffement. Nous sommes, toutes et tous ensemble, les Soulèvements de la Terre.
    Premiers signataires : Mathieu Amalric, acteur et réalisateur ; Dominique Bourg, philosophe et professeur à l’Université de Lausanne ; Philippe Descola, anthropologue, professeur émérite du Collège de France ; Cyril Dion, réalisateur, poète et activiste ; Annie Ernaux, écrivaine, prix Nobel de littérature ; Camille Etienne, activiste ; Clémence Guetté, députée, vice-présidente du groupe LFI-Nupes ; Murielle Guilbert, codéléguée générale de l’Union syndicale Solidaires ; Adèle Haenel, actrice : Corinne Masiero, actrice ; Philippe Poutou, porte-parole du Nouveau Parti anticapitaliste ; Marine Tondelier, secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts ; Youlie Yamamoto, porte-parole d’Attac France.
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/30/nous-serons-dans-les-rassemblements-de-solidarite-avec-les-blesses-de-sainte *

    • l’augmentation de la durée de cotisation [pour la retraite] qui n’est que le paravent de l’injuste partage des richesses

      dommage d’attribuer à Micro-Ubu une augmentation de la durée de cotisation (Hollande Touraine) qu’il ne fait ici qu’accélérer et de nommer cette hache avec son tranchant des 64 ans un "paravent"

    • « Paravent », en effet, n’est pas le terme idoine. Rallonger les durées de cotisation (et donc l’âge de la retraite) est l’une des méthodes possibles — parmi beaucoup d’autres qui prendraient pour cibles soit les chômeurs, soit l’hôpital public, soit l’éducation nationale, etc. — de transférer l’argent public vers le capital.

      Si Macron échoue sur les retraites, sa panoplie de saccages possibles lui permettra malgré tout de remplir sa fonction.

    • il s’agit évidemment pas d’un paravent, les 64 ans ne cachent rien ! ils sont bien plutôt la vitrine - attaquée en tant que telle- d’une politique du capital centrée sur la mise au travail du vivant (humain ou pas), quitte à mimer celle-ci de manière disciplinaire, en sachant ne pas pouvoir en attendre une profitabilité directe effective.
      je ne m’attendais pas à une participation si ample de tant de gens qui savent n’avoir aucun intérêt matériel palpable à défendre une retraite qui pour elleux restera virtuelle en raison des mesures déjà existantes et de ce que sont leurs « carrières » de retraités potentiels, et qui resteront tels, pour de multiples raisons (discontinuité de l’emploi, longues périodes de chômage, allongement de la durée d’études, autoentreprenariat).
      je ne m’attendait pas non plus à un tel degré de désespérance parmi tous ceux qui perdent effectivement deux ans de vie au profit du patron et qui, à part quelques secteurs, paraissent si peu se défendre (le rôle des confs n’explique pas tout, même si elles font beaucoup pour peser vers l’extinction de la grève). tou semble parions se passer comme si ils « acceptaient » de se faire dépouiller à leur tour, comme ils l’ont accepté pour « les chômeurs » (qu’ils ont toute chance d’être de noves un jour), comme de vulgaires chômeurs, lorsqu’aucune perspective qui leur permettrait de s’affranchît un tant soit peu de l’idéologie du travail ne les anime.

      #travail #chômage #retraites