Alexander Grothendieck. Un génie mathématique singulier. 1928-2014, par Antoine Chambert-Loir
▻https://webusers.imj-prg.fr/~antoine.chambert-loir/exposes/ag/ag.html
En 1970, Grothendieck et quelques amis mathématiciens fondent le groupe « Survivre… et vivre ». Grothendieck explique son but : « la lutte pour la survie de l’espèce humaine, et même de la vie tout court, menacée par le déséquilibre écologique croissant causé par une utilisation indiscriminée de la science et de la technologie et par des mécanismes sociaux suicidaires, et menacée également par des conflits militaires liés à la prolifération des appareils militaires et des industries d’armement. »
plus loin, une anecdote que j’ignorais :
Dans Récoltes et semailles [livre de mémoires de A.G.], un paragraphe s’intitule « Mes adieux — ou les étrangers » et Grothendieck le présente comme « l’épisode que je pourrais aujourd’hui appeler celui de mes adieux ».
Ça se passe vers la fin de 1977. Quelques semaines auparavant, j’avais été cité au Tribunal Correctionnel de Montpellier pour le délit d’avoir « gratuitement hébergé et nourri un étranger en situation irrégulière » (c’est-à-dire, un étranger dont les papiers de séjour en France ne sont pas en règle). C’est à l’occasion de cette citation que j’apprenais l’existence de ce paragraphe incroyable de l’ordonnance de 1945 régissant le statut des étrangers en France, un paragraphe qui interdit à tout français de porter assistance sous quelque forme que ce soit à un étranger « en situation irrégulière ». Cette loi, qui n’avait pas son analogue même en Allemagne hitlérienne à l’égard des juifs, n’avait apparemment jamais été appliquée dans son sens littéral. Par un « hasard » très étrange, j’ai eu l’honneur d’être pris comme le premier cobaye pour une première mise en vigueur de ce paragraphe unique en son genre.
Si adieux il y a eu, c’est que la communauté des mathématiciens s’est trouvée fort peu sensible à cet épisode.