Privées d’intérimaires, les urgences de Grenoble au bord du craquage – Libération

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  • Casse de l’hôpital public : exemple des urgences de Grenoble | Libé | 17.04.23

    https://www.liberation.fr/societe/sante/privees-dinterimaires-les-urgences-de-grenoble-au-bord-du-craquage-202304

    Depuis l’entrée en vigueur de la loi Rist, le sous-effectif est devenu si critique qu’un signalement pour « mise en danger de la vie d’autrui » a été adressé au procureur de la République.
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    Sur les six derniers mois, c’est le troisième décès imprévu que l’équipe encaisse.
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    le fonctionnement normal du service requiert 52 médecins urgentistes à temps plein, ils ne sont que 29… « On ne travaille plus que sur réquisition, indique la docteure Stéphanie Bernard, praticien hospitalier en période probatoire. On signale aussi désormais systématiquement les évènements indésirables : les décès mais aussi tous les séjours de plus de vingt-quatre heures aux urgences. Ça fait beaucoup de boulot pour les secrétaires mais rien ne change. »
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    avec l’entrée en vigueur de la loi Rist sur le plafonnement des tarifs de l’intérim médical, les urgentistes déjà sursollicités ont perdu une bouée salvatrice. « Depuis le 4 avril, les intérimaires refusent de venir, explique un autre praticien. Grâce à leur renfort, on pouvait jusque-là être trois médecins de garde après minuit. C’est un minimum vu l’engorgement du service. Outre les entrées qui sont filtrées, on a chaque nuit entre 60 et 87 patients en attente d’hospitalisation à surveiller, dont une vingtaine de cas psychiatrique. A deux médecins, c’est intenable. » A l’initiative de la CGT, un signalement est adressé le 4 avril au procureur de la République de Grenoble pour « mise en danger de la santé de la population et du personnel par les pouvoirs publics ».

    La direction restant sourde aux alertes, l’équipe médicale décide de « rendre l’invisible, visible » : le 11 avril, « avec leur accord et ceux de leur famille », neuf patients stables qui patientent aux urgences depuis plus de vingt-quatre heures sont transférés dans le couloir central de l’hôpital. « On a transformé le hall d’accueil en Zadh, “zone d’attente d’hospitalisation”, sourit une urgentiste. La direction nous a traités de “terroristes”. Mais c’était le seul moyen de la contraindre à chercher des solutions d’hospitalisation pour des patients que nous n’avons pas les moyens de prendre en charge sur la durée. »

    #ZADH

    • « Ce qu’on veut c’est qu’ils recrutent pour pouvoir rouvrir des lits. »

      Face à l’impasse, l’épuisement guette. « Pour tenir la permanence en avril, on s’est tous rajouté des demi-gardes jusqu’à 23 heures, indique Stéphanie Bernard. Tous les urgentistes valident aujourd’hui les critères de burn-out. Il va y avoir des arrêts et des démissions. » Car le pire est à venir. « Entre mai et septembre, il nous manque 5 000 heures de présence médicale pour boucler les plannings ! relève-t-elle. La réforme de l’intérim est peut-être un enjeu national, mais ici on a des problèmes plus cruciaux que de savoir combien les gens sont payés. » D’autant qu’une autre source de main-d’œuvre va bientôt se tarir : estimant l’encadrement médical des urgences insuffisant, les internes hésitent désormais à y accomplir leur stage semestriel. « En mai, on va en perdre 10 sur 18, soupire la docteure Cavat. Si on veut éviter la catastrophe cet été, soit on obtient du renfort des spécialistes des étages, soit il nous faudra des intérimaires. » Pour obtenir gain de cause, l’équipe des urgentistes n’exclut plus le coup de force : le 24 avril, les arrêts de travail pourraient pleuvoir.