La farce des droites parlementaires
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La séance à l’Assemblée nationale consacrée au débat sur la censure fut un parfait décor Potemkine de vie parlementaire, un assaut d’armée d’opéra des droites contre la gauche. Erreur de cible ? Non. Seul le refus du NFP les unit car le soutien à Barnier n’existe pas. Au total, ce fut un gargarisme assez laborieux avec une pauvre poignée d’éléments de langage. À cela s’ajoutait de temps en temps l’évocation de mon nom pour rajouter une odeur de soufre indispensable pour l’ambiance dans la troupe. J’arrête ici la jubilation qui m’anime à les voir si lourdement empêtrés dans leur décomposition politique. Leurs mines pendant le discours tranchant de Clémence Guetté était un régal. Je reviens à plus froid et comptable.
Ces messieurs dames ont évoqué leur « majorité » relative « plus forte que celle du NFP ». Pastille avalée tout rond par les répondeurs automatiques médiatiques. Problèmes : où sont ces 230 députés invoqués par les orateurs pour montrer les muscles de la nouvelle entité gouvernementale ? Se souvient-on que le groupe LR s’est enregistré à l’Assemblée comme groupe d’opposition jusqu’au soir du débat de censure ? Et refusait d’en changer comme cela lui avait pourtant été demandé en bureau de l’Assemblée dans un souci de clarification et de répartition du temps de parole ? Rectifié depuis. Est-on cependant certain pour autant de leurs votes quand vont arriver les documents budgétaires avec la hausse des impôts à laquelle tout ce petit monde se dit absolument réfractaire ? Sans parler des amputations de dépenses. Les élus locaux de cette famille sont-ils prêts à cinq milliards d’amputation des budgets des collectivités locales ? Je cite ici ce poste pour rappeler combien, si LR existe encore, c’est d’abord au Sénat où l’on est très connecté avec ces collectivités. Et elles votent dans deux ans pour élire la prochaine vague de sénateurs. Ce sera en pleine application du budget de cet automne. Ensuite, quels sont les députés des groupes macronistes volontaires pour le suicide électoral qui les attend après un budget d’économie de quarante milliards ? Surtout après les déclarations de Gérald Darmanin et de ses amis déclarant ne pas vouloir voter le budget si les impôts augmentent. Et qui parmi les autres candidats de 2027 présents sur ces bancs est prêt à céder le monopole du bon cœur pour les riches et les entreprises ? Rendez-vous jeudi soir à 18h quand les documents arriveront officiellement à la commission des finances où siège tout ce beau monde. De plus, tout cela aura lieu dans une ambiance à couper au couteau. Car la discussion budgétaire a déjà quinze jours de retard. C’est dire que les auditions, les amendements et les négociations de couloir vont se dérouler dans une ambiance de pression absolue. Un avant-goût de cette violence est donné par le délai entre l’arrivée du budget et le début de sa discussion en commission : 15 heures ! Un délai en bonne partie nocturne entre 18 heures le jeudi et 9 heures le lendemain matin. En avant pour une première nuit blanche budgétaire.
D’une façon générale, j’apprécie la contribution à la confusion que nous procure l’amandine discrétion médiatique sur ce sujet. Comme d’habitude, cela aggravera la perception erronée que ces gens veulent avoir de la réalité. La voici pourtant en résumé : une nouvelle coalition est censée réunir un groupe parlementaire ultra minoritaire qui a le premier ministre. Mais celui-ci se déclare d’opposition. Et il est censé être uni à un archipel de groupes parlementaires présidentiels soutenant son choix de Premier ministre. Mais dont ils ne veulent pas voter le budget. Et pour finir tout ce château de carte repose sur la bonne volonté du groupe RN qui refuse la destitution et même la censure mais annonce qu’il va y recourir bientôt. Un gouvernement illégitime appuyé par une majorité relative qui n’existe pas, voilà qui est intéressant à vivre. Le projet de budget est donc condamné d’avance, quel qu’il soit. Il y aura 49.3 : Barnier l’a annoncé sur France 2. Et la censure sera proposée. Le NFP la votera et le RN aussi. Sans compter d’autres. Quel avenir excitant pour Barnier et ceux qui lui resteront acquis avec abnégation !
Au demeurant, qu’est-ce qu’une « majorité » gouvernementale sans programme ? Car de programme, il n’y en a pas ici. Ni même l’ombre d’un. Car la déclaration politique du Premier ministre n’a été soutenue telle quelle par aucun orateur. Tous ont demandé à voir et déclaré qu’ils jugeraient sur les actes. Du coup, le Premier ministre n’a demandé aucun vote de confiance à l’Assemblée. C’est le troisième Premier ministre macroniste qui se défausse ainsi. Donc ni majorité, ni programme, ni confiance. C’est grand ! Et face à cela, un chapelet d’orateurs, fustigeant le NFP qui ose proposer la censure. Comme si ce vote n’était pas, lui, une obligation. C’est du moins ce qu’avait dit Georges Pompidou la fois où il s’était dispensé de vote de confiance. Il avait affirmé dans son discours que la contrepartie évidente était la censure comme devoir pour ceux qui lui auraient refusé la confiance. Pourtant, pas un instant la morgue ignorante des orateurs des droites ne s’est relâchée. Proposer la censure ce serait « semer le chaos » ont répété sans imagination les porte-paroles des groupuscules présidentiels. De tels parlementaires ne méritent pas mieux que les mauvais traitements que le président de la République leur inflige.
Mais avouons que la question du programme commun inexistant entre les droites qui prétendent pourtant « gouverner pour faire la seule politique possible » n’est pas un travers dont elles seraient les seules coupables. Au « centre gauche » c’est-à-dire à la droite du PS, la situation est la même. Une ribambelle de grands esprits haineusement hostiles au NFP (et bien sûr particulièrement à Mélenchon) ont pris la pause au moment d’annoncer la création de leur parti : eux sont « la gauche de gouvernement » comme le disent les bandeaux des chaînes d’info. Un gouvernement Delga ? Un gouvernement Hollande ? Un gouvernement Bouamrane ? Oui mais pour quoi faire ? Pour quel programme ? Voilà précisément ce qu’ils ne sauraient dire. Et que personne n’a l’insolence de leur demander. Voici à son tour une « gauche gouvernementale » de décor carton-pâte. Trônes en carton, épées en bois. Résumons : la « gauche de gouvernement », qui se soucie de « ne pas être celle du tout ou rien », n’a ni candidat premier ministre, ni programme de gouvernement. Mais la gauche « de posture », celle « qui ne veut pas gouverner », propose pourtant l’un et l’autre. La première est en désaccord avec la seconde mais on ne sait pas sur quoi. Elle dénonce les déclarations d’un certain « Jean-Luc Mélenchon » omniprésent dans ses discours, sans jamais dire lesquelles. Elle signe des accords électoraux, mais les dénonce aussitôt élue, et jure que c’est la dernière fois. Après quoi son principal seigneur féodal, Carole Delga se sent autorisée à dire que les insoumis « n’ont aucune parole ». Les électeurs seront heureux qu’on le leur rappelle le moment venu.
Bien sûr, ceux qui ont la patience de suivre des yeux ce cortège de #carnaval-politique s’en dégoûtent vite. Ce sont autant de composantes du renouveau d’un dégagisme qui sera sans précédent. Aussi longtemps que Macron s’accrochera à son trône, un intense exercice d’éducation populaire continuera dans ce sens. L’expérience mondiale sur le sujet est que cela ne fonctionne jamais en faveur des revenants zombie et fantômes du passé où s’est construit la farce gouvernementale en cours.
▻https://melenchon.fr/2024/10/09/la-farce-des-droites-parlementaires
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