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  • Trois personnes sont mortes dans une tentative de traversée de la Manche près de Blériot-Plage, à Sangatte
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/29/traversee-clandestine-de-la-manche-trois-migrants-sont-morts-pres-de-bleriot

    Trois personnes sont mortes dans une tentative de traversée de la Manche près de Blériot-Plage, à Sangatte
    Trois personnes sont mortes, dimanche 29 décembre, dans une tentative de traversée clandestine de la Manche, a annoncé le maire de Sangatte (Pas-de-Calais), Guy Allemand, à l’Agence France-Presse (AFP). Un drame qui porte à au moins 76 le nombre de personnes mortes cette année dans de telles tentatives.
    Le drame a eu lieu près de Blériot-Plage, à Sangatte, rapporte un communiqué de presse conjoint du préfet du Pas-de-Calais et du préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord. Vers 6 heures, plusieurs personnes se sont retrouvées dans l’eau après avoir tenté de monter à bord d’une embarcation surchargée, a précisé la préfecture maritime à l’AFP.
    Au cours de l’opération, 45 personnes ont été « assistées par les secours, dont quatre personnes en urgence relative » qui ont été transportées vers des hôpitaux, rapporte le communiqué. Le préfet du Pas-de-Calais, Jacques Billant, a assuré lors d’un point de presse à la mi-journée que les trois personnes mortes étaient des hommes. En parallèle, la recherche de potentiels naufragés se poursuit. Une enquête a été ouverte par le parquet de Boulogne-sur-Mer. Une cinquantaine de policiers ainsi que des pompiers ont été envoyés sur place et deux associations mandatées par l’Etat se sont jointes aux opérations de secours.
    Vers 6 h 20, une équipe d’Utopia 56 a croisé une quinzaine d’exilés, trempés, sur une route à proximité de Blériot-Plage, puis un autre groupe d’une trentaine de personnes dans le même état, a déclaré à l’AFP Célestin Pichaud, coordinateur de cette association d’aide aux exilés. Ils ont pu leur donner des chaussettes et des pantalons avant l’arrivée des secours. « On a commencé l’année le 14 janvier avec cinq morts, on termine l’année avec trois morts sur le littoral, parce que rien ne change », a regretté sur place Flore Judet, coordinatrice de L’Auberge des migrants, qui a participé dans la nuit à la maraude d’Utopia 56.
    « Ça n’arrête pas, c’est traversée sur traversée, il n’y a aucune baisse, bien au contraire », a réagi le maire de Sangatte auprès de l’AFP. Le dispositif mis en place est « sans précédent sur la commune », a-t-il assuré, précisant que 41 migrants sont accueillis au sein de la base nautique de la commune, encadrés par la police. Malgré des renforts annoncés à la fin de novembre par le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, « les moyens restent insuffisants ou pas forcément efficaces dans la mesure où on reste sur du curatif », a estimé le maire devant la presse.
    « Ce nouveau drame intervient au terme d’une année particulièrement meurtrière (…). Malgré ces terribles événements, les migrants sont toujours très nombreux à tenter de prendre la mer dès que les conditions météorologiques deviennent favorables », a affirmé le préfet du Pas-de-Calais lors d’un point de presse. « Depuis le 24 décembre, ce sont vingt-trois événements maritimes qui ont été mis en échec par les forces de sécurité intérieure, ce qui a permis de sauver plus de mille vies », a ajouté M. Billant, précisant que les réseaux de passeurs, par appât du gain, font courir de plus en plus de risques aux personnes.
    « Nous continuerons de lutter sans relâche contre ces réseaux criminels, ce sont vingt-trois filières qui ont été démantelées et plusieurs centaines de personnes qui ont été interpellées depuis le début de l’année 2024 », conclut le préfet. Depuis Noël, des vents faibles ont favorisé les tentatives de traversée. Entre mercredi et samedi, près de 1 500 migrants sont arrivés dans les eaux anglaises à bord de small boats, de frêles embarcations souvent surchargées, selon les chiffres communiqués par les autorités britanniques. Depuis janvier, plus de 36 000 personnes ont réussi la traversée par ce moyen. « De nombreux départs » ont à nouveau eu lieu dimanche matin, selon la préfecture maritime

    #Covid-19#migration#migrant#france#royauumeuni#manche#mortalite#sangatte#traversee#sante#smallboat#migrationirreguliere#routemigratoire

  • « Gino » livré par la France à la Hongrie au risque de 16 ans de ballon ?

    Un antifasciste albanais, installé en France, sous la menace d’une procédure judiciaire hongroise
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/17/un-antifasciste-albanais-installe-en-france-sous-la-menace-d-une-procedure-j

    M. Abazaj est accusé d’y avoir participé avec d’autres militants d’extrême gauche, et d’avoir attaqué deux personnes. Le mandat d’arrêt européen – que Le Monde a pu consulter – fait état de « blessures modérées » subies par les victimes, dues à des « coups », eux aussi décrits comme d’une « force modérée », donnés à l’aide de « bâtons télescopiques et de marteaux en caoutchouc ». « La durée effective de la guérison des blessures subies par les victimes est de cinq à six jours », est-il encore précisé. Pourtant, le même document qualifie les faits reprochés à M. Abazaj de « coups et blessures provoquant un risque immédiat de mort » et de participation à une « organisation criminelle ». La peine maximale encourue est de seize ans de prison. Pour sa part, M. Abazaj nie toute participation à des violences.
    « Il y a une dimension politique de l’affaire, veut croire Me Pasquet-Marinacce, l’avocat de Rexhino Abazaj, qui dénonce une disproportion entre les faits visés et la peine encourue. Viktor Orban [premier ministre d’extrême droite de Hongrie] a une vraie influence sur les juridictions de son pays. Il y a un risque réel d’atteinte au droit à un procès équitable et un risque de traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. » Les avocats mettent en avant la nature « illibérale » du pouvoir de Viktor Orban. Selon eux, les accusations ne tiennent pas et M. Abazaj est poursuivi en raison de ses opinions politiques. « Les autorités hongroises veulent offrir les antifascistes en trophée », assure ainsi Me Pasquet-Marinacce.

    Pour étayer son raisonnement, l’avocat cite le traitement qui a été infligé à I’Italienne Ilaria Salis, une camarade de son client. Cette antifasciste a été arrêtée pour avoir participé, elle aussi, aux violences de la contre-manifestation du 11 février 2023, ce qu’elle a également toujours nié. L’enseignante était apparue, lors d’une comparution au tribunal de Budapest au début de 2024, menottée, entravée aux pieds, sous escorte policière. Ce régime, habituel pour les prévenus en Hongrie (le pays est régulièrement condamné par la Cour européenne des droits de l’homme pour le traitement de ses prisonniers), avait déclenché une mini-crise diplomatique entre l’Italie et la Hongrie, dont les gouvernements sont pourtant proches politiquement. La justice magyare avait dû libérer Mme Salis après son élection au Parlement européen, en juin, sur une liste écologiste de gauche.

    https://justpaste.it/hr613

    C’est Abel Mestre au Monde, sur les pas d’Edwy Plenel, sans prestance ni sérieux (« Il y a une dimension politique de l’affaire, veut croire l’avocat oh là là), pour faire l’ex-gaucho (en carton) intégré aux organes de la république.

    #Europe #justice

  • Logement des personnes handicapées : un bilan critique du « logement évolutif » toujours pas rendu public
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/27/logement-des-personnes-handicapees-un-bilan-critique-du-logement-evolutif-to


    Une femme handicapée, dans son appartement, à Paris, en 2018. CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/AFP

    Le gouvernement a fait réaliser, comme le demandait la #loi_ELAN de 2018, un bilan d’application de ces habitations, qui peuvent être rendues accessibles à tous par des « travaux simples ». Mais il ne l’a pas communiqué comme prévu au Parlement.
    Par Claire Ané

    Si 20 % des logements neufs ont l’obligation, dès leur construction, d’être accessibles aux personnes handicapées, les 80 % restants doivent être évolutifs : ils doivent pouvoir être rendus accessibles par des « travaux simples ». Cette définition et cette obligation datent de la loi portant évolution du #logement, de l’aménagement et du numérique, dite ELAN, de 2018, qui a aussi prévu qu’un bilan d’application du logement évolutif soit réalisé cinq ans plus tard.

    Le ministère de la transition écologique et le ministère délégué au logement ont bien commandé ce bilan à l’inspection générale de l’environnement et du développement durable, dans un courrier de novembre 2022, et l’ont bien réceptionné onze mois plus tard. Mais ils ne l’ont toujours pas remis au Parlement, alors qu’ils étaient tenus de le faire avant le 24 novembre 2023. Pourquoi un tel retard ? « Ce rapport aurait été jugé trop militant », répond Laurent Lejard, rédacteur en chef du magazine en ligne consacré au #handicap Yanous ! et auteur d’une enquête sur le sujet https://www.yanous.com/news/focus/focus240105.html.
    Sollicité par Le Monde, le ministère du logement indique que, « à ce jour, le rapport n’a pas pu être finalisé et aboutir à une transmission formelle » et que, « au-delà de ce rapport, dont les délais sont échus, la ministre, Valérie Létard, sera attentive à la poursuite de l’évaluation sur ce dossier majeur, qui doit permettre de garantir l’#accessibilité des logements sans en impacter les prix, en particulier dans le contexte de crise actuelle ».

    Coûts de transformation

    Le Monde a pu consulter le document en question, qui dresse, sur 141 pages, un constat « plus que mitigé » : l’écart de prix de revient est estimé « proche de zéro » entre logements accessibles et évolutifs – alors que les partisans de la loi ELAN assuraient que ces derniers seraient moins coûteux ; en revanche, « les coûts de transformation d’un logement évolutif en logement accessible peuvent atteindre des montants très élevés », avec un coût moyen d’intervention estimé entre 8 000 et 13 000 euros hors taxes.

    Les auteurs de ce bilan ajoutent que ces coûts de transformation pèseront non seulement sur les budgets des ménages concernés, mais aussi sur la collectivité, puisque les ménages pourront solliciter différentes aides publiques. Ils minorent au passage un autre argument qui avait été invoqué pour réduire la part de logements accessibles : créer une salle de bains et des toilettes adaptées à l’utilisation par une personne en fauteuil roulant ne prend pas 8 mètres carrés sur les pièces de vie comme annoncé dans l’étude d’impact de la loi ELAN, mais plutôt 1 à 4 mètres carrés.

    Le rapport s’achève par six recommandations et dix mesures techniques « qui pourraient être mises en place immédiatement au service d’une véritable évolutivité du logement ». S’y ajoutent six propositions visant à substituer au concept de logement évolutif, « dont force est de constater qu’il n’est pas consensuel », le concept de « logement à usage universel ». Celui-ci comprendrait notamment une chambre accessible aux personnes en fauteuil roulant, c’est-à-dire d’une superficie d’au moins 11,5 à 12,5 mètres carrés. « Si nous voulons garantir ce droit à un logement habitable par tous, il est nécessaire, dans une démarche d’optimisation économique, d’investir un peu plus au moment de la construction pour réduire fortement les dépenses d’adaptation de demain et les rendre ainsi possibles pour tous », expliquent les auteurs.

  • Emprise du narcotrafic en France : chronique de quinze années d’un aveuglement collectif
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/27/lutte-contre-le-narcotrafic-chronique-de-quinze-annees-d-aveuglement_6469159

    La plongée dans les notes, analyses et rapports des services de lutte contre les trafics de stupéfiants retrace l’édifiante histoire d’une progression continue de cette criminalité face à un pouvoir politique et policier incapable de l’enrayer.

    [...]

    Pendant une décennie, bien avant l’irruption de la DZ Mafia dans les journaux télévisés, les notes du Sirasco, de l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS), puis de l’Ofast, vont mettre en garde contre l’émergence d’organisations criminelles « structurées, ayant diversifié leurs activités, maîtrisant les voies commerciales », comme le mentionne le rapport du Sirasco, daté de 2014. Une véritable cartellisation en devenir. « Les réseaux de revente au détail » fournissent la base, tandis que l’étage intermédiaire est constitué de semi-grossistes alimentant les points de deal en cocaïne et en cannabis essentiellement, « capables d’utiliser des façades légales (…) pour développer des activités illicites ». Enfin, « au sommet », des caïds mettent au point des « importations massives (plusieurs tonnes à chaque transaction) » avec d’autant plus de facilité qu’ils « résident hors des cités (…), investissent (un peu) en France et (beaucoup) à l’étranger, notamment au Maroc, à Hongkong, à Dubaï et à Londres ».

    [...] Alors que services de police et de gendarmerie sont mobilisés pour faire respecter les consignes de confinement pendant l’épidémie de Covid-19, les dealeurs font face, en un temps record, à une pénurie qui n’excédera pas une dizaine de jours. Dans son bilan d’une année de crise sanitaire sur les trafics de stupéfiants, rédigé en février 2021, l’Ofast montre la réorganisation éclair des réseaux, qui se sont approvisionnés « en gros », grâce à des camions de marchandises autorisés à circuler, ont loué des appartements pour y organiser la revente de drogue et « désinvestir l’espace public » étroitement surveillé. Prévoyants, ils ont aussi constitué des stocks dans l’hypothèse d’un second confinement, tout en prenant le virage du numérique, timidement amorcé jusqu’alors.

    Antoine Albertini fait son taf, qui consolide Retailleau / Darmanin.

    https://justpaste.it/h7wup

    #police #drogues #narcotrafic #économie #économie_crimminelle #travail_indépendant #subordination #revenu #blanchiment #narcomicide #criminalité #uberisation #corruption

    • #Narcotrafic, qu’est-ce qui ne va pas dans cet article @lemondefr ? Thread., @yannbisiou
      https://x.com/yannbisiou/status/1873413504511922520


      La thèse est qu’un service de renseignement policier, le #SIRASCO, alerte en vain sur les transformations du crime organisé. Police et politiques seraient restés indifférents...

      ... préférant s’occuper des braqueurs que des « dealers des citées ». Les dispositifs juridiques n’auraient pas évolué avant la « prise de conscience tardive des autorités, jusqu’au réveil douloureux, dans le vacarme mortifère des rafales d’armes automatiques ».
      C’est faux.

      1er problème, la méthode @BFMTV : la police commente le travail de la police. Pour l’objectivité on repassera, pour la cohérence aussi.
      Vous connaissez beaucoup de services « mal aimés » qui passent de 5 à 200 agents vous ? À ce compte là on veut bien être mal aimés dans le #SUP !

      Quant à la thèse selon laquelle personne n’aurait prêté attention au SIRASCO c’est encore plus léger. Les interviews se succèdent, de 30 à 50 par an, surtout dans la presse de droite ou d’extrême-droite, même si @lemondefr les interview fréquemment.

      En 2014 le fameux rapport du #SIRASCO cité par
      @lemondefr a fait scandale quand @leprogreslyon
      s’est basé dessus pour publier des stats ethniques sur la délinquance !

      Prétendre que personne n’aurait entendu le #SIRASCO quand vous multipliez les interviews que vous êtes cités dans les travaux parlementaires et les rapports officiels et que vous faites la une d’un scandale médiatique ça manque de crédibilité
      @lemondefr

    • Du trafic de drogue au « narcotrafic », une bascule sémantique et politique
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/02/05/du-trafic-de-drogue-au-narcotrafic-une-bascule-semantique-et-politique_65322

      A l’automne, le terme a été utilisé par le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, au moment où était lancée une vaste offensive contre le trafic de stupéfiants. En important en France un imaginaire latino-américain de cartels et de gangs, il accompagne une politique du tout-répressif.

      Histoire d’une notion. Actuellement discutée au Sénat, la proposition de loi pour « sortir la France du piège du narcotrafic » apporte déjà une certitude : en appelant « narcotrafic » ce que le code pénal qualifie officiellement de « trafic de stupéfiants », elle ancre un terme dont l’irruption est à la fois récente et fulgurante. Les recherches du mot sur Google France, quasiment nulles depuis vingt ans, sont montées en flèche depuis début 2024. D’une occurrence proche de zéro dans les médias, l’emploi de ce mot a explosé parallèlement dans les trois bases de données de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) – journaux, radios, chaînes d’information en continu. Ces données rendent compte d’une offensive lexicale impulsée il y a un peu plus d’un an par Bruno Retailleau.

      A l’automne 2023, le président du groupe Les Républicains au Sénat dépose une proposition de résolution créant une commission d’enquête sur l’impact du « narcotrafic » en France. Le mot est lancé, et contesté par une partie de la gauche. Le rapport du Sénat, lui, débouche, en mai 2024, sur des conclusions alarmantes : le narcotrafic pose une « menace existentielle pour les institutions et pour la démocratie ». Ces conclusions nourrissent la proposition de loi soumise au vote mardi 4 février au Sénat, axée sur le renseignement et la répression, mais aussi le discours de Bruno Retailleau, qui, entre-temps, est devenu ministre de l’intérieur.

      A partir d’une interview à BFM-TV, le 1er novembre 2024, son compte X atteste de l’emploi récurrent, non plus des termes « trafic de stupéfiants », qui était jusque-là employés par les ministres de l’intérieur quel que soit leur bord politique, mais du mot « narcotrafic ». « Les narcoracailles n’ont plus de limites, déclare-t-il, ce jour-là, à BFM-TV. Aujourd’hui, c’est un choix entre une mobilisation générale, ou alors la #mexicanisation du pays. »

      Du terme « narcotrafic » à la mention du Mexique, le ministre multiplie les allusions péjoratives à une Amérique latine que le chargé de recherche au CNRS Romain Busnel connaît bien. Ce « cadrage sensationnaliste » joue, selon lui, sur « une série de puissants imaginaires sociaux » : ils sont marqués par des productions culturelles comme la série Narcos, avec ses gangs armés et ses Etats – Mexique et Colombie – représentés comme faibles et corrompus.

      « Altérité irréductible »

      Cet imaginaire militaire est géographique, mais aussi temporel : il renvoie à la « guerre contre la drogue » lancée par Richard Nixon entre 1969 et 1974. Le président américain fait alors du sujet un « important thème de sa campagne pour le retour de la loi et de l’ordre », relate l’historien Alexandre Marchant dans la revue Swaps, en 2014. Dans ces années-là « émerge un nouveau paradigme, celui de la lutte contre l’offre, qui va justifier une répression et une militarisation destructrices », ajoute Romain Busnel. En proposant de créer une « DEA à la française », du nom de l’agence antidrogue lancée par Nixon en 1973, la proposition de loi actuellement discutée au Sénat puise dans cette matrice.

      La décennie 1970 marque ensuite la montée en puissance du narcotrafic et la cristallisation de son imaginaire sud-américain avec l’essor de la production au Mexique (cannabis et héroïne) et en Colombie (cannabis puis cocaïne), puis l’apparition de cartels, comme celui de Medellin en 1976, dirigé par Pablo Escobar. Dans les années 1980, Ronald Reagan remet le sujet au cœur de son agenda, mêlant politique sécuritaire et discours moral : si les résultats de cette guerre antidrogue sont contestés, ce moment marque le début de l’exportation du « consensus répressif » en France, souligne Alexandre Marchant.

      Selon l’historien, ce modèle a « brillé par son inefficacité » tout en engendrant de « déplorables effets pervers – guerre aux pauvres, creusement d’un fossé racial ». Pour Romain Busnel, auteur de Planter la coca, cultiver la lutte (Iheal, 352 p., 22 €), cette politique a, en outre, conduit à « stigmatiser des populations pour qui la culture de la coca était millénaire et associée à leur spiritualité ». Cette politique constitue un « échec retentissant », renchérit Laurent Bonelli, professeur de science politique à l’université Paris-Nanterre : « Les Etats-Unis ont été le pays qui a le plus incarcéré au monde, sans effet sur les organisations criminelles ni sur la consommation. »

      Pour ce dernier, auteur de La France a peur. Une histoire sociale de l’« insécurité » (La Découverte, 2008), ce choix rhétorique du mot « narcotrafic » s’inscrit dans une histoire franco-française. « Ce terme est le produit d’une escalade verbale qui, depuis trois décennies, accrédite l’idée qu’on n’en fait pas assez. » D’autant que le mot est lourd de sens implicites, juge-t-il : alors que les classes populaires vivent « des crises très brutales qui favorisent le trafic », parler de « “narcoracaille” renvoie ces vendeurs à une altérité irréductible », pointe le chercheur : « Or, toute la société consomme de la cocaïne, y compris dans les ministères. Si la consommation de drogue augmente alors que celle de l’alcool baisse, on pourrait s’inspirer de ce qui a marché : la prévention. » Aucun des 24 articles de la proposition de loi ne porte sur ce volet.

      Youness Bousenna

  • Cyclone Chido à Mayotte : comment le sujet migratoire revient en force
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/18/cyclone-chido-a-mayotte-comment-le-sujet-migratoire-revient-en-force_6455355

    Cyclone Chido à Mayotte : comment le sujet migratoire revient en force
    Par Julia Pascual
    Soixante-douze heures. C’est le temps qu’il a fallu à Bruno Retailleau pour convoquer l’enjeu migratoire, alors que le cyclone Chido a dévasté le département français de Mayotte, samedi 14 décembre. L’archipel ne pourra pas être reconstruit « sans traiter la question migratoire », a affirmé, sur le réseau social X, mardi 17 décembre, le ministre de l’intérieur démissionnaire – en lice pour être maintenu.
    « On ne pourra pas reconstruire Mayotte sans traiter, avec la plus grande détermination, la question migratoire », estime l’ancien patron des Républicains au Sénat. « Il faudra légiférer pour qu’à Mayotte, comme partout sur le territoire national, la France reprenne le contrôle de son immigration. » Une prise de position qui n’a pas manqué de susciter l’indignation de la gauche. « On est dans un contexte de crise humanitaire sans précédent, la seule boussole de l’Etat devrait être la sauvegarde de la vie humaine, dénonce Vittoria Logrippo, déléguée de La Cimade, association d’aide aux migrants, pour la région de l’océan Indien. C’est la précarité extrême des personnes qui les a exposées, pas leur statut administratif. »
    L’immigration est l’une des principales clés d’entrée des politiques sur Mayotte. Elle était au cœur de l’opération lancée par Gérald Darmanin, en 2023, « Wuambushu », pour détruire l’habitat indigne, augmenter les expulsions et lutter contre les arrivées en bateau (kwassa-kwassa) de Comoriens. Combattre les flux irréguliers est aussi le « thème principal de la relation bilatérale » avec les Comores, dont est originaire la majorité des personnes sans papiers à Mayotte, rappelait un rapport de la Cour des comptes, en 2022.
    « Imaginaire fantasmé »
    En février 2024, le président de la République Emmanuel Macron rapportait au quotidien L’Humanité que « Mayotte est la première maternité de France, avec des femmes qui viennent y accoucher pour faire des petits Français ». M. Darmanin, alors installé place Beauvau, avait déclaré à sa suite, de l’archipel, la fin à venir du droit du sol à Mayotte. « Il faudra changer, dans la Constitution, les règles du droit du sol et l’accès à la nationalité, si on veut radicalement changer les choses à Mayotte », défendait-il.
    Les soubresauts de la vie politique ont, depuis, remisé ce projet. Est-ce cela que souhaite reprendre Bruno Retailleau ? « Tout ça témoigne d’un imaginaire fantasmé, considère en tout cas Jules Lepoutre, professeur de droit public à l’université Côte d’Azur. Ce n’est pas le droit du sol, mais les écarts de PIB entre Mayotte et les Comores qui justifient les mouvements de population. » En 2022, la Cour des comptes rappelait que le PIB par habitant atteint à Mayotte près de 9 000 euros, « très largement supérieur à celui des Comores (703 euros) ou de Madagascar (364 euros) », même s’il reste très faible comparé à celui de la France métropolitaine (21 378 euros par habitant).
    Le droit du sol à Mayotte a, en outre, déjà subi une première modification en 2018. Depuis, pour qu’un mineur devienne français à sa majorité, il faut que l’un de ses deux parents au moins ait été en situation régulière pendant plus de trois mois avant sa naissance. Conséquence : dans une réponse à une question parlementaire, en octobre, le ministre de la justice indiquait que près de 800 personnes ont acquis la nationalité française par le biais du droit du sol en 2022, un chiffre en baisse depuis 2018.
    De cet ensemble, un peu plus de la moitié (442) ont acquis la nationalité à l’âge de 13 ans par une procédure de déclaration anticipée. « Il n’y a pas de course à l’acquisition de la nationalité », en déduit Jules Lepoutre. La réforme du droit du sol n’a par ailleurs pas eu d’impact sur les accouchements puisqu’ils sont passés d’environ 7 300, en 2014, à près de 11 000, en 2022 (trois quarts des mères sont étrangères).
    Le droit au regroupement familial est lui aussi dérogatoire à Mayotte. Depuis la loi relative à l’immigration, portée par M. Darmanin et promulguée en janvier, il faut trois ans de présence régulière sur le sol (contre 18 mois auparavant) et un titre de séjour de cinq ans valide pour pouvoir y recourir. « Comme il n’existe pas de carte de cinq ans, cela correspond à une carte de résident de dix ans, c’est mission impossible », rappelle Ophélie Marrel, conseillère juridique chargée des migrations à la Commission nationale consultative des droits de l’homme. « Ça ne change rien au volume d’arrivées, poursuit-elle. On veut considérer Mayotte sous l’angle des étrangers, alors que c’est un territoire délaissé, en particulier au niveau de l’accès à l’eau et à l’hébergement. »
    Le territoire devenu département français en 2011 compterait autour de 350 000 à 400 000 habitants, dont plus de la moitié serait de nationalité étrangère. Selon des estimations forcément fragiles, entre 100 000 et 200 000 personnes s’y trouveraient en situation irrégulière.Dans un article publié par The Conversation, le 11 mars, Jules Gazeaud, chargé de recherche au CNRS et auteur de travaux sur la migration comorienne, évoquait aussi le facteur sanitaire de la migration. Le taux de mortalité maternelle pour des causes liées à la grossesse est ainsi plus de quatre fois plus important aux Comores qu’à Mayotte (selon des données de 2021). Et le taux de mortalité infantile près de douze fois plus grand.
    « Vous n’empêcherez jamais les gens de venir », répète Jean-François Carenco, ministre des outre-mer entre 2022 et 2023, qui mentionne les relations familiales existantes et anciennes entre Anjouanais (de l’île d’Anjouan, dans l’archipel des Comores), Mahorais et, plus globalement, Comoriens. Mayotte est la seule île des Comores à avoir décidé de rester française au moment des indépendances, dans les années 1970. Un statut qui n’a jamais été reconnu par Moroni, alors que, depuis, une vingtaine de résolutions des Nations unies ont réaffirmé la souveraineté de la République fédérale islamique des Comores sur l’île, considérant que l’accession à la souveraineté des Comores ne peut être que totale

    #Covid-19#migrant#migration#france#mayotte#politiquemigratoire#sante#mortalité#natalité#droitdusol

  • [Syrie] Cédric Labrousse

    https://x.com/CdricLabrousse/status/1867877798892745018

    Détail de l’accord très important signé entre le gouvernement de Damas, lié à HTS, et l’AANES et les FDS : les quartiers #kurdes d’Alep (Sheikh Maqsoud et Ashrafiyah) restent sous contrôle des YPG locales. Qui sont autorisées à être ravitaillées et à conserver leurs prérogatives de sécurité.

    Autant dire que le travail de fond entre HTS et AANES / FDS est réel. De quoi humilier et enrager la Turquie. Mais aussi de rappeler, de la part de ces deux forces pourtant opposées, que la Turquie n’a rien à faire en #Syrie et doit partir. Les affaires intérieures de la Syrie sont désormais syriennes.

    Et cet accord va bien plus loin, puisqu’il s’étend à tout le nord-est syrien confirmé comme devant relever de l’AANES. Seule exigence d’HTS : le départ des kurdes non-syriens de la région, notamment ceux qui sont devenus cadres au sein des YPG. Cela sera fort possible.

    Rappelons ainsi que si la plupart des cadres actuels des YPG sont passés par les HPG et le PKK, ils sont... syriens. Et n’ont fait que revenir à partir de 2011. Au premier rang d’entre eux : Mazloum Abdi, commandant en chef des FDS, vétéran lui-même du PKK et des HPG, et syrien de naissance. Le départ des non syriens n’affecterait donc pas du tout la chaîne de commandement des FDS.

    Et, symbolique, chers lecteurs et lectrices, ce dernier, chef des FDS aura eu quasiment une carrière parallèle à celle d’Abu Muhammad al-Julani au sens où ils ont tout les deux fui la Syrie dans les années 2000 pour se rendre, entre autres, en Irak. Et tous les deux sont revenus par la suite...

    • Le même commentateur, ultra libéral, souligne que la désagrégation de l’État irakien suite au retrait américain est une expérience fondatrice pour al-Julani : [pour Charaa] la capacité politico-militaire à défaire à l’ennemi ne vaut rien sans que lui succède d’emblée l’aptitude à gérer un État

      L’espace politique laissé aux forces kurdes pose d’ores et déjà problème à une Turquie que le HDS veut tenir à distance. Ce qu’il ne saurait faire face à Israël, si ce n’est diplomatiquement (?).

      « Les Israéliens ont clairement franchi les lignes d’engagement en Syrie, ce qui menace d’une escalade injustifiée dans la région », a affirmé Ahmed Al-Charaa, anciennement connu sous son nom de guerre, Abou Mohammed Al-Joulani, dans des propos rapportés par la chaîne Telegram de la coalition menée par le groupe sunnite radical Hayat Tahrir Al-Cham (#HTC). Ahmed Al-Charaa a cependant ajouté que « l’état d’épuisement de la Syrie après des années de guerre et de conflits ne permet pas d’entrer dans de nouveaux conflits ».

      https://www.lemonde.fr/international/live/2024/12/14/en-direct-syrie-l-union-europeenne-les-etats-unis-et-plusieurs-pays-arabes-s

      Labrousse note également
      https://x.com/CdricLabrousse/status/1866614776371220917

      Le gouvernement de transition est en place. Il se compose de ministres du Gouvernement de Salut de HTS et de ministres de l’ancien régime du Baath. Premier conseil des ministres avec Muhammad al-Bachir à sa tête.

      Qui exclut l’ancienne Coalition Nationale Syrienne, fondée en 2012. C’est un camouflet pour l’ensemble des forces politiques de tous bords et anciennes (Frères Musulmans, libéraux, parti communiste, nationalistes...) qui se retrouvent totalement écartées de cette transition. Tous dindons de la farce de ce mariage, opportuniste et temporaire, d’HTS et... du Baath.

      Sécurité intérieure (et dans ce cas tolérance pour des minorités et les anciens soutiens des Assad), reconnaissance internationale (avec, à terme, la levée des sanctions américaines), précautions à prendre quant à la vingtaine de groupe djihadistes présents en Syrie, voilà ce qui parait être la liste embryonnaire des tâches que se donne le néo État syrien. Sous surveillance israélienne.

    • Dans la Syrie post-Assad, le défi du pluralisme

      https://www.lemonde.fr/un-si-proche-orient/article/2024/12/15/le-defi-du-pluralisme-dans-la-syrie-post-assad_6449499_6116995.html


      Des syriens fêtent la chute du régime de Bachar Al-Assad en brandissant des drapeaux de la Syrie indépendante, aux trois étoiles rouges, à Damas, le 13 décembre 2024. SAMEER AL-DOUMY / AFP

      L’alliance entre les rois de France et les sultans ottomans a traversé les siècles, fondée qu’elle était sur des intérêts stratégiques partagés. François Ier n’a pas craint d’associer la « fille aînée de l’Eglise » au plus puissant empire de l’islam, ne serait-ce que pour s’opposer avec lui aux Habsbourg. Louis XIII a justifié une telle alliance par la « protection » ainsi accordée par Paris aux catholiques d’Orient, à commencer par les maronites du Liban. Ses successeurs sur le trône de France ont repris à leur compte cette prétention, que les régimes successifs du XIXe siècle ont eux aussi assumée à des titres divers. On prête à Léon Gambetta l’adage selon lequel « l’anticléricalisme n’est pas un article d’exportation », tant la IIIe République, toute laïque soit-elle, a persisté à revendiquer sa mission de protection des chrétiens d’Orient. Et lorsque la France obtint de la Société des nations (SDN) un mandat sur l’ancienne province ottomane de Syrie, elle en retrancha en 1920 un « Grand Liban » taillé sur mesure pour ses « protégés » maronites.

      Les trois étoiles de la Syrie indépendante

      Le « royaume arabe », mis en place à Damas dès la chute, en 1918, de l’Empire ottoman, avait pourtant adopté une constitution respectueuse des libertés publiques et des droits des minorités. Mais l’intervention de l’armée française brisa un tel élan en renversant, en 1920, le royaume de Damas. Non seulement la France institutionnalisa le #confessionnalisme politique au Liban, mais elle s’acharna à diviser la Syrie sur des bases elles aussi confessionnelles, avec l’établissement d’un « Etat des Druzes »_au sud et d’un « Etat des alaouites » sur la côte méditerranéenne.

      Le nationalisme syrien s’opposa farouchement à un tel charcutage, proclamant que « la Syrie est à tous les Syriens et la religion est à Dieu ». L’emblème nationaliste se distinguait par ses trois étoiles rouges, symboles, pour la première, de Damas, pour la deuxième, d’Alep et, pour la troisième, de toute autre ville revendiquant son identité syrienne. Et c’est ce drapeau à trois étoiles rouges qui deviendra, en 1943, celui de la Syrie indépendante. En revanche, la République arabe unie (RAU), qui amalgame la Syrie à l’Egypte de 1958 à 1961, adopte un drapeau à deux étoiles vertes pour ses deux composantes.

      C’est ce drapeau à deux étoiles que hisse le parti Baas, dès sa prise du pouvoir à Damas, en 1963, un drapeau depuis identifié à la dynastie dictatoriale des Assad, avec Hafez Al-Assad, de 1970 à 2000, puis son fils Bachar. Un tel régime prend littéralement en otage les minorités pour mettre en avant leur supposée « protection » face aux revendications démocratiques.

      Le soulèvement initialement pacifique de 2011 oppose, en revanche, l’unité nationale au confessionnalisme de la dictature, brandissant le drapeau historique à trois étoiles comme symbole révolutionnaire. La répression, féroce, mise ouvertement sur les antagonismes communautaires, multipliant les violences et les provocations. La militarisation de l’opposition et son éclatement en factions rivales, avec surenchères salafistes, voire djihadistes, aggrave cette polarisation confessionnelle. La branche syrienne d’Al-Qaida, le front Al-Nosra, se rend coupable de nombreuses exactions, notamment contre des Druzes en 2015. L’année suivante, le groupe rompt avec Al-Qaida, abandonne son drapeau noir, prenant en 2017 le nom d’Hayat Tahrir Al-Cham (HTC), soit « Instance de Libération de la Syrie »_. Son fief d’Idlib, dans le nord-ouest du pays, se distingue par une gestion progressivement plus technocratique qu’idéologique, où le drapeau révolutionnaire à trois étoiles s’impose face à l’emblème de HTC.

      Les trois mois de tous les dangers

      L’offensive lancée par HTC et ses alliés, le 27 novembre contre Alep, aboutit, douze jours plus tard, au renversement du régime Assad. Cette campagne fulgurante se clôt sur un bilan de moins d’un millier de morts, dont moins de 150 civils, à comparer à l’effroyable carnage de 2011-2024 et son demi-million de morts. C’est que la dictature s’est effondrée, la plupart du temps sans combattre, des officiers loyalistes n’hésitant pas à pactiser avec les insurgés. En outre, la progression rapide des rebelles a été garantie par des accords passés avec les populations locales, y compris dans des zones chrétiennes et ismaéliennes, voire alaouites. Enfin, c’est du sud qu’a été lancé l’assaut sur la capitale, à partir de Deraa, berceau du soulèvement de 2011, et de Souweïda, cœur du pays druze. La victoire finale doit dès lors tout autant à HTC qu’à des milices d’orientations très diverses, malgré la position dominante aujourd’hui occupée par le chef de #HTC, qui a abandonné son surnom jihadiste d’Abou Mohammed Al-Joulani pour reprendre son état civil d’Ahmed Al-Charaa.

      C’est un pays ravagé par plus d’une décennie de conflit qui doit aujourd’hui panser ses plaies, avant même de se reconstruire. Ce processus sera long et délicat, avec l’enjeu du retour des millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, ainsi que des millions de réfugiés dispersés au Moyen-Orient et au-delà. Pour l’heure, la priorité va au rétablissement de la paix civile et des services publics. Charaa a organisé, le 10 décembre à Damas, la passation des pouvoirs entre le dernier premier ministre de Bachar Al-Assad et le chef de l’administration d’Idlib, Mohammad Al-Bachir. Le nouveau gouvernement aura pour tâche d’expédier les affaires courantes avant le lancement, dans quelques semaines, d’un processus constitutionnel.
      Le défi est immense d’établir un nouveau contrat social entre des Syriens que la guerre a retranchés les uns des autres, poussant des millions d’entre eux à l’exil. L’adoption par l’administration kurde du nord-est du pays du « drapeau de l’indépendance » à trois étoiles, qui flotte désormais sur Damas, est un signe encourageant. Mais la tentation internationale sera très forte de privilégier une « stabilité » illusoire en soutenant un nouvel « homme fort » au détriment de la prise en considération du profond pluralisme de la société syrienne.

      La France, plus d’un siècle après avoir balayé la première expérience constitutionnelle en Syrie, s’est cette fois engagée à accompagner « une transition politique pacifique et respectueuse de la diversité du peuple syrien ».

      Jean-Pierre Filiu

      #histoire

    • Syrie : les dilemmes des islamistes de Hayat Tahrir Al-Cham, désormais au pouvoir à Damas
      https://www.lemonde.fr/international/article/2024/12/16/a-damas-les-dilemmes-du-nouveau-pouvoir_6451460_3210.html

      La formation islamiste doit asseoir son autorité dans la capitale syrienne, très différente de la ville conservatrice à majorité musulmane d’Idlib où elle a réussi à développer une administration civile efficace. Le tout sans s’aliéner les minorités et les capitales occidentales.

      [...]

      Rétablir l’ordre et rebâtir les forces de sécurité est une priorité de la nouvelle administration islamiste. A la chute du régime, le chaos a régné pendant plusieurs jours dans les rues de Damas et les régions reconquises au clan Al-Assad. Diverses factions armées en ont profité pour se déployer dans les rues. Des dépôts d’armes ont été pillés par des jeunes et des gangs de quartier. La formation islamiste a lancé un appel pour que les armes soient restituées. Le 14 décembre, Ahmed Al-Charaa a annoncé que le ministère de la défense allait dissoudre toutes les factions armées, dont HTC, pour fonder une nouvelle armée sur la base de la conscription volontaire, et qu’aucune arme ne serait tolérée hors du contrôle de l’Etat.

      La police est vouée à remplacer les factions armées. Actuellement, dans les rues de Damas, seuls quelque 400 policiers du gouvernement de salut d’Idlib, en chemise violette, sont postés aux carrefours de la ville pour faire la circulation. « Le nombre de policiers dont nous disposons n’est pas suffisant. Nous allons revoir les dossiers de tous les anciens policiers pour voir qui est qualifié, qui n’a pas de passé criminel. C’est un sujet très sensible car les gens ont développé une peur de la police et de l’Etat », insiste le nouveau gouverneur de Damas.

      [...]

      Après avoir annoncé une révision de la Constitution, le chef de HTC [Ahmed Al-Charaa] a promis que des comités, comprenant des experts, seraient formés à cette fin. L’homme s’est déjà déclaré candidat à la présidence pour le scrutin promis d’ici à mars 2025. « Le nouveau pouvoir devra clarifier rapidement sa ligne idéologique. Il y a un vieux fond radical qu’il faudra réprimer, sinon il va s’aliéner les Damascènes, la classe d’affaires et la communauté internationale, en plus des minorités. Il doit être thermidorien, parier sur la majorité silencieuse et faire taire les minorités agissantes les plus radicales », estime Patrick Haenni.

      https://justpaste.it/6k0og

    • Les services français craignent un renouveau de l’Etat islamique en Syrie
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/16/les-services-francais-craignent-un-renouveau-de-l-etat-islamique-en-syrie_64

      La prise de pouvoir à Damas par le groupe armé Hayat Tahrir Al-Cham et son chef Ahmed Al-Charaa bouleverse les rapports de force dans la région, notamment dans la galaxie djihadiste. Opposé au nouvel homme fort de Syrie, l’organisation #Etat_islamique espère reconstituer ses troupes et ses moyens.

      https://justpaste.it/dligg

  • Les #travailleurs_sans_papiers désemparés par le gel des régularisations


    Joana (son prénom a été modifié), 51 ans, Angolaise, montre les clés confiées par ses employeurs, à Paris, le 9 décembre 2024. CAMILLE MILLERAND/DIVERGENCE POUR « LE MONDE »

    Lorsqu’il était ministre de l’intérieur (2020-2024), Gérald Darmanin avait promis un effort de régularisation des travailleurs sur les #métiers_en_tension, mais la dissolution de l’Assemblée nationale, en juin, et la démission du gouvernement Attal ont rebattu les cartes. L’actualisation attendue par décret de la liste de ces métiers a été enterrée de fait.

    Lorsqu’il est arrivé Place Beauvau, Bruno Retailleau a annoncé une diminution des #régularisations et son intention de remplacer la #circulaire_Valls de 2012. Ce texte sert de base à quelque 30 000 régularisations chaque année, à travers une liste de critères indicatifs – tels qu’un nombre de fiches de paie, d’années de présence en France ou de scolarisation des enfants. Si le gouvernement Barnier a été censuré avant que cette circulaire soit récrite, il semble que les préfets ont sans attendre mis en œuvre le durcissement des pratiques voulu par l’ancien président du groupe Les Républicains au Sénat. Un mouvement qui s’ajoute aux difficultés d’accès aux #préfectures et de dépôt de demandes déjà à l’œuvre depuis des années.

    Ainsi, à la Préfecture de police de Paris – celle qui régularise le plus – les réunions collectives qui permettaient à des syndicats de soumettre des dossiers de travailleurs ont été suspendues depuis la rentrée. D’ordinaire, Pascale Breuil-Kaci, chargée de mission travailleurs sans papiers pour la CFDT [toujours si maximalistes], dépose par ce biais trente dossiers de régularisation tous les six mois. La réunion de décembre a été annulée. La CGT, qui faisait examiner une trentaine de dossiers par mois, n’a plus d’audience depuis novembre. « C’est la première fois depuis 2015 que je suis confrontée à ce blocage », témoigne Pascale Breuil-Kaci.
    Sollicitée, la Préfecture de police renvoie vers le ministère de l’intérieur, qui précise seulement que la nouvelle #circulaire_de_régularisation voulue par M. Retailleau est « en préparation » et que sa mise en œuvre dépendra du prochain ministre de l’intérieur. En attendant, « il semblerait qu’il y ait une consigne nationale, estime Adèle Tellez à la CGT de Paris. Demander une régularisation va devenir impossible. Non seulement cela va créer un ressentiment élevé mais ça ferme la porte à la mise en lumière de situations illégales, jusqu’à des cas de traite des êtres humains, sur lesquels on ne pourra plus alerter. »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/14/inquietude-sur-un-gel-des-regularisations-de-travailleurs-sans-papiers_64477

    https://justpaste.it/fw5vk

    #étrangers #droit_des_étrangers #droit_du_séjour

  • Pour raisons budgétaires, des enseignants contractuels non reconduits et des classes sans remplaçant
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/12/faute-de-budget-des-enseignants-contractuels-non-reconduits-et-des-classes-l

    Parmi les témoignages recueillis par Le Monde, certains contractuels ont appris la rupture de leur contrat par l’impossibilité soudaine, alors qu’ils étaient dans leur établissement, d’accéder à leurs outils numériques.

    https://justpaste.it/gsnun

    Savoir que les outils numériques en question sont pas à eux. Pronote, il y a tout dedans : horaires, liste, notes et bulletins des élèves, messagerie sur la vie scolaire etc.

    Bon, à part ça, c’est pas parce que c’est mieux payé que bien des titulaires que ça doit être cool pour autant, hein, non mais !

    #éducation_nationale #école #profs #vacataires #précarisation

    • Juste une question car cela a déjà dû être évoqué mais j’ai la flemme de chercher : ces personnels précaires de l’éducation nationale bénéficient-ils désormais de l’assurance chômage ? Non parce que « dans le temps » (des emplois-jeunes), cette grande administration ne cotisait pas aux ASSEDIC.

    • Il me semble que cela varie selon les rectorats.
      L’employeur public et le chômage
      https://www.cdg45.fr/wp-content/uploads/2022/07/Etude-Lemployeur-public-et-le-chomage-2.pdf

      .... la particularité du secteur public conduit l’employeur à devoir assurer lui-même l’indemnisation de ses agents. Les employeurs publics ne sont pas soumis à l’obligation de s’affilier au régime d’Assurance chômage géré par l’UNEDIC. C’est le principe de l’auto-assurance. L’employeur assure lui-même la gestion et le financement de l’indemnisation du chômage de ses agents. Il ne verse aucune contribution patronale pour le risque chômage.
      Cependant, pour faciliter la gestion des demandes d’indemnisation de leurs anciens agents contractuels l’employeur public peut demander à France travail de gérer pour son compte les dossiers de ses anciens agents, en signant une convention de gestion.

      Vu l’opacité des RH, ça peut être la croix et la bannière pour (connaitre et) faire valoir ses droits.

  • Le vieillissement de la population enseignante, un enjeu majeur de ressources humaines
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/10/le-vieillissement-de-la-population-enseignante-un-enjeu-majeur-de-ressources

    D’un côté, le bas de pyramide s’est atrophié du fait de la forte contraction des recrutements dans les années 2000-2010. A l’autre extrémité, la part des #enseignants plus âgés ne cesse d’augmenter sous l’effet des réformes des retraites qui ont affecté les enseignants de manière « plus marquée » que d’autres catégories de la fonction publique d’Etat. En cause : l’allongement, depuis 1980, de la durée d’études requise pour exercer le métier (cinq ans après le bac), qui repousse l’âge d’entrée dans la profession et donc l’âge de la retraite à taux plein – au moins 66 ans, désormais, avec 43 ans de cotisations requis. Dans le même temps, l’accès aux dispositifs de départ anticipé a été fortement réduit.

    Alors que 6 % des enseignants auront plus de 60 ans en 2025, ils seront 16 % en 2035, calcule ainsi la Cour des comptes. Plusieurs problèmes vont ainsi se poser au premier employeur de l’Etat. Un défi de recrutement, d’abord, pour remplacer les futurs retraités dans un moment de crise d’attractivité du métier dont les effets pourraient ainsi s’aggraver. Des enjeux d’accompagnement, ensuite, alors qu’« il est très difficile d’aménager [les] fin[s] de carrière [des enseignants] comme leur reconversion », remarquent les magistrats. Le rapport note que « le degré de préparation pour faire face à cette tendance irrépressible au moins dans la décennie future paraît très insuffisant ».

    [...]

    Selon un rapport de France Stratégie sur la fonction publique paru lundi 9 décembre, plus d’un enseignant sur deux déclare ne pas être en mesure de conserver son travail jusqu’à la retraite. « Ce chiffre place le métier parmi les 25 % de ceux enregistrant la situation la plus défavorable, bien loin de la grande majorité des autres métiers qualifiés », note l’organisme de réflexion rattaché à Matignon.

    Signe, selon les syndicats, que les dernières années peuvent être pénibles au point que certains préfèrent abréger, quitte à perdre de l’argent : le taux d’enseignants prenant leur #retraite avec une décote est plus important que parmi tous les autres corps de métier de l’éducation nationale. Ils étaient près de 37 % dans le premier degré en 2022, 32 % dans le second, contre 20 % en moyenne dans la fonction publique d’Etat.

    [...]

    Le vieillissement du corps enseignant pose des problématiques de #santé au travail dans une administration qui ne compte que 77 médecins pour 1,2 million d’agents. La forte hausse du
    nombre d’enseignants de plus de 50 ans, davantage sujets aux absences longues, aux maladies professionnelles et aux accidents du travail, laisse également présager des besoins de remplacement accrus dans les prochaines années.

  • Psychiatrie : un rapport parlementaire questionne la prise en charge des urgences
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/11/psychiatrie-un-rapport-parlementaire-questionne-la-prise-en-charge-des-urgen

    (...) 566 000 passages aux urgences pour motif psychiatrique ont été recensés en 2023, soit une hausse de 21 % par rapport à 2019. La tendance est, sans surprise, portée par un « taux de recours particulièrement notable pour les adolescents et les jeunes adultes ». Si ces patients psy représentent moins de 3 % des passages aux #urgences, les consultations pour ce motif ont augmenté deux fois plus que l’activité globale des urgences sur la période. « L’activité de #psychiatrie_d’urgence est en forte croissance, plus encore que celle des urgences générales pour d’autres motifs », soulignent ainsi les députées.
    Et pourtant, passé le sas des urgences, le système de soins psychiatriques ne suit pas : la part des nouveaux patients pris en charge dans les structures publiques et privées confondues a baissé de 8 % entre 2019 et 2023, selon les chiffres de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation. Les services d’urgences déjà sous tension sont devenus le « point d’entrée » d’un certain nombre de patients. « Par défaut » : ces services conçus pour répondre à des pathologies somatiques ne sont « pas toujours équipés pour répondre aux crises psychiques », relèvent les rapporteuses.

    Le rôle du #secteur_hospitalier_privé est interrogé, en premier lieu sa moindre participation à l’activité de « permanence des soins » (le soir, la nuit, le week-end) jugée « injustifiable ». Entre autres préconisations, les députées appellent à « garantir un quota de lits » dans les établissements privés afin de « fluidifier la filière d’aval des urgences et d’éviter une concentration excessive des prises en charge dans le public ».

    L’« effondrement » de la pédopsychiatrie

    Le rapport décrit les différentes trajectoires de patients psy, en soulignant qu’il n’y « a pas de parcours type ». Complexe pour l’usager, l’offre psychiatrique, mêlant différents dispositifs (centres médico-psychologiques, centres d’accueil de crise ou encore centres d’aide thérapeutique à temps partiel…), est organisée en secteurs géographiques, et chaque maillon est en surchauffe, avec pour les patients des mois d’attente, parfois plus, pour être pris en charge.

    « Il faut mettre en place des parcours plus lisibles, plus adaptés, qui permettent d’éviter les urgences quand ce n’est pas nécessaire », pointe Nicole Dubré-Chirat. « Il y a une feuille de route mais elle n’est pas tellement connue, il n’y a pas de stratégie claire alors que c’est un enjeu majeur de santé publique », renchérit Sandrine Rousseau.

    Le rapport donne une place à part au secteur de la #pédopsychiatrie, pour lequel il évoque un « effondrement  », le nombre de pédopsychiatres ayant chuté de 34 % entre 2010 et 2022. « La prise en charge des mineurs est souvent opérée dans des conditions inadaptées, par exemple en unité adultes », lit-on. Un exemple marquant est mis en avant : 123 enfants de moins de 15 ans, qui se sont présentés aux urgences du CHU de Nantes pour des idées suicidaires ou une tentative de suicide, en 2023, n’ont pu être pris en charge. Et ce, alors qu’une « indication formelle » à l’hospitalisation avait été portée par une pédopsychiatre qui les avait évalués.

    #psychiatrie #accès_aux_soins

  • Les expulsions de campements, bidonvilles et squats en forte hausse, selon les associations
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/05/les-expulsions-de-campements-bidonvilles-et-squats-en-forte-hausse-selon-les

    Les expulsions de campements, bidonvilles et squats en forte hausse, selon les associations
    Par Claire Ané
    Dans son sixième rapport annuel, l’Observatoire des expulsions des lieux de vie informels fait état d’« une nette augmentation » des évictions de personnes qui vivent dans des campements, des bidonvilles, des squats, ou encore dans un véhicule ou sur un simple matelas. Et cette hausse « traduit une politique d’expulsions systématique », ajoute l’organisme fondé par huit associations, dont la Fondation Abbé Pierre, Médecins du monde et la Ligue des droits de l’homme.
    Près de 1 500 expulsions ont été dénombrées entre le 1er novembre 2023 et le 31 octobre 2024, en hausse de 34 % en un an, annonce la coordinatrice de l’observatoire, Célia Mougel, qui précise que « ce bilan, s’il est de mieux en mieux documenté, reste en deçà de la réalité, de nombreuses évictions passant sous les radars ». Comme les années précédentes, la majorité a eu lieu dans quatre communes du littoral du Nord et du Pas-de-Calais, point de départ des migrants qui tentent de gagner le Royaume-Uni : Calais, Dunkerque, Marck et Loon-Plage. Mais l’écart se resserre avec le reste de la métropole, où 608 évictions ont été décomptées, en hausse de 60 % en un an et de 400 % en quatre ans.
    Plus de 100 000 personnes ont été contraintes de quitter leur lieu de vie – parmi elles, certaines ont été décomptées plusieurs fois, parce qu’elles subissaient des évictions répétées. « Leurs droits sont bien trop souvent bafoués », ajoute Célia Mougel : une décision de justice, susceptible d’accorder des délais, ne survient que dans 13 % des cas. Les décisions administratives, permettant une éviction rapide en cas d’urgence, sont devenues plus fréquentes.
    88 % des personnes délogées sont renvoyées à l’errance
    Surtout, 68 % des expulsions s’effectuent sans fondement légal, un taux qui monte à 98 % sur le littoral du Nord et du Pas-de-Calais. Une fois délogées, 88 % des personnes concernées sont renvoyées à l’errance. Seulement 11 % se voient proposer une mise à l’abri temporaire, et 0,65 % « un relogement digne, pérenne et adapté ».
    Le rapport décrit ensuite les effets de ces expulsions sur la santé. « Les personnes sans domicile ont une espérance de vie en moyenne de 30 ans inférieure à la population générale », rappelle le président de Médecins du monde, Jean-François Corty, avant de citer une étude menée en Nouvelle-Aquitaine : « Plus les conditions d’habitat sont précaires et illégales et plus le risque de maladie chronique et de dépression sévère est élevé. »
    Les expulsions aggravent la situation, renvoyant les personnes plus loin des services de santé, et engendrant des ruptures dans le suivi. Il cite l’exemple d’une expulsion qui avait empêché de procéder à une deuxième injection de vaccin alors qu’une épidémie de rougeole sévissait. Selon le délégué général de l’Association nationale des gens du voyage citoyens, William Acker, les évictions successives ont une autre conséquence néfaste pour la santé : « Les personnes sont contraintes de se réfugier dans les interstices laissés libres en raison des nuisances : au plus près d’usines Seveso, sur des terrains aux sols pollués qui peuvent causer du saturnisme… »
    « Les mauvaises pratiques perdurent d’année en année, et pèsent de plus en plus sur les personnes qui en sont victimes. L’instruction du 25 janvier 2018 visant à résorber les campements et bidonvilles marquait une volonté politique, mais elle est loin d’avoir été suivie d’effets », regrette Célia Mougel. « Faute d’avoir réussi à convaincre les ministres du logement successifs, nous demandons aujourd’hui la mise en place d’une commission parlementaire pour une stratégie de résorption globale, contraignante, et qui ne fasse pas de distinction entre les publics », annonce le directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, Manuel Domergue.

    #Covid-19#migrant#migration#france#expulsion#logement#sante#santementale#campement#bidonville#squat

  • A Marseille, l’armateur CMA CGM se pose en acteur incontournable de la lutte contre la précarité
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/06/a-marseille-l-armateur-cma-cgm-se-pose-en-acteur-incontournable-de-la-lutte-


    Brigitte Macron et Tanya Saadé Zeenny visitent l’entrepôt solidaire de la Fondation CMA CGM, à #Marseille, le 6 décembre 2024. NICOLAS VALLAURI/LA PROVENCE/MAXPPP

    La fondation du groupe met à disposition de cinq grandes associations un hangar portuaire flambant neuf, inauguré vendredi, pour aider à la distribution de denrées alimentaires. De quoi marquer un peu plus encore sa forte empreinte sur la ville.
    Par Gilles Rof (Marseille, correspondant)

    On peut afficher plus de 1 milliard d’euros de bénéfices au premier semestre 2024, être régulièrement cité en exemple des entreprises réalisant des superprofits et faire l’événement en matière de lutte contre la précarité. Vendredi 6 décembre, dans le quartier d’Arenc, à Marseille, c’est en présence de Brigitte Macron, du préfet de région Christophe Mirmand, de grands élus locaux et du chanteur Soprano que la Fondation CMA CGM, branche caritative de l’armateur, a inauguré son « entrepôt solidaire » : 5 000 mètres carrés de hangar portuaire rénové, posés à quelques dizaines de mètres du siège mondial du groupe, capables de stocker 3 200 tonnes de denrées alimentaires. Un projet imposant avec lequel le groupe se substitue aux compétences des pouvoirs publics.

    Ce paquebot de la solidarité, unique en France, va permettre à cinq associations majeures de lutte contre la précarité alimentaire de métamorphoser leurs conditions de travail dans les Bouches-du-Rhône. Et, grâce à une mutualisation de leurs charges, de réorienter une partie de leur budget, jusqu’alors dépensée en loyers et en logistique, vers la distribution de denrées aux populations qui en ont besoin.

    « Nous passons d’un entrepôt devenu exigu et en mauvais état à une surface plus importante, plus pratique, équipée d’engins spécialisés et mieux sécurisée », énumère, ravi, le président départemental des Restaurants du cœur, Alain Evezard. Sa structure, qui distribue chaque année près de 5 millions de repas dans le département, a investi en octobre la moitié des volumes de l’entrepôt solidaire. Elle y implantera son antenne locale, tout comme la Croix-Rouge, destinataire, elle, d’un quart de la surface. Le Secours populaire (15 % du site), le Secours catholique et le réseau des épiceries solidaires Andes (Groupe SOS) complètent cette colocation d’un nouveau genre.

    Raz de marée de demandes

    Dans une ville où plus de 200 000 personnes vivent sous le seuil de #pauvreté, selon le « Rapport sur la pauvreté en France » de l’Observatoire des inégalités publié mardi 3 décembre, chacune de ces associations témoigne d’un raz de marée de demandes. Pour elles, la proposition de la CMA CGM n’était pas de celles que l’on refuse. « Même en mettant tous nos moyens en commun, nous n’aurions pas pu bénéficier d’un entrepôt comme celui-là », constate Alain Evezard.

    [...]

    A la Fondation CMA CGM, on pense déjà à dupliquer l’initiative en France et à l’international.

    https://justpaste.it/hdcox

    #précarité #caritatifs #philanthropie #fiscalité

  • Quatre-vingt-cinq migrants qui tentaient de rejoindre l’Angleterre secourus en mer au large du Pas-de-Calais
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/04/quatre-vingt-cinq-migrants-qui-tentaient-de-rejoindre-l-angleterre-secourus-

    Quatre-vingt-cinq migrants qui tentaient de rejoindre l’Angleterre secourus en mer au large du Pas-de-Calais
    Le Monde avec AFP
    Quatre-vingt-cinq migrants qui avaient pris la mer, mercredi 4 décembre, pour tenter de gagner l’Angleterre à partir du Pas-de-Calais ont été secourus, a annoncé la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord.« De nombreux départs d’embarcations de migrants » ont été signalés, mercredi, au centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) Gris-Nez au large des côtes du Pas-de-Calais, selon un communiqué de la préfecture maritime.
    L’une de ces embarcations s’est retrouvée en difficulté lors du franchissement d’un banc de sable dans le secteur de la baie de Wissant. Après avoir demandé assistance, les 80 passagers ont été transbordés sur le remorqueur d’intervention, d’assistance et de sauvetage Abeille-Normandie de la marine nationale, selon la même source. En parallèle, sur une autre embarcation dans le secteur de Wimereux, cinq personnes ont demandé l’assistance des sauveteurs français. Elles ont aussi été récupérées par l’Abeille-Normandie.
    Toutes les personnes secourues ont été ramenées à quai à Boulogne-sur-Mer, où elles ont été prises en charge par les secours terrestres et la police aux frontières, a précisé la préfecture maritime. Plus de soixante-dix migrants ont perdu la vie cette année lors de tentatives de traversées de la Manche, selon la préfecture du Pas-de-Calais.
    Ce bilan provisoire fait de 2024 l’année la plus meurtrière dans cette zone depuis le début, en 2018, des traversées clandestines du détroit du Pas-de-Calais sur des canots pneumatiques surnommés small boats, guère adaptés pour la haute mer et souvent surchargés. Dans la nuit de samedi à dimanche, 151 migrants avaient été secourus dans la Manche, dont quatre qui étaient tombés à l’eau.
    Une vaste opération de police a par ailleurs été menée, mercredi, en Allemagne contre un réseau de passeurs. Selon le ministère de l’intérieur français, elle a visé un « réseau syrien et irako-kurde » suspecté d’avoir organisé cette année « l’acheminement d’au moins 300 bateaux » destinés à des traversées de la Manche.

    #Covid-19#migrant#migration#france#royaumeuni#manche#routemigratoire#mortalite#sante#migrationirreguliere#trafic

  • Au #Salon_AGIR, l’irrésistible ascension de la #haute_technologie dans le domaine de la #sécurité_intérieure

    Organisées une fois par an par la #gendarmerie, ces rencontres mettent en relation « porteurs de projet » publics et industriels de la #sécurité appâtés par un #marché estimé à 30 milliards d’euros.

    Jeudi 28 novembre, dans la salle de réception du beffroi de Montrouge (Val-de-Marne), des gendarmes, des pompiers ou des policiers en civil installés à des tables hautes attendent la visite d’industriels. Les pancartes posées près d’eux détaillent sur leurs besoins – lutte antidrones, systèmes de communication, acquisition de renseignement, cybersécurité… Pour sa quatrième édition, le salon AGIR (Accompagnement par la gendarmerie de l’#innovation, de l’#industrie et de la #recherche), témoigne de l’irrésistible – et parfois inquiétante – ascension de la haute technologie dans le domaine de la sécurité intérieure. Depuis la première édition du salon, en 2021, le nombre de sociétés du secteur présentes est passé de 110 à près de 500.

    Comme pour un speed-dating, chaque professionnel dispose d’un quart d’heure pour convaincre un « porteur de besoin » qu’il possède une solution adaptée ou est capable de la développer. Les rendez-vous, ponctués d’un sabir mêlant anglais des affaires et jargon de la sécurité, concernent un large spectre de besoins, du compostage de déchets organiques pour les réfectoires au logiciel de très haute technologie destiné au traitement de masse des données numériques. « En revanche, on ne tope pas à la fin de la journée », précise le colonel Mikaël Petit, conseiller innovation/transformation au pôle stratégie de la Direction générale de la Gendarmerie nationale et cheville ouvrière du salon. Après une première prise de contact, un processus de définition des besoins précis et de collaboration s’étend sur plusieurs mois avant que le produit fini soit validé et mis en service.

    Les entreprises présentes, parfois des start-up, constituent le cœur de cible des partenariats espérés par les services de sécurité et de secours en raison de l’importance prise par les technologies « duales », dont l’usage relève à la fois de la #sécurité ou de la #défense, et du #civil. Les #drones en fournissent un excellent exemple. S’il y a peu de chances que des criminels puissent déployer un engin volant de type militaire, le recours à des drones civils à des fins offensives ou de renseignement a été déjà été observé, pour livrer de la drogue derrière les murs d’une enceinte carcérale ou scruter les mouvements des concurrents d’un narcotrafiquant. Or, dans la quasi-totalité des cas, des drones acquis dans le commerce sont utilisés pour parvenir à de telles fins. « D’où l’importance de connaître cet écosystème et trouver rapidement une solution à un besoin opérationnel », précise encore le colonel Petit.

    Deux millions d’euros de contrats en 2021

    En 2021, lorsque la gendarmerie acquiert ses quatre-vingt-dix exemplaires du #Centaure, un blindé polyvalent entré en service un an plus tard, elle ne dispose toujours pas de simulateur de pilotage. #Exail, une société spécialisée basée à Lannion (Côtes-d’Armor), se présente à la première édition du salon. « Nous avions trente-cinq ans d’expérience dans l’élaboration de simulateurs pour la conduite d’urgence ou les services d’intervention, nous avons adapté nos solutions et remporté le marché », détaille #Louis_Elcabache, le responsable des ventes de l’entreprise. Idem pour #Factem, une entreprise installée à Bayeux (Calavdos) qui conçoit notamment les « casques de pont d’envol » utilisés sur les porte-avions : elle développera le système audio de communication pour le conducteur du blindé et les autres personnels embarqués. « Avant ça, nous étions présents sur le marché de la défense mais pas sur celui de la sécurité intérieure », détaille Quentin Plattier, ingénieur produits de la société.

    Pour les représentants de ces #TPE et #PME, mettre un pied dans la porte des commandes publiques du ministère de l’intérieur constitue un enjeu fondamental pour s’affirmer dans un #marché_global (#sécurité_privée et #sécurité_de_l’Etat) estimé à trente milliards d’euros au niveau national, sans compter le statut de fournisseur officiel d’une institution régalienne, qui peut assurer d’intéressants débouchés dans le privé ou à l’international. « Lorsque des délégations étrangères visitent les centres où sont déployés nos simulateurs, on ne va pas se mentir, ça nous fait de la pub », dit encore Louis Elcabache. « Mais pour arriver à ce résultat, nos clients, gendarmes en tête, nous mettent quand même pas mal la pression et n’hésitent pas à faire jouer la concurrence, avec une approche très offensive de la négociation », explique un autre industriel sous couvert d’anonymat.

    La gendarmerie revendique deux millions d’euros de contrats passés avec des industriels pour des besoins exprimés depuis le premier salon, en 2021, sans livrer le détail de la ventilation de ces marchés. Avec un art consommé de la communication et une certaine suite financière dans les idées, l’institution n’oublie jamais de tirer profit de ces partenariats. « Lorsque nous mettons à la disposition du projet l’un de nos mille ingénieurs ou trois cents docteurs pour des retours d’expérience sur des produits en cours de développement, nous négocions des parts de propriété intellectuelle », explique encore le colonel Petit. Une habile initiative qui lui permet de percevoir une commission sur d’éventuelles futures ventes du produit.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/11/29/au-salon-agir-l-irresistible-ascension-de-la-haute-technologie-dans-le-domai
    #AGIR #technologie #complexe_militaro-industriel #business #France

    ping @karine4

  • Immigration : Patrick Stefanini, figure de la droite, nommé pour négocier des accords de réadmission
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/11/29/immigration-patrick-stefanini-figure-de-la-droite-nomme-pour-negocier-des-ac

    Immigration : Patrick Stefanini, figure de la droite, nommé pour négocier des accords de réadmission
    Par Julia Pascual
    C’est le retour d’une figure de la droite aux affaires. Patrick Stefanini a été nommé, vendredi 29 novembre, représentant spécial du ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, avec pour mission principale « le renforcement du dispositif de réadmission des personnes en situation irrégulière », a indiqué la Place Beauvau, dans un communiqué.
    Enarque, conseiller d’Etat, préfet, M. Stefanini a eu une longue carrière à droite. Fidèle serviteur de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy, d’Alain Juppé (il a été condamné en 2004 avec lui dans l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris) et de François Fillon, il a notamment été le directeur de campagne de Valérie Pécresse lorsqu’elle était candidate à l’élection présidentielle, en 2022.
    A 71 ans, après s’être reconverti dans le conseil, M. Stefanini fait son retour dans un ministère qu’il connaît bien. Il a notamment été, à la fin des années 1980, sous-directeur des étrangers et de la circulation transfrontière, mais aussi, plus tard, l’un des artisans puis le secrétaire général du ministère de l’immigration et de l’identité nationale, instauré en 2007 sous la présidence de Nicolas Sarkozy (2007-2012), et qui a consacré la concentration Place Beauvau du pilotage des sujets migratoires.
    « C’est quelqu’un de très compétent, estime Didier Leschi, directeur de l’Office français pour l’immigration et de l’intégration. Il est l’un de ceux qui réfléchissent vraiment sur les sujets migratoires. » Il y a en tout cas consacré un livre : Immigration, ces réalités qu’on nous cache, publié en 2020 chez Robert Laffont. Dans cet ouvrage, il exposait sa pensée et louait l’œuvre des anciens ministres de l’intérieur Charles Pasqua et Brice Hortefeux ou encore de Nicolas Sarkozy, lequel était, à ses yeux, « le seul président de la République à [avoir porté] une vision d’ensemble de sa politique migratoire (…) sous l’appellation d’“immigration choisie” ».
    Il y défendait aussi l’intérêt des accords de gestion concertée des flux migratoires, qui consistent à organiser des voies légales de migration et à les conditionner à une coopération du pays d’origine en matière de retour de ses ressortissants irréguliers.« C’est un homme de droite raisonnable, qui a une vision utilitaire de l’immigration. Il pense qu’on doit la freiner, même s’il sait qu’on en a besoin en matière économique », résume Jean-François Carenco, ancien préfet et ministre délégué chargé des outre-mer (2022-2023), qui a été son camarade de promotion à l’ENA.
    En 2023, alors que Gérald Darmanin était Place Beauvau et négociait les voix des Républicains pour l’adoption de sa loi sur l’immigration, M. Stefanini a été missionné, avec l’ancien ministre (de gauche) de la santé Claude Evin, pour produire un rapport sur l’aide médicale d’Etat (AME), ce panier de soins pour étrangers en situation irrégulière, dont la droite a fait un totem à abattre, symbole à ses yeux de la trop grande générosité des pouvoirs publics. Dans le rapport, publié en décembre 2023, les deux hommes convenaient de l’utilité sanitaire de l’AME et relativisaient son « effet aimant » compte tenu du nombre important d’étrangers qui pourraient en bénéficier mais qui n’y ont pas recours.
    Aujourd’hui, M. Stefanini est donc chargé par M. Retailleau de conclure « de nouveaux accords ou arrangements bilatéraux de réadmission avec des pays source d’immigration et de transit, mais également de l’optimisation des accords existants, qui pourra passer par [leur] renégociation », précise le ministère de l’intérieur. Place Beauvau, M. Retailleau a fait de l’immigration son chantier prioritaire. Il entend la réduire et, au-delà d’une énième loi annoncée pour 2025, cela passe par un pilotage resserré de l’action des préfectures ou encore par la baisse des régularisations, un volet international.
    M. Retailleau a demandé à ses services de négocier de nouveaux accords de réadmission comprenant la possibilité de renvoyer, outre les ressortissants des Etats concernés, des personnes ayant seulement transité par le territoire des Etats contractants. Ainsi, un accord a été signé, le 5 novembre, avec le Kazakhstan, dans l’idée de pouvoir y renvoyer des ressortissants afghans qui y auraient transité ou séjourné par le passé. C’est donc M. Stefanini qui portera ce dossier, le temps que durera le gouvernement de Michel Barnier.

    #Covid-19#migrant#migration#france#readmission#politiquemigratoire#transit#sante#AME

  • Sciences Po : le Conseil d’Etat tranche contre la tenue d’une conférence de Rima Hassan
    Par Soazig Le Nevé - Publié le 29 novembre 2024
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/11/29/sciences-po-le-conseil-d-etat-tranche-contre-la-tenue-d-une-conference-de-ri

    Le juge des référés a cassé la décision du tribunal administratif de Paris, estimant que le refus du directeur d’organiser la venue de l’eurodéputée « insoumise », motivé par la situation de l’établissement, ne porte pas d’atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et de réunion des étudiants. (...)

    #liberté_d’expression

  • L’association d’aide aux migrants Utopia 56 visée par trois enquêtes pénales
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/11/29/l-association-d-aide-aux-migrants-utopia-56-visee-par-trois-enquetes-penales

    L’association d’aide aux migrants Utopia 56 visée par trois enquêtes pénales
    Par Julia Pascual
    Le mois d’octobre a été chargé pour l’association Utopia 56, qui vient en aide aux personnes migrantes. Trois bénévoles et salariés ont reçu concomitamment des convocations pour être auditionnés par la police ou la gendarmerie dans le cadre d’enquêtes préliminaires. D’après les informations du Monde, Utopia 56 est en effet visée par trois enquêtes pénales qui portent sur ses actions à la frontière franco-britannique. Une situation « inédite », fait valoir son cofondateur et délégué général, Yann Manzi. « On ne fait rien de mal, tout ce qu’on fait c’est participer à la sauvegarde des vies humaines. »
    Utopia 56 effectue depuis 2021 une maraude littorale dans les Hauts-de-France, lieu de départ de nombreux canots pneumatiques sur lesquels embarquent des personnes migrantes qui souhaitent rejoindre l’Angleterre. « Notre mission principale est de fournir une aide matérielle d’urgence telle que des vêtements, des couvertures de survie, des biscuits et du thé, aux personnes en détresse, qu’il s’agisse de naufragés secourus ou de personnes exilées empêchées de traverser la Manche, explique M. Manzi. La maraude documente aussi ce qu’il se passe la nuit, notamment les violences policières rapportées par les personnes secourues, et informe sur les risques du passage. » L’association dispose en outre d’un téléphone d’urgence et a reçu par ce biais, cette année, près de 400 appels de personnes se trouvant dans des embarcations en détresse dans la Manche.
    Utopia 56 s’est aussi illustrée pour avoir formé deux plaintes pour « homicide involontaire » et « omission de porter secours » à l’encontre du centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) de Gris-Nez (Pas-de-Calais), du préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord et des gardes-côtes britanniques. Ces plaintes font suite à deux naufrages. Celui du 24 novembre 2021, le plus grave survenu dans la Manche, a fait 31 victimes et fait toujours l’objet d’une instruction judiciaire qui a valu à 18 personnes d’être mises en examen, des passeurs présumés mais aussi sept militaires de la marine nationale pour non-assistance à personne en danger.
    En février, Utopia 56 a déposé une autre plainte et mis en cause la façon dont les autorités françaises et britanniques ont traité, le 14 décembre 2022, l’appel à l’aide d’une embarcation pneumatique qui tentait de rejoindre l’Angleterre et qui a fait naufrage, occasionnant la mort de quatre personnes.Cette fois, c’est l’association qui est visée, à la suite de signalements en justice par les autorités. Ainsi, la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord a dénoncé en octobre 2023 des appels téléphoniques de l’association faisant état, sur une période de plusieurs mois, de « fausses informations dans le but de faire croire à un sinistre et de nature à provoquer l’intervention inutile des secours », confirme au Monde le procureur de Boulogne-sur-Mer, Guirec Le Bras. Une deuxième enquête a été ouverte cette année par le parquet de Rennes portant sur un bénévole qui aurait, la nuit du 4 août, appelé les secours pour les informer que des personnes migrantes subissaient des violences policières et qu’un enfant était en danger de mort.
    En février, lors d’une conférence de presse, le préfet maritime de l’époque, Marc Véran, avait donné connaissance des premiers « signalements » à la justice et dénoncé « des associations » qui font « le jeu des passeurs » en avertissant le Cross de « faux départs » et de « fausses urgences ». « On est obligé d’envoyer des secours là où il n’y a rien du tout, avait-il assuré. Ça leurre les forces de sécurité. »
    Selon nos informations, lors d’une réunion début octobre à Cherbourg-en-Cotentin (Manche) de tous les acteurs du secours en mer, un cadre de la préfecture maritime se plaignait encore d’être « harcelé par les associations, qui [les] appellent, [leur] envoient des mails, [leur] demandent des comptes ». « C’est le monde à l’envers, réagit l’avocat de l’association, Emmanuel Daoud. On semble vouloir criminaliser l’aide aux migrants. On tente de l’affaiblir en dévoyant l’action pénale. »
    #Covid-19#migrant#migration#utopia56#humanitaire#manche#prefecturemaritime#manche#sante

    Une troisième enquête pour diffamation a été ouverte au parquet de Saint-Omer à la suite de la dénonciation par la préfecture du Pas-de-Calais d’un tweet d’Utopia 56. Le 9 avril, sur le réseau social, l’association relayait une vidéo et des témoignages de migrants et dénonçait des tirs de grenades lacrymogènes qui auraient mis le feu à une embarcation sur une plage d’Oye-Plage (Pas-de-Calais). Trois jours plus tard, la préfecture avait écrit à l’association qu’« aucun manquement n’a[vait] été commis » par les policiers ou les gendarmes et que des personnes migrantes avaient « incendié leur propre embarcation » pour éviter qu’elle ne soit prise. Là encore, la justice avait été saisie de la publication de l’association.

  • Le juge des référés du Conseil d’État ne suspend pas le refus du directeur de Sciences Po Paris de mettre à disposition une salle pour une conférence sur l’embargo sur les livraisons d’armes à Israël motivé par le risque de troubles à l’ordre public - Conseil d’État
    https://www.conseil-etat.fr/actualites/le-juge-des-referes-du-conseil-d-etat-ne-suspend-pas-le-refus-du-direct

    Saisi par l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), le juge des référés du Conseil d’État ne suspend pas le refus de son directeur de mettre à disposition une salle pour l’organisation d’une conférence sur l’embargo sur les livraisons d’armes à Israël avec la participation de Mme Rima Hassan. Il juge que ce refus, motivé par la situation de l’établissement qui connaît des désordres graves depuis plusieurs mois, ne porte pas d’atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et à la liberté de réunion des étudiants.

    [...] il appartient au responsable de l’établissement, à la fois, de veiller au respect des libertés dans l’établissement, d’assurer l’indépendance de celui-ci de toute emprise politique ou idéologique et de maintenir l’ordre dans ses locaux.

    Le juge des référés du Conseil d’État relève que la situation à Sciences Po, depuis plusieurs mois, est marquée par de graves désordres en son sein ou à ses abords, liés au contexte du conflit au Proche-Orient et aux tensions qu’il suscite en France. Ils se sont en particulier traduits par des intrusions, occupations et blocages dans l’établissement et par des débordements au cours d’événements liés à l’activité de Sciences Po, avec dans certains cas, des actes de violence, des intimidations à l’égard d’autres étudiants ou du personnel de l’établissement et des dégradations. Très récemment encore, l’accès à Sciences Po a été bloqué le 9 octobre 2024 et son principal amphithéâtre a été occupé le 14 novembre.

    Compte tenu de la situation actuelle de l’établissement, et alors que Mme Rima Hassan avait à plusieurs reprises apporté son soutien aux occupations et blocages de Sciences Po, son directeur n’a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et à la liberté de réunion des étudiants en refusant de mettre à disposition une salle pour la tenue de la conférence envisagée.

    En ce qui concerne l’emprise politique et idéologique, les partisans de l’ordre macroniste sont rassurés : il reste impossible de manifester sa solidarité avec la Palestine écrasée à Gaza au sein de Sciences Po

  • Migrants disparus dans la Manche : des enquêtes négligées ?
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/11/29/disparus-dans-la-manche-des-enquetes-negligees_6419556_3224.html

    Migrants disparus dans la Manche : des enquêtes négligées ?
    Par Abdelhak El Idrissi et Julia Pascual

    C’est son premier déplacement sur le littoral de la Manche depuis sa prise de fonctions, il y a deux mois. Le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, devait se rendre dans le Pas-de-Calais, vendredi 29 novembre, pour y parler des enjeux migratoires avec les élus du territoire et rencontrer les acteurs du secours en mer, sous pression. Depuis le début de l’année, 35 000 personnes ont rejoint l’Angleterre à bord de canots pneumatiques. Et au moins soixante-douze sont mortes en tentant ces traversées, selon l’estimation de la préfecture du Pas-de-Calais. C’est plus que sur l’ensemble des cinq dernières années.
    Une réalité qui percute les services judiciaires. Le parquet de Boulogne-sur-Mer a ainsi ouvert dix-sept enquêtes sur des naufrages ayant entraîné des morts. Par ailleurs, dix procédures ont été récemment ouvertes à la suite de découvertes de corps sur les plages du littoral ou en mer. « L’objectif est de donner une identité aux corps et de lier cette identité à un naufrage », explique le procureur Guirec Le Bras. Dans l’esprit de nombreuses personnes, nul doute qu’ils sont à relier au naufrage survenu le 23 octobre au large de Blériot-Plage (Pas-de-Calais). Officiellement, quarante-cinq personnes ont été secourues et trois corps repêchés dans la zone du naufrage.
    Rapidement, des témoignages de rescapés ou des proches de personnes disparues ont toutefois fait apparaître un bilan beaucoup plus lourd, d’une quinzaine de victimes. « Plusieurs associations et des personnes ont fait remonter l’information dans les jours qui ont suivi le naufrage, se souvient Flore Judet, de l’association L’Auberge des migrants. On transmet les informations qu’on collecte sur le terrain, le nom, des photos, des signes distinctifs, et les contacts des proches qui sont parfois reçus… Les services de police et de gendarmerie n’allant pas sur le terrain, ils comptent beaucoup sur nous. »
    Mais, pour les autorités, il est encore trop tôt pour faire un lien entre les corps rendus par la mer et l’embarcation qui s’est disloquée le 23 octobre. Chaque cadavre fait donc l’objet d’une enquête à part, confiée, au choix, à un service de police ou de gendarmerie du Pas-de-Calais (Calais, Wissant, Boulogne-sur-Mer…), selon le lieu de la découverte macabre. Un éclatement géographique qui suscite l’incompréhension d’associations qui font état d’un manque d’organisation des services d’investigation. « Pour chaque corps, c’est une personne différente qui enquête. Comment peut-on s’y retrouver si personne ne fait le lien entre elles ? », s’interroge Amélie Moyart, de l’association Utopia 56, qui vient en aide aux personnes migrantes.
    Oussama Ahmed, un jeune Syrien rescapé du naufrage, a perdu son père dans la tentative de traversée. « Chaque fois qu’un corps est retrouvé sur une plage, on essaye de savoir si c’est lui, rapporte Jeanne Bonnet, de la maison d’hospitalité La Margelle, à Calais, qui héberge Oussama Ahmed. Mais on se fait balader de commissariat en commissariat. Je pense qu’il y a une autre façon d’accompagner des gens qui ont vécu des traumatismes. »
    La militante avait déjà constaté des problèmes après le naufrage du 5 octobre au cours duquel quatre personnes se sont noyées. « J’avais accompagné un Erythréen qui avait perdu un proche dans la traversée, raconte Jeanne Bonnet. On s’est rendus à la police aux frontières de Coquelles. Ils nous ont laissés dehors et nous ont renvoyés vers la gendarmerie maritime chargée de l’enquête. On s’y est déplacés pour reconnaître le corps. Il n’y avait pas de traducteur. » « J’ai l’impression que la prise en charge dépend beaucoup des personnes sur qui on tombe, ajoute la salariée d’une association sous le couvert de l’anonymat. En tout cas, il n’y a pas de protocole quand on veut signaler des personnes disparues. Du coup, qui nous dit que, quand un corps est retrouvé, les enquêteurs vont recouper avec des signalements ? » L’enjeu n’est pas secondaire : d’après nos informations, ce sont au moins vingt-cinq personnes qui ont été signalées depuis le début de l’année auprès des services de police ou de gendarmerie comme ayant disparu lors de traversées maritimes (une partie pouvant correspondre à des corps retrouvés mais non identifiés formellement).
    Mohamed Alhasan garde un souvenir douloureux de son passage à Calais, en mars. Ce Syrien installé au Royaume-Uni était venu signaler aux autorités la disparition de son neveu, Jumaa, dans la nuit du 2 au 3 mars. Le jeune homme de 27 ans était tombé dans l’Aa, un canal qui se jette dans la mer du Nord, alors qu’il tentait de sauter sur un canot en marche. « Je suis allé à la police pour qu’ils lancent des recherches, rapporte Mohamed Alhasan. Mais ils m’ont dit qu’ils n’étaient pas spécialisés là-dedans, ils ne m’ont pas aidé. » Dans un communiqué du 12 mars, plusieurs associations dont Utopia 56, avaient dénoncé le simple enregistrement d’une main courante et réclamé que des recherches soient diligentées dans le canal de l’Aa. En vain. C’est finalement un joggeur qui a découvert le corps à la dérive de Jumaa Alhasan, seize jours après sa disparition.
    Thomas Chambon, d’Utopia 56, raconte, quant à lui, s’être rendu à la gendarmerie maritime de Calais, au mois d’août, pour signaler à son tour la disparition d’un migrant lors d’un naufrage. « Ils m’ont répondu qu’ils n’allaient pas faire un appel à témoins et qu’il fallait voir avec la Croix-Rouge. » Interrogé sur la réponse apportée aux proches de victimes, Jacques Audenis, commandant en second de la gendarmerie maritime de la Manche et de la mer du Nord, reconnaît qu’il existe une « marge sévère d’amélioration ». « L’augmentation du nombre de victimes est quelque chose d’assez récent et on apprend plutôt vite », défend-il.
    Selon nos informations, la gendarmerie maritime vient de constituer un groupe de cinq enquêteurs consacré à l’identification et à la restitution des corps aux familles. Jusque-là, les procédures étaient réparties entre une brigade de surveillance du littoral, à Boulogne-sur-Mer, et deux pelotons de sûreté maritime et portuaire, à Calais et Dunkerque (Nord), qui, à tour de rôle, enquêtaient sur les naufrages.
    Le besoin de professionnalisation de ces unités est d’autant plus nécessaire que les investigations qu’elles mènent ne relèvent pas de leur cœur de métier. Un gradé de la gendarmerie maritime explique ainsi, sous le couvert de l’anonymat, que « la brigade de surveillance du littoral enquête habituellement sur la pollution en mer et la filière pêche, du contrôle des bateaux jusqu’aux restaurants de poisson ». Quant aux pelotons de sûreté maritime et portuaire, ils sont chargés de missions de « surveillance et de sécurisation ». Faute de moyens supplémentaires, le nouveau groupe d’enquête a été créé à effectif et budget constants. « On essaie de trouver la meilleure solution avec les moyens qu’on nous donne », reconnaît l’officier de gendarmerie.
    Ce choix d’organisation a de quoi interroger, dans la mesure où la gendarmerie maritime compte déjà en son sein des enquêteurs de police judiciaire spécialisés dans les procédures criminelles complexes ou nécessitant une certaine technicité. Il s’agit de la section de recherches, dont les effectifs sont répartis à Brest (Finistère), Toulon et Cherbourg (Manche). Cette dernière unité s’est vu confier quatre enquêtes sur des naufrages ayant eu lieu entre 2020 et août 2023. Aucun dossier ne lui a été remis sur un drame intervenu en mer depuis cette date, alors que ces derniers se multiplient. Le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, Guirec Le Bras, précise que la saisine de la section de recherches « n’apporterait pas de plus-value technique ».
    En mai 2023, ce sont les gendarmes de la section de recherches qui ont placé en garde à vue dix-sept militaires de la marine nationale soupçonnés de non-assistance à personne en danger à la suite de la mort d’au moins vingt-sept migrants, en novembre 2021. Ces derniers avaient multiplié en vain les appels au secours lors du naufrage de leur bateau dans la Manche. Après ces mesures inédites contre des militaires (sept d’entre eux sont aujourd’hui mis en examen), la marine nationale est soupçonnée d’avoir voulu exercer des pressions sur les enquêteurs. « On nous a rapporté que les grands chefs de la marine nous en voulaient », se souvient Franck Vayne, qui a dirigé l’unité entre 2022 et 2024. La section de recherches aurait-elle été mise sur la touche pour s’être intéressée aux circonstances du naufrage de novembre 2021 ? « Pas du tout, répond le colonel Audenis. Il n’y a aucune pression, au contraire, la marine nous laisse les coudées franches. » Il admet toutefois que la gendarmerie maritime se limite à un travail d’identification des corps.

    #Covid-19#migrant#migration#france#manche#mortalite#marine#gendarmerie#identification#traumatisme#sante

  • Christelle (Volde)Morançais. Heureuse qui communique. – affordance.info
    https://affordance.framasoft.org/2024/11/christelle-voldemorancais-heureuse-qui-communique

    Petite leçon de science de la communication par Olivier Ertzscheid. Le texte puis l’image... ce qui se joue dans les discours de la Présidente de Région.

    Ce qui se joue à l’échelle de la région des Pays de la Loire (suppression annoncée de 73% du budget de la culture) fait actuellement l’objet d’un traitement et d’un émoi national. Traitement et émoi justifié tant la mesure est brutale et inattendue, et tant elle ne peut relever que de deux options : la première étant celle d’une authentique saloperie politique, la seconde celle d’une guerre culturelle et civilisationnelle assumée (une seule option au final donc …).

    La communication de Christelle Morançais depuis le début de cette histoire et de l’annonce de cette décision « m’intéresse » dans le sens où elle est une formidable démonstration de l’option présentée ci-dessus.

    #Communication #Olivier_Ertzscheid