Intelligence Artificielle : La pédagogie contre l’illusion ?
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L’Ecole au front de l’I.A.
L’ouvrage d’Olivier Ertzscheid aborde la question des « artefacts génératifs » (terme qu’il préfère à « Intelligence artificielle ») sous bien des aspects : techniques, philosophiques, politiques, artistiques, juridiques… Il éclaire aussi les défis posés à l’éducation : « Nous sommes une nouvelle fois devant un changement absolument majeur de notre manière d’enseigner, de transmettre, et d’interagir dans un cadre éducatif, a fortiori lorsque celui-ci est asynchrone et / ou à distance. »
Car après s’être livrée à la terreur des jeux vidéo, de Wikipédia ou des réseaux sociaux, l’Ecole est peut-être menacée par une nouvelle panique morale : la qualité des textes (et pas que) produits par l’I.A. fait entrer l’Ecole (et pas que) dans l’ère du soupçon. Elle renforce potentiellement un sentiment d’insécurité chez les enseignant·es confronté·es au nouveau pouvoir d’écrire que la machine offre aux élèves. Mais elle leur donne aussi, du moins à celles et ceux qui s’y forment, des facilités nouvelles pour concevoir une séquence, un cours, un diaporama, un QCM, une évaluation… Côté élèves comme côté enseignant·es, le piège, c’est peut-être précisément le sentiment de toute puissance que donne la machine. L’immédiateté de la réponse offerte par les assistants conversationnels est un leurre, une tentative d’hypnose. Le travail de l’Ecole, c’est précisément de nous aider à sortir de la pensée magique pour saisir que l’IA, loin d’être une transcendance, est une technologie, à élucider, que cette technologie fonctionne au service d’intérêts économiques et politiques, qu’elle existe grâce à l’intervention de travailleurs et travailleuses de plus en plus invisibles et exploitées.
Le 1er danger pour l’Ecole, c’est l’aveuglement, l’ignorance de ce qui se joue, avec pour conséquence l’abandon des élèves face à la technique, susceptible une fois encore de renforcer les inégalités scolaires et socioculturelles. « Nous devons accepter, souligne Olivier Ertzscheid, de braconner sur ces terres d’une relation dialogique automatisée. Et nous devons à tout prix et à tout coût intégrer dans nos pratiques ces nouvelles formes de braconnage technique et culturel et y accompagner étudiantes et étudiants. »
L’Ecole au front des langages
L’ouvrage d’Olivier Ertzcheid pose quelques bases d’une didactique de l’I.A. qu’il nous faudra rapidement construire. Il nous rappelle en particulier combien il devient encore plus essentiel de développer les compétences linguistiques des élèves, au premier chef la maitrise du vocabulaire et de la syntaxe.
L’Ecole au front de l’EMI
Le travail qui nous incombe, c’est de favoriser une posture de déconstruction : les élèves doivent développer un regard critique sur les productions générées par l’IA. Savoir analyser, comparer, vérifier, sélectionner, hiérarchiser, sourcer, corriger, enrichir, restructurer … les propositions de l’IA supposent bien des connaissances, des capacités et des entraînements, ce qui fait de l’EMI plus que jamais une urgence et un impératif, et ce dans toutes les disciplines tant chacune est impactée.
L’ouvrage d’Olivier Ertzscheid est une belle entreprise de démystification qui nous invite à nous faire à notre tour désillusionnistes. Dépasser la peur comme la fascination implique de comprendre « comment ça marche », de rendre visible ce qui est volontairement dissimulé, de refuser un assujettissement à une IA qui soit déprise sur le savoir et emprise sur les croyances. Ce qui s’impose d’urgence, c’est une pédagogie critique des normes non seulement sociales, mais aussi désormais épistémologiques : au travail !
Jean-Michel Le Baut
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