2024 | Terrestres

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  • Marx, prophète de la décroissance ? · Michael Löwy
    https://www.terrestres.org/2024/12/21/marx-prophete-de-la-decroissance

    Cela m’amène à mon principal désaccord avec Saito : dans plusieurs passages du livre, il affirme que pour #Marx « la non-durabilité environnementale du capitalisme est la contradiction du système » (p.142, souligné par Saito) ; ou qu’à la fin de sa vie, il en est venu à considérer la rupture métabolique comme « le problème le plus grave du capitalisme » ; ou que le conflit avec les limites naturelles est, pour Marx, « la principale contradiction du mode de production capitaliste ».

    Je me demande où Saito a trouvé, dans les écrits de Marx, les livres publiés, les manuscrits ou les carnets, de telles déclarations… Elles sont introuvables, et pour une bonne raison : l’insoutenabilité écologique du système capitaliste n’était pas une question décisive au 19e siècle, comme elle l’est devenue aujourd’hui, avec l’entrée de la planète dans une nouvelle ère géologique, l’Anthropocène, depuis 1945.

    De plus, je crois que la rupture métabolique, ou le conflit avec les limites naturelles, n’est pas « un problème du capitalisme » ou une « contradiction du système » : c’est bien plus que cela ! C’est une contradiction entre le système et « les conditions naturelles éternelles » (Marx), et donc avec les conditions naturelles de la vie humaine sur la planète. En fait, comme l’affirme Paul Burkett (cité par Saito), le #capital peut continuer à s’accumuler dans n’importe quelles conditions naturelles, même dégradées, tant qu’il n’y a pas d’extinction complète de la vie humaine : la civilisation humaine peut disparaître avant que l’accumulation du capital ne devienne impossible.

    #rupture_métabolique #écosocialisme

  • Il arrive parfois que Télérama nous fasse grâce de quelques pépites ...

    Rami Abou Jamous, journaliste : “Le vrai but, c’est de parler de Gaza tout le temps, surtout dans les médias français”

    https://www.telerama.fr/debats-reportages/rami-abou-jamous-journaliste-le-vrai-but-c-est-de-parler-de-gaza-tout-le-te

    Sa fuite de la ville de Gaza le 10 novembre 2023, filmée avec son téléphone portable, a fait le tour du monde. Les cris, les détonations, les images difficilement soutenables des blessés et des morts dans les rues, la tension permanente… Le document de Rami Abou Jamous, journaliste palestinien de 46 ans, a montré au plus près l’exode des Gazaouis pris sous le feu de l’armée israélienne. Déplacés à Rafah, à la frontière égyptienne, lui et sa famille ont de nouveau dû fuir en mai dernier et sont depuis installés à Deir el-Balah, au milieu de la bande de Gaza. Ils vivent sous une tente, à l’image de dizaines de milliers d’autres réfugiés. « Mais nous sommes des privilégiés, nous avons des matelas et des couvertures à l’heure où l’hiver commence à se faire sentir, assure Rami Abou Jamous, joint au téléphone début décembre. Les conditions de vie deviennent de plus en plus difficiles, on manque de tout. »

    https://justpaste.it/g7pns

    #Palestine #Gaza #génocide #Rami_Abou_Jamous #journalistes_de_Palestine

  • Autoroute #A69, le #Droit tordu de l’État
    https://www.terrestres.org/2024/12/11/tribunal-administratif-a69-le-droit-tordu-de-letat-autoroute-toulouse-ca

    Dans le dossier de l’A69, contre toutes les jurisprudences, contre l’avis de sa propre rapporteure, le tribunal administratif de Toulouse a reporté au lieu de décider. Un vrai cadeau aux constructeurs de l’autoroute. Comment est-ce possible ? Grâce à un tour de passe-passe juridique, décidé par un État autoritaire, dénonce Geneviève Azam. Mais la colère gronde et la lutte continue. L’article Autoroute A69, le droit tordu de l’État est apparu en premier sur Terrestres.

    #Infrastructures #Luttes #Vivants

  • Sur l’A69, « on est arrivé au stade ultime du rapport de force »
    https://www.terrestres.org/2024/12/13/droit-environnement-autoroute-a69-stade-ultime-du-rapport-de-force

    Si la décision du tribunal administratif de Toulouse de ne pas suspendre les travaux de l’autoroute #A69 nous interroge tou·tes, elle fait particulièrement débat parmi les juristes. Dans cet entretien, Me Samuel Delalande, avocat en #Droit de l’environnement, revient sur les conséquences de cette situation et réfléchit plus largement à la place du droit dans les #Luttes environnementales. L’article Sur l’A69, « on est arrivé au stade ultime du rapport de force » est apparu en premier sur Terrestres.

    #Grands_projets_inutiles_et_imposés #Infrastructures

  • « Protégeons la #Révolution syrienne et les Kurdes »
    https://www.terrestres.org/2024/12/20/protegeons-la-revolution-syrienne-et-les-kurdes

    Syrie, 8 décembre 2024 : le régime dictatorial de Bachar al-Assad est renversé. Fin du cauchemar ? Rien de sûr. La Syrie est encore loin d’être libérée et ses habitant·es loin de pouvoir s’autodéterminer sereinement. Les signataires de cette tribune appellent à protéger la révolution syrienne, les Kurdes et les minorités. Pour une Syrie libre, pluraliste et démocratique. L’article « Protégeons la révolution syrienne et les Kurdes » est apparu en premier sur Terrestres.

    #Démocratie #Politique #Soutien #Territoire

  • Un front commun contre l’#industrialisation des #forêts françaises

    #Creuse, juin 2024. Les murs de la salle sont couverts de photos et de textes. Certains portent sur l’installation d’un parc photovoltaïque dans les forêts de la #montagne de #Lure, dans les #Alpes-de-Haute-Provence. D’autres annoncent la tenue, quelques jours plus tard durant l’été, de l’assemblée générale du #Réseau_pour_les_alternatives_forestières (#RAF). Dans un coin, une table accueille des brochures, des fanzines et quelques parutions récentes portant sur les forêts, la lutte pour les préserver, leur gestion. Une grande banderole au nom de SOS Forêt est tendue au-dessus des baies vitrées et une large toile peinte faisant figurer la tête d’un lynx entourée d’un massif diversifié, mélangeant feuillus et résineux, surplombe l’estrade. Au-dessus de celle-ci, sur un fond de couleur violette, se détache le titre donné aux retrouvailles qui se sont tenues les 28 et 29 juin dernier : « Assemblée pour des forêts vivantes ».

    Nous, c’est-à-dire deux doctorants en sciences sociales et un camarade musicien, tous trois sympathisants des initiatives décrites dans cet article et participant à l’occasion à certaines d’entre elles, assistons ce matin-là à la plénière d’ouverture, deux ans après une première édition à Nestier, dans les Hautes-Pyrénées1.

    Les prises de parole s’enchaînent et renseignent sur les actualités les plus récentes concernant les forêts françaises, évoquent des initiatives à soutenir et à rejoindre, rappellent le fonctionnement de ces deux jours de rencontres. Des tee-shirts floqués à l’insigne d’Adret Morvan, du #Groupe_national_de_surveillance_des_arbres (#GNSA) ou de la Marche pour les forêts organisée quelques années plus tôt par les syndicats de forestiers de l’#Office_national_des_forêts (#ONF), sont portés pour l’occasion.

    C’est au tour de C. de monter sur l’estrade. Elle habite sur le territoire, s’initie depuis un moment aux divers métiers de la forêt ou du bois et vient présenter la grande carte qu’un de ses camarades déplie derrière elle (dont des extraits illustrent cet article, ndlr). Elle commence : « Ici on lit souvent qu’il n’y a pas de culture forestière. Ce n’est pas si évident. Il y a une culture industrielle mais aussi un rapport habitant aux forêts et une histoire de luttes. » Pour l’attester, raconte-t-elle, un petit groupe s’est attaché à récolter des témoignages et à compiler des archives afin de « cartographier des événements et des récits à propos de l’histoire de la forêt sur la Montagne limousine ». Suivons l’invitation et observons la carte de plus près.

    Le territoire représenté est à cheval sur les départements de la Creuse, de la #Corrèze et de la #Haute-Vienne. Il est tout entier maillé de petites phrases et de vignettes qui illustrent une culture forestière contrastée mais bien présente : une commune est associée à la formation au bûcheronnage qui s’y déroule depuis plusieurs années, une autre à la « tentative désespérée d’empêcher la #coupe_rase d’une #hêtraie ». On lit des histoires de champignons et de cabanes, mais aussi les conséquences sur le milieu et l’emploi de l’industrialisation de l’exploitation forestière. Quatre bêtes fantastiques et menaçantes encadrent ainsi la carte. Elles symbolisent les « usines à bois » qui amputent les forêts de la région – la #scierie #Farges_Bois, le papetier #Sylvamo, la société #Groupe_bois_et_scieries_du_Centre ainsi que le projet d’usine de #granulés #Biosyl2.

    Cartographier les luttes

    Deux jours durant, on partage des données, des anecdotes, des témoignages, mais aussi des outils. À plusieurs reprises durant l’Assemblée, la #cartographie est apparue comme une pratique pertinente pour rendre compte des « petites et grandes histoires populaires de la forêt », donc, mais aussi pour représenter des lieux à surveiller et à défendre ou pour contester les données fournies par les acteurs dominants de la filière forêt-bois. Ces deux derniers enjeux ont fait l’objet d’un atelier durant lequel des outils récemment élaborés par un groupe forestier local rattaché au #Syndicat_de_la_Montagne limousine et par l’association #SOS_Forêt_Dordogne ont été transmis aux participant·es.

    L. et T. rappellent le contexte ayant mené à la création de #Vigie_Feuillus, un protocole de veille sur les coupes rases qui affectent quotidiennement les « forêts désenchantées3 » du #Plateau_de_Millevaches. Après plusieurs mobilisations contre des chantiers forestiers jugés inacceptables par une partie de la population, il leur a semblé important de trouver un mot d’ordre plus précis qu’une seule opposition à l’industrialisation des forêts locales. Un « guide d’intervention » fraîchement sorti de l’imprimerie est distribué à l’assistance et le sera dans toute la région durant les mois suivants. « Ce protocole, lit-on au dos de la brochure, offre quelques bases pour déterminer quelle stratégie d’intervention est la plus judicieuse et adaptée à la situation ». Il s’agit non seulement d’affûter le regard des habitant·es sur l’#exploitation_forestière dans leur territoire, mais également de s’exercer à les surveiller en identifiant les indices d’activité et à coordonner des actions afin de « créer des précédents sur les alternatives à proposer en cas de coupe rase ». Deux exemples sont convoqués pour illustrer l’éventail de situations qu’il est possible de rencontrer.

    Le premier cas a fait suite à une alerte donnée sur une probable coupe rase dans la forêt qui jouxte l’habitation de sympathisant·es du Syndicat de la Montagne limousine. Une personne a permis de gagner un temps précieux en s’opposant aux premiers travaux d’abattage, fournissant à l’organisation l’espace pour inviter les parties prenantes à une discussion conjointe, lors de laquelle les propriétaires de la parcelle boisée ont expliqué procéder à une coupe pour des raisons financières. Une issue semble alors possible par le biais du Parc naturel régional (PNR) de Millevaches dans lequel la parcelle est située : une proposition de contrat à hauteur des gains espérés par la coupe est acceptée par les propriétaires et inscrit dans la réglementation Natura 2000. L. conclue son récit en rappelant qu’il importe d’être « lucides sur là où il faut taper » : « pas sur les travailleurs », ni sur certains « petits propriétaires forestiers » dont les contraintes peuvent être tout à fait compréhensibles.

    Le second cas présente les effets qu’un outil comme #Vigie_Feuillus pourrait être susceptible de produire. En janvier 2023, sur la commune de #Tarnac, en #Corrèze, des travaux d’exploitation sont en passe de commencer sur une parcelle de plusieurs hectares que traverse la #Vienne. Plus précisément, une coupe rase est prévue dans ce qui a été identifié comme un « taillis dépérissant de châtaigniers », qui est aussi une belle forêt de feuillus appréciée des riverains. Aussitôt, un comité local se met en place pour défendre la forêt menacée. Très vite est décidée une série d’actions – « surveillance accrue, garde, blocage, occupation » – qui permettent de suspendre le chantier. À la différence de l’exemple précédent, la propriétaire n’a pas besoin d’argent : il s’agit seulement d’appliquer les mesures décidées dans le plan de gestion de sa forêt. Et de les appliquer coûte que coûte, peu importe les offres faites par le PNR ou la région pour lui acheter sa parcelle et ainsi empêcher son déboisement. Le point d’orgue de la contestation est atteint un matin de mars, lorsque les représentant·es de la filière forêt-bois du département, invité·es à un rassemblement sur place afin de soutenir la propriétaire, la coupe et un modèle forestier extractiviste, reçoivent une délégation d’opposant·es. « Le Bois du chat, symbole de la lutte entre deux visions de la forêt » titrera un journaliste présent sur place4.

    Au moment où, son récit terminé, L. s’interrompt, un hélicoptère de la gendarmerie survole le site du rassemblement pendant une longue minute, rappelant qu’ici les forêts sont un sujet sensible. Le bruit des pâles étouffe momentanément les discussions.

    M. prend ensuite la parole au nom de SOS Forêt Dordogne pour présenter une contre-expertise cartographique et collaborative menée par son association à la suite d’assises départementales sur la forêt tenues quelques années auparavant, lors desquelles le pourcentage de coupe rase réalisé chaque année leur a paru largement sous-évalué. « On s’est dit que pour parler à ces gens-là, il fallait qu’on ait des chiffres », commence-t-elle. Et d’ajouter : « Vous nous dites qu’il n’y a pas plus de coupes rases qu’auparavant : on a un outil cartographique qui montre le contraire ». Celui-ci se fonde sur l’identification in situ menée par un réseau de correspondant·es volontaires répartis sur l’ensemble du département, là où les chiffres de l’#Inventaire_forestier_national (#IFN) dépendent des #photographies_satellites. Il est simple de s’approprier la méthode proposée : une photo, un point GPS et un référencement sur une carte accessible en ligne suffisent à contribuer à l’effort de contre-cartographie.

    Tous ces exemples nous le rappellent : les forêts et les #cartes, c’est toute une histoire5. Leur mariage peut en effet aussi bien aller dans le sens d’une simplification des écosystèmes forestiers, être un outil de conquête et d’appropriation6, qu’être des plus efficaces pour mieux connaître les forêts et agir en leur sein, y travailler avec plus de précision, en préserver certaines parties ou, comme le montrent les exemples précédents, les défendre.

    De simples cartes de localisation seraient sans doute utiles, aussi, afin de mieux se retrouver parmi le foisonnement de collectifs forestiers présents lors cette deuxième Assemblée pour des forêts vivantes. La pluralité des espaces géographiques représentés est une force : de la #Meurthe-et-Moselle aux #Pyrénées, la défense des forêts suscite l’émergence de groupes locaux, mêlant habitant·es, professionnel·les et associations. Mais l’hétérogénéité des situations décrites peut aussi apparaître comme un frein à l’élaboration de mots d’ordre nationaux à même de massifier les mobilisations locales. Se pose, dès lors, la question du besoin d’une coordination nationale pour assurer l’organisation de tels événements.

    Adversaires et alliés : identifier les acteurs et les actrices de la forêt

    Après un déjeuner où des discussions enforestées ont porté sur les liens à consolider entre l’amont et l’aval de la filière bois et ont suscité l’envie d’aller rencontrer nos voisin·es Suisses pour apprendre de leur modèle sylvicole, il est temps de regagner la salle principale. Sur les bancs en bois ayant servi pour la plénière introductive, une petite vingtaine de personnes attend que commence l’atelier animé par un membre de l’association #Canopée – Forêt vivante. La séance est consacrée à l’identification des différents acteurs de la filière forêt-bois, des grandes coopératives forestières aux collectifs d’habitant·es, des sociétés de placement financier aux associations de gestionnaires forestiers.

    Par souci stratégique et didactique, ces acteurs, représentés par leur logo imprimé sur des rectangles de papier cartonné, sont placés sur un tableau déterminé par deux coordonnées. L’abscisse indique le positionnement politique de chacun par rapport aux écosystèmes forestiers et socio-professionnels. Plus ils se placent à gauche du tableau, plus ils sont considérés comme éloignés d’une sylviculture et d’une attention forestière privilégiant la vie, la diversité, la santé mentale et physique au travail, la constitution de communs inter-espèces, la subsistance. Ils sont au contraire caractérisés par leurs objectifs de profits à court terme, de maîtrise de la terre, des corps et des ressources, d’inattention écologique, de gestion des flux et d’opportunisme vert. L’ordonnée montre quant à elle le degré d’influence politique des structures et infrastructures. En haut de la ligne se retrouvent celles dont les ressorts sont les plus efficaces – en termes de taille, de capacité d’alliance, de communication, de maîtrise de l’opinion et donc de poids dans les sphères de la haute administration décisionnaire – pour faire peser la balance vers une orientation ou une autre.

    Chaque participant·e est invité·e à donner son avis sur le placement, au sein du tableau, des rectangle présentés par l’animateur de l’atelier. On apprend ainsi que Fransylva est l’unique syndicat des propriétaires forestiers privés, réduisant par conséquent à une seule liste le choix électoral, le reconduisant tous les six ans. Son président, Antoine de Ponton d’Amecourt, effectue sur ses propres parcelles forestières des coupes rases allant jusqu’à vingt hectares7.

    Par ailleurs, son syndicat contribue à légitimer, par des éléments de langage, l’industrialisation forcenée de la filière, la monoculture de résineux et le rajeunissement des peuplements – ce qui n’est pas pour déplaire à un proche de l’organisation nommé Jean-Michel Servant, ancien président de l’interprofession nationale France bois forêt et encore délégué interministériel à la forêt, au bois et à ses usages en juin dernier. À la lumière de ces informations sur le syndicat, Fransylva trouve une place évidente sur le tableau : très en haut, tout à gauche.

    L’animateur poursuit en mentionnant Pro Silva (à ne pas confondre avec la structure précédente), une association de propriétaires, gestionnaires, professionnel·les et ami·es de la forêt, reconnue d’utilité publique depuis 2013. Elle organise principalement des formations techniques prônant la sylviculture mélangée à couvert continu, pratique fondée sur le temps long, la diversification des essences et des âges. Ses principes sont applicables partout mais le faciès des forêts ainsi gérées n’est jamais le même, et s’oppose en cela au modèle monoculturel. Si Pro Silva a montré, depuis son lancement en 1989, son importance dans la balance politique, sa visibilité médiatique reste encore faible. Elle sera placée dans le quart inférieur droit.

    À la cartographie comme outil de lutte succède donc le plan. Les nombreux autres acteurs seront à leur tour présentés et disposés afin de mieux s’orienter dans le paysage institutionnel de la forêt française.
    Débrancher les forêts

    Au même moment, une discussion consacrée à la rencontre entre « forêt et production d’énergie », ou « comment résoudre l’équation impossible », débute sous un barnum nommé « bouleau » pour l’occasion. Certain·es participant·es feront remarquer qu’il n’y a pas de barnum « douglas », ni « pin maritime », les mal aimés, les pas beaux. C’est pourtant souvent de ces essences dont il est question, en ce qu’elles composent largement les forêts « sous camisole8 » impliquées dans les projets énergétiques qui seront discutés au cours de cet atelier.

    Quelques personnes préparent l’espace de discussion. Deux intervenants accrochent des photographies de parcs solaires sur la bâche blanche et jaune du barnum. L’un d’eux porte un tee-shirt du Réseau pour les alternatives forestières (RAF), dont il fut l’un des administrateurs. Un slogan y est inscrit : « Ça te branche ? ». La question prend ici une tout autre tournure.

    Deux clichés, « avant/après », amènent à constater l’impact forestier de la « centrale industrielle » de Monfort, développée par Engie Green dans les Alpes-de-Haute-Provence. Au-dessus, une cartographie « clandestine et non-exhaustive » permet d’insérer cette prise de vue dans ce qui est qualifié de « mitage en cours ». On comprend vite le sens de cette expression et de ce qu’elle recouvre : si la loi APER de 2023, relative à « l’accélération de la production d’énergies renouvelables », interdit les installations photovoltaïques supérieures à 25 hectares sur des zones forestières lorsque celles-ci nécessitent une autorisation de défrichement, n’amène-t-elle pas à la multiplication de projets certes moins grands, mais toujours aussi vastes dès lors qu’on accède à un aperçu global du phénomène ?

    Une dizaine de personnes a pris place – il y en aura une vingtaine lors de la session suivante. Quelques-unes étaient présentes aux Résistantes, les « rencontres des luttes locales et globales » qui ont eu lieu sur le plateau du Larzac l’année précédente. L’impact des parcs photovoltaïques sur les espaces agricoles ou forestiers y avait été discuté lors d’une table-ronde, à l’issue de laquelle une coordination nationale s’était créée9.

    Un nouveau « tour d’horizon des projets contestés et des luttes engagées » commence donc. Un intervenant venu des Bouche-du-Rhône aborde le cas de Gardanne, où l’avenir de la centrale à charbon reconvertie en usine à biomasse reste encore incertain. On estime sa consommation à 850 000 tonnes de bois par an. Ses propos sont ensuite complétés par un témoin des Pyrénées-Atlantiques, qui détaille pour sa part le projet BioTJET – une usine de bio-kérozène située à Lacq, censée alimenter les besoins de l’aéronautique en carburant à partir du bois. La production s’appuie sur l’électrolyse, un procédé lui-même très coûteux en énergie. Drôle de transition, pense-t-on, que celle nécessitant de nouvelles unités de production d’électricité, de nouvelles lignes de transports et, qui sait, de nouveaux panneaux solaires en forêt.

    Beaucoup attestent sur ce point d’une véritable « déferlante photovoltaïque » dans les milieux forestiers, que ce soit en Dordogne, en Franche-Comté, en Gironde ou dans les Alpes-de-Haute-Provence. La pression sur les espaces concernés est parfois double. Sur la Montagne de Lure, l’association Elzeard a dénombré plus de 1 000 hectares de zones naturelles convoitées par l’industrie photovoltaïque. Or, cette montagne fait déjà partie de la Zone d’Approvisionnement Prioritaire de la centrale de Gardanne.

    Là comme ailleurs, la pression s’intensifie par le biais d’un nouvel outil conçu par la loi APER : les Zones d’Accélération. Les communes doivent désormais identifier des sites jugés propices à l’installation d’unités de production et rapidement en fournir une cartographie. D’où l’organisation de balades « botanovoltaïque » dans le Buëch, comme nous l’a expliqué un membre du Collectif citoyen pour un autre photovoltaïque dans les Alpes du Sud. En se promenant sur ces terres convoitées et soumises à une spéculation nouvelle, il est sûrement possible de découvrir ce que la superposition de données oublie ou ne sait dire de la forêt.

    Une membre du Collectif Citoyens Résistants Champagnole est venue témoigner de ce qui aurait dû être le plus gros parc photovoltaïque de Franche-Comté dans les forêts de Loulle et de Mont-sur-Monnet. La voilure a dû être revue à la baisse. C’est également le cas en Gironde, ce dont témoignent des opposant·es au projet Horizeo, grand vainqueur de cette course au gigantisme. Les porteurs du projet envisagent l’installation de 700 hectares de panneaux photovoltaïques dans la forêt des Landes girondines, au sud de Bordeaux, au lieu des 1 000 hectares prévus initialement. Mais ce projet, qui serait alors le plus important en France, a toutefois du plomb dans l’aile. Il fut récemment désavoué par le même gouvernement qui avait adapté la loi APER à son calendrier, rendant ainsi possible le dépôt des demandes d’autorisation avant que l’interdiction des sites de plus de 25 hectares soit effective.

    Si les projets s’accumulent en entrent en concurrence, l’espace dédié à la compensation forestière également – une aubaine, malgré tout, pour des coopératives forestières attentives à l’expansion de leur domaine d’intervention, transformant des forêts de « faible valeur » en hectares compensateurs. Alors, les hectares en forêts se font plus chers, et c’est le foncier agricole qui apparaît comme une solution miracle.

    Nous l’avons vu, même si les argumentaires et les conditions matérielles sur lesquelles s’appuient ces projets varient en fonction des territoires, ils s’inscrivent néanmoins dans des dynamiques globales. Un chercheur qui enquête depuis Bruxelles sur le lobbying européen des grandes entreprises, notamment sur l’industrie de la biomasse, nous le raconte. Il rappelle l’intérêt de comprendre les directions de l’Union pour appréhender le contexte national et ses répercussions sur nos milieux de vie. Les contraintes sont fortes et les pénalités financières bien réelles. La France, seul État membre à n’avoir pas atteint ses objectifs de production d’énergie renouvelable en 2020 et dont la trajectoire a été jugée insuffisante, s’est vu infliger une amende de l’ordre de 500 millions d’euros.

    L’industrialisation de la forêt, largement évoquée lors de ces journées, est tout à fait compatible avec la « transition énergétique » telle qu’elle nous a été témoignée. En fait, cette mise au travail des forêt permet au moins deux choses. D’une part, elle garantit la pérennité et la progression d’une ressource en bois qui doit s’adapter à de nouveaux besoins : la production d’une énergie « verte » et « décarbonnée ». D’autre part, elle assure à cette production un espace dédié où pourront être implantées les infrastructures nécessaires à la transformation des ressources, qu’il s’agisse de bois ou de soleil. Pour ce faire, l’industrie emploie un argumentaire qui opère comme une épée à double tranchant. À la fois capable d’écologiser la forêt – un bien renouvelable pour une énergie propre – elle n’hésite pas à nier son existence quand cela l’arrange – au mieux elle est en dépérissement, au pire ce n’est pas une vraie forêt. Dans tous les cas, il s’agit de la couper pour satisfaire l’envolée d’une demande en énergie rarement ou jamais questionnée.

    Face à cette industrialisation de la forêt, une éclosion de luttes territorialisées est soucieuse de se mettre en lien. S’il convient de distinguer les nombreux domaines que couvrent la question de l’énergie (biomasse, photovoltaïque, biocarburants, etc.), ce travail de témoignages, de partages d’expériences et de réflexions ouvre à des prises de positions, enquêtes et actions communes aux participant·es. C’est toute une culture qui se construit, là où les développeurs, nous l’avons entendu, croient souvent tomber sur des « incultes », des habitant.es peu informé.es, et pensent bénéficier de causes parfois considérées comme indéfendables : il est compliqué de concevoir qu’un projet dit « de transition énergétique » puisse être contesté. « On l’entend dans la presse : les écolos attaquent les écolos ».

    Démanteler le complexe sylvo-industriel

    Défendre les forêts conduit donc bien souvent à en sortir pour comprendre ce qui les menace. Quitte à remonter pour cela une ligne à grande vitesse ou à suivre le parcours d’un camion chargé d’arbres fraîchement abattus. Depuis plusieurs mois, le collectif Méga-Scierie Non Merci lutte contre l’extension de la scierie Farges-Bois, en Corrèze, à Égletons – une lutte qui, pour l’heure, est sur la bonne voie : les procédures judiciaires en cours à l’encontre de l’industriel l’ont contraint à suspendre momentanément son projet d’extension. Et ce malgré l’achat récent de la propriété d’une riveraine et opposante par l’industriel, suite à l’expropriation de l’habitante par la communauté de communes Ventadour-Égletons-Monédières10.

    Cette histoire nous est racontée par deux membres du collectif. Ils reviennent sur les raisons de leur implication contre l’extension de la plus grosse scierie limousine, qui a pu être visitée lors de portes-ouvertes mémorables en septembre 202311. Rien ne les destinait à enquêter sur l’industrie forestière, à calculer des volumes de bois sur pied, abattus et sciés, ni à entamer un véritable travail de recherche pour mieux comprendre la réalité de ces « méga-scieries » qui s’installent et se développent de l’Alsace aux Pyrénées. Leur rencontre les a conduits à tenter de comprendre ce que l’aval d’une filière industrielle fait à la ressource qu’elle mobilise et aux forêts qui la produisent.

    En décembre 2022, plus de 200 personnes ont manifesté dans les rues d’Égletons pour protester contre le projet d’extension et elles étaient autant à participer à la première réunion d’information organisée par les opposants au début de l’année 2024. Aujourd’hui, le public de l’atelier est beaucoup plus clairsemé : l’outil industriel, sa logique de standardisation, de capitalisation et d’investissement, son rapport de prédation à la ressource en bois ne sont peut-être pas les sujets les plus séduisants de cette Assemblée pour des forêts vivantes. Le même après-midi, il est en effet possible de composer des vers ou des haïkus pour les déclamer ensuite en forêt, ou de s’initier à la grimpe d’arbre avec des membres du GNSA. Difficile, aussi, de trouver des failles chez des groupes composés de plusieurs centaines de salarié·es et qui bénéficient d’un soutien politique fort au-delà de la seule – et nécessaire – opposition.

    C’est notamment pour cette raison que A. et A. ont commencé à enquêter sur le monde discret des plus grosses scieries françaises. Mieux connaître ses réalités donne des prises pour envisager une riposte un tant soit peu suivie d’effets. Une démarche proche de celle qui a mené l’Atelier paysan à écrire le livre Reprendre la terre aux machines, dans lequel un retour critique sur la modernisation agricole et la constitution d’un complexe agro-industriel précède une série de propositions concrètes à l’adresse du monde paysan. Une heure durant, ils relatent leur cheminement, convoquent l’histoire récente du territoire et celle de l’industrie forestière avant d’ouvrir le débat sur quelques questions simples : comment démanteler de tels sites industriels ? Par où commencer ? Et qu’est-ce que démanteler, dans ce cas, veut dire ?

    Tandis que l’atelier prend fin, la discussion se poursuit avec trois personnes mobilisées contre le rachat et l’agrandissement d’une scierie à proximité de leur lieu de vie. Dans la grande salle, un chœur entame des chants, vite repris par le public. Nous mettons quelques chaises à l’écart pour recueillir le récit de G., X et E., trois membres d’un collectif situé autour de Brassac, dans le Tarn, qui se mobilise contre le projet porté par le groupe SIAT, propriétaire de la plus grosse scierie française, située en Alsace. Celui-ci entend faire d’une scierie moyenne, déjà reprise mainte fois, l’une des plus importantes d’Occitanie. Quelques semaines plus tôt, une petite délégation issue du collectif Méga-Scierie Non Merci est allé à leur rencontre pour entamer une collaboration militante. Des connexions commencent à se faire.

    « Nous, on habite à côté ». G. et M. ont assisté à l’émergence et la croissance de la scierie installée en face de chez eux, à Brassac, depuis 1997, jusqu’à son rachat récent par le groupe SIAT. Ils n’en sont pas à leur premier combat pour la sauvegarde de terres agricoles et naturelles : voilà une dizaine d’années qu’ils posent des recours pour contester le changement d’affectation des sols autour de chez eux, quelles que soient les sociétés concernées.

    Néanmoins, un changement d’échelle est cette fois à prévoir : « L’argument de SIAT est de dire qu’ils vont faire un site miroir de celui qu’ils ont en Alsace. Donc on a voulu savoir comment c’était en Alsace ». Une visio-conférence organisée avec des riverains du site d’Urmatt dans le Bas-Rhin a fini de convaincre les trois opposant·es : s’il se réalise, ce méga-projet industriel produira un niveau de nuisances et de pollutions invraisemblables pour les riverain·es, ainsi qu’une pression accrue sur des forêts déjà soumises à une exploitation importante et des perturbations climatiques de plus en plus intenses.

    Dès lors, dans le Tarn comme ailleurs, tous les moyens sont bons pour convaincre les habitant·es concerné·es qu’il est impératif de s’opposer à ce qui les attend. Des festivités se sont ainsi tenues le 22 septembre 2024 à Brassac dans l’espoir de faire changer d’échelle la lutte locale contre l’implantation du groupe SIAT. Un événement d’une tout autre ampleur, appelé par nombreux collectifs, associations et syndicats du Limousin a rassemblé le premier week-end d’octobre plus de 3 000 personnes à Guéret, dans la Creuse, là où le groupe Biosyl entend installer une usine à granulés qui menace les forêts de feuillus des environs. Cette journée de mobilisation populaire massive, soutenue aussi bien par des syndicats agricoles et de travailleurs que des associations environnementales, a été une véritable réussite.

    https://www.terrestres.org/2024/11/26/un-front-commun-contre-lindustrialisation-des-forets-francaises
    #forêt #France

  • Un regard vers la terre
    https://www.terrestres.org/2024/11/15/un-regard-vers-la-terre

    En 25 ans, plus d’un tiers des vers de terre ont disparu des sols anglais... mais le déclin est mondial. Qu’en aurait pensé Darwin, qui a consacré la fin de sa vie à leur étude ? Retour sur son dernier grand livre, « La Formation de la terre végétale par l’action des vers », avec un texte de Patrick Tort, spécialiste du scientifique anglais. L’article Un regard vers la terre est apparu en premier sur Terrestres.

  • Cosmologie du jardin pavillonnaire · Terrestres
    https://www.terrestres.org/2024/11/22/cosmologie-du-jardin-pavillonnaire

    L’anthropologie inversée, vous connaissez ? C’est quand les rôles habituels de l’anthropologue et de l’autochtone sont échangés. Dans les bandes dessinées d’Alessandro Pignocchi, un enquêteur amazonien observe avec stupéfaction les mœurs d’un peuple fort étrange : les Français-es. Et tente de percer les mystères d’un concept tout aussi curieux : La Nature. Une étude ethnographique près de chez vous, extraite d’un livre en préparation.

    L’inversion anthropologique a été un de mes sujets de préoccupation quand j’étudiais cette science. C’était probablement très lié à mon syndrome de l’impostrice.

  • Retour sur Sivens et la mort de Rémi Fraisse, 10 ans après ces crimes d’Etat
    https://ricochets.cc/Retour-sur-Sivens-et-la-mort-de-Remi-Fraisse-10-ans-apres-ces-crimes-d-Eta

    Récit d’une rencontre à Sivens pour la mémoire de Rémi Fraisse ce 26 octobre, plus un article sur les manipulations médiatiques et mensonges des autorités pour tenter de dissumuler les faits et d’étouffer toute explosion de révolte. Révélateur et tristement récurrent. D’autres éléments ici sur la violence d’Etat. Un régime policier autoritaire est nécessaire pour la quête perpétuel de puissance liée à l’Etat (et maintenir la société de masse, le système techno-industriel productiviste et (...) #Les_Articles

    / #Procès,_justice,_répression_policière_ou_judiciaire, Autoritarisme, régime policier, démocrature..., Luttes (...)

    #Autoritarisme,_régime_policier,_démocrature... #Luttes_sociales
    https://reporterre.net/Ce-qu-on-a-vecu-la-est-indelebile-a-Sivens-la-memoire-de-Remi-Fraisse-vi
    https://www.terrestres.org/2024/10/22/desamorcer-la-rage-differer-la-revolte

  • Toujours puce. Les macrodégâts de la #microélectronique

    Exercice de mathématiques :
    En pleine alerte sécheresse niveau 4, l’usine #STMicroelectronics consomme 156 litres d’eau par seconde. Pour produire deux fois plus de #puces indispensables à la vie connectée, l’Etat lui donne 2,9 milliards d’euros, soit la possibilité de consommer 347 litres par seconde. A l’aide des informations que contiennent ces pages, estimez le temps qu’il faudra aux élus locaux pour s’apercevoir que les intérêts de STMicroelectronics s’opposent à ceux des citoyens.

    Une bande dessinée docu-fiction sur l’#impact_environnemental d’une usine de #semi-conducteurs et les clivages politiques qu’elle suscite.

    https://www.lemondealenvers.lautre.net/livres/toujours_puce.html

    #eau #BD #bande-dessinée #livre

    • Les macrodégâts de la microélectronique

      Contre l’un des géants mondiaux de la fabrication de puces électroniques, une importante lutte a lieu depuis plus de deux ans près de #Grenoble, dans la vallée du #Grésivaudan. La BD « Toujours puce. Les macrodégâts de la microélectronique » revient sur l’histoire de ce combat contre l’accaparement des ressources en eau et un mode de vie toujours plus connecté.

      La supposée #transition_numérique en cours conduit à un accaparement croissant de l’eau, accentuant les dynamiques anciennes du #capitalisme_industriel. Seule la réduction de ce secteur, la baisse de ses productions, et la contraction des usages numériques permettrait d’enrayer la crise qui se dessine. Voilà en quelques mots l’inévitable conclusion qui surgit à la lecture de cette passionnante enquête graphique et dessinée.

      Le sujet pourrait paraître ardu – comment les usines de semi-conducteurs accaparent l’eau du Grésivaudan au détriment des habitants ? – pourtant le récit emporte le lecteur dans un tourbillon d’informations et de révélations essentielles pour comprendre le monde qui se construit peu à peu. Jouant sur le registre de l’humour et de la caricature, les autrices et illustratrices de ce livre ont réussi le tour de force de proposer une analyse à la fois précise, informée, pédagogique mais jamais ennuyeuse !
      Les usages de l’eau

      On le sait, l’#industrialisation d’une production – c’est-à-dire sa #concentration et sa #mécanisation pour accroître la #productivité – nécessite toujours un #accaparement_de_l’eau au bénéfice de certains et au détriment d’autres, rompant des équilibres patiemment et longuement élaborés. Dans les économies anciennes fondées sur la putréfaction des matières organiques, à l’image des peaux qu’il fallait tremper pour les nettoyer et les assouplir, la question de l’eau, de son accès comme de son accaparement se posait déjà mais les conflits restaient de faible intensité et dispersés. Les capacités de monopolisation demeuraient réduites même si dès le XVIIIe siècle apparaissent des mines et quelques manufactures importantes.

      La situation commence à changer à partir des années 1850-1860 lorsque s’ouvre en Europe un régime d’accaparement industriel de l’eau. Certains usages deviennent prioritaires au nom d’une nouvelle conception du progrès identifié à la croissance de la production des biens manufacturés. Les grands filateurs et peigneurs de laine ont ainsi besoin de quantités importantes d’eau pour nettoyer les fibres ou évacuer les déchets de leurs usines. Ainsi, à Roubaix dans le Nord, les capitalistes du textile consomment déjà des milliers de m³ d’eau par jour au milieu du XIXe siècle, provoquant de nombreux débats avec les habitants. La nécessité de fournir de l’eau à l’industrie conduit les industriels et les autorités à remodeler le milieu naturel pour satisfaire ces intérêts, parfois au détriment des usages communs.

      Par la suite, au cours du XXe siècle, partout dans le monde l’eau est utilisée en quantité croissante par l’industrie lourde, chimique et sidérurgique, pour le refroidissement des appareils et des produits incandescents, l’épuration des gaz et des fumées, la production de vapeur, ou dans les mines pour le remblayage hydraulique et le lavage du charbon et des minerais.

      Depuis la grande accélération des transformations environnementales à partir des années 1950, l’industrialisation des usages de l’eau ne cesse de s’intensifier. L’agriculture, avec ses grandes cultures irriguées et ses élevages intensifs, nécessite toujours plus d’eau, conduisant aujourd’hui aux vastes projets de méga-bassines au cœur de l’actualité et des mobilisations.

      L’industrialisation des loisirs depuis les années 1970 impose également des consommations ostentatoires et des gabegies d’eau, pensons à la multiplication des golfs, des piscines privées (plus de 1,5 million aujourd’hui), ou à la pratique de la neige artificielle dans les stations de ski. En 1985, seules 35 stations françaises étaient équipées et 150 ha ainsi enneigés, aujourd’hui la plupart des stations sont équipées et plus de 25 000 ha sont enneigés en accaparant l’eau. Au début du XXIe siècle, les problèmes d’accaparement s’accentuent encore alors que le changement climatique, les risques de sécheresse, la surpopulation conduisent à l’essor des besoins et à la montée incessante des tensions et des guerres de l’eau.
      Accaparements numériques

      Aujourd’hui, parmi les multiples usages qui s’empilent et créent une pression croissante sur la ressource vitale en eau dans de nombreux territoires s’imposent les industries dites « stratégiques », celles qui accompagnent la numérisation du monde. A cet égard l’exemple de STMicroelectronics décrit dans cette BD est emblématique. Le groupe est le résultat d’une fusion et s’est imposé comme l’un des 10 géants mondiaux du secteur. L’une de ses usines est installée à Crolles près de Grenoble. Dans le Grésivaudan, les anciennes papeteries fondées sur l’énergie hydraulique ont toutes fermé, laissant la place à l’industrie des semi-conducteurs devenus des composants essentiels de la croissance contemporaine (aéronautique, automobile, télécommunications, domotique, armement…).

      Pour faire simple, les semi-conducteurs et ce qu’on appelle les puces électroniques sont à l’électronique ce que le pétrole est à l’industrie en général : un composant essentiel, mais souvent invisible, présent dans de nombreux objets, depuis les ordinateurs, les smartphones, jusqu’aux voitures et panneaux solaires. Les semi-conducteurs sont des matériaux qui se situent entre un conducteur et un isolant. Fabriqués à partir de matières premières comme le silicium et le germanium, l’arséniure de gallium ou le carbure de silicium, ils servent à gérer le flux de courant dans l’électronique. Sans eux le capitalisme high tech s’arrête, c’est pourquoi le spectre de leur pénurie est devenu une préoccupation obsédante.

      La fabrication de ces composants est au cœur de la bataille que se livrent les États-Unis et la Chine pour la domination du secteur des hautes technologies alors que l’essentiel de la capacité mondiale de fabrication est localisé en Chine et en Asie de l’Est. Or, les États-Unis comme l’Europe souhaitent retrouver une maîtrise sur cette production. L’Union européenne ambitionne ainsi de produire d’ici à 2023 20 % des semi-conducteurs dans le monde, soit un doublement de sa part actuelle. Emmanuel Macron a présenté de son côté un plan d’investissement de 30 milliards d’euros pour soutenir les acteurs du secteur et les start-ups. Représentant un marché de centaines de milliards de dollars chaque année, la production de ces matériaux connaît une croissance constante et est devenue un enjeu stratégique et géopolitique global. Comme le rappellent les autrices en mettant en scène le Président de la République dès le début du récit – « la réindustrialisation de la France commence ici » s’exclame t-il – Grenoble doit devenir selon la novlangue en vigueur une « Silicon Valley » à la française des technologies du futur.

      Pourtant célébré comme la solution aux crises écologiques, le monde numérique ne cesse d’ajouter des strates supplémentaires d’accaparement, inventant sans cesse de nouveaux besoins en eau, pour refroidir les centrales nucléaires ou les data centers comme pour fabriquer des puces électroniques. À titre d’exemple, chaque année, ce sont plus de 16 milliards de litres d’eau qui sont absorbés par les centres de données de Google aux États-Unis pour leur refroidissement. L’extraction, le traitement et le raffinage des minerais indispensables à la quincaillerie numérique se fait également dans des territoires où la pression sur les ressources hydriques est déjà forte.

      Manifs dans le Grésivaudan

      Dans ce contexte, durant plusieurs jours, du 5 au 8 avril 2024, une large mobilisation a eu lieu à Grenoble contre l’agrandissement des usines de microélectronique à Crolles. Parallèlement à la multiplication des mobilisations contre les industries nuisibles et à l’essor des luttes locales soutenues notamment par le mouvement des Soulèvements de la Terre, la situation grenobloise devient emblématique de multiples configurations en France, comme à l’étranger.

      Pour l’occasion, les rues et murs de la ville ont été recouverts d’affiches dénonçant la numérisation et son monde et appelant à arrêter l’industrie des puces électroniques et l’accaparement de l’eau qu’elle provoque. Au-delà des enjeux locaux, ce week-end de mobilisation riche s’est accompagné de débats, d’ateliers, et d’une grande manifestation, marquant l’apogée d’une lutte qui dure depuis plusieurs mois contre l’extension des usines high tech.

      Le site de STMicroelectronics à Crolles décrit dans ce livre est en effet emblématique car il est l’un des plus importants en Europe. Dans un contexte de panique face aux pénuries de puces, révélé notamment lors du covid en 2022 fut annoncé un projet d’extension prévoyant de doubler la capacité de production d’ici 2035, ce qui pourrait porter la consommation d’eau potable du site à 12,3 millions de mètres cubes par an. Ce projet a suscité une levée de boucliers et contraint les autorités à lancer une « concertation » à la dernière minute. Levant le voile sur un projet discret, défendu par tout ce que la République compte de notables et de soutiens du productivisme. Cette lutte locale est exemplaire, elle a aussi été en partie victorieuse puisqu’un autre industriel du semi-conducteur (l’entreprise Soitec) a annoncé la suspension d’un projet d’agrandissement d’installations industrielles sur des terrains agricoles à proximité.

      Au-delà des enjeux proprement locaux et de l’opposition à un projet néfaste pour l’environnement, les militants de l’association STopMicro ont su aiguiser leur critique, pointer les ambivalences et impasses de ces immenses projets industriels soutenus par l’État et le gouvernement Macron au nom de l’indépendance nationale, de la réindustrialisation et de l’inéluctabilité du monde numérique. Ils ont mené l’enquête sur les semi-conducteurs à Grenoble et ailleurs, documentés la diversité des nuisances que génèrent ces industries, à commencer par leur consommation d’eau potable délirante, et questionné la numérisation du monde à laquelle elles œuvrent.

      Dessiner les luttes

      La bande dessinée – travail de fiction – que vous tenez entre vos mains s’inspire largement de ces faits réels, mais elle les transforme et les adapte puisqu’il s’agit d’abord d’une œuvre artistique. Les autrices ont choisi de mettre en scène la lutte contre l’accaparement de l’eau à travers le regard de Gobi, un habitant confronté au greenwashing de la communication politique et industrielle, qui s’éveille et se politise peu à peu sur la question de l’eau. Proposant un récit à la fois pédagogique et engagé, les autrices révèlent les soubassements socio-environnementaux des minuscules composants électroniques.

      Face à la naïveté du personnage central confronté au manque d’eau et à l’incrédulité de devoir abandonner le « mythe du progrès », Sable incarne l’activiste consciente et engagée, elle représente aussi la voix de la sagesse et de l’honnêteté alors que partout semble triompher la compromission et l’intérêt particulier. C’est elle qui rappelle que « la technologie n’est pas un truc neutre, un outil comme un autre qu’on pourrait “bien” ou “mal” employer. C’est un choix politique, un modèle de société », qui implique en amont l’extractivisme et en aval la contamination. Derrière l’usine et les promesses de « dématérialisation » il y a un métabolisme socio-écologique destructeur, fondé sur la seule croissance, au détriment des humains et du vivant.

      L’un des nombreux mérites de cette BD est la clarté et la précision de l’enquête menée, les autrices et illustratrices ont conduit, conjointement avec les militants de l’association grenobloise STopMicro un travail d’investigation remarquable, décrivant aussi bien le fonctionnement intérieur de l’usine, les modes de production, que les chaînes globales de la mondialisation dans lesquelles s’inscrit le commerce de ces puces, à commencer par les usages militaires. Les autrices ont également su faire preuve d’imagination, et l’enquête est complétée de scènes imaginaires pleines d’humour.

      Grâce à ce travail on suit autant le cycle de l’eau que le secret des réunions stratégiques des industriels et des élus. On pénètre dans les réunions discrètes des cadres de l’entreprise et des agences censées les réguler. Le récit nous ouvre les bureaux où se prennent les décisions comme les espaces de travail, ces « salles blanches » où trime une main-d’œuvre exploitée. Confinés dans des territoires à l’écart, relégués dans les marges, les espaces productifs et les impacts environnementaux des objets du quotidien ne sont pas toujours visibles. L’un des immenses mérites de cette bande dessinée qui fait autant appel à l’imagination, à l’humour et à l’ironie qu’à une documentation minutieuse est de révéler l’invisible, de montrer le fonctionnement du solutionnisme technologique et des promesses ambiantes, portés aussi bien par l’extrême-droite anti-écologiste que par les macroniens vantant la start up nation et la réindustrialisation.

      L’opposition aux puces n’est pas récente, elle a commencé avec des collectifs de professionnels comme des agriculteurs s’opposant à l’usage de puces pour contrôler les troupeaux. Le collectif « Faut pas pucer » créé autour de 2010 a mené l’enquête sur ces technologies de contrôle tout en contestant la numérisation du monde. Mais au-delà des usages, c’est aussi la phase amont de la production qui doit être questionnée, comme dans le Grésivaudan où l’accaparement de l’eau pour le traitement et le nettoyage des microprocesseurs menace d’accentuer les pénuries et la contamination de cours d’eau pourtant de plus en plus sous tension à l’heure du changement climatique.

      Au-delà d’un site industriel particulier, c’est le sens même de ce type d’usines et des produits qu’elles fabriquent qui devrait être mis en débat en portant une attention particulière à l’eau, cette ressource vitale pourtant de plus en plus rare. Ce récit graphique y contribue de façon salutaire. L’enjeu n’est pas de repousser plus loin la construction de ces usines, ou de les renvoyer dans les suds, mais bien de pointer l’impasse de ce type de production industrielle, particulièrement dans le contexte climatique actuel, et la nécessité d’engager une décrue des consommations numériques. La conclusion est inéluctable : c’est le choix même de ces productions qui doit être remis en cause, et les modes de vie qui leur sont associés.

      https://www.terrestres.org/2024/10/08/les-macrodegats-de-la-microelectronique

  • Le béton, matériau extraterrestre | Terrestres
    https://www.terrestres.org/2024/09/30/le-beton-materiau-extraterrestre

    Au cours des dernières années, le béton, ce matériau omniprésent dans nos infrastructures terrestres, a fait l’objet d’un intérêt inédit dans le champ académique et militant, à l’origine de publications et de mobilisations croissantes. Un week-end anti-béton a ainsi été organisé à l’automne 2023, soutenu notamment par les Soulèvements de la Terre afin d’alerter contre ce matériau et désarmer les acteurs qui le promeuvent comme l’ex multinationale Lafarge. En 2019, un célèbre article publié par Jonathan Watts dans le journal britannique The Guardian décrivait déjà le béton comme « le matériau le plus destructeur sur la Terre »1. Sa production est en effet passée de quelques millions de tonnes vers 1900 à plusieurs milliards au début du XXIe siècle. La production de ciment été multipliée par 4 depuis le début des années 1990 et était estimée à 4,1 milliards de tonnes en 2019.

    Un chiffre frappe l’imagination et symbolise à lui seul notre condition terrestre à l’heure de la grande accélération : entre 2011 et 2013, la Chine a consommé 50 % de plus de ciment que les États-Unis durant tout le XXe siècle (...)

  • La publicité | Terrestres
    « La publicité est contre la personne, car elle empêche le choix », écrivait Bernard Charbonneau en… 1935. Que dirait-il aujourd’hui s’il savait que le monde est encore convaincu du contraire ? « La publicité », une archive rare et toujours aussi pertinente, par un fondateur de l’écologie politique.
    https://www.terrestres.org/2024/09/25/la-publicite

    Et nous retrouvons cette similitude entre la publicité politique et la publicité commerciale qui dénonce une âme commune. Le même torse dressé en pleine lumière, le même poing, brosse à dent, fusil ou pioche en main exalte le prolétaire ou le produit untel ; la même jeune fille splendide (mens sana in corpore sano) sert de preuve à l’excellence du fascisme ou du dépuratif. Mêmes images, marques profondes d’un même idéal. A côté des opinions politiques plus ou moins superficielles, plus ou moins apprises, se forme un vaste fond d’opinions et d’images communes qui se cristallise brusquement lorsqu’il y a un parti assez habile et assez riche pour les exploiter. Demain, le régime qui réussira sera peut-être le régime du rien n’importe-quand-le-foie-fonctionne, ou celui qui réussira à aligner le plus de belles filles et d’hommes hygiéniques, un régime de pilules Pink et de bonheur, de pilules orientales et d’érotisme, et de bonshommes Emboi.

  • Un #Communisme décroissant pour enrayer la catastrophe ?
    https://www.terrestres.org/2024/09/20/un-communisme-decroissant-pour-enrayer-la-catastrophe

    À l’occasion de la parution du livre à succès de Saito Kohei, « Moins ! La #Décroissance est une philosophie », Terrestres publie un extrait de ce manifeste décroissant à destination du grand public, qui défend un #Marxisme débarrassé de son héritage productiviste et repensé pour faire face aux catastrophes socio-écologiques. L’article Un communisme décroissant pour enrayer la catastrophe ? est apparu en premier sur Terrestres.

    #Capitalisme #Travail

  • « Casser leurs machines, fabriquer les nôtres »
    https://www.terrestres.org/2024/09/05/casser-leurs-machines-fabriquer-les-notres

    Comment lutter contre l’industrialisation du monde sans défendre, en creux, un retour à un ordre supposément naturel ? Critiquer certaines technologies sans stigmatiser celles et ceux qui en dépendent au quotidien ? Entretien avec des membres de l’organisation du festival du livre Livrosaurus Rex, sur le thème de la critique des technologies et de l’industrialisation du monde. L’article « Casser leurs machines, fabriquer les nôtres » est apparu en premier sur Terrestres.

    #Autonomie #Corps #Décroissance #Féminisme #Technocritique #Technologie

  • Prise de #Terre et Terre promise : sur l’État colonial d’Israël
    https://www.terrestres.org/2024/08/02/prise-de-terre-et-terre-promise-sur-letat-colonial-disrael

    L’Etat israélien s’est bâti autour d’une double construction : celle d’une nation et celle d’un territoire originel. Dès lors, le rapport colonial d’Israël aux territoires palestiniens s’éclaire : les pollutions, des dépossessions, les destructions et les prises de terre s’inscrivent dans une volonté de créer de toute pièce une Terre promise. L’article Prise de terre et Terre promise : sur l’État colonial d’Israël est apparu en premier sur Terrestres.

    #Décolonial #Géopolitique #Guerre #Luttes

  • Le Ministère du futur
    https://www.terrestres.org/2024/07/17/le-ministere-du-futur

    Alors que la France semble plongée dans la tourmente politique, l’Inde vit une canicule mortelle. Que se passerait-il si, au gré d’une puissante et longue canicule, les conditions climatiques devenaient littéralement suffocantes ? C’est sur ce scénario effroyable que s’ouvre le #Roman d’anticipation climatique de Kim Stanley Robinson. Extrait. L’article Le Ministère du futur est apparu en premier sur Terrestres.

    #Climat #Récits

    • Le #Ministère_du_futur

      Établi en 2025, l’objectif de la nouvelle organisation était simple : plaider pour les générations à venir du monde et protéger toutes les créatures vivantes, présentes et futures. Il fut vite surnommé « le Ministère du Futur ».

      Raconté entièrement sous forme des témoignages directs de ses personnages, Le Ministère du Futur est un chef-d’œuvre de l’imaginaire, l’histoire de la façon dont le #changement_climatique nous affectera tous dans les décennies à venir.

      Le décor n’est pas un monde postapocalyptique et désolé, mais un avenir qui nous fonce dessus… et où il nous reste une petite chance de surmonter les défis extraordinaires auxquels nous devons faire face.

      https://www.bragelonne.fr/catalogue/9791028120863-le-ministere-du-futur
      #livre #Kim_Stanley_Robinson

    • Le terme n’est utilisé qu’une fois, et c’est à propos du risque de menace terroriste d’un groupe indien se réclamant de Kali. Je comprends ça comme une évocation d’un risque de guerre bactériologique.

      Whether that kind of aggressive stance would be revealed as a true national position or the posturing of a radical faction remained to be seen. It depended, some thought, on how far India’s new national government was willing to go to back up this Kali group’s threats— to in effect unleash them. War in the age of the internet, the age of the global village, the age of drones, the age of synthetic biology and artificial pandemics— this was not the same as war in the past. If they were serious, it could get ugly. In fact, if even just the Kali faction of the Indian polity was serious, it could get very ugly.

    • Le 1er mai 2020, Kim Stanley Robinson a publié un très long texte dans le New Yorker à propos du Covid :
      https://www.newyorker.com/culture/annals-of-inquiry/the-coronavirus-and-our-future

      De ce que j’en comprends (c’est très long), il explique que le Covid a montré que face à une situation de danger extrême et immédiat, nous sommes capables de « faire société » et de prendre des décisions collectives très fortes, en suivant les recommandations scientifiques. Et évidemment cela lui inspire des réflexions sur les choix de société qui s’offrent face au désastre climatique :

      What about afterward, when this crisis recedes and the larger crisis looms? If the project of civilization—including science, economics, politics, and all the rest of it—were to bring all eight billion of us into a long-term balance with Earth’s biosphere, we could do it. By contrast, when the project of civilization is to create profit—which, by definition, goes to only a few—much of what we do is actively harmful to the long-term prospects of our species. Everyone knows everything. Right now pursuing profit as the ultimate goal of all our activities will lead to a mass-extinction event. Humanity might survive, but traumatized, interrupted, angry, ashamed, sad. A science-fiction story too painful to write, too obvious. It would be better to adapt to reality.

    • Pour une raison qui m’échappe (non), KSR dans ses interventions publiques édulcore le propos de son livre, en expliquant que tout va bien mieux se passer que dans sa dystopie. Sans doute a-t-il été briefé que tout de même, ça ne se fait pas de mettre des cibles aussi visibles dans le dos des capitalistes de ce monde.

      Il oublie ce faisant que les deux dernières années ont démontré que nous étions déjà en avance sur ce que son livre imagine.

  • Voitures volantes et vieux rêves capitalistes
    https://www.terrestres.org/2024/07/10/voitures-volantes-et-vieux-reves-capitalistes

    Dubaï, Ōsaka, Arabie Saoudite et maintenant Paris… les voitures volantes sont annoncées partout mais elles ne volent nulle part. Obstacles techniques ? Contestation sociale ? Si ce symbole du futur ne prend pas, c’est tout simplement parce qu’il est une figure du passé, dont la fonction est d’alimenter les projets capitalistes et leurs chantiers. Décollage immédiat pour le Japon ! L’article Voitures volantes et vieux rêves capitalistes est apparu en premier sur Terrestres.

    #Capitalisme #Imaginaire #Technocritique #Transports

  • Les Beaux gestes
    https://www.terrestres.org/2024/07/03/les-beaux-gestes

    Baro d’evel, c’est une compagnie franco-catalane, dirigée par Camille Decourtye et Blais Mateu Trias. Elle a pratiqué le cirque itinérant, les chapiteaux et les plateaux des salles de #Théâtre, elle a décloisonné et fluidifié les pratiques artistiques, le cirque, la danse, le théâtre, le chant, les règnes humains et non humains, les genres. Baro d’evel, […] L’article Les Beaux gestes est apparu en premier sur Terrestres.

    #Politique

  • Faire front | Terrestres
    https://www.terrestres.org/2024/06/28/faire-front

    L’histoire du Front populaire de 1936 commence en 1934 par une manifestation ouvrière massive pour éviter un coup de force fasciste. Comment s’est créée cette alliance au sein de gauches qui se détestaient ? Retour sur un mouvement par en bas qui a ensuite contraint les formations politiques et syndicales.