Erreur 404

/2024

  • Plus d’un million d’annonces : comment Airbnb a fait de la France son terrain de jeu favori
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/10/19/plus-d-un-million-d-annonces-comment-airbnb-a-fait-de-la-france-son-terrain-


    [quatorze boites à clés sur pierre de taille]

    « L’ogre Airbnb (1/6). » En quinze ans, le site s’est imposé en France, « pays des vacances » et destination touristique phare, grâce à un lobbying efficace et une #fiscalité douce. Au point d’aggraver la crise du #logement. La firme étend désormais son offre pour poursuivre son essor.

    Devant l’église Saint-Germain-des-Prés, à Paris, un drôle de ballet se déroule cinq ou six fois par jour : des 2 CV colorées se garent en double file, récupèrent des touristes, puis partent vers les rues étroites du Quartier latin. Deux heures de promenade, 95 euros par personne : un petit business qui doit son existence à #Airbnb. C’est sur cette plateforme que les clients de Frédéric Baena – des Américains, pour l’essentiel – achètent cette « expérience ». « Sans Airbnb, je ne me serais jamais lancé », admet cet ancien financier, qui possède sept 2 CV et emploie plusieurs guides chauffeurs. Des activités comme celles-ci, on en trouve plus d’un millier en France sur la plateforme. Tournée des cavistes à Lyon, promenade « chantée » dans Montmartre avec une soprano, cours de pétanque à Marseille, découverte de Deauville (Calvados) en side-car… Airbnb permet aussi de réserver des prestations à domicile, que l’on soit voyageur ou non : une manucure, un coiffeur, un chef cuisinier, un coach sportif.

    Après avoir dynamité le marché de l’#hébergement_touristique, la multinationale américaine s’imposera-t-elle dans celui des activités, et plus globalement, des #services_à_la_personne ? C’est l’ambition de la direction, qui a annoncé en mai un investissement de 200 millions d’euros pour mettre sur orbite ces nouvelles dimensions. L’enjeu : capter davantage de dépenses des voyageurs. Le principe est simple : attirer des #microentrepreneurs, et prélever une #commission (entre 15 % et 20 %) sur chaque prestation vendue.

    Contrairement à ses concurrents déjà présents sur ce marché des activités (Viator, GetYourGuide), l’atout d’Airbnb est de pouvoir proposer des « packages » qui associent le logement à ces prestations, et de capitaliser sur l’immense base de données qu’elle s’est constituée sur ses clients. « On veut devenir l’Amazon des services », résumait Brian Chesky, le PDG de l’entreprise californienne, au magazine américain The Verge, en juin.

    D’ici à trois ans, Airbnb estime pouvoir tirer un chiffre d’affaires de 1 milliard de dollars (850 millions d’euros) de ces nouvelles activités. Une petite fraction des 11 milliards de dollars qu’elle a réalisés en 2024 sur son cœur de métier, la location courte durée. Mais où les nuages s’amoncellent, alors que les budgets vacances se resserrent dans ses principaux marchés, et que, de New York à Barcelone, en passant par Paris, Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) ou Annecy, les réglementations locales se durcissent. Si le groupe est aujourd’hui au faîte de sa puissance, de multiples signaux indiquent que pour les #meublés_touristiques, la fin de l’âge d’or approche. En septembre, Brian Chesky déclarait, lors d’une conférence organisée par le magazine Skift, qu’il n’était « pas content » du taux de croissance de son entreprise, et que la diversification était absolument nécessaire.

    https://justpaste.it/3kxbm

    #tourisme #monopole #diversification #services #capitalisme_de_plateforme #uberisation

    • L’intérêt de Home exchange, c’est, comme chez les autres dealers, la première dose. Ces 1500 points, utilisables, ça fait des nuitées moins chères qu’un lit d’auberge de jeunesse en dortoir (on en est là).

      Après, si on y prend goût, et qu’on va au-delà de la simple conso des points initiaux, ça se corse. Tu reçois des demandes de gens qui ont une ou des baraques qui valent 200 ou 350 points (ça va loin, on m’a parlé d’un cas US côte ouest, N-Y, plus Crète). Ou quelqu’un te sollicite alors qu’il propose un lieu de séjour dans ta propre ville pour 5 fois plus de points que toi. Ou bien tu cherches des lieux de séjour, et c’est écrit « frais de ménage de 50 euros ». Ça comprend aussi des Airbnb, des gens qui te racontent qu’il préfèrent que leur résidence secondaire serve (et là, y a de tout....), de la surévaluation des apparts, bref, l’esprit de lucre transpire (même si il n’y pas que ça, loin de là).

      C’est comme les SEL, ça dissout pas magiquement les rapports sociaux. Ta chambre ou ton deux pièces, tu vas le plus souvent devoir les céder longtemps pour t’offrir une semaine ailleurs (sauf dans les coins paumés, sauf dans des grandes villes à l’offre abondante).

      L’aspect absolument décisif qui justifie de passer par ce racket (ils se constituent eux-aussi un giga fichier et le prix augmente chaque année), c’est qu’il n’est nul besoin d’être propriétaire. Comme il n’y a pas de transaction marchande, a priori ton proprio ou ta CAF peut ni casser ton bail, ni te réclamer un indu d’APL. Et ça c’est à faire savoir parmi les non proprios susceptibles d’investir dans une adhésion, puis des transports, afin de changer d’air (je finis par me demander si il y en a ici, des non-proprios, m’enfin vous devez en connaitre).

      Sinon, dans nos société régies par la séparation, il y a pléthore d’entreprises de mise en relation (ah ah ah). On peut payer un autre site pour garder des animaux domestiques en échange d’un lieu de séjour, ou faire garder les siens par qui logerait chez soi. ah que « freedom to travel » malgré que ça coute cher (si on veut se payer des frites en centre ville, par exemple)
      https://www.trustedhousesitters.com

      edit ne surtout pas négliger le théâtre des évaluations, la réputation du site, des demandeurs/offreurs en dépend !

      again @touti, non 1GP représente pas 1€. Tes 1500GP t’ont coûté 170€ et valent au mieux, 25 nuits dans des chambres chez l’habitant, ou 10 nuits dans des endroits plus indépendants pas trop clinquants. Donc c’est un bon plan. Les euros, ça reviendra lorsqu’il faudra renouveler l’adhésion, si jamais.

    • « Airbnb a façonné l’idée que tout peut être rentabilisé. C’est une logique d’optimisation permanente »
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/10/20/airbnb-a-faconne-l-idee-que-tout-peut-etre-rentabilise-c-est-une-logique-d-o

      « L’ogre Airbnb » (2/6). A Paris, environ un tiers des annonces disponibles sur Airbnb ont été soustraites du marché de l’habitat « permanent », ce qui contribue à la crise du logement dans la capitale, explique, dans un entretien au « Monde », la chercheuse Jeanne Richon.

      Entre 2018 et 2025, le nombre de logements disponibles pour de la location courte durée a bondi de 40 % à Paris : il existe environ 60 000 annonces « actives » dans la capitale, selon les chiffres du cabinet AirDNA. Pour Jeanne Richon, doctorante à l’université Paris-Est Créteil (Val-de-Marne), qui vient d’achever une thèse sur la location meublée de courte durée dans le Grand Paris, ce système entretient un lien direct avec la #crise_du_logement sur ce territoire.

      Le phénomène Airbnb a eu des conséquences économiques et culturelles fortes en France. Pouvez-vous nous l’expliquer ?

      La plateforme a permis à tout le secteur de la location de courte durée de se développer de manière rapide et importante. Des milliers de propriétaires ont découvert ses avantages : c’est un système très rentable, flexible, avec une demande forte dans de multiples territoires. Sa massification a changé notre rapport à l’#immobilier. Airbnb a incité des tas de gens à investir dans ce secteur. Aussi, de nombreux ménages se sont dit qu’ils pouvaient maintenir ou envisager d’avoir une #résidence_secondaire parce qu’ils ont la possibilité de la louer facilement. Bref, la culture « Airbnb » a rendu viable la bi-résidence pour toute une partie de la population – un phénomène accentué par le télétravail, par la facilité d’accès au crédit. La diffusion d’Airbnb a aussi façonné l’idée que tout peut être rentabilisé : on perd de l’argent à ne pas louer sa maison pendant qu’on est en vacances ailleurs. C’est une logique d’optimisation permanente.

      Avec plus de 60 000 annonces, Paris est la ville qui compte le plus de locations Airbnb. Quel a été l’impact de cet essor ?

      L’impact est surtout palpable sur l’accès au logement pour les habitants et sur les prix de l’immobilier : c’est là le vrai problème. Que des Parisiens louent leur appartement à des touristes pendant qu’ils sont en vacances, cela n’engendre pas de perte de logement pour la population. Le sujet, c’est quand on transforme des appartements qui auraient pu être des résidences principales en appartements réservés à de la location de courte durée. Et ceux-ci sont de plus en plus nombreux, même s’il est très difficile de mesurer l’ampleur du phénomène.

      J’ai estimé pour ma thèse qu’à Paris, en février 2023, environ 16 000 annonces correspondent à des appartements qui ne sont pas occupés à l’année, et réservés à de la location de courte durée – soit 28 % du total des annonces. Ce nombre monte à 21 000 annonces si on y ajoute aussi les annonces louées au mois, dont on a du mal à clarifier les usages.


      Service de #ménage dans un Airbnb parisien, en septembre 2018. THIBAULT CAMUS/AP

      Ces estimations reposent sur le croisement de divers éléments de ces annonces – leur fréquence de mise en location, la disponibilité du calendrier, la possibilité de faire une #réservation_instantanée, le fait d’être mises en ligne par un #multiloueur… A Paris, qui souffre d’un manque de logements, ce volume est conséquent, d’autant que ces meublés sont majoritairement des petites surfaces, recherchées par des jeunes actifs et des étudiants.

      Pourtant, à Paris, le secteur est très réglementé, et encore plus depuis la loi Le Meur de novembre 2024…

      C’est sûr. Théoriquement, il est interdit de louer au-delà de quatre-vingt-dix jours par an une résidence principale, et il est interdit de louer en courte durée une résidence secondaire, sauf à entrer dans un onéreux mécanisme dit de « compensation ». Mais Airbnb ne vérifie pas qu’un loueur est bien dans les clous. Si la Mairie de Paris dispose d’un service d’agents qui se déplacent et engagent des poursuites judiciaires, ils ne sont pas assez nombreux, et ces contrôles sont difficiles à exercer. Les plateformes transmettent un fichier où toutes les informations nécessaires au contrôle n’y figurent pas.

      Du côté des loueurs, il y a énormément de stratégies de contournement, comme des annonces qui sont dupliquées sur plusieurs plateformes pour contourner les seuils de nuits maximum, des « chambres chez l’habitant » qui sont en réalité des studios indépendants… C’est un casse-tête. Dans le cadre de ma thèse, j’ai rencontré de nombreux loueurs qui ignoraient la loi, ou savaient qu’ils l’enfreignaient, mais se disaient qu’au vu du nombre d’annonces à Paris il y avait peu de risque d’être contrôlés. La tentation est trop forte quand on voit les revenus que ces locations génèrent.

      Mais les villes, et notamment Paris, n’ont-elles pas besoin des Airbnb pour loger tous les touristes ? Et ne profitent-elles pas des milliers d’euros de taxe de séjour qui y sont associés ?

      C’est pour cela que les plateformes ont longtemps été ménagées par les pouvoirs publics, notamment l’Etat, et que certaines législations restent imparfaites. On a d’un côté une #économie_du_tourisme avec ses multiples retombées, de l’autre l’enjeu de logement. On a aussi beaucoup de mal, en France, à toucher à la #propriété_privée. Airbnb axe sa communication autour des propriétaires qui louent pendant leurs vacances pour compléter leurs revenus : bien sûr, ces profils existent. Mais c’est cacher le vrai problème : celui de la conversion massive de logements pour de la location de courte durée. In fine, c’est un choix politique que de décider de protéger le logement plus que les retombées économiques liées au tourisme. Je crois qu’à l’heure actuelle la location meublée de courte durée fait plus de mal que de bien à nos centres-villes.

    • Comment Airbnb encourage le recours aux conciergeries, tout en restant maître à bord
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/10/16/comment-airbnb-encourage-le-recours-aux-conciergeries-tout-en-restant-maitre

      La plateforme lance mercredi [en octobre 2024] son réseau de #concierges labellisés, pour encourager les propriétaires à avoir recours à ce type de services et garder la main sur ce marché florissant.

      Lorsque le #marché_de_l’immobilier a commencé sa dégringolade, Sarah Essadiki, conseillère dans une agence immobilière du Val-de-Marne, s’est demandé quel pouvait être son plan B. Alors que son secteur est à la peine, un autre resplendit : celui de la location de meublés touristiques. La France est devenue le deuxième marché mondial pour Airbnb : à ce jour, on y recense 960 000 annonces, soit 60 % de plus qu’en 2019, selon les données d’AirDNA, un cabinet qui extrait les données du site.

      Tout un marché de #microconciergeries s’est développé autour de cette croissance fulgurante, proposant aux propriétaires de gérer tout ou partie de cette activité à leur place. D’agente immobilière à concierge, il n’y a qu’un pas, que Sarah Essadiki franchit à l’été 2023, en créant sa structure, en parallèle de son emploi en agence. Elle commence à Montmartre, à Paris, avec l’appartement d’une connaissance, « qui partait en vacances en Thaïlande et ne voulait pas s’en occuper », raconte-t-elle. Sarah Essadiki crée l’annonce sur Airbnb, échange avec les locataires, fait le ménage, gère les commentaires… D’autres appartements arrivent dans sa besace et, deux mois plus tard, elle intègre la plateforme des concierges labellisés par Airbnb, intitulé « le réseau de co-hôtes ».

      Cette interface, jusqu’ici en phase de test, est officiellement lancée mercredi 16 octobre par Airbnb. Concrètement, ce catalogue permet à des propriétaires de trouver à proximité de chez eux des co-hôtes (des concierges, dans la novlangue Airbnb), selon les critères voulus : ménage, remise de clés, gestion d’une annonce… Seuls les concierges les mieux notés peuvent figurer dans ce réseau. L’interface d’Airbnb encadre toute la relation entre le propriétaire et son #prestataire, jusqu’au paiement de celui-ci, via une commission comprise entre 17 % et 20 % du prix de la location (les tarifs sont fixés par les concierges). Au cours des derniers mois, deux mille personnes en France ont intégré ce club de concierges, la majorité étant des #autoentrepreneurs, exerçant en parallèle à d’autres activités.

      Loin de l’économie collaborative des débuts

      La volonté de développer cette interface en dit long sur la manière dont Airbnb envisage sa croissance dans les années à venir. « La première raison pour laquelle les gens ne veulent pas mettre leur logement sur Airbnb, c’est qu’ils n’ont pas le temps de s’en occuper, ou qu’ils ne savent pas faire. On veut aider les propriétaires à s’alléger de tout cela », cadre Emmanuel Marill, directeur Europe d’Airbnb. En créant cette place de marché de concierges, le premier enjeu pour Airbnb est ainsi d’attirer de nouveaux propriétaires, et d’inciter ceux qui sont présents à louer plus souvent – rappelons que la plateforme se rémunère via une commission sur chaque location.

      Aussi, Airbnb a tout intérêt à pousser ses hôtes vers des #standards_hôteliers, desquels ces concierges « bien notés » sont les garants : meilleure satisfaction des clients, moins de conflits… Un esprit loin de l’économie collaborative des débuts, mais qui témoigne de la professionnalisation et de la #montée_en_gamme croissante de ce système. La multiplication des #services de conciergerie, ces dernières années, contribue aussi à la hausse des prix sur la plateforme. Selon AirDNA, le prix moyen d’une nuit sur Airbnb en France a bondi de 40 % en cinq ans.

      En outre, cette interface est une manière pour Airbnb de garder la main sur ce florissant marché de la conciergerie, en imposant ses standards, en cadrant les échanges, et en créant une forme de loyauté chez les concierges sélectionnés – même si ceux-ci n’ont pas de contrat d’exclusivité. « C’est une manière de contrôler le système », reconnaît Théophile Guettier, qui a intégré ce réseau de co-hôtes.

      Pied de nez aux conciergeries les plus installées

      En creux, en devenant une sorte de « super conciergerie », il s’agit aussi de promouvoir un modèle : celui du concierge individuel slasheur, qui n’exerce pas ce métier à temps complet mais gère quelques appartements pour arrondir ses fins de mois. C’est le cas d’Amel Ait Slimane, dont le métier principal est l’assistance à maîtrise d’ouvrage et la décoration d’intérieur. Elle s’était lancée dans la conciergerie en 2019, et a intégré le réseau de concierges d’Airbnb à l’été 2024. « Etre sur cette plateforme m’a apporté plus de business », assure-t-elle.

      En moyenne, un co-hôte gère sept logements – un peu moins pour Mme Essadiki. Elle estime qu’en 2024, elle aura touché « environ 10 000 euros » pour cette activité. « Etre co-hôte, c’est une autre manière de gagner de l’argent avec Airbnb, dans le sillage de la gig economy [économie des petits boulots] », commente M. Marill. Ce terme désigne ces jobs issus de l’économie des plateformes, qui se caractérisent aussi par la faiblesse de leurs filets de sécurité.

      La propulsion de ce réseau de co-hôtes constitue en tout cas un pied de nez aux conciergeries les plus installées, avec des salariés qui ont les moyens d’acheter des mots-clés sur Google pour recruter leurs clients… Mais qui peuvent plus facilement court-circuiter Airbnb, ou du moins, lui être moins loyaux. En 2018, Airbnb avait d’ailleurs racheté une start-up florissante dans ce domaine, la conciergerie Luckey, qui avait levé des fonds et comptait quarante-cinq salariés.

      « Alors que Booking monte en puissance sur les locations saisonnières, Airbnb cherche à préserver sa position dominante sur le marché, analyse Corentin Minet, directeur du réseau Conciergeries locatives de France. Et, pour cela, ils verrouillent tout autour d’eux. »

    • Le modèle de tourisme d’Airbnb a métamorphosé certaines villes en France, comme La Rochelle et Nice
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/10/21/de-la-rochelle-a-nice-comment-le-systeme-airbnb-a-change-les-villes_6648333_

      A trois heures de TGV de Paris, La Rochelle fait partie des #villes_touristiques qui ont vu leur marché immobilier transformé ces dernières années. « Juste après la pandémie de Covid-19, on a vu arriver énormément d’acquéreurs : il y a eu une ruée sur les petites surfaces du centre-ville. Ce sont des personnes qui voulaient investir dans la pierre. Elles louent sur Airbnb la plus grande partie du temps, et y séjournent quelques week-ends par an », explique Mickael Gauduchon, directeur d’une agence immobilière sur le port. Des télétravailleurs occasionnels, des retraités, ou de purs investisseurs, qui ont profité de prix d’achat au mètre carré raisonnables dans de vieux bâtiments.

      « Vraie pénurie de biens »

      Dans le même temps, des propriétaires qui avaient l’habitude de louer avec un bail classique ont basculé dans ce système de la location de courte durée, bien plus rentable, avec moins de risques d’impayés, plus de souplesse. Aujourd’hui, la municipalité estime à « 6 000 » le nombre de meublés touristiques, dont 85 % de résidences secondaires. Les étudiants, les travailleurs saisonniers, les familles éprouvent de grandes difficultés pour se loger à La Rochelle, que ce soit en location où à l’achat – car les prix n’ont cessé d’augmenter. « Les meublés touristiques ont eu un fort impact sur le marché. Depuis cinq ans, il y a une vraie pénurie de biens disponibles, en particulier pour les petites surfaces », confirme-t-on à l’agence Benoit Immobilier, sur le port de La Rochelle.


      La rue Léonce-Vieljeux, où la concentration en meublés touristiques est la plus importante du centre de La Rochelle, le 3 octobre 2025. YOHAN BONNET/HANS LUCAS POUR « LE MONDE »

      Surtout, la demande touristique est là : la ville a enregistré, en 2024, près de 3 millions de nuitées de voyageurs. Séduit par une offre de meublés touristiques bon marché [sic] et commode pour les groupes et les familles, un nouveau flux de visiteurs est arrivé à La Rochelle, et s’est ajouté à la clientèle des autres hébergements touristiques. Sans Airbnb, Annemette O’Shaughnessy aurait-elle eu le réflexe et les moyens de partir en week-end dans le port charentais ? Cette Irlandaise est venue avec son mari et sa fille pour assister à un match de rugby et découvrir la ville. Elle loge dans un appartement près du port, loué sur la plateforme. « C’est beaucoup mieux qu’un hôtel, car on peut avoir notre espace, un salon, se faire à manger », explique-t-elle.

      Cet accroissement du nombre de touristes conduit à des pics de fréquentation que dénoncent de plus en plus les habitants. Mais aussi à une transformation des commerces. Marie-Christine Etienne, assistante sociale à la retraite, dresse la liste des boutiques ayant fermé récemment dans le centre-ville : « Le magasin d’optique, la boutique pour animaux, la cordonnerie, une épicerie, une quincaillerie… A la place, on a de la restauration rapide, des coffee-shops, une boutique de cookies. »

      Selon elle, la ville s’est montrée trop gourmande, multipliant les grands événements, concerts ou congrès, conduisant à un afflux de visiteurs qui saturent la ville. « Avant, on avait du monde à certaines périodes précises. Depuis la fin du Covid, c’est toute l’année. Il y a toute une nouvelle population de voyageurs qui font la fête, remplissent les bars : les nuisances sonores n’ont jamais été aussi importantes. Alors, quand je vois qu’à la gare Montparnasse [à Paris], il y a des publicités pour faire venir les gens à La Rochelle, ça me désole. »

      « Zéro vie sociale »

      Peu à peu, les liens sociaux se transforment. « Je suis le seul habitant de mon immeuble », évoque Guillaume Thébault, 34 ans, architecte à La Rochelle, qui vit dans une rue commerçante proche du port. Tous les autres appartements – cinq au total – ont peu à peu été transformés en locations de courte durée. Ses voisins sont différents chaque semaine. Il rencontre plus souvent des livreurs Uber Eats dans sa cage d’escalier. « J’ai zéro vie sociale dans mon immeuble. Je suis le témoin d’une ville qui se transforme sous l’effet de l’ubérisation de la société », affirme-t-il.


      De nombreuses boîtes à clés, sur la porte d’une conciergerie rue Réaumur, dans le centre de La Rochelle, le 3 octobre 2025. YOHAN BONNET/HANS LUCAS POUR « LE MONDE »

      https://justpaste.it/d9oga

      #ville

    • Comment les stations de ski ont basculé dans l’économie du Airbnb
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/10/22/comment-les-stations-de-ski-ont-bascule-dans-l-economie-du-airbnb_6648811_32

      Dans ces villages, dominés par les résidences secondaires, l’irruption des plateformes a rendu beaucoup plus facile la location entre particuliers. Avec une conséquence directe sur la hausse des prix de l’immobilier.

      Benjamin Berger se souvient d’une époque pas si lointaine – les années 2000 – où de nombreux propriétaires d’appartements ou de chalets à la montagne étaient rétifs à louer leur bien à des vacanciers : ils voyaient surtout les désagréments associés. « Culturellement, l’idée d’avoir des inconnus qui dorment chez soi était mal acceptée, raconte ce spécialiste de l’immobilier en montagne, fondateur de l’agence Cimalpes, qui gère 1 200 biens en location saisonnière. On allait jusqu’à remplacer les matelas pour que certains acceptent de louer ! »

      Les temps ont bien changé. Lui a vu un moment décisif : 2008, la crise des subprimes. Les propriétaires, dont bon nombre étaient liés à l’économie financière, ont compris qu’ils ne pouvaient pas laisser des biens immobiliers sans rendements. Surtout, Airbnb, Abritel et Booking sont arrivés, rendant flexible, facile et attractive la possibilité de louer, avec d’importants revenus à la clé – tandis que les conciergeries poussaient comme des champignons. _« La culture de la résidence secondaire à la montagne a changé. Le côté investissement a pris le pas sur le côté familial et affectif , résume Louis Andrews, directeur de la plateforme de location de chalets OVO.

      La greffe a pris rapidement. En 2019, il y avait 38 000 annonces Airbnb en Savoie et Haute-Savoie. En début d’année 2025, 72 000 étaient recensées. Des stations comme Morzine, La Plagne ou Les Arcs comptent plus de 2 000 appartements ou chalets loués via Airbnb, d’après les données d’Inside Airbnb : l’offre a plus que doublé en seulement cinq ans.

      https://justpaste.it/akgy7

      Une #financiarisation_du_logement qui pèse sur la construction elle-même, et plus encore sur celle de logements sociaux.
      #investissement #rentabilité

    • « Airbnb, c’est de l’argent facile et c’est très addictif » : des milliers de personnes s’improvisent hôteliers en France
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/10/23/airbnb-c-est-de-l-argent-facile-et-c-est-tres-addictif-comment-des-milliers-

      Sur Internet, des sites se sont d’ailleurs spécialisés dans l’ameublement clés en main. Ils proposent des décors au design standardisé, des « packs » « Art déco », « ethnique » ou « industriel » pour habiller n’importe quelle surface, du canapé aux affiches, du plaid aux tasses à café. Qu’il séjourne à Oslo, à Paris, à Marseille ou à Budapest, le touriste, en ouvrant la porte de sa location, ne sera pas dépaysé.

      [...]

      La start-up Zorrooo, spécialisée dans les litiges du quotidien, dit avoir échangé avec plus de 300 hôtes dont l’annonce a été reléguée dans les plus lointaines pages d’Airbnb. « Nous pensons que la plateforme a changé son algorithme fin 2023, qu’elle se professionnalise et privilégie désormais les annonces avec conciergerie, co-hôte, services et expériences », affirme sa cofondatrice, Capucine Berr.

      Tout comprendre à la logique d’Airbnb et à son algorithme est devenu un métier. Elise Ripoche en a fait son activité en créant une start-up au nom très explicite, J’affiche complet. Cette agence optimise les tarifs, « pour maximiser le chiffre d’affaires », avec, quand la demande est très forte, le prix le plus haut possible et les séjours les plus longs. « La location saisonnière est globalement perçue comme “M. Dupont met sa maison sur Airbnb pour boucler ses fins de mois”. En réalité, il s’agit d’une industrie », déclare la jeune femme.

      https://justpaste.it/1pahb

      Airbnb a une réelle part de responsabilité dans la #crise_du_logement [éditorial]

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/10/23/airbnb-a-une-reelle-part-de-responsabilite-dans-la-crise-du-logement_6648991

      Loin du modèle « sympa » des fondateurs d’Airbnb qui, en 2008, proposaient la location d’un matelas gonflable (airbed) dans leur appartement agrémenté d’un petit déjeuner, le site à l’ergonomie efficace et pratique a non seulement dynamité le marché de la location touristique, mais a aussi encouragé la transformation de résidences principales en logements réservés à la location de courte durée.

      La progression fulgurante d’Airbnb – plus de 1 million d’annonces en août en France, soit 60 % de plus qu’en 2018 – reflète une mutation spectaculaire du rapport des propriétaires à leur bien, plus seulement un lieu d’habitation ou une rente de long terme, mais une source potentiellement très rentable d’argent facile et de mobilité. Encouragée par l’essor du #télétravail, la formule a aussi incité à l’achat de résidences secondaires « amortissables » par le biais de la location de courte durée.

      Le secteur a pris une telle ampleur qu’il fait l’objet d’une financiarisation généralisée, où les rencontres humaines encensées au début ont laissé la place aux boîtes à clés et aux conciergeries, à une #standardisation des décorations et à l’aigreur de rapports logeurs-logés basés sur les exigences matérielles illimitées de ces derniers et sur l’impitoyable sanction par les « notations ».

    • Graz (Autriche) : Un immeuble d’appartements Airbnb temporairement occupé
      https://attaque.noblogs.org/post/2025/10/21/graz-autriche-un-immeuble-dappartements-airbnb-temporairement-occup

      Dans le quartier Gries, à Graz, un immeuble presque entièrement vide, avec des appartements Airbnb, a reçu une visite anti-touristique…

      À Graz, il y a environ mille appartements Airbnb (des appartements de vacances chers à en crever, qui restent vides la plupart du temps et sont réservés aux touristes aisés). Mille appartements dans lesquels des gens pourraient vivre. Tant de place et pourtant tant d’expulsions locatives.

      Même Elke [Elke Kahr, maire de la ville ; NdAtt.] ne peut pas y faire grand-chose. La liquidation de la ville au nom du profit et le vide dystopique sont tout à fait dans l’intérêt des grandes sociétés immobilières ou des riches propriétaires privés. Nous ne restons plus à regarder, mais nous reprenons les espaces ! Occupez les maisons de votre ville ! Nos salutations vont à toutes les villes liquidées en soldes, comme Barcelone et Athènes. Contre Airbnb et son monde. FUCK GENTRIFICATION

  • « L’intelligence artificielle est une bulle : il y a un décalage entre les coûts, très importants, et les revenus potentiels »
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/08/31/l-intelligence-artificielle-est-une-bulle-il-y-a-un-decalage-entre-les-couts

    « Les entretiens de l’IA ». L’essayiste, activiste et auteur Cory Doctorow observe que « beaucoup d’investissements affluent chez les fabricants de modèles d’IA qui, souvent, perdent de l’argent ».
    Propos recueillis par Alexandre Piquard
    Publié le 31 août 2024 à 04h30, modifié le 31 août 2024 à 13h58
    Temps de Lecture 7 min.

    L’essayiste Cory Doctorow à New York, le 22 septembre 2022. CRAIG BARRITT / GETTY IMAGES VIA AFP
    Né au Canada et résidant à Los Angeles, en Californie, Cory Doctorow est un essayiste, activiste, enseignant et auteur (The Internet Con. How to Seize the Means of Computation, Verso, 2023 ; The Bezzle, Tor Books, 240 pages, non traduits). Il chronique le développement du numérique depuis les débuts d’Internet, sur son site Pluralistic et dans différents médias, comme, en février, dans le Financial Times pour critiquer l’évolution des grandes plates-formes et des réseaux sociaux. En décembre 2023, il a évoqué dans une chronique l’intelligence artificielle (IA) comme une « bulle », une thématique qui, ces derniers mois, suscite un débat croissant dans le secteur. M. Doctorow doute de l’équilibre économique entre les coûts des grands modèles d’IA, comme ceux sur lesquels s’appuient les robots conversationnels ChatGPT, et les revenus des différents cas d’usage.
    « Les entretiens de l’IA » du « Monde »
    « Le Monde » lance « Les entretiens de l’IA », une série d’entretiens pour éclairer le débat autour de l’intelligence artificielle, de ses perspectives et des questions qu’elle soulève. Nous publierons régulièrement dans cette rubrique nos échanges avec des personnalités aux profils variés : dirigeants des entreprises du secteur, experts des domaines les plus concernés par cette technologie, observateurs, essayistes, chercheurs.
    Retrouvez tous les entretiens de la série ici.
    Pourquoi pensez-vous que l’IA est une « bulle » ?
    L’intelligence artificielle est une bulle, car elle en porte tous les signes distinctifs. On voit des entrepreneurs qui ajoutent le mot « IA » à leurs produits pour faire monter leur cours de Bourse, sans pour autant savoir vraiment ce que cette technologie va leur apporter. Cela rappelle l’époque où la blockchain [technologie qui permet d’authentifier des actions, comme des transactions en cryptomonnaies] était en vogue.
    On voit aussi beaucoup d’investissements affluer chez les fabricants de modèles d’IA, qui, souvent, perdent de l’argent. La promesse est que ces entreprises convaincront des clients désireux de payer suffisamment pour amortir le prix de revient de ces logiciels, mais elles ont du mal à expliquer comment elles vont faire. Enfin, il y a cette impression que tout le monde semble vouloir parler d’IA, à propos de n’importe quel sujet, parfois sans rapport apparent, comme le changement climatique…
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    Pourquoi doutez-vous du modèle économique des grands modèles d’IA ?
    Il y a un décalage entre les coûts, très importants, et les revenus potentiels. Beaucoup des applications de l’IA offrant les plus grandes perspectives de revenus sont sensibles à ce que le secteur appelle les « hallucinations », c’est-à-dire les erreurs [comme une réponse factuellement fausse dans un texte]. Or, personne dans l’IA n’a de théorie convaincante sur la façon dont on pourra éliminer ces erreurs.
    Quand on parle de ces cas d’usages sensibles (la santé, la conduite autonome de véhicules…), les entreprises de l’IA proposent généralement comme solution d’ajouter un humain dans la boucle, pour vérifier la décision ou le contenu produit par le logiciel. Mais l’intérêt pratique et financier de ces IA est, selon leurs créateurs, qu’elles sont censées agir beaucoup plus rapidement que les humains. Et si on a besoin de gens pour revoir chacune de leurs actions, cela limite la rentabilité et les éventuels gains en productivité.
    Si l’on compare à d’autres technologies ayant suscité un engouement excessif, comme le métavers ou les cryptomonnaies, l’IA ne génère-t-elle pas beaucoup plus d’usages ?
    Si, il y a de nombreux cas d’usages intéressants. Le site d’archivage du Web Internet Archive a acquis des bases de données d’anciens journaux sur microfiches et utilise l’IA pour identifier et scanner les pages de sommaires, afin de les classifier. L’application pour aveugles Be My Eyes vous décrit les objets vers lesquels vous pointez votre téléphone.
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    Ma femme utilise une IA génératrice d’images pour créer des décors pour ses parties en ligne du jeu de rôle Donjons & Dragons. C’est super, mais ce genre de projets ne suffira pas à payer les coûteux calculs informatiques nécessaires à l’entraînement et au fonctionnement de ces grands modèles. Idem pour les élèves qui utilisent un chatbot pour tricher… Ce sont au mieux des marchés marginaux à la périphérie d’un cœur d’activité qui devrait être constitué de clients d’entreprises, comme pour les logiciels de bureautique de type Excel.
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    Quand on analyse les applications des IA, il faut se demander si elles représentent des économies potentielles importantes pour un client, notamment en main-d’œuvre, et si elles tolèrent un certain taux d’erreur… Et l’intersection de ces deux catégories donne un réservoir de cas relativement restreint.
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    L’IA ne peut-elle pas améliorer la productivité ?
    Si, mais la question est de savoir si elle peut apporter des gains de productivité importants pour des clients qui seront prêts à payer beaucoup pour cela. Le fondateur d’OpenAI, Sam Altman, envisage de lancer un projet de fabrication de microprocesseurs nécessitant plusieurs milliers de milliards de dollars d’investissement [selon le Wall Street Journal]. Sans aller jusque-là, des milliards sont dépensés dans la création de ces modèles et des centaines de milliards de dollars investis dans les centres de données, notamment pour le calcul lié à l’IA. Montrez-moi les centaines de milliards de revenus par an que les clients sont prêts à payer. A ce stade, ils ne se matérialisent pas.
    En Europe et en France, start-up et gouvernements jugent nécessaire d’investir dans l’IA pour ne pas se faire dépasser par les Etats-Unis ou la Chine, ont-ils tort ?
    Il n’y a rien de mal à investir pour ne pas se faire dépasser dans des domaines importants : la santé publique, l’éducation aux sciences informatiques, l’énergie solaire ou l’électricité. Mais ce n’est pas grave d’être dépassé dans les arnaques en ligne ou les virus informatiques… Et aujourd’hui, je pense que les « AI bros » [les apôtres de l’intelligence artificielle] sont un mélange de gens qui mentent et de gens qui se trompent sur le potentiel de leur technologie.
    Les géants comme Google ou Microsoft n’ont-ils pas des moyens d’amortir leurs investissements en la matière ? Ils vendent aux entreprises des modèles d’IA, mais aussi du calcul informatique, ils déploient des IA sur leurs propres services…
    Ils ont davantage de moyens de faire de l’argent avec l’IA. Un dicton américain célèbre dit que la meilleure façon de devenir riche pendant la ruée vers l’or était de vendre les pioches et les pelles. C’est une idée assez cynique, car vous savez que la plupart des chercheurs d’or vont finir en squelettes au bord de la route… Bien sûr, si vous touchez en plus une part de l’or récolté par les mineurs, c’est encore mieux.
    Mais, dans l’IA, les géants du numérique s’impliquent aussi directement dans la recherche d’or : ils bourrent leurs plates-formes (moteurs de recherche, réseaux sociaux, smartphones…) d’assistants et de fonctionnalités d’IA pourtant pas très utiles ou pas encore assez matures pour être déployées. Cela risque de rendre leurs produits moins attrayants et de leur fait courir un risque réputationnel… C’est une chose d’être un cynique, mais un proverbe dit que le pire, pour un dealeur, est de consommer sa propre drogue…
    Lire aussi | Article réservé à nos abonnés IA : l’Autorité de la concurrence met en garde contre la domination des géants du numérique

    Les assistants d’IA n’améliorent-ils pas les grandes plates-formes ?
    Je trouve plutôt qu’ils participent à rendre les smartphones, les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux pires. Déployer ainsi largement de l’IA peut être un moyen de faire monter le cours de Bourse d’une entreprise, ce qui est bon pour ses actionnaires et ses dirigeants, qui en font partie.
    Toutefois, ces derniers temps, nous entrons dans une situation plus compliquée, où les investisseurs en Bourse demandent au secteur des retours sur les énormes investissements faits dans l’IA. C’est ce qui s’était passé avec le métavers. La différence, c’est que les entreprises concernées avaient arrêté d’investir dans ces mondes virtuels, alors qu’avec l’IA elles semblent coincées dans leur engagement à développer cette technologie.
    Lire aussi | Article réservé à nos abonnés IA : « Des humains sont essentiels pour entraîner les systèmes »

    Aux débuts du Web, il y a aussi eu la « bulle Internet », mais ce krach n’a pas empêché cette technologie de se développer sur le long terme…
    En effet, on peut distinguer des bulles productives et des bulles non productives – même si toutes sont mauvaises, car elles transfèrent de l’argent des petits épargnants à des gens très riches. La bulle Internet a été productive. Elle a laissé derrière elle beaucoup de réseaux fibrés de connexion à Internet, beaucoup de gens formés à l’informatique et au code…
    A l’inverse, la bulle des cryptomonnaies de ces dernières années a certes formé des gens à la cryptographie et à la cybersécurité, mais elle a surtout laissé du très mauvais art numérique (les NFT) [non-fungible tokens, « jetons non fongibles » en français] et incarné un mauvais exemple de la doctrine économique néolibérale. Une bonne part de l’argent est partie en fumée.
    Et l’IA ?
    La question est en effet : sera-t-elle une bulle productive ? Cette technologie crée davantage de spécialistes des statistiques et des maths, ce qui est une bonne chose. Elle a permis de trouver des méthodes pour utiliser les processeurs graphiques (ou « GPU ») de façon beaucoup plus efficace. D’ailleurs, peut-être y aura-t-il un jour un surplus de GPU, comme après la bulle Internet, quand on pouvait racheter aux enchères des serveurs de sociétés pour 10 dollars pièce. Ce seront des résidus productifs, réutilisables.
    Il restera aussi des modèles d’IA plus petits, comme Llama (de Meta) ou ceux de la plate-forme Hugging Face, qui peuvent fonctionner sur des ordinateurs classiques et sont accessibles librement en open source. Ils suscitent une créativité intéressante, même s’ils risquent aussi d’atteindre un plafond, car ils sont pour la plupart dérivés des grands modèles créés par les fabricants d’IA.
    Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Intelligence artificielle : « Des chercheurs du FMI mettent en garde contre les effets secondaires sur l’emploi de l’innovation popularisée par ChatGPT »

    Il y a aussi une question ouverte sur le rôle que pourrait jouer pour l’IA l’apprentissage fédéré, qui consiste à partager la puissance de calcul entre des milliers d’ordinateurs personnels, comme dans le projet SETI@home d’analyse des données du télescope Hubble. Mais ce n’est qu’une piste de recherche, et cela n’améliorerait pas forcément les retours sur investissement économiques.
    Lire aussi | Article réservé à nos abonnés ChatGPT : « le talon d’Achille de l’intelligence artificielle, c’est sa consommation d’énergie »

    Certains dirigeants du secteur espèrent créer des assistants ou agents qui, grâce à l’IA, pourraient réaliser des tâches complexes, en se connectant au Web, en envoyant un e-mail, en passant un appel, en commandant en ligne… Vous n’y croyez pas ?
    Ce n’est pas parce que quelque chose serait génial que cela va forcément se produire. La foi en ce type de développements est fondée sur des éléments non prouvés, comme l’idée que si l’on fait encore grossir les modèles d’IA, ils vont toujours continuer à s’améliorer. Dans sa forme la plus ridicule, il y a l’idée que l’on pourrait atteindre ainsi une intelligence artificielle générale [supérieure aux humains dans la plupart des tâches], comme si en faisant des croisements de chevaux pour les rendre toujours plus rapides, ils allaient finir par se transformer en une locomotive…
    On n’a pas de définition claire de l’IA générale, donc, en parler, c’est comme vouloir créer une fée ou un fantôme. Beaucoup des conversations autour de ces sujets proviennent de la communauté soucieuse de la sûreté de l’IA [les chercheurs et les dirigeants inquiets des risques « existentiels » ou « catastrophiques » que l’IA pourrait poser à l’humanité], qui se pose des questions proches de « Que se passerait-il si on créait un Dieu et qu’il nous punissait ? » Si vous cherchez à lever des dizaines de milliards de dollars, faire partie d’un secteur dont la légende dit qu’il va peut-être créer une forme de Dieu, même si ce dernier est dangereux, c’est un bien meilleur pitch pour convaincre les investisseurs que si vous dites construire de simples chatbots, des robots conversationnels…
    A l’inverse, les questions sur des risques plus immédiats, soulevées par les chercheurs en éthique de l’IA – selon lesquels cette technologie n’est pas prête à être déployée largement pour servir d’assistant personnel sur des tâches importantes, pour conduire une voiture, pour décider qui embaucher, pour octroyer des aides sociales, pour accorder des libérations conditionnelles… –, réduisent l’intérêt des investisseurs.
    Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Meredith Whittaker, présidente de Signal : « L’IA concentre le pouvoir dans les mains des géants de la tech »

    Alexandre Piquard

    #Cory_Doctorow #Intelligence_artificielle

  • Entre Musk et la base MAGA, le camp trumpiste se divise sur les visas de la tech
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/12/29/les-trumpistes-se-dechirent-sur-les-visas-de-la-tech_6472826_3234.html

    Entre Musk et la base MAGA, le camp trumpiste se divise sur les visas de la tech
    Par Corine Lesnes (San Francisco, correspondante)
    Publié hier à 18h30, modifié à 08h29
    Nouvelle fracture dans le clan Trump. Après l’affrontement interrépublicain au Congrès sur le relèvement du plafond de la dette, c’est l’alliance – quelque peu contre-nature – entre la base MAGA (« Make America Great Again ») et la droite de la Silicon Valley qui est mise à mal sur l’immigration légale et la place à accorder, dans l’économie américaine, aux ingénieurs étrangers.
    La querelle a commencé le 22 décembre lorsque Donald Trump a annoncé la nomination de l’investisseur d’origine indienne Sriram Krishnan comme conseiller pour l’intelligence artificielle (IA) au bureau de la Maison Blanche pour la science et la technologie, un service stratégique à l’entrée d’une année où les autorités américaines devront statuer sur l’encadrement de l’IA. Il travaillera avec David Sacks, un autre investisseur de San Francisco nommé le 5 décembre par le président élu comme « tsar » pour l’IA et les cryptomonnaies, et né en Afrique du Sud, comme Elon Musk.
    Ingénieur de formation, ancien de Microsoft et de Facebook, artisan de la mise en œuvre des projets d’Elon Musk après le rachat de Twitter, devenu animateur, avec son épouse, d’un podcast populaire parmi ses pairs, Sriram Krishnan, 40 ans, est un pur produit du sérail libertarien de la Silicon Valley. Récemment, il était posté à Londres où il a ouvert l’antenne britannique de la firme d’investissements a16z de Marc Andreessen, autre figure de la tech séduite par Trump et ses promesses de baisses d’impôt et de déréglementation des cryptomonnaies. L’ingénieur en a profité pour mettre en contact Elon Musk et l’ancien premier ministre britannique Boris Johnson.
    La base anti-immigration du Parti républicain a critiqué la nomination de M. Krishnan. Elle lui reproche d’avoir plaidé pour l’octroi de cartes vertes automatiques pour les ingénieurs étrangers de haut niveau et d’être partisan de la suppression du plafond de visas H1B, qui permettent aux entreprises technologiques de recruter des employés à l’étranger, en particulier en Inde. Des recrutements à bon marché qui, de l’avis général, évitent aux géants de la tech d’employer des Américains mieux payés. Les loyalistes MAGA réclament l’élimination de ces visas spéciaux qui ont contribué à l’essor d’une économie technologique dont ils ont peu profité.Elon Musk, dont les entreprises sont de grandes consommatrices de visas H1B, a défendu le programme, mettant en cause le professionnalisme des informaticiens américains. « Le nombre d’ingénieurs qui sont super talentueux et super motivés est bien trop faible aux Etats-Unis », a-t-il assuré, le 26 décembre, sur sa plateforme.
    Son partenaire au nouveau « bureau de l’efficacité gouvernementale » annoncé par Trump, Vivek Ramaswamy, né aux Etats-Unis de parents originaires du Kerala (Inde), a enfoncé le clou. « La raison pour laquelle les grandes entreprises technologiques recrutent souvent des ingénieurs nés à l’étranger ou de première génération plutôt que des Américains “natifs” n’est pas liée à un supposé déficit de QI chez les Américains », a-t-il relevé, mais au mode de vie local. « Notre culture américaine a vénéré la médiocrité plutôt que l’excellence depuis trop longtemps », a-t-il posté sur X. Avant de reprocher aux parents américains de laisser leurs enfants passer plus de temps en « soirées pyjama » et « dessins animés le samedi matin » qu’en cours de maths et compétitions scientifiques.
    Sur les réseaux sociaux, les attaques ont pris un tour xénophobe, dont Elon Musk a fait les frais – ila lui-même bénéficié d’un visa H1B dans les années 1990. Laura Loomer, fervente soutien de Donald Trump, a critiqué les « gauchistes de carrière » recrutés pour servir dans la prochaine administration « alors qu’ils partagent des vues en opposition directe avec le projet “America First” » du président élu.
    « Notre pays a été construit par des Européens blancs, pas par des envahisseurs venus d’Inde », a-t-elle posté. Elon Musk a rétorqué en appelant à débarrasser le Parti républicain des « méprisables imbéciles » qui s’opposent à l’immigration de talents étrangers. Il a proclamé qu’il entrerait « en guerre » sur le sujet. Une guerre « d’un type que vous ne pouvez même pas saisir ».
    En trois jours, la querelle a pris le tour de ce que les démocrates, pas mécontents du spectacle, ont qualifié de « nuit des longs couteaux » dans les rangs trumpistes. Steve Bannon, l’ancien stratège populiste de Trump, a pris parti contre Elon Musk – qu’il avait déjà accusé en 2023 d’être à la solde du Parti communiste chinois. Le programme H1B est une « escroquerie » au profit « des oligarques » de la Silicon Valley, a-t-il estimé. Laura Loomer a, elle, accusé le prétendu « absolutiste de la défense de la libre expression » Elon Musk d’avoir réduit sa capacité à collecter des revenus sur X, pour étouffer ses critiques.
    Donald Trump avait fait campagne en 2020 en promettant de mettre les géants de la tech au pas. En 2024, il a multiplié efforts et promesses pour amadouer les milliardaires. Lui qui avait durci les conditions d’obtention de visas H1B pendant son premier mandat, a semblé prendre position en faveur de ses nouveaux amis. Dans une interview par téléphone au New York Post, samedi 28 décembre, il a affirmé qu’il avait « toujours aimé les visas » et qu’il avait nombre d’employés titulaires du H1B dans ses « propriétés », sans autre précision. La presse s’est demandé dans quels golfs il employait des informaticiens.
    La querelle actuelle intervient après la bataille sur le budget, qui a failli entraîner la fermeture des services du gouvernement fédéral quelques jours avant Noël. Bataille perdue par celui qui l’avait déclenchée, à savoir Elon Musk. Pour l’éditorialiste de centre droit David Brooks, le même type de contentieux va marquer le paysage politique de 2025 dans nombre de domaines, de la politique commerciale aux réglementations sur le travail ou le logement.
    « C’est le genre de tension fondamentale qui se manifeste dans votre parti lorsque vous faites ce que Trump a fait : prendre un parti capitaliste dynamique et axé sur le libre marché et y insuffler une philosophie protectionniste, régressive et réactionnaire », écrit-il dans le New York Times du 27 décembre. Selon lui, la manière dont le septuagénaire, qui entrera en fonctions le 20 janvier 2025, gérera ces tensions dans sa coalition sera déterminante pour les élections de mi-mandat en 2026.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#visas#H1B#economie#migrationqualifiee#politiquemigratoire#informaticien

  • La Mongolie annonce un accord avec le groupe français Orano pour l’exploitation d’une mine d’uranium
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/12/28/la-mongolie-annonce-un-accord-a-1-6-milliard-de-dollars-avec-orano-pour-l-ex


    Le premier ministre mongol Luvsannamsrain Oyun-Erdene et le président français Emmanuel Macron, à Oulan-Bator, le 21 mai 2023.
    LUDOVIC MARIN/AFP

    Le groupe français investira 1,6 milliard de dollars dans un gisement débouchant sur une production en 2028. Le projet doit encore être validé par le Parlement, alors que le pays est soumis à la pression de la Russie et la Chine.

    La Mongolie a annoncé, vendredi 27 décembre au soir, être parvenue à un accord préliminaire avec le groupe français Orano pour l’exploitation d’une mine d’uranium qui doit entrer en production en 2028. L’accord est qualifié de « préliminaire », car il doit encore être approuvé par le Parlement mongol, mais il est une avancée importante, tant pour ce pays enclavé entre la Chine et la Russie qui cherche une « troisième voie » diplomatique et veut réduire sa dépendance à l’extraction du charbon que pour la France, en quête de combustible pour sécuriser l’approvisionnement de ses centrales nucléaires.

    « Cet accord est un pas significatif pour accélérer les opportunités d’investissement et d’emploi pour le peuple mongol, a commenté le premier ministre, Luvsannamsrain Oyun-Erdene. Il souligne également notre engagement à collaborer avec nos “troisièmes voisins” », a-t-il déclaré, en référence aux efforts d’Oulan-Bator pour se tourner vers l’Europe, les Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon pour échapper à la mainmise de Moscou et de Pékin.

    L’accord prévoit un investissement à hauteur de 1,6 milliard de dollars (1,5 milliard d’euros), le deuxième investissement étranger le plus important dans le pays, après la mine de cuivre et d’or d’Oyou Tolgoï. Il prévoit des travaux préparatoires jusqu’en 2027, puis une production d’uranium de 2028 à 2060 dont la valeur pourrait se chiffrer à 13,4 milliards de dollars. Orano n’a pas confirmé ces annonces.

    pas de localisation de « une mine » dans la partie avant #paywall

    • possible localisation - c’est pas clair s’il s’agit du même projet
      et amende pour corruption…

      La Mongolie annonce un accord préliminaire avec Orano pour l’exploitation d’une mine d’uranium - Challenges
      https://www.challenges.fr/economie/la-mongolie-annonce-un-accord-preliminaire-avec-orano-pour-lexploitation-

      […]
      En octobre 2023, Orano Mining avait signé un protocole d’accord avec l’Etat mongol en vue de développer et exploiter la mine d’uranium de Zuuvch Ovoo, premier projet uranifère en Mongolie à couvrir toutes les étapes d’exploitation d’uranium, de l’extraction à la production, jusqu’à l’exportation d’un concentré.

      Le projet, dont l’investissement initial est de 500 millions de dollars, pour un total de 1,6 milliard de dollars, entrera en phase préparatoire entre 2024 et 2027, a indiqué le gouvernement, qui prévoit le lancement de la production pour 2028.

      Le gouvernement avait déclaré plus tôt vendredi être parvenu à un accord définitif avec Orano Mining, filiale minière du spécialiste français du combustible nucléaire Orano, avant de se rétracter et de préciser être parvenu à un accord préliminaire.

      Plus tôt ce mois-ci, Areva SA, l’ex-Areva, dont Orano Mining est issu, a accepté de verser au Trésor public français une amende de 4,8 millions d’euros pour des faits de corruption liés à ses activités minières en Mongolie entre 2013 et 2017.

      Dans le cadre de cette convention judiciaire d’intérêt public, Orano Mining a en outre accepté de se soumettre pour trois ans aux audits et vérifications de l’Agence française anti-corruption (AFAR) dans le cadre d’un programme de mise en conformité.

      Le Figaro confirme une localisation dans le Dornogovi, aïmak sud-est de la Mongolie où on trouve effectivement un Zuuvch Ovoo à 100 km de la frontière chinoise, à côté d’un emplacement identifié comme _mine d’uranium de Dulaan Uul

    • Simon Taugourdeau | LinkedIn
      https://www.linkedin.com/in/simon-taugourdeau-83912548

      Chercheur en écologie des paturages chez CIRAD
      accueili à l’institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II

      est l’auteur de deux des photos ci-dessus et également auteur d’un mémoire en 2019, consultable sous conditions :

      Etude préliminaire d’un dispositif de compensation écologique dans un écosystème aride à vocation sylvopastorale : cas d’une exploitation minière d’uranium dans la province du Dornogobi en Mongolie
      Infodoc - AgroParisTech
      https://infodoc.agroparistech.fr/index.php?lvl=notice_display&id=199599

      L’entreprise minière Badrakh Energy (filiale d’ORANO Mining en Mongolie) doit réaliser la compensation écologique du projet pilote de la mine de Zuuvch Ovoo dans l’aïmag du Dornogobi en plantant 3 300 saxauls/hectares sur 5 hectares. ORANO souhaite étudier et vérifier l’existence de méthodes alternatives, efficaces et faisables pour la compensation de la future mine. Le présent rapport étudie les possibilités de méthodes de compensation alternatives, et les modalités de compensation adaptées au contexte local de la zone de Zuuvch Ovoo. Cette étude préliminaire a été réalisée à l’aide d’une méta-analyse d’Etudes d’Impact Environnemental de projets d’aménagements existants ; d’entretiens semi-directifs auprès d’éleveurs de la zone de Zuuvch Ovoo dans le soum d’Ulaanbadrakh, puis de Gurvansaikhan, un autre soum du Gobi ; et de mesures de densités de saxauls en conditions naturelles grâce à la méthode des Points Centrés Quadrants. Les résultats de la méta-analyse montrent qu’il existe des méthodes dont ORANO peut s’inspirer. Les résultats issus des entretiens suggèrent qu’une plantation pourrait être menée sur des zones pâturées ; que certains groupes d’éleveurs sont intéressés par une plantation ; et qu’une plantation plurispécifique est plus bénéfique pour les éleveurs et la biodiversité. Enfin, les mesures en forêts naturelles de saxauls montrent que la densité de plantation demandée est trop élevée.

      le #saxaoul, omniprésent dans le Gobi…
      Haloxylon ammodendron — Wikipédia
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Haloxylon_ammodendron

      Haloxylon ammodendron est un arbre de la famille des Chenopodiaceae en classification classique, de la famille des Amaranthaceae en classification phylogénétique. Avec deux autres espèces du genre Haloxylon, il porte le nom vernaculaire de saxaoul ou saxaul : Haloxylon aphyllum (Saxaoul noir) et Haloxylon persicum (Saxaoul blanc).

      C’est un arbuste dicotylédone aux feuilles réduites à des épines vertes.
      Endémique de l’Asie centrale, son aire de répartition suit une bande s’étendant de la mer Caspienne jusqu’au Xinjiang en Chine.

      Le saxaoul, arbuste dans le désert de Mongolie, par Jacques-Marie Bardintzeff
      https://blogs.futura-sciences.com/bardintzeff/2022/08/23/le-saxaoul-arbuste-dans-le-desert-de-mongolie


      Saxaouls, arbustes dans le désert de Gobi en Mongolie
      © J.M. Bardintzeff

    • autre étude (master), dans le cadre d’une thèse financée par Orano (Badrakh Energy)

      Etude comparative de l’effet de la végétation pérenne sur
      l’écosystème de deux milieux arides en Asie centrale : le
      désert de Gobi en Mongolie et le désert de Muyunkum au
      Kazakhstan, Nolwenn MAUDIEU
      (dont l’un des tuteurs est S. Taugourdeau)
      https://agritrop.cirad.fr/606916

      (pdf avec localisation précise et de belles photos de l’environnement et de la végétation du « désert » de Gobi ;-)

    • (PDF) Habilitation à diriger des recherches « Impact croisé du climat et de la gestion sur la végétation des pâturages : apport des outils numériques » – Simon Taugourdeau, Crirad
      https://www.researchgate.net/publication/382531843_Habilitation_a_diriger_des_recherches_Impact_croise_du_clima

      HDR soutenue le 03/07/2024 (!…)

      July 2025
      Abstract
      Après un master en Fonctionnement des écosystèmes à l’université de Montpellier (2008-2010), j’ai fait ma thèse à l’université de Lorraine ( soutenue en 2014) entre le laboratoire agronomie et environnement et l’Agroscope ( Zurich, Suisse). Par la suite j’ai travaillé au sein de l’institut Norvégien de Bioéconomie( NIBIO) avant d’être recruté au CIRAD au sein de l’unité SELMET en 2015. Mes activités de recherche ont principalement porté sur les impacts du changement climatique et des pratiques de gestion sur la diversité des pâturages en particulier des parcours arides et semi-arides. J’ai commencé par travailler sur l’utilisation de bases de relevés botaniques et de traits fonctionnels. J’ai à la fois mis en ligne des données , étudié différent biais( impact des données manquantes, intraspécifiques) et étudié les effets des pratiques en lien avec le climat. Cependant, au Sahel, ces approches bases de données sont limitées en particulier à cause du manque de précisions des données de pratique ou de climat. C’est pour cela que nous avons conduit des mesures sur le terrain pour voir l’impact des pratiques et du climat sur la dynamique des herbacées annuelles en particulier sur leur phénologie. Pour les ligneux, nous nous sommes principalement intéressés à leur régénération et à l’importance des zones de dépressions topographiques. Ces mesures de terrains sont cependant lourdes. Une des possibilités est d’avoir des méthodes de suivi indirectes reposant sur de l’imagerie. Je me suis intéressé à l’utilisation des drones et de la photogrammétrie pour faire les suivis de la végétation des zones arides ou semi-arides. En plus de permettre de faire des mesures plus simplement, les outils tels que les drones peuvent permettre d’étudier de nouvelles questions comme l’hétérogénéité spatiale de la végétation. Mon projet de recherche se projette dans la continuité des activités avec la même grande question de recherche sur l’impact des pratiques et de gestion. D’une manière plus spécifique, mon projet se déroule en 3 parties. 1. Utilisation des outils reposant sur la photogrammétrie pour mettre en place des suivis participatifs de la végétation des parcours. L’objectif est d’avoir une double utilisation des images pour à la fois suivre des données de biomasse et des données de biodiversité. L’utilisation des données issues de bases de données hétérogènes induit des méthodes d’analyses spécifiques. Ces travaux permettront d’appréhender les impacts des variations du climat. 2. Etude de l’hétérogénéité spatiale de la végétation des pâturages, en lien avec les pratiques de pâturages et l’impact des pérennes. En effet les pâturages semi-arides et arides sont très hétérogènes spatialement. L’objectif est d’utiliser les outils comme le drone pour caractériser cette hétérogénéité puis identifier les drivers de cette hétérogénéité ( sol, présence de ligneux, comportement des animaux au pâturage). Ce travail sur l’hétérogénéité permettrait d’appréhender d’une manière plus fine les pratiques de pâturages et l’impact de pratiques de replantation. Un des objectifs est d’arriver à comprendre l’impact du timing du passage des animaux en lien avec la phénologique des plantes. En effet le drone permet de faire des suivis très fréquents et d’intégrer aussi l’aspect temporel. 3. Modélisation des communautés végétales des pâturages arides et semi-arides. L’objectif est d’intégrer à la fois l’impact des pratiques et des variations du climat. L’idée est d’avoir un modèle spatialement explicité intégrant les communautés végétales. Ce modèle permettra d‘explorer différentes interactions entre climat et pratiques. Il serait intéressant de tester l’importance des processus stochastiques dans la dynamique des communautés végétales en zones arides.

      (la Mongolie ne figure que dans les références bibliographiques :-(

  • L’« agribashing », un élément de langage endossé par les pouvoirs publics pour un phénomène quasi introuvable
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/12/27/l-agribashing-un-element-de-langage-endosse-par-les-pouvoirs-publics-pour-un

    Cinq ans après leur mise en place, les observatoires de l’agribashing, chargés d’évaluer, à l’échelle des départements, les « atteintes idéologiques » au monde agricole, ont eu une activité très limitée, voire nulle, selon des documents obtenus par l’ONG ARIA.

    • Quel a été le bilan de ces mesures ? Loin des discours qui ont légitimé, en 2019, l’ouverture de la chasse à l’agribashing, ce phénomène demeure cinq ans plus tard quasi introuvable. Tout en se situant au centre de propositions parlementaires visant à durcir la réponse pénale face aux actions des militants environnementalistes.

      [...]

      La préfecture de Vendée mentionne deux réunions, en janvier 2020 et en avril 2021, mais leurs comptes rendus ne signalent aucune #atteinte_idéologique. En janvier 2020, 198 délits commis sur des exploitations sont identifiés, dont 140 vols divers, un vol avec violence, 34 cambriolages, 23 actes de destructions. Aucune mention de liens avec l’activisme écologiste ou antispéciste. En avril 2021, le constat n’est guère différent, le seul délit pouvant relever d’une atteinte « idéologique » est une intrusion dans une exploitation porcine, mais le compte rendu de la réunion de l’observatoire ne précise pas les motivations du prévenu. Le dispositif mis en place ne semble pas avoir été d’une grande nécessité puisque ensuite, selon la préfecture de Vendée, « l’instance ne s’est pas réunie de 2022 à 2024 »

      De même, la préfecture de Seine-Maritime relève une unique réunion, le 17 janvier 2020, pour lancer l’observatoire. Le compte rendu de celle-ci signale « le phénomène d’attaques militantes antispécistes caractérisées par des intrusions suivies de tags et la diffusion des vidéos prises lors de ces forfaits sur les réseaux sociaux, notamment les élevages de porcs ». « Des incendies sont également à déplorer », est-il par ailleurs mentionné, sans plus de détails. « Les services de renseignement sont particulièrement attentifs à l’émergence de nouveaux groupes tels que L214, ajoute la note. Le sujet de la réglementation récente relative à l’interdiction de l’utilisation de produits phytosanitaires peut également nourrir le climat d’hostilité envers les pratiques des professions agricoles. » Les seuls éléments circonstanciés d’atteintes idéologiques sont, en novembre 2018, « des vidéos tournées lors d’intrusions (…) mises en ligne sur Internet par l’association Direct Action Averywhere [sic] ainsi que le réseau “L214” » et, en octobre 2019, « des tags à caractère antispécistes réalisés sur le mur d’une exploitation agricole à Sommery »..

      Le Monde [c’est-à-dire ici Stéphane Foucart, ndc] a contacté les #préfectures ayant fait l’objet de ces demandes d’accès aux documents, afin de recueillir leurs commentaires sur la teneur (ou l’absence) de ces documents relatifs aux observatoires de l’agribashing. Seules celles de Seine-Maritime et d’Ille-et-Vilaine ont répondu à nos sollicitations, le 25 novembre, assurant qu’elles apporteraient ultérieurement des réponses à nos questions, avant de ne plus donner suite. Les autres n’ont pas accusé réception. « A notre connaissance, seule la préfecture de la Vienne a communiqué sur le suivi des délits touchant les exploitations du département, qui compte près de 4 000 irrigants, dit de son côté Antoine Gatet, le président de France Nature Environnement (FNE). La préfecture a compté 133 plaintes en 2022 et 90 en 2023. »

      L’opacité sur les chiffres réels de l’agribashing ne se joue pas uniquement à l’échelon départemental. Le Monde a également sollicité la gendarmerie nationale à deux reprises, afin d’obtenir un bilan des actions menées par la cellule Demeter depuis sa création, en 2019 – nombre d’enquêtes, d’interpellations, de condamnations, etc. Aucune suite n’a été donnée à ces demandes.

      https://justpaste.it/7ybn3
      #Police #économie #FNSEA #Modèle_agricole #agriculture #Demeter #agribashing #écoterrorime #mégabassines #irrigants #pesticides #élevage_industriel #propriétaires #patrons #agriculteurs

    • Elections dans les chambres d’agriculture : début de la campagne le 7 janvier, report du scrutin à Mayotte
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/12/27/elections-dans-les-chambres-d-agriculture-debut-de-la-campagne-le-7-janvier-

      Alors que le secteur est en crise et que des tensions opposent les syndicats, les agriculteurs sont appelés à voter du 15 au 31 janvier, par correspondance ou voie électronique, pour élire leurs représentants professionnels.

      À suivre, sans illusion.

  • Argent public, même par de simples bricolages approximatifs, on en trouve

    Lactalis verse 475 millions d’euros au fisc français pour « clore un différend »
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/12/19/lactalis-verse-475-millions-d-euros-au-fisc-francais-pour-clore-un-differend

    Pénuries de médicaments : 8 millions d’euros d’amendes pour 11 laboratoires pharmaceutiques
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/09/24/penuries-de-medicaments-8-millions-d-euros-d-amendes-pour-11-laboratoires-ph

    Douze fabricants et distributeurs d’électroménager condamnés à 611 millions d’euros d’amende pour entente sur les prix entre 2007 et 2014
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/12/19/darty-boulanger-electrolux-whirlpool-12-fabricants-et-distributeurs-d-electr

  • L’Europe peine à enrayer la fuite des cerveaux
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/12/18/l-europe-peine-a-enrayer-la-fuite-des-cerveaux_6454837_3234.html

    L’Europe peine à enrayer la fuite des cerveaux
    Par Eric Albert, Anne-Françoise Hivert (Malmö (Suède), correspondante régionale), Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, correspondant) et Hélène Bienvenu (Varsovie, correspondance)
    Lors de sa dernière saison de recrutement, entre janvier et mars, la prestigieuse école d’économie de Toulouse (Toulouse School of Economics, TSE) a offert des postes à six brillants jeunes économistes, qui venaient de finir leur thèse et commençaient leur carrière de chercheur. Elle a essuyé six refus. Deux ont préféré rejoindre le secteur privé aux Etats-Unis. Quatre ont filé dans d’autres universités, essentiellement étrangères. « C’est dur », reconnaît Jean Tirole, Prix Nobel d’économie 2014 et président honoraire de la TSE.
    L’école d’économie, qui se bat depuis sa fondation en 2007 pour créer un pôle d’excellence, aujourd’hui seizième mondiale de sa catégorie dans le célèbre classement des universités de Shanghaï, déploie pourtant des efforts exceptionnels au regard des standards français. Au lieu du salaire débutant de professeur assistant, autour de 35 000 euros annuels, elle propose une rémunération de 72 000 euros, grâce notamment à des cofinancements de grandes entreprises et à des bourses d’excellence de l’Union européenne (UE).
    Mais cela n’est rien au regard des ponts d’or déroulés par les établissements anglo-saxons. « Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, il n’est pas rare de voir des offres à 250 000 dollars [238 000 euros] ou 300 000 dollars par an, souligne Christian Gollier, le directeur de la TSE. On peut danser sur la tête, ça ne changera pas grand-chose : il suffit de regarder les chiffres pour comprendre le phénomène. »
    En mauvaise posture
    Celui-ci est symptomatique de l’un des grands handicaps dont souffre l’Europe, à l’heure où l’activisme industriel chinois et la puissance économique américaine mettent à mal sa compétitivité. Certes, l’énergie chère, les difficultés de financement des entreprises et la faiblesse de l’innovation la lestent, comme l’a souligné l’accablant rapport remis par Mario Draghi, l’ancien président de la Banque centrale européenne, en septembre. Mais elle est aussi en mauvaise posture dans la grande bataille que se livrent les continents pour attirer les meilleurs chercheurs au monde. « On a quand même un problème, explique M. Tirole. Les étudiants qui ont fait Normale-Sup ou Polytechnique, qui sont parmi les plus brillants et les plus entreprenants de leur promo, et dont les études furent payées entièrement par l’Etat, s’empressent d’aller vivre aux Etats-Unis. Nous sommes incapables de les retenir. »
    Cette concurrence pour attirer les cerveaux ne concerne pas seulement les labos de recherche. Elle fait aussi rage du côté des entreprises, qui cherchent à recruter les profils les plus brillants, quelle que soit leur origine. Outre-Atlantique, 55 % des quelque 500 licornes (entreprises non cotées valant plus de 1 milliard de dollars) du pays ont été créées par des immigrés, selon une étude de la National Foundation for American Policy, un centre de réflexion. Le taux atteint deux tiers en comptant les enfants d’immigrés. L’étude cite notamment Stripe, une entreprise de paiements en ligne créée par des Irlandais, Discord, une plateforme de communication prisée des fans de jeux vidéo, inventée par un Ukrainien, ou encore Biosplice, une société de biotechnologie fondée par un Turc. Elle ajoute aussi SpaceX, l’entreprise spatiale gérée par Elon Musk, né en Afrique du Sud. Au total, sur 500 licornes, 66 ont été créées par des Indiens et 54 des Israéliens, mais on trouve aussi 27 Britanniques, 18 Français et 15 Allemands.
    « Retenir et attirer les talents est un enjeu majeur, confirme l’économiste Camille Landais, un Français lui-même basé à la London School of Economics. On a une littérature économique très riche qui, en étudiant les précédents historiques, montre que les grands talents scientifiques ou les grands innovateurs produisent des retombées économiques importantes. » Il cite l’exemple de la fuite des juifs européens vers les Etats-Unis avant la seconde guerre mondiale, qui contribuèrent grandement à l’innovation dans leur pays d’accueil, notamment en physique et en chimie. A l’exemple d’Albert Einstein.
    L’Europe est-elle en train de perdre ses cerveaux au profit des Etats-Unis ? Les spécialistes du sujet se montrent prudents, tant il est complexe. Les statistiques sont notoirement imprécises, la notion de « cerveau » n’étant pas simple à définir. Parle-t-on des thésards ? Des meilleurs chercheurs ? Faut-il inclure les entrepreneurs ? Les cadres supérieurs ? Marie Sautier, une chercheuse suisse qui fait sa thèse sur la question des parcours internationaux des chercheurs, note que le taux de départ des docteurs européens (ceux qui ont une thèse) est stable depuis les années 2010 : environ 20 % s’envolent vers les Etats-Unis.
    Bien sûr, un passage par l’étranger est un incontournable pour les chercheurs de haut vol. « En France comme aux Pays-Bas, les postdocs font souvent face à une double injonction : internationaliser leur trajectoire en allant à l’étranger, mais, dans le même temps, conserver un réseau et un ancrage local », continue Mme Sautier. Elle préfère parler de « brain circulation » (« circulation des cerveaux ») plutôt que de fuite.
    Camille Landais s’en veut l’un des exemples. Il a fait sa thèse sous la direction de Thomas Piketty à la Paris School of Economics, puis est passé par Berkeley et Stanford, aux Etats-Unis, avant de s’installer au Royaume-Uni en 2012. Aujourd’hui, il est en France deux jours par semaine, où il est président délégué du Conseil d’analyse économique, un organisme rattaché au premier ministre. Le reste du temps, il est à Londres, où il enseigne à la London School of Economics. Comme lui, la plupart des économistes français à renommée internationale sont passés par les Etats-Unis, pour le meilleur. « Le développement actuel des grands centres français d’économie en a bénéficié. Jean Tirole était au MIT [Massachusetts Institute of Technology, de 1984 à 1991], avant d’aller à Toulouse. Pareil avec la Paris School of Economics, quand Daniel Cohen, qui avait passé du temps à Harvard, est rentré [l’économiste, mort en 2023, a été l’un des cofondateurs de l’école]. Thomas Piketty est aussi revenu du MIT. »
    Tout l’enjeu est donc d’offrir des conditions suffisamment attrayantes pour donner envie à ces cerveaux de revenir – mais aussi, pour en attirer d’autres. Or, en la matière, la France, comme nombre de ses voisins européens, peut mieux faire. Et ce n’est pas seulement une question d’argent. « En Italie ou en France, un peu plus de 20 % des chercheurs évoquent leur départ comme une mobilité forcée, contrainte par les normes pesantes de carrière ou l’absence d’alternative locale, contre moins de 3 % au Royaume-Uni », note Mme Sautier. Le manque de postes de chercheurs après la thèse, qui implique de longues années de précarité, pousse à l’expatriation.
    Une étude de la Commission européenne de 2020 indique que les pays les plus touchés par la fuite des cerveaux sont la Grèce (environ 6 arrivées de chercheurs en Grèce pour 10 départs) et l’Italie (7 pour 10). La France connaît aussi un taux de départs net (un peu plus de 9 arrivées pour 10 départs). L’Allemagne équilibre à peu près les flux, le Royaume-Uni connaît un taux légèrement positif. Mais les grands gagnants, sans surprise, sont les Etats-Unis, avec plus de 12 arrivées pour 10 départs.
    Dans les sciences dures, la liste des prix Nobel récemment attribués à des Français donne une idée de l’ampleur des départs. Anne L’Huillier, Prix Nobel de physique en 2023, vit en Suède depuis les années 1980. Pierre Agostini, colauréat la même année, est parti à l’université d’Etat de l’Ohio après sa retraite en 2002 ; Emmanuelle Charpentier, Prix Nobel de chimie en 2020, est installée en Allemagne, étant passée notamment par les Etats-Unis…
    Une tendance comparable apparaît dans les mathématiques, pourtant une spécialité française. Pour mesurer le phénomène, Martin Andler, un mathématicien, s’est penché sur le congrès international des mathématiciens, qui a lieu tous les quatre ans et pendant lequel est remise la médaille Fields, le prix le plus prestigieux de la discipline. A chaque fois, près de 200 mathématiciens sont invités à présenter leurs travaux. En 2014, 31 Français ou étrangers résidants en France avaient eu cet honneur. « Depuis, sept d’entre eux sont partis s’installer à l’étranger », constate-t-il. Plus inquiétant, le flux s’accélère, selon lui : « En 2014, la France était encore légèrement attractive dans le domaine des mathématiques. Depuis, le solde est devenu négatif. »
    Cette tendance n’a pas toujours été aussi nette. Dans les années 1990, quand Jean Tirole a accepté l’invitation de rentrer en France de son ami économiste Jean-Jacques Laffont, qui venait de créer ce qui deviendra la TSE, il enseignait au MIT : « A l’époque, les écarts de salaires avec les Etats-Unis étaient plus faibles. » Depuis, l’envolée des rémunérations américaines s’explique en grande partie par l’extrême inflation des droits d’inscription des étudiants. Le résultat est un système très inégalitaire, avec un sérieux problème d’endettement des jeunes Américains – mais qui permet de financer des conditions de travail et des rémunérations exceptionnelles aux enseignants. Impossible de répliquer cela dans une université en France, où les frais d’études sont presque nuls.
    Le directeur de TSE fustige également les lourdeurs des universités françaises, « avec des conseils d’administration qui durent cinq heures pour savoir si on va attribuer 3 000 euros au bureau des étudiants ». Son école est récemment devenue « grand établissement », c’est-à-dire autonome de l’université, lui permettant d’avoir enfin la maîtrise de ses ressources humaines. Et de s’épargner de telles lourdeurs administratives.
    A tout cela s’ajoute le contexte politique. Attirer les cerveaux, c’est aussi permettre une installation facile aux étudiants étrangers, aux talents recrutés par les universités, les start-up et les entreprises, ainsi qu’à leur famille… Or, à travers l’Europe, c’est la crispation générale. Voire, la fermeture. Le 11 décembre, au Pays-Bas, à l’issue de longues tractations entre les partis politiques, le gouvernement a ainsi trouvé un accord pour réduire le nombre d’étudiants étrangers et « néerlandiser » certaines formations, c’est-à-dire réduire le recours à l’anglais. Les populistes du Parti pour la liberté – le mouvement du dirigeant d’extrême droite Geert Wilders qui domine la coalition au pouvoir – en avaient fait l’une de leurs revendications. Le royaume totalise 128 000 étudiants étrangers (dont 4 860 Français) dans ses universités et ses hautes écoles lors de la rentrée 2023-2024, soit 15 % du nombre total d’inscrits, et il espère réduire ce nombre dès 2025.
    Au Danemark, les possibilités de s’installer dans le pays sont de plus en plus restrictives pour les étrangers, même pour les profils de haut vol recrutés à grands frais par les universités et les entreprises. En Hongrie, où le pouvoir autoritaire a réduit l’autonomie des universités publiques, un sondage réalisé en 2024 par les Jeunes chercheurs universitaires (FKA), un collectif affilié à l’Académie hongroise des sciences, a révélé que le quart des doctorants du pays réfléchissaient à chercher un travail à l’étranger.
    On touche ici à l’un des grands défis à venir pour l’Europe : comment concilier ce penchant pour la fermeture, poussé notamment par les formations d’extrême droite, avec la nécessaire ouverture qu’exige la course à la compétitivité ? Camille Landais appelle à une unification des règles européennes d’immigration pour les chercheurs. « Pourquoi est-ce qu’on n’a pas de visa européen pour les talents, par exemple ? » Pour lui, le danger est que chaque pays défende son pré carré, au détriment de l’intérêt du continent : « Il ne faut pas penser au niveau national, mais européen. Même si on peut vouloir qu’il y ait des centres de recherche en Pologne, en Slovénie, en France, dans chaque pays, ce n’est pas forcément la meilleure manière de rationaliser notre offre universitaire et scientifique. » Cela n’en prend pas le chemin.

    #Covid-19#migration#migrant#UE#migrationqualifiee#politiquemigratoire#economie#developpement#universite#sante#etudiant

    • Il n’est tout simplement pas possible pour les organismes publics de lutter quand il s’agit d’aligner des K€.

      Ces niveaux de salaires n’ont socialement aucune justification.

      Quand l’élitisme se mesure en K€, il est rarement le signe d’une excellence académique et bien plus sûrement l’indice d’une connivence de classe, précurseur de la cooptation nécessaire à la conservation du pouvoir.

    • ça rate beaucoup d’éléments il me semble... Par exemple, la fascination pour les US est finie depuis des années ! je vois beaucoup de femmes refuser d’aller faire un postdoc aux US (les statuts de postdocs sont très précaires, y compris parfois sur l’assurance santé). Et tout le monde évoque l’argent... mais, s’il est vrai que ça peut jouer, c’est surtout que la vie hors de France peut être bien plus agréable ! Depuis des années on me fait du pied pour rentrer en France, mais quand je regarde le niveau de vie et les conditions de vie, désolé, mais je reste à Montréal (logement avec jardin sur l’île, déplacement en vélo, bonnes formations pour les enfants, gens agréables, etc). La France ne fait plus rêver quand on va voir un peu ailleurs, désolé... Les étudiant(e)s que j’attire me le confirme (encore plus quand on parle de personnes issues de minorités visibles, qui sont très content de partir de France). Je me souviens aussi d’une discussion avec une étudiante chinoise qui voulait bosser avec moi, mais j’avais juste un financement en France, et quand j’ai proposé une thèse en cosupervision, sur Paris, elle a dit que non. Montréal et le Canada oui, mais Paris, non.

    • et suite au commentaire de @biggrizzly, parler d’argent c’est vite arriver sur la question de la valeur ("Ces niveaux de salaires n’ont socialement aucune justification"). C’est l’argument que j’entends toujours de la part des médecins (ou des universitaires des facultés de médecine, qui ont, en France comme ailleurs, des avantages démesurés par rapport aux autres facultés - on pourrait aussi parler du droit il me semble) sous prétexte de « sauver des vies » (y compris des dermatos ou des orthodontistes qui soignent des acnés juvéniles ou mettent des appareils dentaires à tous les ados CSP+ qui bossent 3 jours par semaine et gagner 4 fois plus qu’un prof d’université « régulier »). Mon point est que demander à quoi ça sert est dangereux... je suis loin d’être le plus à plaindre, mais souvent, je me demande à quoi je sers, oui. Et je me dis que ça ne changerait pas grand chose si je plaquais tout pour avoir un petit métier que j’exercerais avec mes dix doigts...

    • Deux remarques : une concerne une récente interview de Varoufakis rapportant qu’en Grèce, plus de 50% des médecins quittent le pays moins d’une mois après l’obtention de leur diplôme... comment un État peut il tenir sur la durée avec une telle perte sèche ?

      D’autre part, je me rappelle que la TSE avait fait parlé d’elle quelques mois auparavant pour avoir suspendu un prof qui avait parlé de Gaza en cours. Je ne sais pas si ça joue beaucoup dans l’esprit des jeunes diplômés face au salaire, mais connaissant l’engagement de quelques uns d’entre eux, je ne défausserais pas a priori ce type de cause.

  • Crise des opiacés : le cabinet McKinsey va payer 650 millions de dollars pour éviter un procès pénal
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/12/13/crise-des-opiaces-le-cabinet-mckinsey-va-payer-650-millions-de-dollars-pour-

    #McKinsey est accusé notamment d’avoir aidé le laboratoire Purdue Pharma à doper les ventes de l’#OxyContin, dont la surprescription est généralement considérée comme ayant déclenché une crise sanitaire meurtrière aux Etats-Unis.

  • Patrons français, du ras-le-bol de l’Etat à la tentation trumpiste
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/12/12/patrons-francais-du-ras-le-bol-de-l-etat-a-la-tentation-trumpiste_6444011_32

    Un patron d’entreprise publique, ancien de Bercy, et un ténor du privé, unis par un même ras-le-bol, cela a du poids. « C’est l’enfer d’investir en France pour des raisons réglementaires. Le premier frein à la décarbonation aujourd’hui, ce sont les procédures », a attaqué Luc Rémont, le PDG d’EDF, mardi 10 décembre, au congrès de l’Union française de l’électricité, à Paris. « Ici, en France, j’ai 500 développeurs en énergies renouvelables qui arrivent péniblement à faire 300 à 400 mégawatts par an. Aux Etats-Unis, j’ai construit 2 gigawatts en un an. Je ne peux pas continuer à investir dans un pays (…) pour un rendement aussi faible », a prévenu Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies, appelant à « simplifier les processus ».

    Ils ne sont pas les seuls. La réouverture de Notre-Dame de Paris, samedi 7 décembre, après cinq ans d’un chantier titanesque, a été l’occasion d’un concert dans ce registre, sans orgue ni violon. « On a voté des lois d’exception pour que les artisans de Notre-Dame n’aient pas à faire face aux contraintes qui les emmerdent (…) tout au long de l’année », a souligné, notamment, l’économiste libéral Nicolas Bouzou, interviewé par Le Figaro TV.

    Pierre Gattaz, l’ancien président du Medef, qui ne manque pas une occasion de fustiger la « folie bureaucratique » en France, va même un cran plus loin. Dans une publication très vue sur LinkedIn, l’ex-patron des patrons, qui n’a pas répondu à nos sollicitations, lançait : « Faudra-t-il un Donald Trump, un Elon Musk ou un Javier Milei en France pour arrêter ce délire ? », tout en relayant une vidéo de Jean-Philippe Tanguy, le député Rassemblement national (RN) de la Somme, ironisant en commission des finances sur la surenchère administrative.

    Trump-Musk-Milei, pourquoi cette improbable sainte-trinité des affaires est-elle invoquée ? Le président américain élu sur un programme de dérégulation, l’entrepreneur milliardaire érigé en « ministre de l’efficacité gouvernementale » et le président argentin, chantre des coupes budgétaires à la tronçonneuse, portent, tous à leur manière, des messages anti-étatiques. Raison pour laquelle l’invitation à partager les « meilleures pratiques pour lutter contre les excès de bureaucratie » lancée, le 13 novembre, à Elon Musk par Guillaume Kasbarian, le ministre macroniste démissionnaire de la fonction publique, a été vivement critiquée à gauche.

  • Affaire #Telegram : #Pavel #Durov, le patron de la #messagerie, interrogé pour la première fois par le juge d’instruction
    https://www.20minutes.fr/justice/4127860-20241206-affaire-telegram-pavel-durov-patron-messagerie-interroge-

    (...)

    Il avait été mis en examen fin août par deux juges d’instruction pour une litanie d’infractions relevant de la criminalité organisée, après quatre jours de garde à vue. La justice lui reproche globalement de ne pas agir contre la diffusion de contenus criminels sur la messagerie. #Pavel_Durov avait été remis en liberté avec un lourd contrôle judiciaire, prévoyant notamment l’obligation de remettre un cautionnement de 5 millions d’euros et de pointer au commissariat deux fois par semaine, et l’interdiction de quitter le territoire français.

    (...)

    Le réseau social qui n’était pas sous le contrôle de l’Occident est désormais, apparemment, bien moins décrié. Quelque chose doit avoir changé.

    Ce réseau social n’a pas été présenté comme ayant été utilisé pour empêcher l’élection d’un candidat conforme aux souhaits de l’Empire.

    Apparemment, l’autre réseau social, là, dont le PDG n’est pas (encore) sous contrôle judiciaire en France, il est prié d’accepter une OPA de nationalité américaine au plus vite, au risque de se faire couper les accès aux réseaux. C’est ballot cette façon d’insister pour nous démontrer qu’en fait, nos réseaux sociaux sont beaucoup de choses, mais pas neutres.

    #TikTok sur le point d’être interdit aux Etats-Unis. Son dernier espoir : Donald Trump
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/12/09/tiktok-tout-pret-du-bannissement-aux-etats-unis-son-dernier-espoir-donald-tr

    Une cour d’appel fédérale vient de rejeter le recours du réseau social contre une loi l’interdisant dans le pays si elle n’est pas revendue par son actionnaire chinois. L’attitude du président élu, qui a été tour à tour pro et anti-TikTok, scellera, ou non, son sort.

  • L’usine de #batterie Eramet qui devait s’installer à Grande-Synthe (#Dunkerque) retire sa candidature, cela alors meme que sa concurrente a 50% de rejet de production et se fait virer par Peugeot.

    On ne sait pas faire de batteries ?

    Le plan de survie économique de Dunkerque tombe à l’eau ?

    https://www.20minutes.fr/economie/4117507-20241024-dunkerque-projet-usine-recyclage-batteries-tombe-eau

    C’est dingue de devoir séparer chimiquement les constituants d’une batterie, pour refaire une batterie identique avec les même atomes dans les même proportions (#lithium, nickel, cobalt).
    https://www.debatpublic.fr/sites/default/files/2024-03/ERAMET-Projet-RELIEVE-Synthese-du-Dossier-de-concertation-WEB-3.pdf

  • Les syndicats de Bayard appellent à la grève, sur fond de craintes liées à l’« extrême droite »
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/11/27/les-syndicats-de-bayard-appellent-a-la-greve-sur-fond-de-craintes-liees-a-l-

    L’embauche d’Alban du Rostu comme directeur de la stratégie et du développement du groupe, ancien collaborateur du milliardaire catholique conservateur Pierre-Edouard Stérin, suscite la contestation des syndicats du groupe catholique de presse et d’édition.

    Les syndicats de Bayard, propriétaire du journal La Croix, ont appelé, mercredi 27 novembre, à faire une heure de grève jeudi, entre 14 heures et 15 heures, sur fond de crainte de voir « l’extrême droite » entrer dans ce groupe catholique de presse et d’édition. Cette décision a été prise lors d’une assemblée générale mardi. « D’autres formes de mobilisation vous seront alors proposées pour le jeudi 5 décembre », font savoir les syndicats (CFDT, CFTC, CFE-CGC - CSN, CGT, SNJ) dans un tract interne.

    lls contestent d’une part le fait que Bayard figure parmi les repreneurs de l’Ecole supérieure de #journalisme (#ESJ) Paris, aux côtés de milliardaires comme Bernard Arnault, Rodolphe Saadé et l’ultraconservateur Vincent Bolloré.
    D’autre part, ces syndicats s’opposent à l’embauche d’Alban du Rostu comme directeur de la stratégie et du développement du groupe, poste nouvellement créé. Ce dernier est un ancien collaborateur du milliardaire catholique conservateur #Pierre-Edouard_Stérin, qui a échoué cette année à racheter l’hebdomadaire Marianne. « On ne veut pas de l’extrême droite à Bayard », c’est « un refus viscéral », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) une source syndicale, en pointant « le parcours » de M. Rostu.
    Alban du Rostu se défend d’avoir un « rôle éditorial ou managérial dans les journaux »
    Jusqu’à sa démission, effective en juillet, ce dernier dirigeait le Fonds du bien commun, organisation philanthropique financée par M. Stérin. Indépendamment de ses affaires, le milliardaire a lancé un projet politique baptisé Périclès, qui vise à rassembler des forces de droite et d’extrême droite. A la suite de la révélation de son arrivée à Bayard par Libération et L’Humanité, l’hypothèse que M. Rostu y ait participé inquiète ses opposants.

    (...) Bayard est détenu par la congrégation religieuse catholique des Augustins de l’Assomption. En plus de La Croix, il détient l’hebdomadaire Le Pèlerin, le mensuel Notre Temps et des titres de #presse_jeunesse comme Pomme d’Api, Astrapi, Okapi et J’aime lire (sous la marque Bayard Jeunesse), ainsi que Toboggan, Wapiti ou 1jour1actu (sous la marque Milan, sa filiale).

    #media #milliardaires #extrême_droite

    • A propos de l’ESJ (école supérieure du journalisme)

      https://actualitte.com/article/120453/presse/bayard-et-bollore-l-alliance-des-catholicismes-qui-interroge

      Sous l’impulsion de l’entrepreneur Vianney d’Alançon, l’École supérieure de journalisme (ESJ) de Paris a été récemment rachetée par un consortium composé, entre autres, de milliardaires, parmi lesquels un certain Vincent Bolloré. Dans les investisseurs liés à l’édition, on trouve également Vincent Montagne (Média-Participations) et le groupe Bayard. La CFDT Journalistes s’étonne « au plus haut point » de la participation à cette entreprise « d’un groupe humaniste », comme le dernier cité…

    • Le Groupe Bayard renonce au recrutement d’Alban du Rostu et à sa participation au rachat de l’ESJ Paris
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/12/02/le-groupe-bayard-renonce-au-recrutement-d-alban-du-rostu-et-a-sa-participati

      L’arrivée de l’ex-bras droit du milliardaire ultraconservateur Pierre-Edouard Stérin avait provoqué une semaine de fronde de la part des journalistes et des auteurs. Le directoire du groupe de presse et d’édition a fait savoir, lundi, qu’il faisait une croix [croacroa] sur cette embauche « dans un souci d’apaisement et d’unité ».
      Par Brice Laemle


      Des salariés du groupe Bayard manifestent devant leurs locaux à Montrouge (Hauts-de-Seine), le 26 novembre 2024. BABETH ALOY

      La crise intense secouant le Groupe Bayard depuis une semaine aura finalement eu raison de deux décisions portées par le nouveau président du directoire, François Morinière. Face aux « inquiétudes et incompréhensions » suscitées par l’annonce du recrutement d’Alban du Rostu en tant que directeur de la stratégie et du développement, lundi 25 novembre, et par la prise de participation dans le rachat de l’école de journalisme ESJ Paris, le directoire a annoncé, lundi 2 décembre, y renoncer « dans un souci d’apaisement et d’unité ».
      A travers un communiqué, le directoire – composé de François Morinière et de Dominique Greiner, journaliste et religieux de la congrégation des augustins de l’Assomption – explique avoir pris la décision de quitter le tour de table de l’ESJ Paris en revendant sa participation. Le conseil de surveillance se réunira mercredi 4 décembre pour avaliser ce choix.

      Toujours par communiqué, le directoire de Bayard (qui édite le quotidien catholique La Croix, l’hebdomadaire Le Pèlerin, le mensuel Notre temps et des titres phares de la presse jeunesse : Pomme d’api, Astrapi, Okapi, J’aime lire…) fait savoir qu’« Alban du Rostu, conscient de la situation créée par sa nomination, a proposé de renoncer à son entrée dans le groupe ». Le directoire salue « son très grand sens des responsabilités », convenant « d’un commun accord de ne pas procéder à son embauche pour mettre fin à la campagne injuste dont il était victime[euh] ».

      « Victoire sur toute la ligne »

      Dans la foulée de ces annonces, l’intersyndicale de Bayard (CFDT, CFTC, CFE-CGC-CSN, CGT, SNJ) s’est réjouie d’une « victoire sur toute la ligne ». Si de nombreux salariés se disaient « soulagés » lundi, autant voulaient rester « vigilants » sur la suite, pas forcément rassurés par l’argumentation et les termes choisis par le directoire [tu m’étonnes].

      Le recrutement de M. du Rostu, ex-bras droit du milliardaire catholique Pierre-Edouard Stérin, était vu en interne comme une volonté d’orienter dans un sens conservateur la ligne du groupe, jusqu’ici tenante du #catholicisme_social. Le pedigree de M. du Rostu expliquait cette défiance. Ce dernier a participé au lancement du projet politique de M. Stérin, baptisé « Périclès », visant à mener la bataille des idées au service de valeurs identitaires, conservatrices et libérales. Cette désignation faisait suite à la décision, par le nouveau président de Bayard, de s’associer notamment à l’homme d’affaires marqué à droite Vincent Bolloré dans le rachat de l’école de journalisme ESJ Paris, une école privée non reconnue par la profession.

      Déjà, le choix de #François_Morinière pour diriger Bayard – nommé au printemps 2024, arrivé à ce poste le 1er novembre – était interprété en interne comme une volonté de rappeler les fondamentaux religieux du groupe à l’entreprise, et notamment à sa branche jeunesse, la plus rémunératrice. Cette nomination a suivi un changement à l’été 2023 à la tête de la congrégation assomptionniste, propriétaire du Groupe Bayard. L’intronisation de M. Morinière, proche du cardinal Philippe Barbarin, a d’ailleurs fait l’objet d’une messe organisée par les assomptionnistes, selon les informations recueillies par Le Monde. Un fait inhabituel, même au sein de ce groupe de presse catholique.

      A plusieurs reprises, devant les salariés du groupe, le directoire de Bayard avait tenté, mercredi et jeudi, d’éteindre l’incendie. Sans succès. Pendant les temps d’échange, MM. Morinière et Greiner avaient martelé qu’Alban du Rostu n’aurait « pas de rôle éditorial ». « On a déjà ostracisé quelqu’un, on ne peut pas se le permettre à nouveau », avaient-ils plaidé, un an après le recrutement annulé d’Antoine Daccord en qualité de directeur général de La Croix.

      L’émoi avait suscité la mobilisation de 200 à 300 salariés, manifestant, jeudi 28 novembre, devant le site de Bayard, à Montrouge (Hauts-de-Seine), pendant une heure de débrayage, avant une menace de grève début décembre. Du jamais-vu, selon plusieurs salariés, presque surpris par la vigueur de la mobilisation dans un groupe de presse qui n’a pas la culture de l’affrontement. Le même jour, à Toulouse, un autre rassemblement avait lieu devant les locaux de la filiale Milan Presse (Wapiti, 1jour1actu). La veille, lors de l’ouverture du Salon du livre jeunesse de Montreuil (Seine-Saint-Denis), une banderole_ « Chez Bayard, aucune place pour l’extrême droite » avait été déployée sur le stand de Bayard jeunesse par plusieurs salariés.

      Un texte signé par près de 300 auteurs et illustrateurs de Bayard et de Milan Presse, plaidant « pour que l’extrême droite ne mette pas la main sur Bayard », avait été envoyé, lundi 2 décembre, au directoire, au conseil de surveillance ainsi qu’au père Fabien Lejeusne, lui aussi membre de la congrégation des assomptionnistes. Vendredi 29 novembre, l’instance représentative de la rédaction de La Croix, la Copec, avait, elle aussi, adressé un courrier au conseil de surveillance du Groupe Bayard. Cette missive signalait plusieurs éléments « factuels » sur le parcours de M. du Rostu que la Copec estimait « de nature à porter atteinte à l’image du Groupe Bayard ».

      « Les missions de développement » dans l’événementiel et l’international restant « impératives » et « urgentes » pour l’entreprise de presse et d’édition, le poste de directeur du développement sera prochainement pourvu, ajoute le directoire à la fin de son communiqué. « Nous avons besoin d’un directeur de la stratégie et du développement, mais en harmonie (…) avec les valeurs socles de Bayard : humanisme, solidarité avec tous, ouverture vers l’autre, tolérance, dialogue »_, répond l’intersyndicale.

    • La presse catho visée par un raid d’extrême droite, Jean-François Julliard et Hervé Liffran
      https://www.lecanardenchaine.fr/medias/49544-la-presse-catho-visee-par-un-raid-dextreme-droite

      Les amis de Vincent Bolloré et de Pierre-Edouard Sterin espéraient jouer les agents d’influence au sein du groupe de presse. Leurs gros sabots ont ruiné – pour l’instant - leur tentative. En attendant, le président de Bayard reste en place, malgré un tweet sulfureux qui minimisait les agressions sexuelles dans l’Eglise.

      C’est la saison du blanc au sommet de Bayard qui édite, entre autres, le quotidien « La Croix » et de nombreuses publications destinées à la jeunesse ou aux retraités. Ses patrons ressortent lessivés des polémiques déclenchées par l’annonce de l’embauche d’un directeur de la stratégie venu de l’extrême droite catho (Alban du Rostu) et par la prise de participation du groupe dans une école de journalisme (l’ESJ Paris) aux côtés de Vincent Bolloré. Proprio de Bayard, la discrète congrégation des Augustins de l’Assomption a annoncé, le 2 décembre, que tout était annulé et juré qu’elle n’était qu’innocence dans cette affaire…

      Pas sûr que cela suffise à laver les bons pères de tout soupçon de connivence avec la droite de Dieu. Le nouveau président de Bayard, François Morinière, entretient les meilleurs rapports avec les chapelles les plus marquées réacs de la chrétienté. Il ne s’est d’ailleurs pas gêné pour diffuser leurs thèses sur les réseaux sociaux. En témoigne un message où ce très proche du cardinal Barbarin - qu’il qualifie « d’homme pétri de Dieu » - a emboîté le pas aux ultraconservateurs quand ceux-ci ont accusé la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase)

      Bayard, pris en étau entre une direction réac et un (é)lectorat catholique qui se droitise.

  • Comment l’ex-bras droit de #Pierre_Édouard_Stérin a été nommé numéro 2 de #Bayard

    Après le partenariat avec Vincent Bolloré et d’autres milliardaires en vue du rachat d’une école de journalisme (ESJ-Paris), le grand groupe de #presse_catholique, propriétaire de La Croix et de nombreux titres jeunesse, recrute Alban du Rostu, ex bras droit et allié du milliardaire réactionnaire Pierre-Édouard Stérin dans son projet de faire gagner les droites extrêmes lors des prochaines élections. Un séisme pour les salariés qui redoutent un destin comme celui des journalistes du JDD.

    https://www.humanite.fr/politique/bayard/exclusif-comment-lex-bras-droit-de-pierre-edouard-sterin-a-ete-nomme-numero

    Et aussi :

    #Médias : Alban du Rostu, l’ex-bras droit de Pierre-Edouard Stérin, recruté par le groupe Bayard

    Son arrivée au poste de directeur de la stratégie et du développement du groupe Bayard a été confirmée par François Morinière lors d’un comité social et économique (CSE) extraordinaire, lundi 25 novembre.

    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/11/26/medias-alban-du-rostu-l-ex-bras-droit-de-pierre-edouard-sterin-recrute-par-l

  • Peter Turchin, anthropologue : « Aux Etats-Unis, le mécontentement des classes populaires s’accumule depuis trente ans »


    L’anthropologue Peter Turchin, à Chaplin (Connecticut), en 2023. OLGA TURCHIN/EDITIS

    Cela s’est accompagné, expliquez-vous, d’une « surproduction d’élites ». De quoi s’agit-il ?
    Le nombre d’individus aspirant à intégrer l’élite financière ou académique – et accumulant les diplômes pour y parvenir – a considérablement augmenté sur la période. Problème : en face, le nombre de postes de pouvoir auxquels ils peuvent prétendre n’a, lui, pas augmenté. Cela génère une grande frustration et des fractures au sommet de l’échelle sociale, avec l’émergence d’une contre-élite antisystème – celle qu’incarnent Donald Trump ou Elon Musk.

    Cette surproduction d’élites est une source de tensions politiques fréquemment observée avant les crises. La contre-élite joue un rôle-clé, car c’est elle qui est susceptible de cristalliser les mécontentements et d’organiser la révolte. Dans l’histoire, cela a notablement été le cas d’avocats en colère : Robespierre, Lénine, Castro…

    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/11/25/peter-turchin-anthropologue-aux-etats-unis-le-mecontentement-des-classes-pop

    https://justpaste.it/fxh8w

    #ploutocratie #É-U

  • Royaume-Uni : les nouveaux contrôles de marchandises sèment la pagaille aux frontières

    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/11/25/royaume-uni-de-nouveaux-controles-sement-la-pagaille-aux-frontieres_6412698_

    Royaume-Uni : les nouveaux contrôles de marchandises sèment la pagaille aux frontières

    Huit mois après la mise en place de nouvelles inspections, dans le cadre du Brexit, le chaos reste perceptible. Les importateurs font état de temps d’attente de plus de vingt-quatre heures, de coûts prohibitifs et de produits acheminés illégalement.

    #ue #frontières

  • Bitcoin : « Une euphorie qui commence à interroger »
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/11/22/bitcoin-une-euphorie-qui-commence-a-interroger_6408634_3234.html

    (...) Dans une note du 18 novembre, Bruno Jacquier, l’économiste d’Atlantic Financial, remarque que le portefeuille des ménages américains est composé à 42 % d’actions, et même à 70 % pour les investisseurs individuels (ces particuliers qui vivent de leurs placements). Il souligne aussi que, sur le marché, les optimistes sont beaucoup plus nombreux que les pessimistes, et que les niveaux de valorisation des actions, 28 fois les bénéfices, sont « stratosphériques ». Autant d’éléments qui caractérisent une euphorie jamais vue depuis la bulle de 2000. Pour lui, la correction violente ne fait aucun doute. Mais quand ? Au prochain signe de ralentissement économique. Nous n’en sommes pas forcément très loin. Et le bitcoin, qui évolue généralement comme la Bourse, n’échappera pas à la règle. (...)

    #paywall

  • Teleperformance veut supprimer un tiers de ses effectifs en France
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/11/19/teleperformance-veut-supprimer-un-tiers-de-ses-effectifs-en-france_6403424_3

    Les syndicats redoutaient ces annonces depuis l’acquisition, en octobre 2023, par Teleperformance de Majorel, l’un des principaux concurrents français du groupe (7 500 salariés en 2024), ce qui avait eu pour conséquence de créer des doublons et de favoriser un arbitrage entre les deux filiales françaises.

    En plus du plan de départs, la direction souhaite renégocier les accords collectifs en vigueur chez Teleperformance France notamment, comme l’explique le directeur des ressources humaines, Jean-François Mariotte, dans un SMS envoyé aux salariés mardi, afin que « les futurs salariés recrutés le soient à une rémunération conforme au marché ». C’est « une remise en cause du contrat social chez Teleperformance », s’inquiète Franck Herrmann, secrétaire national de la fédération communication conseil culture de la CFDT, qui rappelle que Teleperformance France est l’une des rares sociétés du secteur à verser un treizième mois à ses salariés.

    Bénéfice opérationnel record en 2023

    Il s’agit de la quatrième grande vague de suppressions de postes annoncées par Teleperformance France depuis quinze ans, après les plans de départs volontaires de 2010 et de 2011, puis la rupture conventionnelle collective de 2018. La société avait été l’une des toutes premières à utiliser ce dispositif, créé en septembre 2017 par les ordonnances Macron. En ajoutant les départs naturels (plus de 300 depuis janvier), les effectifs français du groupe de centres d’appels ont été divisés par près de cinq en quinze ans.

    Dans le même temps, ils ont explosé à l’étranger, sous l’effet d’un basculement des contrats vers des pays à bas coût. Fin 2023, sur les 472 000 salariés du groupe, plus de 87 000 se trouvaient en Inde, devant les Philippines (64 000) et la Colombie (44 000). La principale base européenne de Teleperformance est le Portugal (14 400), suivi de la Grèce (12 800). « La direction privilégie les entités de ces pays afin de maximiser les profits », déplore Issam Baouafi, délégué syndical central SUD-PTT.

    https://justpaste.it/ghuqp

    #centres_d'appels #IA #restructurations #plans_sociaux #emploi

  • Martinique : comprendre le mouvement contre la vie chère, Fred Constant, Prof des universités en science politique, Université des Antilles
    https://www.revueconflits.com/martinique-comprendre-le-mouvement-contre-la-vie-chere

    À plus d’un titre, le collectif RPPRAC (le « R » comme l’appellent ses partisans qui associent volontiers Rassemblement et Rodrigue, le prénom de son leader), est un objet sociopolitique non identifié. Sans précédent ni équivalent outre-mer, ce collectif atypique apparaît publiquement en septembre 2024 au terme d’un ultimatum adressé deux mois auparavant à la grande distribution pour un alignement des prix sur ceux de l’Hexagone.

    Rodrigue Petitot, son président et leader éponyme, n’a ni passé syndical ou politique. Il était cependant connu de la justice pour quelques actes délictuels commis dans l’hexagone. Adepte des réseaux sociaux où il s’est fait connaître, il s’empare du thème du coût de la vie qui le propulse rapidement au firmament de la popularité numérique, en fédérant virtuellement les groupes sociaux les plus vulnérables. Quadragénaire au style débonnaire, il crée l’adhésion avec des « punchlines » combinant français et créole. Secrétaire générale, Aude Goussard est souvent présentée comme l’éminence grise du collectif, en vertu d’un passé militant étoffé dans des formations d’extrême gauche. Candidate aux élections législatives de mars 2024, elle obtient 5,31 % des voix.

    #Martinique #vie_chère #lutte

  • Défaite de Kamala Harris : autopsie d’un désastre politique

    (...) Les hommes entre 18 et 29 ans ont migré de 28 points vers le Parti républicain, entre 2020 et 2024. C’est gigantesque. Les chiffres chez les Latinos, notamment, devraient inviter les démocrates à une introspection : quelles promesses d’ascension adressent-ils aux classes défavorisées ?

    Kamala Harris a, certes, veillé à ne pas épouser les thématiques dites « woke », mais elle n’est pas parvenue à porter un patriotisme de progrès. Même une question aussi simple que celle sur sa priorité absolue, au premier jour de son mandat, a semblé la désarçonner. L’avortement a été une thématique porteuse, mais qui n’a, au final, handicapé ni Donald Trump, ni les républicains engagés dans la course au Congrès, contrairement à ce qu’il s’était passé lors des élections de mi-mandat de 2022. Le sujet figurait loin derrière les préoccupations économiques pour une majorité de la population.

    Le contexte très défavorable a évidemment joué en défaveur de Kamala Harris. La vice-présidente représentait dans ce scrutin une administration sortante, dans la période post-Covid-19, marquée par une inflation terrible sur les produits de première nécessité, l’essence et le logement. Alimenté par des plans de dépenses législatifs énormes, ce choc pour les foyers modestes et les classes moyennes a été traumatisant. Il a été amplifié, politiquement, par le déni dans lequel s’est installée l’administration Biden.

    Celle-ci a longtemps refusé d’aborder cette question, même s’il n’existait pas de solution miracle. Certes, l’inflation s’est stabilisée sur l’année écoulée à 2,4 %. Mais les démocrates ont commis l’erreur d’abandonner aux républicains ce qu’on appelle aux Etats-Unis les sujets « de la table de cuisine », de la vie quotidienne. L’administration a privilégié l’indicateur de croissance (+ 2,8 % au second trimestre de 2024) et le chiffre des créations d’emplois, il est vrai remarquable (seize millions depuis 2021). Elle s’est aussi autocongratulée au sujet des investissements massifs dans les infrastructures et les secteurs stratégiques.

    Une forme de supériorité morale malvenue

    Mais tout cela met du temps à se traduire dans la réalité. Les microprocesseurs virtuels et les maquettes de ponts et chaussées ne remplissent pas le frigo ou le réservoir d’essence. C’est injuste ? C’est de la politique, et c’est la vie : le court terme prime.
    Or les démocrates, mus par une forme de supériorité morale malvenue, ont toujours prétendu combattre les mains gantées, face à un adversaire, Donald Trump, capable de tous les coups bas. Pour exemple : en 2020, alors président, il avait signé les chèques de soutien (1 200 dollars) en période de Covid-19 à des dizaines de millions d’Américains. On n’imagine pas l’impact de ce geste. Joe Biden, lui, ne l’a pas fait.

    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/11/07/defaite-de-kamala-harris-autopsie-d-un-desastre-politique_6380764_3210.html

    https://justpaste.it/dxya4

    • Le nouveau président élu remporte cette fois-ci le vote populaire.
      « Le Parti démocrate a ses responsabilités dans l’échec cuisant qui vient de lui être imposé »_
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/07/election-de-donald-trump-le-parti-democrate-a-ses-responsabilites-dans-l-ech

      Si Barack Obama avait déploré, ces dernières semaines, une tendance au vote républicain chez les jeunes hommes afro-américains, il semble avéré que, pour la première fois, les hommes latinos ont voté en majorité pour le candidat Trump. Plus conservatrices, attachées à la propriété privée et à l’entrepreneuriat individuel, ces minorités ont été séduites par le discours d’un Trump qui n’a pourtant pas cherché à modérer ses propos et ses actes pour les attirer, bien au contraire. Ainsi, la confirmation d’un vote républicain de plus en plus significatif chez les minorités ethniques est l’un des grands enseignements du cycle électoral 2024.

      #fermer_la_porte_derrière_soi #masculinisme

    • dans le même article de Laurence Nardon, celle-ci estime qu’en fait, Kamala était trop à gauche. Soit le diagnostic inverse de celui de Piotr Smolar dans le premier article référencé ici

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/07/election-de-donald-trump-le-parti-democrate-a-ses-responsabilites-dans-l-ech

      Une dernière et importante raison de l’échec démocrate tient aux propositions progressistes portées ces dernières années par le parti sur un certain nombre de sujets. La base militante du Parti démocrate, typiquement constituée de jeunes diplômés issus de familles aisées, a par exemple défendu le définancement de la police en réponse à l’affaire George Floyd, l’ouverture radicale et généreuse des frontières à l’immigration au lendemain de l’épidémie de Covid-19, ou encore un soutien inconditionnel aux personnes trans après les attaques de Donald Trump envers cette communauté.

      Or, ces diverses exigences ont effrayé une majorité de l’opinion publique américaine et ont été jugées excessives par une partie de l’électorat démocrate. Si Kamala Harris s’est bien gardée de reprendre ces propositions impopulaires dans sa campagne express, elle n’a pas assez clairement pris ses distances avec la gauche du parti.

      Cette difficulté à trancher entre courants modéré et radical s’est aussi manifestée sur la question du conflit au Moyen-Orient. Kamala Harris a ainsi cherché à ménager les démocrates traditionnels, qui soutiennent coûte que coûte l’Etat d’Israël, et un courant de gauche clairement propalestinien, sans parvenir à contenter personne.

      Quoique partiellement inexacte, la perception de la candidature de Harris comme étant « trop à gauche » est d’ailleurs l’une des clés d’explication de la déperdition du vote démocrate chez les minorités latino et afro-américaine.

    • Trop ou pas assez à gauche, les démocrates avaient déjà perdu avec la politique de Biden.

      Avec ceci que le mode de scrutin et le système de répartition inégale par état des grands électeurs est une atteinte au suffrage démocratique, si tant est que le vote le soit.

      Rajoute à cela qu’en période de stress guerrier dans lequel nous enfonce constamment le libéralisme galopant, le pire handicap politique c’est bien d’être une femme.

    • L’Histoire se répète : d’abord comme une farce puis comme une tragédie
      https://lundi.am/L-Histoire-se-repete-d-abord-comme-une-farce-puis-comme-une-tragedie

      (...) Pour commencer, nous avons traduit ce texte de nos confrères états-uniens de CrimethInc. dans lequel ils reviennent sur la responsabilité des Démocrates dans l’accession au pouvoir de Trump. (...)

      « Nous avons longtemps soutenu qu’au 21e siècle, le pouvoir d’Etat est une patate chaude. Comme la mondialisation néo-libérale a rendu difficile pour les structures étatiques d’amortir l’impact du capitalisme sur les gens ordinaires, aucun parti n’est capable de maintenir longtemps le pouvoir d’Etat sans perdre sa crédibilité. De fait, ces derniers mois, de troublantes défaites ont sapé les parties gouvernementaux en France, en Autriche, au Royaume-Uni et au Japon.

      (...) »

      Un commentaire moins affligeant àmha que la plupart. Ce commentaire (de CrimethInc) décrit le fil conducteur entre les différents pays occidentaux, supposément libéraux, qui, à la façon de Hollande ou Macron, chez nous, légifèrent en continu pour rendre illégale toute forme de contestation démocratique, et préparent de fait les armes pour le fascisme, le vrai. Ces actions rendent de fait impopulaire ceux qui insistent pour suivre cette voie, et par la démobilisation créée, ouvrent grandes les portes au pire, par la voie électorale, le comble.

    • Après la victoire de Donald Trump, une recrudescence des ventes de dystopies
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/11/08/recrudescence-des-ventes-de-dystopies-apres-la-victoire-de-donald-trump_6383

      L’élection américaine se traduit, dans l’édition, par une demande très forte de livres basés sur des sociétés imaginaires régies par un pouvoir totalitaire, comme « La Servante écarlate », de Margaret Atwood, ou « 1984 », de George Orwell.

    • Election de Donald Trump : « Le vote masculiniste a fini par l’emporter sur le vote féministe », Eric Fassin

      Pour comprendre l’élection présidentielle aux Etats-Unis, il faut se poser non pas une mais deux questions distinctes.

      D’une part, comment expliquer le vote pour Donald Trump ?

      D’autre part, pourquoi Kamala Harris n’a-t-elle pas réussi à mobiliser son électorat ?

      Comparons les résultats (provisoires) de 2024 à ceux de 2020 : Trump réunit à peu près le même nombre d’électeurs. S’il l’emporte de quatre à cinq millions de voix, c’est que Harris a beaucoup reculé par rapport à Joe Biden, sans doute de plus de huit millions (sur 81). On peut donc estimer qu’un dixième de l’électorat démocrate de 2020 s’est abstenu en 2024.

      Par exemple, dans l’Etat de New York, acquis aux démocrates, si, en pourcentage, Trump réduit l’écart de moitié, son électorat reste stable ; mais Harris a perdu près de un million de voix. Certes, la participation reste élevée, mais elle a baissé. Faute de prendre en compte l’abstention, on peut avoir l’illusion qu’une partie de l’électorat a basculé d’un camp à l’autre. Mais l’élection n’est pas un jeu à somme nulle. En réalité, le vote Trump est stable ; c’est le vote démocrate qui régresse.

      L’abstention, par définition, n’apparaît pas dans les sondages de sortie des urnes. Or, la plupart des interprétations sont fondées sur ces pourcentages de votants. Prenons l’exemple du gender gap, l’écart entre le vote des femmes et celui des hommes, qui joue surtout depuis 1996.

      Kamala Harris comme Hillary Clinton

      Au lendemain de la décision de la Cour suprême contre le droit fédéral à l’avortement, en 2022, la mobilisation des femmes a pesé dans les urnes. En 2024, le sexisme ostentatoire de Trump n’allait-il pas renforcer cette tendance ? Il n’en a rien été : certes, Harris l’emporte chez les femmes, mais moins que Joe Biden avant elle, et aussi moins que Trump auprès des hommes. Pour expliquer ces données paradoxales, on peut faire la double hypothèse d’une mobilisation forte chez les hommes (y compris chez les Latinos), et faible chez les femmes (du moins blanches, puisque celles-ci ont donné leurs voix en majorité au candidat républicain). Le vote masculiniste a ainsi fini par l’emporter sur le vote féministe.

      Pourquoi les femmes se sont-elles démobilisées ? La campagne de Harris rappelle celle de Hillary Clinton en 2016. Ni l’une ni l’autre n’ont remis en cause les politiques néolibérales embrassées par le Parti démocrate. La fin de campagne a aggravé les choses : pour gagner au centre, Harris a semblé céder aux intérêts du grand capital. Or, aux Etats-Unis comme ailleurs, les jeunes électrices sont de plus en plus liberal, c’est-à-dire marquées à gauche (30 points de plus que les jeunes électeurs).

      Autrement dit, leur féminisme ne s’arrête pas aux droits des femmes. C’est d’autant plus vrai que, plus exposées socialement, avec des salaires et des retraites moindres, et des charges familiales supérieures, les femmes sont davantage sensibles aux enjeux de protection sociale. Elles ne se sont pas ralliées à Trump ; mais elles ont moins soutenu Harris pour qu’elle puisse devenir la première présidente.

      La question économique joue donc un rôle dans l’abstention d’électrices, mais aussi d’électeurs, qui ont déserté le Parti démocrate. C’est vrai dans les classes populaires. Déjà en 2016, on les disait gagnées à Trump. Pourtant, dans l’électorat à faibles revenus, Hillary Clinton dominait encore d’une dizaine de points – mais déjà beaucoup moins que Barack Obama avant elle.

      C’en est fini du vote de classe

      En 2024, les revenus n’influent plus guère sur le vote. Harris devance légèrement son adversaire chez les plus pauvres et les plus riches, Trump gagne de peu dans les autres catégories. Mais cette quasi-égalité est un fait majeur : c’en est fini du vote de classe. Le sénateur Bernie Sanders, qui incarne la gauche démocrate, le souligne : « Il ne faut pas s’étonner que le Parti démocrate, qui a abandonné les classes populaires, soit abandonné par elles. » Il n’y a donc pas eu de « front démocrate ».

      Si les conditions économiques, en particulier l’inflation, jouent un rôle dans la désaffection pour Harris, elles n’expliquent pas l’adhésion à Trump.

      Il importe de le rappeler : on ne peut pas prendre au pied de la lettre les réponses aux sondages. Ainsi, la situation financière de 81 % des électeurs de Trump était-elle vraiment meilleure il y a quatre ans, en plein Covid, comme ils le déclarent à la sortie des urnes ? Il est vrai que les électeurs démocrates sont satisfaits de l’économie : les insatisfaits ne sont pas allés voter.

      Il est vrai aussi que les électeurs républicains, qui s’en déclarent très mécontents, mettent en avant une motivation économique presque autant que leur rejet de l’immigration. Pourtant, Trump lui-même n’en croit rien. En vain, ses conseillers ont tenté de le convaincre de consacrer un discours à l’économie, « le sujet le plus important ». Mais, devant la foule, en août, il ironise sur ces « intellectuels ».

      Un symptôme néofasciste

      Le vrai clivage, c’est le diplôme, et non l’argent , soit un antiélitisme culturel qui épargne les milliardaires. Lui préfère donc parler des frontières et de l’insécurité (ou du rire de son adversaire) : « Nous, on aime ça. » Or, sa stratégie est un succès.

      Comme en 2016, nul ne sait quelle sera la politique économique de Trump, alors que personne n’ignore ce que sera sa politique en matière d’immigration et de droits. Ses électeurs ne votent pas en raison de leurs intérêts, mais en réaction à leurs passions.

      L’électorat de Trump n’ignore pas ce que ce dernier représente, ce qu’il a fait et ce qu’il peut faire. Il a été choisi en connaissance de cause. Il n’a pas été élu malgré son #sexisme, son #racisme, sa xénophobie, en dépit de ses condamnations et de sa tentative avortée de coup d’Etat, mais pour tout cela : les trumpistes jouissent de ces transgressions. Leur ressentiment n’est pas la traduction d’un déclassement objectif puisque c’est un vote transclasse. Nul ne perçoit Trump aujourd’hui comme un remède au néolibéralisme ; il en est un symptôme néofasciste. Il incarne un puissant désir d’inégalité , en réaction à toutes les revendications d’égalité.

      Les électeurs de Trump ont beau se dire, autant que les autres, inquiets pour la démocratie, en réalité, ce qui les définit, c’est soit l’indifférence à la démocratie, menacée le 6 janvier 2021, soit la haine de la démocratie, protégée par l’Etat de droit. En même temps, chez les démocrates, comme c’était déjà le cas pour Hillary Clinton, la clé de l’échec ou du succès, c’est l’abstention. Pour mobiliser la gauche, il n’y a donc pas à choisir entre la critique du néolibéralisme et la résistance au néofascisme : c’est un même désir démocratique d’égalité.

      Eric Fassin, sociologue et américaniste, est professeur à l’université Paris-VIII-Vincennes - Saint-Denis. Il a notamment publié « Populisme : le grand ressentiment » (Textuel, 2017), et « Misère de l’anti-intellectualisme. Du procès en wokisme au chantage à l’antisémitisme » (Textuel, 224 pages, 19,90 euros).

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/12/election-de-donald-trump-le-vote-masculiniste-a-fini-par-l-emporter-sur-le-v

      #abstention #néofascisme

    • « Aux Etats-Unis, la trahison de l’administration démocrate a dilapidé une partie de son capital auprès des syndicats »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/20/aux-etats-unis-la-trahison-de-l-administration-democrate-a-dilapide-une-part

      En France, les menaces de grèves dans le transport ferroviaire planent sur la fin d’année, avec un premier mouvement dès le 21 novembre. Elles se nourrissent des inquiétudes pour l’emploi et les conditions de travail devant le démantèlement du fret de la SNCF, touche supplémentaire d’une privatisation rampante du rail.

      Il est vrai que les expériences étrangères, particulièrement aux Etats-Unis, ne sont guère rassurantes. Le fret ferroviaire est un des exemples de bouleversement de secteurs nés des premières révolutions industrielles, montrant que, depuis une vingtaine d’années, les gains de productivité ne sont pas cantonnés aux seuls secteurs de la haute technologie. Derrière le vocable « exploitation ferroviaire programmée de précision », les compagnies privées américaines sont passées en quelques années d’une organisation en étoile autour de « hubs » (centres de tri) à un système d’itinéraires flexibles avec chargement de quai à quai.

      En éliminant ainsi les manœuvres de réorientation du fret au sein d’une même plateforme sur différents trains se rendant à une destination finale, les sociétés pouvaient rallonger les trains, réduire le personnel de déchargement, supprimer les temps morts des machinistes et diminuer le personnel d’entretien. Depuis 2012, les profits ont grimpé, les heures travaillées ont diminué d’un tiers, mais les conditions de travail se sont dégradées (intensification, flexibilité subie), et la crainte que cette course financière ne se traduise à terme, comme pour Boeing, par des failles de sécurité majeures est devenue de plus en plus vive (« Tracking Productivity in Line-Haul Railroads », Brian Chansky et Michael Schultz, Beyond the Numbers, n° 13/2, 2024).

      Les sirènes du pire

      Ce qui a conduit les syndicats du rail à avancer en 2022 une série de revendications : effectifs minimaux par train, augmentations salariales, paiement des jours de congé maladie. La contre-proposition patronale ayant été massivement rejetée par la base syndicale, une grève se profilait fin 2022, au risque d’accroître les difficultés des chaînes d’approvisionnement consécutives à la pandémie.

      En 1916, face à une telle menace, alors que les Etats-Unis se préparaient à entrer en guerre, le président Woodrow Wilson (1856-1924) et le Congrès avaient cédé la journée de huit heures réclamée par les cheminots. Mais l’administration Biden-Harris a pris un tout autre chemin. Elle a demandé au Congrès de voter une loi bipartisane pour entériner la proposition patronale et bloquer toute grève. Le Railroad Workers United a immédiatement réagi : « C’est un moment décisif pour l’héritage de Joe Biden. Il va devenir l’une des plus grandes déceptions de l’histoire du travail. » Fait exceptionnel, plus de 500 historiens ont écrit à Biden pour rappeler l’effet domino des grandes décisions concernant les travailleurs des transports, et dénoncer l’erreur historique de l’administration Biden-Harris.

      Quelques semaines plus tard, en février 2023, à East Palestine, un train de 2,8 kilomètres de long bourré de produits chimiques déraillait et s’enflammait, provoquant un désastre environnemental majeur en Ohio et en Pennsylvanie. Dans les jours suivants, un jeune sénateur de l’Ohio fraîchement élu dénonçait face aux caméras l’impéritie des autorités fédérales et promettait de ne pas oublier la classe laborieuse des Appalaches. Son nom : J. D. Vance, futur vice-président élu de Donald Trump.

      La trahison de l’administration démocrate a dilapidé une partie du capital qu’elle s’était construit par une série de mesures prosyndicales. Pendant que la campagne Harris-Waltz faisait défiler les soutiens des personnalités du showbiz au ticket démocrate, les syndicats s’évertuaient sans succès à convaincre leur base de ne pas succomber aux sirènes du pire. La désertion de l’électorat démocrate a fait la victoire de Trump : le républicain a gagné environ 3 millions de voix par rapport à 2020, la démocrate en a perdu 7 millions. Une leçon pour les forces progressistes à travers le monde.

      Philippe Askenazy est économiste du travail, Centre Maurice Halbwachs-CNRS-ENS-PSL

  • Ukrainiens, Syriens, Afghans : ces réfugiés qui assemblent à Sochaux les Peugeot 3008
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/11/04/ukrainiens-syriens-afghans-ces-refugies-qui-assemblent-a-sochaux-les-peugeot

    Ukrainiens, Syriens, Afghans : ces réfugiés qui assemblent à Sochaux les Peugeot 3008
    Par Sophie Fay (Sochaux (Doubs), envoyée spéciale)
    Ils sont arrivés de Baghlan, une ville de plus de 100 000 habitants au nord de Kaboul, en septembre 2021. Les deux frères Mamozai, Abdelrahman (25 ans) et Bilal (22 ans), travaillent désormais sur la chaîne de montage de l’usine Stellantis, à Sochaux (Doubs). Ce n’était pas leur métier ; ils étaient tous deux dans le commerce. Les voilà maintenant aguerris à l’« habillage caisse », sur un site qui sort une voiture toutes les soixante secondes : des Peugeot 3008 ou 5008, électriques, hybrides ou hybrides rechargeables à plus de 40 000 euros. Il faut tenir la cadence.
    Dans cette usine, qui emploie 6 000 personnes, dont un millier d’intérimaires, ils ne sont pas les seuls réfugiés. Leur parcours n’est pas même atypique. « Nous avons cinquante-huit nationalités », indique Séverine Brisson, responsable emploi. Il y a deux ans, en septembre 2022, en faisant visiter à la presse ce site complètement réorganisé pour être compacte et plus efficace, un responsable signalait la présence nouvelle sur la ligne de réfugiés ukrainiens, « avec même un couple d’avocats ».
    Le 13 septembre 2023, alors que Linda Jackson, patronne de la marque Peugeot, révélait la nouvelle 3008 aux loueurs de voitures (Avis, Hertz, Europcar…), des jeunes Syriens posaient tout sourire pour le photographe du Monde. Un an après, le 3 octobre, Elsa Pattarozzi, responsable de l’atelier de formation, a présenté au directeur général de Stellantis, Carlos Tavares, et au ministre délégué à l’industrie, Marc Ferracci, une trentenaire turque, installée depuis neuf ans à Montbéliard (Doubs), mais aussi un jeune recruté dans un quartier prioritaire de la ville et un réfugié afghan. La députée (Rassemblement national) du Doubs Géraldine Grangier, présente pendant la visite, est restée imperturbable. « Sans l’immigration, on ne sait pas faire dans l’industrie », constatait le ministre une dizaine de jours plus tard sur France Inter, alors qu’il était interrogé sur une éventuelle nouvelle loi sur l’immigration.
    Lire le reportage (septembre 2023) : Article réservé à nos abonnés Chez Peugeot, à Sochaux, nouveau modèle et petit moral
    Une fois formés, ils pourront intégrer la nouvelle équipe de nuit. Elle commence son activité lundi 4 novembre. Les ventes de Peugeot 3008 démarrent bien : 75 000 commandes, dont un quart d’électriques, ont déjà été enregistrées.Neuf sociétés d’intérim, sélectionnées par Stellantis, ont lancé le recrutement de 450 ouvriers (la moitié d’une équipe de jour). Les réfugiés sont les bienvenus. Dans l’usine, la moitié des travailleurs temporaires sont étrangers.
    Dans la salle de travaux pratiques de l’école de formation, à quelques dizaines de mètres de la chaîne de montage, les stagiaires, de quatre nationalités différentes, sont installés dans une petite cabine ouverte avec du matériel pour s’entraîner à la connectique. Il faut réaliser les bons branchements, selon les matériels, dans l’ordre
    Avant de commencer l’exercice, chaque « élève » regarde une vidéo sur une tablette : les bons gestes y sont filmés avec des explications simples. On sélectionne la langue de son choix. Les plus utilisées du moment apparaissent à l’écran : arabe, bosnien, perse, français, indonésien, pachtou, serbe, turc et ukrainien. Une intelligence artificielle a traduit les instructions. Un formateur encadre une quinzaine de stagiaires. Depuis août, pour préparer la mise en place de l’équipe de nuit, il en arrive une soixantaine par semaine. Et cela continue. Pour la plupart, c’est leur premier emploi.
    Avant d’arriver à Sochaux, dont ils avaient entendu parler « par des amis », les frères Mamozai sont passés par le programme hébergement, orientation, parcours vers l’emploi (HOPE), de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Ce dispositif existe depuis 2017. « Nous hébergions des réfugiés dans nos logements, mais une fois leur demande d’asile acceptée, on ne les retrouvait pas dans nos centres de formation », explique Elise Bord-Levère, directrice des programmes nationaux de l’AFPA.
    HOPE est né pour leur en faciliter l’accès, avec quatre cents heures de cours de français à usage professionnel, un hébergement par l’AFPA et un soutien pour les démarches administratives et la recherche de logement pérenne. A la fin du programme, 78 % ont aussi un emploi. « Nous constituons des groupes de douze personnes dès que nous avons validé les besoins dans un métier avec une ou plusieurs entreprises », détaille-t-elle. Les candidats sont sélectionnés avec l’Office français de l’immigration et de l’intégration.
    La SNCF, Barilla, Suez, Starbucks, les entreprises du bâtiment ou de travail temporaire sont partenaires de ce programme qui a accueilli soixante-quatre nationalités, au rythme de 1 000 réfugiés par an. Les plus représentés sont soudanais, afghans, érythréens ou somaliens, et surtout des hommes jeunes. « Dans nos centres de Belfort ou de Vesoul, nous formons deux à trois groupes par an, en direction de l’industrie ou de l’intérim », explique Elise Bord-Levère.
    Au terme du programme HOPE, Abdelrahman et Bilal Mamozai ont été recrutés par une agence de travail temporaire d’insertion, Inéo, qui a pris le relais de l’AFPA. En moins de deux mois, les frères étaient installés dans un trois-pièces, formés aux droits et devoirs d’un locataire en France, aux règles de ponctualité professionnelle.
    « Le choc culturel est énorme », rappelle Stéphanie Pellicioli, qui supervise l’agence Inéo d’Arbouans (Doubs). « Les deux semaines de formation chez Stellantis, cet été, n’ont pas été faciles, mais une fois qu’ils ont été en activité, les retours ont été excellents », note Samir Lakcher, responsable adjoint de l’agence.
    L’objectif est maintenant qu’Abdelrahman et Bilal Mamozai obtiennent un contrat à durée indéterminée intérimaire – un CDII – dans une agence d’intérim classique et non plus d’insertion, comme Inéo. Un contrat stable, tout en travaillant, à la demande, pour plusieurs employeurs industriels de la région. Le CDI chez Stellantis, promesse d’une carrière au sein du géant de l’automobile, n’arrive pratiquement jamais.
    Est-ce un des facteurs qui rendent ces contrats d’intérim auprès de l’ancien Peugeot difficiles à pourvoir ? Dans la salle des fêtes La Roselière, jeudi 24 octobre, où se tient la huitième édition du Forum recrutement de la ville de Montbéliard – plus de 9 % de taux de chômage –, les agences de travail temporaire sont au coude-à-coude pour recueillir les CV. Plusieurs affichent le logo de Stellantis.
    Mais pas Triangle Intérim, dont la représentante, qui préfère ne pas donner son nom, est plus libre de parole. La première difficulté, c’est le salaire. « Les gens qui cherchent un emploi raisonnent généralement en fonction de leurs besoins, pas de leurs compétences. Ils additionnent leur loyer, leurs dépenses… et demandent à gagner 1 800 euros net par mois. L’industrie ne propose pas ça. Et chez Stellantis, tout le monde sait que les cadences sont élevées. Ils chôment aussi, de temps en temps », explique-t-elle. Le constructeur précise qu’un intérimaire gagne 1 900 euros brut par mois, 2 300 euros en équipe de nuit.
    Trouver les candidats n’est donc pas si facile. « Regardez mes cernes », plaisante à demi Donia (qui n’a pas souhaité donner son nom), très souriante. Elle travaille pour Gojob, start-up de l’intérim très liée à Stellantis. Elle a pris toute la journée des candidatures pour le constructeur. « On sait quelles sont les cadences, on le dit aux gens, on ne vend pas du rêve, mais notre adage est de donner sa chance à tout le monde », dit-elle en expliquant qu’elle est même allée recruter à la maison d’arrêt.
    L’agence, avec le constructeur, France Travail et l’appui de la sous-préfecture, multiplie aussi les opérations séduction dans les quartiers prioritaires de la ville. « J’en suis moi-même issue », tient à préciser la jeune femme, qui se bat pour mettre en place des navettes entre ces quartiers et l’usine, leur « poumon économique », dit-elle.Installées au marché de Montbéliard ou à Valentigney (Doubs), au sud de l’agglomération, avec une 3008 en démonstration, les équipes de recrutement parviennent à intéresser une centaine de personnes par opération. « Souvent, on nous dit que Stellantis paraît inaccessible », note Séverine Brisson. Brice Gaisser, responsable de l’équipe consacrée aux entreprises de France Travail pour le pays de Montbéliard, salue aussi ces formations longues que le constructeur propose aux personnes très éloignées de l’emploi. C’est « une belle opération, ça redonne un côté humain à Stellantis ».
    En attendant de convaincre les locaux, les premiers à se plaindre des salaires, le constructeur automobile a besoin des réfugiés pour tourner. « Au fond, rien ne change, cela a toujours été comme ça », souligne Sylvie Hummel, directrice de l’association Accueil résidentiel, insertion, accompagnement dans le logement, bailleur social et propriétaire d’une résidence face à la barrière d’entrée de l’usine. « Nous logeons encore les chibanis [“anciens” en arabe, des travailleurs âgés, souvent maghrébins, venus en France pendant les “trente glorieuses”], qui sont là depuis soixante ans, ne parlent pas français et se retrouvent à vieillir seuls dans nos résidences », explique-t-elle.
    C’est d’abord parce que l’obtention d’un logement est plus facile et moins cher que dans les métropoles, du fait de la démographie fléchissante dans le nord de la Franche-Comté, que les réfugiés y arrivent, expliquent Asmaé Doublali et Séverine Fulbat, responsables de l’hébergement à l’Association départementale du Doubs de sauvegarde de l’enfant à l’adulte (ADDSEA), qui gère des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (218 places). L’emploi vient seulement après.« Stellantis est intéressant car il n’exige ni qualification ni niveau de langue. Les jeunes qui arrivent veulent travailler, vite », constate Séverine Fulbat. L’intérim qui leur permet de toucher les primes et les congés payés ne les gêne finalement pas tant que ça. Chez Stellantis, Frédéric Renaud, directeur des ressources humaines de l’usine de Sochaux, insiste sur la durée des contrats proposés : ils sont d’abord d’un mois, après la formation, pour voir si tout se passe bien, et plus longs ensuite. Pas de mission à la journée ni même à la semaine, très précaires.
    « Le risque, une fois qu’ils sont entrés chez Stellantis, est qu’ils renoncent aux cours de français, prévient tout de même Séverine Fulbat. Après leur journée ou leur nuit de travail, ils sont fatigués. » Or, la maîtrise de la langue est un facteur-clé de l’intégration.
    Après les Ukrainiens, les Syriens, les Afghans, qui seront les prochains sur la ligne de montage ? « On commence à voir arriver des Palestiniens et des Palestiniennes, des Géorgiens aussi », notent les deux responsables de l’ADDSEA, confrontées quotidiennement aux drames humains, qui accompagnent les vagues migratoires.

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