AprĂšs les rĂ©voltes urbaines, des commentateurs ont accusĂ© les banlieues dâengloutir les #fonds_publics. La rĂ©alitĂ© ce sont plutĂŽt des #services_publics moins bien dotĂ©s quâailleurs, et des travailleurs essentiels plus nombreux dans ces quartiers.
Les banlieues seraient « gorgĂ©es dâ#allocations_sociales », a dit Ăric Zemmour. Ou bien encore seraient dĂ©pendantes du « trafic de drogues », a affirmĂ© le patron du Medef au sujet de la Seine-Saint-Denis, avant de sâexcuser. « Quand on regarde la rĂ©alitĂ© de prĂšs, le fantasme des milliards dâargent public dĂ©versĂ©s, dâhabitants qui seraient gorgĂ©s de subventions est un vaste #mensonge », rĂ©agit StĂ©phane Troussel, prĂ©sident, socialiste, du dĂ©partement en question. La Seine-Saint-Denis, « câest un dĂ©partement dans le top 10 des crĂ©ations dâentreprises, en 20 ans, lâemploi y a bondi de 30 %», met par exemple en avant lâĂ©lu pour contredire les #prĂ©jugĂ©s.
« Je ne suis ni angĂ©lique ni naĂŻf, je sais aussi les difficultĂ©s, le niveau de chĂŽmage, le nombre dâallocataires du RSA, le taux de dĂ©linquance et de criminalitĂ© Ă©levĂ©, ajoute-t-il. Mais les clichĂ©s et caricatures exploitĂ©s par les rĂ©actionnaires et lâextrĂȘme droite le sont Ă des fins politiques, Ă des fins racistes et anti-pauvres, pour exacerber le clivage entre ce que nous reprĂ©sentons en Seine-Saint-Denis, qui est un peu lâemblĂšme des banlieues, et le reste de la France. »
Des quartiers de travailleuses et travailleurs
Les affirmations discriminatoires de quelques figures politiques depuis les Ă©meutes qui ont secouĂ© les quartiers populaires sont en grande partie contredites par la rĂ©alitĂ©. Dans la symbolique Seine-Saint-Denis, la population dispose « du plus faible niveau de vie de la France mĂ©tropolitaine », pointait un rapport parlementaire en 2018. Le dĂ©partement prĂ©sente aussi le taux de #chĂŽmage le plus Ă©levĂ© de la rĂ©gion Ăle-de-France : Ă 9,8% contre 5,4 % Ă Paris dĂ©but 2023. Mais la Seine-Saint-Denis est aussi le dĂ©partement dâĂle-de-France, « oĂč la part des travailleurs clĂ©s dans lâensemble des actifs rĂ©sidents est la plus Ă©levĂ©e », relevait lâInsee dans une Ă©tude en 2021.
Les « #travailleurs-clĂ©s » de Seine-Saint-Denis sont entre autres aides Ă domicile, caissiĂšres et caissiers, ou encore vendeurs de commerces essentiels. Des #mĂ©tiers dont tout le monde a perçu lâimportance vitale pendant les confinements. Lâatelier parisien dâurbanisme sâest aussi demandĂ© oĂč vivent les actifs des professions essentielles dâĂle-de-France : personnel hospitalier, caissiers, ouvriers de la logistique, de la maintenance, aides Ă domicile, personnel de lâĂ©ducationâŠ
Sans surprise, du fait des prix de lâimmobilier, elles et ils sont peu Ă vivre Ă Paris et beaucoup plus dans les dĂ©partements des banlieues populaires. Les auxiliaires de vie, par exemple, rĂ©sident plus frĂ©quemment en Seine-Saint-Denis. Les livreurs sont sous-reprĂ©sentĂ©s Ă Paris, dans les Hauts-de-Seine et dans les Yvelines, mais surreprĂ©sentĂ©s dans les autres dĂ©partements franciliens, principalement en Seine-Saint-Denis, dans le Val-dâOise et le Val-de-Marne.
Justice, police : #sous-dotation à tous les étages
« Tous ceux qui ont Ă©tudiĂ© un peu la situation et essayĂ© de la regarder objectivement ont constatĂ© le #sous-Ă©quipement de notre dĂ©partement, notamment en termes de grands services publics, en matiĂšre de #justice, de #police, dâ#Ă©ducation, de #santĂ© », dit aussi StĂ©phane Troussel. LâĂ©lu cite le rapport parlementaire « sur lâĂ©valuation de lâaction de lâĂtat dans lâexercice de ses missions rĂ©galiennes en #Seine-Saint-Denis » rĂ©digĂ© en 2018 par un Ă©lu du parti de Macron et un Ă©lu LR.
Le rapport pointe notamment lâinĂ©galitĂ© dâaccĂšs Ă la justice. Par exemple, la durĂ©e de traitement des affaires au tribunal dâinstance est de 8,6 mois en moyenne en Seine-Saint-Denis, contre moins de 5 mois pour ceux du 18e arrondissement ou du 15e arrondissement de Paris. La Seine-Saint-Denis dispose aussi de beaucoup moins dâofficiers de police judiciaire, ceux et celles chargĂ©s dâenquĂȘter, que Paris et les Hauts-de-Seine.
« La police, dans un dĂ©partement populaire comme le nĂŽtre, nâest pas assez dotĂ©e en moyens, quâils soient humains ou immobiliers, estime StĂ©phane Troussel. LâĂ©tat des commissariats est scandaleux. » LâĂ©lu pense aussi quâil faut changer la police. « Il faut un dĂ©bat sur la doctrine dâintervention, les contrĂŽles aux faciĂšs, les consĂ©quences des modifications lĂ©gislatives de 2017 [sur lâusage de leur arme par les policiers en cas de refus dâobtempĂ©rer, ndlr], sur la formation des policiers⊠Mais en attendant, je suis pour une police qui est un service public, qui rassure et protĂšge dâabord les plus fragiles et les plus modestes, les femmes seules, les enfants et les jeunes, les personnes ĂągĂ©es. Aujourdâhui, je considĂšre que la police nâa pas les moyens de cette action dans un dĂ©partement comme le nĂŽtre. »
Ăducation : des milliers dâheures de cours perdues
La situation nâest pas meilleure dans lâĂ©ducation. Il existe en Seine-Saint-Denis « une forme subie dâ#exclusion_scolaire : lâabsence dâenseignant devant les Ă©lĂšves », pointait le rapport parlementaire de dĂ©putĂ©s LR et LREM. « En dĂ©pit des postes créés depuis cinq ans, la continuitĂ© de lâenseignement nâest toujours pas assurĂ©e en Seine-Saint-Denis, pour une raison “mĂ©canique” qui tient Ă lâinefficacitĂ© du dispositif de remplacement des absences de courte durĂ©e », ajoutaient les deux parlementaires.
Lâan dernier, Mediapart avait comptabilisĂ© 259 heures perdues en un mois dans un collĂšge de Seine-Saint-Denis faute dâenseignants pour faire cours. Dans les Hauts-de-Seine, la FĂ©dĂ©ration des conseils de parents dâĂ©lĂšves (FCPE) recensait ce printemps dĂ©jĂ plus de 800 heures de cours perdues Ă Bagneux, commune populaire des Hauts-de-Seine.
Pourtant, nombre dâĂ©tablissements scolaires des banlieues populaires dâĂle-de-France sont classĂ©s « rĂ©seau dâĂ©ducation prioritaire », Rep ou Rep+. Ce qui devrait signifier des moyens supplĂ©mentaires. 58 % des Ă©coliers et 62 % des collĂ©giens de Seine-Saint-Denis sont inscrits dans un Ă©tablissement de ce type.
« Dans les Ă©tablissements Rep et Rep+, les moyens ne sont absolument pas Ă la hauteur des besoins, accuse Fatna Seghrouchni, professeure de français en collĂšge dans le Val-dâOise et cosecrĂ©taire de la fĂ©dĂ©ration Sud Ăducation. « On entasse les Ă©lĂšves dans les classes, on surcharge les classes. » Quand elle est arrivĂ©e dans son collĂšge il y a 17 ans, lâenseignante avait « 20 Ă 22 Ă©lĂšves par classe », tĂ©moigne-t-elle. « Alors que mon collĂšge nâĂ©tait pas encore classĂ© #Rep. Aujourdâhui, on est Ă 26-28 tout en Ă©tant classĂ© Rep. Cinq Ă©lĂšves en plus par classe, câest oppressant pour les Ă©lĂšves eux-mĂȘmes. Et lâĂ©tablissement nâest pas fait pour accueillir autant dâĂ©lĂšves. »
La responsable syndicale salue les programmes de soutien pour les Ă©tablissements classĂ©s prioritaires, dâaides aux devoirs, les enveloppes budgĂ©taires pour proposer des activitĂ©s culturelles et sportives. Mais tout cela reste « du saupoudrage, dit-elle. Nous, nous demandons surtout moins dâĂ©lĂšves dans les classes, plus dâĂ©tablissements scolaires, pour mieux accueillir tous les Ă©lĂšves, plus dâenseignants, plus de personnel en gĂ©nĂ©ral, et une meilleure rĂ©munĂ©ration de tous les personnels. »
Des grands projets qui ne profitent pas aux habitants
Au cours des nuits de tensions fin juin et dĂ©but juillet, Yohan SalĂšs, conseiller municipal Ă Pierrefitte-sur-Seine pour la France insoumise, a arpentĂ© les rues de sa ville Ă la rencontre des jeunes et des mĂ©diateurs. « On a discutĂ© des dĂ©bats des plateaux tĂ©lĂ© des derniers jours. Ce que disent les gens, câest que lâargent de la politique de la ville, on ne le voit pas, rapporte-t-il. Dire que la Seine-Saint-Denis engloutit des millions dâargent public, câest une lubie de la droite. Lâinvestissement est en fait largement insuffisant. »
Pour lui, beaucoup des grands projets menĂ©s par lâĂtat dans le dĂ©partement de Seine-Saint-Denis ne profitent pas Ă la population des quartiers. « La vĂ©ritĂ©, câest que sur la Plaine-Saint-Denis par exemple, que lâĂtat veut transformer en un nouveau quartier dâaffaires, il nây a pas de volontĂ© politique pour que les habitants du dĂ©partement puissent y travailler. Le chantier dâun site des Jeux olympiques (JO) a brĂ»lĂ© Ă Aubervilliers, mais ces JO ne vont pas profiter aux habitants du dĂ©partement ! Aucun habitant ne pourra se permettre le prix du billet dâun Ă©vĂ©nement sportif de ces Jeux. » Le premier tarif dĂ©marre Ă 24 euros pour les JO et 15 euros pour les Jeux paralympiques, pour les places avec le moins de visibilitĂ©. Les tarifs vont jusquâĂ frĂŽler les 1000 euros pour les meilleures places.
Comment se payer des places, mĂȘme Ă quelques dizaines dâeuros, quand « une situation de dĂ©tresse alimentaire frappe les habitants » des banlieues, comme lâalertaient quelques semaines avant la mort de Nahel et les Ă©meutes, des dizaines dâĂ©lus locaux des quartiers populaires de diffĂ©rents horizons politiques ? « Les banlieues sont au bord de lâ#asphyxie », leurs habitants ont « le sentiment dâĂȘtre abandonnĂ©s par la RĂ©publique », Ă©crivaient aussi ces Ă©diles. Face Ă cette situation, le prĂ©sident de la Seine-Saint-Denis StĂ©phane Troussel en appelle Ă « une action publique de remise Ă niveau qui porte un choc structurel dâĂ©galitĂ©. Sans cela, ma crainte, câest que les Ă©carts ne cessent de sâaccroĂźtre ». Dans son dĂ©partement, en Ăle-de-France, et au-delĂ .