• Après Trump, la désorientation - AOC media
    https://aoc.media/opinion/2024/11/21/apres-trump-la-desorientation/?loggedin=true

    Un très bon papier, qui de surcroît me fait le grand plaisir (et la surprise) de citer un de mes articles datant de 2004...

    Pendant que le Parti démocrate, plein de mauvaise conscience, fustige son programme, voire culpabilise de ne pas l’avoir assez trumpisé, une question demeure : comment en est-on arrivé là ? comment Donald Trump a-t-il réussi à fasciner son électorat et à passer pour un candidat antisystème ? Une réponse est ici esquissée, la période s’ouvrant aux États-Unis nous concernant au premier chef avec la montée du RN.

    La trop facile élection de Trump a soulevé le désarroi et l’incompréhension chez celles et ceux qui croyaient que sa misogynie, sa vulgarité, son égotisme et ses engagements antidémocratiques le disqualifieraient d’avance. Et à peine le résultat connu, le camp des vaincus a repris son exercice préféré : se battre la coulpe. Une litanie de motifs a subitement surgi pour expliquer la défaite de Kamala Harris : retrait tardif de Biden, ravages de l’inflation, explosion de l’immigration illégale, plafond de verre interdisant l’accès d’une femme à la présidence, communication défaillante, programme trop radical en faveur des minorités, accords avec des républicains dissidents. Et puis, à mesure que les données du vote ont été rendues publiques, les analystes ont surtout cherché à comprendre pourquoi Harris avait perdu plus de huit millions de voix qui s’étaient portées sur Biden en 2024 (écart dont ne rend pas compte la hausse du nombre d’abstentionnistes[1]).
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    Cette déperdition massive a alors suscité une série de spéculations : vote des jeunes hommes des minorités en réaction aux effets de #MeToo, adhésion des femmes blanches à la rhétorique machiste, incapacité des progressistes à prendre en compte le déclassement des « cols bleus », désertion de l’électorat musulman, sanction des étudiants au nom des massacres à Gaza. Dans cette énumération sans fin des raisons ayant contribué à cette affligeante déconvenue, il en est une qui semble emporter la mise une fois les émois passés : la différence entre détenteurs d’un diplôme du secondaire ou de l’université[2].

    C’est ainsi qu’a soudain refleuri la thèse selon laquelle le Parti démocrate était contrôlé par une élite diplômée insensible aux aspirations des classes populaires tandis que le Parti républicain sous la coupe de Trump en serait devenu le porte-parole patenté. Ce constat est d’autant plus étrange que ce parti est dirigé par des personnes qui s’enorgueillissent d’être sorties des universités que fréquentent les progénitures des plus riches, font outrageusement étalage des fortunes qu’elles ont amassées et se gaussent ouvertement des revendications des ouvriers et des modestes. Vue sous cet angle, il est bien étrange d’expliquer l’élection de Trump par le rejet des élites éduquées et déconnectées. Alors pourquoi l’invocation du niveau de diplôme fait-elle florès ? Peut-être parce que derrière l’affirmation qu’il est l’unique facteur prédictif du vote encore pertinent se trouve un jugement social qui n’est jamais formulé. On peut essayer d’en deviner la teneur.

    Un premier type de jugement découlerait de ce raisonnement : les personnes disposant d’un faible niveau d’éducation occupent les professions les moins rémunérées, les plus disqualifiées et les plus précaires, ce qui en font une cible facile pour le discours qui les donne pour des victimes de la concurrence déloyale que leur font des étrangers (chinois ou d’Amérique latine) et clame qu’il va la pulvériser (par les taxes et les déportations).

    Un deuxième raisonnement serait un peu plus dépréciatif : il laisse supposer que les gens moins éduqués manifestent une plus grande disposition à être convaincus par des propos démagogiques ou des appels aux affects, donc qu’ils sont plus susceptibles de succomber aux charmes des imprécations contre les intellectuels, les bureaucrates, l’État profond, les femmes, les communistes ou les migrants, tous tenus pour responsables des maux qui les accablent.

    Un troisième raisonnement consisterait à associer le bas niveau d’éducation à l’adoption de certaines « valeurs » : virilisme, misogynie, homophobie, xénophobie, grossièreté, goût des armes et de l’alcool, ce qui leur rendrait inaudibles les discours qui ne font pas mine de les partager[3].

    Le problème avec la thèse de la détermination des conduites électorales par le niveau de diplôme est qu’on ne voit pas comment ce phénomène, qui est structurel, pourrait se modifier. Que devraient faire les démocrates pour déjouer ce mauvais sort et revoir un jour la Maison Blanche ? Obliger tous les Américains à s’inscrire à l’université ? ou organiser une opération de rééducation de masse afin que la population intériorise la notion d’égalité de genre et d’origine ? ou endosser les soi-disant valeurs du peuple pour ne pas s’aliéner son vote ? Tout cela est parfaitement incongru. Il y a de toutes façons gros à parier que les démocrates retrouveront la présidence avant que l’écart entre diplômes ne soit résorbé.

    Les réflexions sur la défaite de Kamala Harris éludent une question embarrassante : comment le Parti républicain sous l’emprise de Trump a-t-il réussi à passer pour une formation « antisystème » qui arrive à s’attirer les voix d’une grande partie de l’électorat ? Un élément de réponse à cette question se trouve dans la situation actuelle des régimes démocratiques. Il ne fait plus vraiment mystère que leur fonctionnement est perturbé par la désaffection pour les partis, l’indifférence pour le débat public, le rejet des institutions de la représentation et la remise en cause de la légitimité des gouvernants. Si on ajoute à cette liste le développement de la « désintermédiation » de l’expression des opinions[4] dans ce nouvel espace public que crée l’appropriation des réseaux sociaux[5], un constat s’impose : la croyance dans la noblesse et l’utilité de la politique est en déshérence.

    Dans ces conditions, un parti ou un mouvement qui aspire à gouverner peut afficher sa radicalité en dénonçant le consensus sur lequel repose la vie en démocratie depuis l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Ce qui peut le conduire à révoquer une série de principes que cette charte a sacralisés : l’égalité des droits entre citoyens, le respect des libertés individuelles et de la dignité des personnes, l’impartialité des autorités publiques, les obligations de la solidarité, le souci de la cohésion sociale et la coopération internationale pour assurer la paix.

    Et si c’était cette peur de la fragilité de leur légitimité qui conduit ces élites républicaines à se présenter comme les pourfendeurs d’un système corrompu ?

    Remplacer cet agencement obsolète par un pouvoir aux mains d’un chef qui décide seul et à sa guise des affaires publiques : telle est la promesse que Trump n’a cessé de faire durant sa campagne. Mais combien de ses électeurs ont voté pour le projet que ses propos d’estrade occultaient : libérer les puissants de toutes les entraves que les États ont petit à petit mises en place pour limiter leur enrichissement et leur domination sur la société.

    Car c’est bien ce qui est consigné dans le Projet 2025 de transition présidentielle (The 2025 Presidential Transition Project) concocté par la Heritage Foundation, groupe de réflexion qui regroupe les forces conservatrices étasuniennes. Ce texte est un manuel dont les huit cents pages précisent les instructions à suivre pour mettre en œuvre la détonante doctrine à laquelle le parti trumpiste s’est rallié et qui plaide pour un exécutif omnipotent, un souverainisme sourcilleux, un isolationnisme implacable, la politisation de l’administration et la purge des fonctionnaires réticents, la destruction de l’État social, la restauration de la tradition, de la religion et de l’autorité, l’interdiction de l’avortement, la négation de l’urgence climatique, la déportation des illégaux et des clandestins, la criminalisation de la pornographie, la levée des mesures qui interdisent les discriminations au titre de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre.

    Tous les traits d’une tyrannie sont réunis dans ce projet, qui a d’autant plus de chance d’être imposé qu’il est confié à un sociopathe narcissique assoiffé de vengeance[6]. Il convient bien sûr d’attendre pour voir ce qui va advenir après l’inauguration du 20 janvier 2025. Mais on pressent que Trump va s’autoriser de son succès pour réaliser le dessein des droites américaines de déréguler et de privatiser à marche forcée les politiques fédérales afin d’éradiquer l’immoralité et le communisme.

    C’est en menant cette croisade idéologique qu’elles pensent calmer la colère des « gens d’en bas » et retourner leur rancœur et leur désespérance à leur profit, en leur faisant miroiter la destitution d’un establishment honni et des institutions qui le protègent. On sait, depuis Le Guépard[7], que déclarer vouloir rompre avec l’ordre ancien est le dernier recours que trouvent des dominants qui constatent que leur ascendant sur leurs assujettis est contrarié par l’apparition d’une figure inquiétante : le citoyen rebelle qui conteste la supériorité des puissants[8]. Et si c’était cette peur de la fragilité de leur légitimité qui conduit ces élites républicaines à se présenter comme les pourfendeurs d’un système corrompu ?

    Ce qui est troublant dans cette affaire, c’est que les voix qui raillent l’irrationalité, l’indécence ou l’indigence du programme de Trump et de ses affidés semblent admettre leur incapacité à réduire la fascination qu’il exerce. Le plus dur va sans doute être de les arracher à la conviction – qui fait souvent le lit des régimes autoritaires – que le combat pour briser ce sortilège est perdu d’avance.

    En tout cas, se cantonner aux analyses en termes de différence de diplômes ne suffira pas pour sortir le camp de gauche de sa désorientation actuelle. Certains ont déjà compris l’urgence de préparer la résistance au maelstrom de décisions qui risque d’emporter bien des digues. Et puis il faudra observer comment le chaos que les premières nominations de Trump semblent programmer affectera le jugement de l’électorat qui, en se pinçant parfois le nez, a assuré sa victoire. Ce sera sans doute la variable critique de cette équation – qui est également celle que d’autres pays soumis aux pressions hargneuses des extrêmes droites sont aujourd’hui sommés de résoudre. C’est pourquoi l’enjeu de la période qui s’ouvre aux États-Unis déborde largement ses frontières.

    Albert Ogien

    Sociologue, Directeur de recherche au CNRS – CEMS

    [1] En 2020, le nombre de votants était de 239 247 000, contre 245 740 000 en 2024. Joe Biden a recueilli 81 283 500 voix et Donald Trump, 74 223 975. Cette fois-ci, Kamala Harris a obtenu 72 857 000 suffrages et Donald Trump, 75 870 000. En 2020, le taux de participation était de 66,77 %, contre 60 % en 2024, ce qui se traduit par 7 400 000 abstentionnistes de plus.

    [2] Même si ce facteur demande à être examiné de façon plus nuancée, comme l’a fait Éric Fassin dans les colonnes d’AOC.

    [3] Mario Del Pero, « De nombreuses études ont démenti le mythe selon lequel Trump serait le président de la classe ouvrière », Le Monde, 18 septembre 2024.

    [4] Hervé Le Crosnier, « Désintermédiation et démocratie », Multitudes, n° 19, 2004, p. 143-160.

    [5] Jürgen Habermas, Espace public et démocratie délibérative : un tournant (2022), traduit de l’allemand par Frédéric Joly, Paris : Gallimard, 2023.

    [6] Voir, d’une part, Stephen Greenblatt, Tyrans. Shakespeare raconte le XXIe siècle (2018), traduit de l’anglais (États-Unis) par Laurent Bury, Paris : Saint-Simon, 2019 et, d’autre part, Bandy Lee (dir.), The Dangerous Case of Donald Trump. 27 Psychiatrists and Mental Health Experts Assess a President, New York : St Martin’s Press, 2017 et Mary Trump, Trop et jamais assez. Comment ma famille a fabriqué l’homme le plus dangereux du monde (2020), traduit de l’anglais (États-Unis) par Valérie Le Plouhinec et Julie Sibony, Paris : Albin Michel, 2020.

    [7] Roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa dans lequel on trouve la réplique d’un aristocrate italien rendue célèbre par le film qu’en a tiré Luchino Visconti : « Il faut que tout change pour que rien ne change. »

    [8] James Holston, Insurgent Citizenship : Disjunctions of Democracy and Modernity in Brazil, Princeton University Press, 2008.

    #Démocratie

  • Les troubles du comportement en #maternelle : Les usages professionnels d’une catégorisation jugée imparfaite | Rachel Gasparini, Agora débats/jeunesses, 2021/1
    https://shs.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2021-1-page-113

    Les #troubles_du_comportement se caractérisent par une imprévisibilité et une violence qui viennent déstabiliser les normes d’activité professionnelle des #enseignants. Ils représentent une difficulté importante du métier d’autant plus dans le contexte actuel d’exigence institutionnelle de « bienveillance » et de prise en compte des élèves à besoins éducatifs particuliers, sans oublier l’objectif de traitement égalitaire de tous les élèves (Gasparini, 2018 et 2019) et les injonctions à la performance (Garnier, 2016). L’ensemble de ces prescriptions déontologiques comporte le risque d’un certain coût psychologique avec une culpabilité inhérente à l’impossibilité de concilier les normes contradictoires de « l’idéal du métier » (Dujarier, 2012). Les métiers à caractère relationnel engagent ainsi beaucoup plus les professionnels de première ligne dans un travail émotionnel et la gestion de leurs dissonances émotives (Hochschild, 2017 ; Jeantet, 2018) que les professionnels plus distants comme les cadres et les professions intermédiaires de l’éducation nationale, qui sont le relais des instructions officielles, ou bien comme les prescripteurs à distance que représentent les professionnels médico-psychologiques et sociaux. Dans leur gestion quotidienne des troubles du comportement, les professeurs des #écoles courent le risque de se sentir incompétents, remis en cause dans leur professionnalisme, voire épuisés par le stress occasionné. S’ils ne remettent pas en cause la norme morale dominante dans notre société concernant le devoir d’accueil des plus faibles, ils contestent les conditions d’application sans moyens de l’idéologie inclusive qui tend à invisibiliser les différences des élèves au détriment de la réalité des conditions difficiles d’exercice de leur profession (Zaffran, 2013), avec pour conséquence une tendance chez les enseignants à accroître un processus de désignation reposant sur la surestimation du nombre d’#enfants potentiellement concernés par les catégories médico-psychologiques.

    La problématique que nous nous posons ici est la suivante : comment expliquer que l’expression « troubles du comportement » circule aussi fréquemment dans les discours professionnels, alors même que ces derniers sont d’accord pour dire qu’elle est inadéquate, du fait des implicites erronés qu’elle comporte ? Ces implicites sont de trois ordres : une centration sur l’enfant et non pas sur le contexte d’expression du comportement, une explication simpliste ne rendant pas compte du caractère multifactoriel des causes (éducatif, social, clinique, scolaire), le poids d’un jugement normatif et moral.

    Trois hypothèses seront explorées. Premièrement, l’usage de cette expression est symptomatique de la « #médicalisation » et de la « #psychologisation » du champ pédagogique et des #difficultés_scolaires. Deuxièmement, le recours à cette expression permet aux enseignants de déléguer la prise en charge du « sale boulot » de gestion des comportements difficiles à d’autres professionnels. Sans exclure ces deux hypothèses qui se vérifient en partie dans nos résultats, nous voudrions en explorer une troisième : parler de troubles du comportement permet une certaine reconnaissance officielle des difficultés rencontrées par les enseignants et leur donne l’occasion de s’appuyer sur d’autres regards et savoirs professionnels pour orienter leur action pédagogique. Nous avons montré par ailleurs (Gasparini, 2018) combien la forme scolaire pouvait ainsi se trouver renforcée (par un travail de normalisation des conduites et de consolidation des compétences interactionnelles utiles en société), réaménagée (via des ruses pédagogiques, des arrangements pratiques) ou évacuée (avec une mise à l’écart de la classe ou une délégation à d’autres professionnels).

  • Un culte du chef ? - Culture militaire et verticalité organisationnelle au #front_national | Par #Félicien_Faury et Guillaume Letourneur, Revue française de science politique, 2020/3
    https://shs.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2020-3-page-399

    Au total, ce sont 15 % des responsables départementaux du #FN mariniste qui ont évolué à titre personnel dans le giron de l’institution #militaire. Comme par le passé, le monde militaire fait ainsi résolument partie des milieux surreprésentés au FN.

    [...]

    Ces récits témoignent du sentiment, chez ces anciens militaires, qu’il existe une profonde cohérence entre le monde militaire et l’institution frontiste. Le réinvestissement des capitaux (et de l’illusio qui les accompagne) de l’un vers l’autre apparaît relativement peu coûteux du fait de leur « certification interne  » au sein de l’organisation partisane. Cette facilité de recyclage des appétences et compétences d’un univers à l’autre renforce dès lors le recrutement partisan dans les milieux militaires. Un tel recrutement est par ailleurs rendu concrètement possible du fait d’une continuité des #sociabilités et des pratiques extra-politiques : les enquêtés mentionnent ainsi régulièrement la fréquentation de stands de tir, la participation à des dispositifs locaux orientés vers la sécurité (« Voisins vigilants ») ou des engagements communs dans des associations patriotiques. En Mayenne, par exemple, l’Union nationale des parachutistes, considérée par ses membres comme « non-politique », est présidée par Jean Y., un responsable départemental du FN, et peut en certaines occasions se constituer en relais vers le parti et offrir ainsi un vivier de #militants et de candidats en vue d’échéances électorales locales.

    [...]

    Supports d’exemplarités politiques et morales, objets de rétributions partisanes, les militaires sont ainsi en bonne position pour contribuer à façonner et à exprimer les normes culturelles dominantes du parti, partagées au-delà de ce seul groupe professionnel. Les illustrations sont nombreuses. S’agissant par exemple du système de récompenses partisanes, la décoration interne de la « flamme d’honneur » emprunte largement au décorum militaire, avec quatre grades et un « conseil de la flamme » à l’image d’une chancellerie. De même, les rassemblements militants sont fortement marqués par la symbolique empruntée à l’armée, avec des codes vestimentaires spécifiques, où certains militants exhibent des symboles explicitement militaires (bérets, tee-shirts, médailles) sans faire l’objet de réprobations. Le chant de l’hymne national La Marseillaise y occupe également une place centrale et revêt une connotation particulièrement patriotique et militarisée au FN, observable notamment dans la posture des corps (tous les militants se lèvent, se tiennent droit, chantent fort). Enfin, la communication partisane, au niveau national comme au niveau local, présente un soutien quasi systématique aux forces militaires, à la fois par stratégie d’entretien d’une base électorale – du fait de la surreprésentation de ces catégories dans l’électorat frontiste – et par volonté d’affirmation d’une ligne politique orientée vers les thématiques de l’ordre et de la sécurité. La culture militaire résonne également avec l’#idéologie nationaliste du parti, le travail des professionnels de l’ordre étant présenté comme d’autant plus indispensable et admirable qu’il fait écho à la défense de l’intégrité nationale et au combat contre le terrorisme. Ainsi, qu’il s’agisse des modes de hiérarchisation partisane, des moments de cohésion militante ou des thématiques de propagande électorale, l’univers militaire apparaît omniprésent dans la structuration et la vie quotidienne du #parti.

    [...]

    Si l’univers militaire imprègne tous les pans de l’organisation frontiste (du recrutement militant à l’idéologie), il fonctionne également comme mode de légitimation de sa culture organisationnelle. La structure pyramidale du parti trouve ainsi ses conditions de possibilité dans les dispositions et sensibilités de ses membres, pour lesquels la verticalité du commandement politique et la centralité du chef sont largement acceptées – rendant dès lors très difficile toute critique interne de ce fonctionnement. Grammaire discursive, la culture militaire fonctionne ainsi plus spécifiquement comme « grammaire disciplinaire  » dominante au FN, légitimant le mode hiérarchique de son organisation. La démonstration se concentrera sur trois aspects caractéristiques de la culture organisationnelle du FN : la verticalité et le centralisme du fonctionnement militant ; la faible propension aux pratiques délibératives ; la résolution des conflits internes par l’exclusion ou la défection.

    [...]

    L’examen des dispositions socioculturelles des militants permet ainsi d’expliquer comment les règles objectivées d’un parti sont entretenues, justifiées et « motivées  », et de ce fait débouchent sur des pratiques effectives. Or un des symptômes de la prégnance de la culture militaire est la manifestation parmi les adhérents au FN de croyances fortement positives à l’égard des fonctionnements hiérarchiques. Ceci correspond à ce que l’on sait par ailleurs des membres du « cercle des sympathisants » du FN – dont une étude avait montré leur rejet de principe d’une « société sans #chef ». Mais s’agissant des militants, le point qui nous semble ici important est que ces inclinations à la hiérarchie ne valent pas seulement pour « la société », mais aussi pour le parti lui-même. Ces visions du monde semblent donc constituer les « présupposés de base  » au fondement de la culture organisationnelle frontiste, légitimant sa structure hiérarchique.

  • Pourquoi il est important que les étudiant(e)s apprennent à se passer de #Chat-GPT ?

    Dans un article intéressant intitulé « ChatGPT : le #mythe de la #productivité » Hubert Guillaud nous explique qu’avec les applications de ce type, le but de l’#écriture est de remplir une page, pas de réaliser le #processus_de_réflexion qui l’accompagne. Or écrit-il. C’est justement tout l’inverse dont nous avons besoin ! À l’heure où l’intelligence artificielle (IA) s’immisce de plus en plus dans notre quotidien, il est utile de s’interroger sur son impact sur la formation, en particulier sur l’apprentissage des étudiants. Alors que des outils comme #ChatGPT promettent de faciliter de nombreuses tâches, il s’agit de comprendre pourquoi il est important que les apprenants puissent se passer de ces technologies, notamment dans le cadre de leurs études.

    L’IA et le développement des #compétences_cognitives

    L’un des arguments les plus convaincants en faveur d’un apprentissage sans IA porte sur le développement des compétences cognitives. Comme le souligne Emily M. Bender, linguiste citée par Hubert Guillaud, l’objectif de la rédaction d’un écrit d’étudiant (un mémoire ou d’un rapport de situation sociale) n’est pas de produire plus de connaissances, mais de renforcer les capacités de réflexion critique des élèves.

    Une analogie avec l’entraînement sportif peut vous aider à comprendre pourquoi : de même que s’entrainer à soulever des poids développe la force musculaire nécessaire à diverses disciplines sportives, l’écriture régulière cultive des compétences essentielles pour les futurs professionnels. Or, nous avons besoin de travailleurs sociaux qui pensent par eux-mêmes et s’entrainent sans chercher leurs idées dans des réponses formatées par des chabots.

    L’utilisation d’outils d’IA comme ChatGPT pour réaliser des devoirs équivaut à « amener un chariot élévateur dans une salle de musculation pour entrainer les athlètes ». En d’autres termes, cela prive les étudiants de l’opportunité de développer leur « forme cognitive ». Cette métaphore illustre parfaitement le risque d’atrophie intellectuelle lié à une dépendance excessive à l’IA. Il s’agit d’apprendre à penser par soi-même et d’être capable d’intégrer la pensée nécessaire à la pratique professionnelle. Sinon à quoi bon se former ?

    L’#effort_intellectuel doit être valorisé

    Un autre aspect à ne pas négliger de l’apprentissage sans IA concerne la valeur intrinsèque de l’effort intellectuel fourni par l’étudiant. Bien que certains types d’écriture puissent sembler superflus ou purement académiques, le processus de création de texte, même lorsqu’il n’est pas particulièrement créatif ou évident, a une valeur en soi. Il permet de développer des #compétences, d’approfondir la compréhension d’un sujet et de structurer la pensée. D’où l’intérêt de continuer à demander aux élèves de formaliser leurs pensées en synthétisant et en analysant des textes.

    Le risque d’une utilisation excessive de l’IA est de créer un #cercle_vicieux où la production de textes de qualité médiocre devient la norme. Nous pourrions entrer dans une ère où les documents sont générés à partir de listes à puces par une IA, puis réutilisé par une autre IA pour produire un devoir ou une communication académique. Cette perspective soulève des questions sur la valeur ajoutée réelle de tels processus et sur l’#appauvrissement potentiel de la #réflexion humaines.

    Un risque de #déshumanisation de l’apprentissage

    Distinguons d’abord deux aspects importants qui entrent dans le champ de la formation : la #compétence et l’#intelligence. La compétence correspond à la façon dont vous accomplissez une tâche, tandis que l’intelligence correspond à l’efficacité avec laquelle vous allez acquérir de nouvelles compétences. Cette différenciation nous conduit à comprendre une limitation fondamentale de l’IA : bien qu’elle puisse être extrêmement compétente dans l’exécution de tâches spécifiques (par exemple, résumer un texte), elle manque de la #flexibilité et de l’#adaptabilité qui caractérisent l’#intelligence_humaine. Elle ne dispose pas d’intelligence à proprement parler. Il nous est dit que les étudiants pour obtenir leurs diplômes doivent acquérir des domaines de compétence. Pour autant la pratique du travail social demande surtout de savoir agir avec intelligence. Or ce n’est pas la même chose. James Stacey Taylor, professeur de Sciences humaines au collège de New Jersey, explique bien pourquoi il interdit désormais à ses élèves d’utiliser l’IA.

    Cette technologie risque de nous traiter comme des êtres inférieurs à ce que nous sommes réellement : des créateurs et des interprètes de sens. Un autre argument en faveur de l’abandon de l’IA dans le travail des étudiants concerne son potentiel de « déshumanisation ». L’#IA_générative a tendance à réduire nos attentes, à la fois envers ce que nous lisons et envers nous-mêmes lorsque nous écrivons quelque chose pour que les autres le lisent. Nous banalisons du texte aux kilomètres généré par les #modèles_de_langage et oublions les efforts à fournir qui paraissent alors pour les étudiants de plus en plus démesurés.

    L’acte d’écrire ou de communiquer, même lorsqu’il n’est pas particulièrement original, porte une #signification_profonde pour l’auteur et son audience. Cela concerne aussi bien la #création_artistique que la #communication quotidienne. L’#intention et le contexte humains sont essentiels. L’IA, en se substituant à ces processus, risque de réduire la quantité d’intention dans le monde et d’appauvrir nos interactions qui nous conduisent à forger nos propres opinions.

    L’IA et la promotion de l’#incuriosité

    Rob Horning, philosophe du net, nous met en garde contre le fait que les modèles de langage de grande taille (#LLM) « marchandisent l’incuriosité ». Ces systèmes peuvent fournir des informations, mais ils sont incapables d’expliquer pourquoi ces informations ont été produites ou organisées d’une certaine manière. Cette limitation est particulièrement problématique dans un contexte éducatif, où la compréhension du processus de création et d’organisation des connaissances est aussi importante que les connaissances elles-mêmes.

    L’utilisation de l’IA dans l’#éducation risque de promouvoir une approche assez superficielle de l’apprentissage. L’accent sera mis sur l’obtention rapide de résultats plutôt que sur le processus de réflexion et de #compréhension. Cette tendance va à l’encontre des objectifs fondamentaux de la formation des travailleurs sociaux, qui visent à développer la #pensée_critique et la capacité d’analyse des étudiants.

    Or aujourd’hui que souhaitons-nous pour les futurs travailleurs sociaux ? De nombreux employeurs vous diront qu’ils recherchent des professionnels qui font ce qu’on leur demande de faire sans véritablement se poser des questions. Le résultat importe plus que le processus qui a permis de l’obtenir. Or l’aide et l’accompagnement en #travail_social est justement structuré dans le processus fait d’avancées et de reculs, un parcours qui permettra à la personne aidée de pouvoir à terme prendre son avenir en main. Elle nous oblige à penser l’action au fil du contexte et des évolutions de la situation. Cette réflexion est menée avec la personne accompagnée. Or l’IA vous proposera des réponses qui ne sont pas coconstruites avec elle.

    Le mythe de la productivité

    Un autre aspect problématique de l’utilisation de l’IA dans la formation est la promotion du « mythe de la productivité ». Cette idéologie présuppose que l’économie de temps et d’efforts est toujours préférable à l’engagement dans une activité pour elle-même. Dans le contexte éducatif, cela peut se traduire par une focalisation excessive sur la production d’actions et de contenus au détriment du processus d’apprentissage et de réflexion pour la mise en œuvre de l’action.

    Ce mythe de la productivité risque de réduire l’écriture et d’autres activités éducatives à de simples tâches à accomplir. Il néglige dans le processus d’écriture leur dans le développement intellectuel et personnel des étudiants. Comme le souligne Rob Horning, cette approche correspond à celle de l’idéologie libérale qui privilégie l’efficacité sur le sens et l’expérience.

    Une utilisation excessive de l’IA dans la formation risque également de priver les étudiants de la maîtrise de leur propre apprentissage au nom de la productivité. En automatisant des processus qui devraient normalement impliquer une réflexion et un effort personnels, l’IA peut réduire la capacité des étudiants à développer une compréhension profonde et une expertise dans leurs domaines d’étude.

    Cette perte de maîtrise s’apparente à ce que Rob Horning décrit comme le travail aliéné dans le contexte capitaliste. Au temps du Fordisme, les travailleurs étaient soumis à des processus de travail cadencés par la machine. Ils travaillaient à la chaine. Cela les privait de toute autonomie et surtout de leur créativité. Aujourd’hui, des robots les ont remplacés. L’IA utilisée de la sorte n’en ferait pas autrement. Cela pourrait se traduire par une autre forme de travail à la chaine, où le salarié (et l’étudiant) ne travaillent plus directement leurs textes, mais suivent plutôt ce que l’IA leur a fourni. Cela pourrait provoquer une forme d’aliénation aux outils d’IA, au détriment du développement de la capacité à penser de manière indépendante.

    L’impact sur l’apprentissage

    Les effets potentiellement néfastes de l’utilisation excessive de l’IA nous conduit dans des process un peu absurdes. Comme le souligne Ian Bogost, nous assistons déjà à des scénarios dans lesquels des étudiants génèrent des devoirs avec l’IA, que les enseignants font ensuite corriger par l’IA. On en arriverait vite à marcher sur la tête. Cette situation, qui peut exister, soulève des questions importantes sur la valeur et l’intégrité du processus éducatif.

    Le risque majeur est que cette technologie rende caduc certains des meilleurs outils d’apprentissage, notamment l’écriture elle-même. L’écriture n’est pas seulement un moyen de communiquer des idées, c’est aussi un processus qui permet de clarifier la pensée, d’approfondir la compréhension et de développer des compétences critiques. En remplaçant ce processus par une génération automatisée de contenu, nous risquons de priver les étudiants d’opportunités essentielles pour leur développement intellectuel.

    Il existe une grande différence entre l’apprentissage automatique et la « pensée machine » explique Ron Carucci dans le magazine Forbes. Dès l’instant où nous commençons à considérer l’IA comme une machine pensante, nous sommes dans le pétrin. En effet, cela signifie que nous avons essayé d’externaliser notre propre pensée critique et nos compétences de résolution de problèmes à une machine qui ne fait que répliquer et régurgiter les informations qu’elle a recueillies. Les grands modèles linguistiques recherchent des modèles d’information existants, peut-être même les synthétisent. Mais ils ne peuvent pas exercer d’appréciation, quelle que soit la nuance ou la rapidité de leurs résultats.

    Plus les étudiants utilisent les machines pour réfléchir à leur place, plus ils deviennent dépendants de ces machines, ce qui perturbe les processus cognitifs clés. Utiliser l’IA pour trouver une réponse par raccourci au lieu de la trouver par soi-même diminue leur réserve cognitive, ou si vous préférez les connexions entre les cellules cérébrales. L’hypothèse de la réserve cognitive reflète l’agilité de notre cerveau à résoudre des problèmes et à faire face à des situations inattendues explique Ron Carucci.

    En conclusion

    En conclusion, bien que l’IA offre des possibilités assez vertigineuses dans de nombreux domaines, son utilisation dans la formation, en particulier pour des tâches fondamentales comme l’écriture et la recherche, soulève de sérieuses préoccupations. Il est esentiel que les étudiants apprennent à se passer de ces outils, non pas par rejet de la technologie, mais pour préserver et développer des compétences essentielles qui ne peuvent être acquises que par l’effort et la pratique.

    L’éducation ne consiste pas seulement à acquérir des connaissances, mais aussi à développer la capacité de penser de manière critique, de résoudre des problèmes et de s’adapter à de nouvelles situations. Ces compétences sont primordiales pour le succès futur des étudiants, tant dans leur vie professionnelle que personnelle. Elles sont essentielles pour les étudiants en travail social. Il leur faut continuer à penser par eux-mêmes et non déléguer une quelconque décision à des IA qui n’auront pas dans leur mémoire tous les aspects particuliers d’une situation singulière.

    Alors que beaucoup utilisent l’IA sans le dire, il reste essentiel de trouver un équilibre entre l’utilisation de ces technologies comme outils d’assistance et la préservation des processus d’apprentissage. C’est bien le fait de ne pas utiliser l’IA qui favorise une véritable croissance intellectuelle. Les formateurs, les responsables de filières et les étudiants eux-mêmes doivent être conscients des limites et des risques associés à une dépendance excessive à l’IA dans la formation.

    En fin de compte, l’objectif de la formation devrait être de former des futurs professionnels capables de penser par eux-mêmes, de remettre en question les idées reçues et de contribuer de manière significative à la société. Ces compétences ne peuvent être pleinement développées que par un engagement actif dans le processus d’apprentissage, sans raccourcis artificiels. C’est en préservant ces aspects essentiels que nous pourrons préparer au mieux les étudiants dans un monde où l’IA jouera sans aucun doute un rôle de plus en plus important.

    La quasi-totalité des sources est en anglais, n’hésitez pas à utiliser un traducteur automatique :

    – ChatGPT : le mythe de la productivité | Dans les algorithmes : https://danslesalgorithmes.net/2024/09/17/chatgpt-le-mythe-de-la-productivite
    - Revue Spirale – Esprit critique et pouvoir d’agir. Vers le développement d’une « attitude critique » ? | Cairn.info : https://shs.cairn.info/revue-spirale-revue-de-recherches-en-education-2020-3-page-51?lang=fr
    - AI Reduces Critical Thinking | WVNexus : https://wvnexus.org/opinions/ai-reduces-critical-thinking
    - Why I Ban AI Use in Writing Assignments | Times Higher Education : https://www.timeshighereducation.com/campus/why-i-ban-ai-use-writing-assignments
    - Importance of Critical Thinking for Students | EssayPro : https://essaypro.com/blog/importance-of-critical-thinking-for-students
    - In the Age of AI, Critical Thinking Is More Needed Than Ever | Forbes : https://www.forbes.com/sites/roncarucci/2024/02/06/in-the-age-of-ai-critical-thinking-is-more-needed-than-ever
    - Why Should Students Not Use AI Tools to Write Assignments ? | Academic Assignments : https://www.academicassignments.com/blog/why-should-students-not-use-ai-tools-to-write-assignments

    https://dubasque.org/pourquoi-il-est-important-que-les-etudiantes-apprennent-a-se-passer-de-cha
    #ChatGPT #apprentissage #ESR #étudiants #AI #intelligence_artificielle #IA #université

    voir aussi :
    Guide sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le réseau de l’éducation
    https://seenthis.net/messages/1082156

    • A Student’s Guide to Not Writing with ChatGPT

      OpenAI has published “A Student’s Guide to Writing with ChatGPT”. In this article, I review their advice and offer counterpoints, as a university researcher and teacher. After addressing each of OpenAI’s 12 suggestions, I conclude by mentioning the ethical, cognitive and environmental issues that all students should be aware of before deciding to use or not use ChatGPT.

      “1. Delegate citation grunt work to ChatGPT. AI excels at automating tedious, time-consuming tasks like formatting citations. Just remember to cross-check all source details against original materials for accuracy.”

      That last sentence is probably there for legal reasons, because they know they can’t say ChatGPT will produce accurate results. Formatting citations and bibliographies means presenting metadata according to formal style instructions. This is not natural language. ChatGPT will make errors, which will take time to track and correct. Instead, use a reference manager, such as Zotero. It will format things reliably, exactly as expected. Just clean up the references’ metadata as you collect them, and then your bibliographies will never contain mistakes.

      “2. Quickly get up to speed on a new topic. ChatGPT can jumpstart your research by providing a foundational understanding of a subject.”

      ChatGPT is a human conversation simulator, not an information system or a knowledge base. It has no understanding of anything: it only outputs plausible responses. Do not ask an intermediary who has no capacity to understand information to explain it to you. Instead, go to your university library and look it up yourself, with the help of your local librarians. Actual information is contained in brains, documents and databases.

      “3. Get a roadmap of relevant sources. ChatGPT can guide your research by suggesting relevant scholars, sources, and search terms. But remember: while it can point you in the right direction, ChatGPT isn’t a substitute for reading primary sources and peer-reviewed articles. And since language models can generate inaccurate information, always double-check your facts.”

      (This is even more contentious than point 1, so we get two full sentences that are probably there for plausible deniability.) Because Chat GPT has no understanding of anything, it does not know what things like “a source” or “a true statement” are. Do not trust its directions. You will waste time and make mistakes. Again, ask a human or search for documents and data in a proper information system.

      “4. Complete your understanding by asking specific questions.”

      Because Chat GPT has no understanding of anything, it does not know actual answers to your questions, only plausible answers. It will generate true and false answers indiscriminately. This will set your learning back. Again, seek humans, documents and data directly instead of asking ChatGPT.

      “5. Improve your flow by getting feedback on structure.”

      Because Chat GPT has no understanding of anything, it does not understand what an “expected” or “improved” text structure is, even if you describe it. It can only upgrade your writing to middling quality, or downgrade it to that same level. Both will result in mediocre grades. To actually improve, ask a teacher, or join a group of students who give each other feedback; if such a group does not exist, get some people together and create it—this will be a useful experience by itself.

      “6. Test your logic with reverse outlining.”

      As an Australian study recently showed, ChatGPT does not know how to summarize, only shorten. So far, summarizing remains something only humans do well. So you should learn it: take a summarizing course from an information skills program. (Also, if you can’t summarize your own writing, something is wrong. Do not reverse outline your writing: outline first, then write.)

      “7. Develop your ideas through Socratic dialogue.”

      This is one suggestion that is related to ChatGPT’s actual function: simulating human communication. However, Socratic dialogue implies that you are conversing with someone who has a superior understanding of the topic and who slowly brings you to their level. And, unfortunately, ChatGPT is not Socrates. Using ChatGPT as a “sparring partner” will constrain you to its level: a machine which produces plausible human sentences. Instead, suggest this exercise to your teachers and fellow students, and do it with someone more knowledgeable than you.

      “8. Pressure-test your thesis by asking for counterarguments.”

      To improve your thinking, you must be able to come up with counterarguments, not just answer them. Using ChatGPT to do half the work will stunt your progress. Instead, come up with counterarguments yourself. And if you must ask for help, do not ask ChatGPT: it can only produce weak reasoning, so it will make you plateau into mediocrity. Ask someone who can create strong arguments to make you think harder.

      “9. Compare your ideas against history’s greatest thinkers.”

      ChatGPT can entertain you but it has no ability to design such a complex exercise so that you may learn from it. Suggest this idea to a teacher instead. This is what they are trained to do.

      “10. Elevate your writing through iterative feedback.”

      This is a variant of point 5 about feedback. Again, using ChatGPT will constrain your work to a machine’s idea of the human average. Instead, go for feedback sessions with teachers and fellow students, and make those iterative if needed.

      “11. Use Advanced Voice Mode as a reading companion.”

      (“Avanced Voice Mode” means ChatGPT listens to you reading something out loud and tries to answer your questions about it.) This is a variant of points 2-4 about information. ChatGPT has no understanding of anything. It will not provide reliable interpretations of what you’re reading. Instead, look up the definitions of words you don’t know; find scholarly work that analyzes the text; ask another student working on the same text if you’re unsure of what you’ve read.

      “12. Don’t just go through the motions—hone your skills. […] Try asking ChatGPT to suggest ways to develop your ability to think critically and write clearly.”

      Again, ChatGPT has no understanding of anything. This includes “critical thinking” and “writing techniques”. Look these things up in your university library catalogue; read what you find; ask your teacher about it; and then practice, practice, practice.
      Final words

      ChatGPT is designed to simulate human conversation. Using a probabilistic model of language, it communicates for communication’s sake, to fool you into thinking it’s human. It’s a bullshit machine. It works as a novelty thing, for entertainment. But it’s not a reliable tool for learning, so I believe students should be wary of it.

      Whenever students ask me about ChatGPT, I mention the following three issues:

      - ethics: most of the models were built on stolen data;
      - cognition: using it makes you more dependent and less smart, as studies have started to show (here’s a link to a French one) ;
      - environment: the energy costs of generative AI are an order of magnitude greater than pre-existing technology (and it’s not even profitable, so we’re burning fuel for nothing).

      It’s usually enough to give most of my students some pause. They’re creative young people, so they empathize with robbed creators. They want tools that help them, not hinder them. And a lot of them are (rightly) concerned about the environment, so they’re shocked to learn that ChatGPT takes ten times the amount of energy Google does to answer the same question, usually worse (but Google is catching up, or down I should say).

      The good news is that, as Jared White puts it:

      “You can literally just not use it. […] you can be a fulfilled, modern, very online, technical expert & creator and completely sit out this hype cycle.”

      If you need more information, I strongly recommend out that you check out Baldur Bjarnason’s Need To Know. It’s a website that provides an accessible summary of his deep literature review of the risks behind using generative AI. It’s a great starting point.

      https://www.arthurperret.fr/blog/2024-11-14-student-guide-not-writing-with-chatgpt.html

  • Les niveaux d’usage des drogues illicites en France en 2023 | OFDT
    https://www.ofdt.fr/actualite/les-niveaux-d-usage-des-drogues-illicites-en-france-en-2023-2123

    En 2023, la part des expérimentateurs de #cannabis a continué d’augmenter et concerne désormais plus de la moitié de la population française âgée de 18 à 64 ans. En revanche, les autres indicateurs d’usage de cannabis relatifs à une consommation actuelle n’ont pas augmenté entre 2017 et 2023 à l’exception de ceux concernant les adultes les plus âgés (55-64 ans). Aujourd’hui, les usages de cannabis restent le fait des jeunes générations (plus de 30 % des adolescents âgés de 17 ans en avaient déjà consommé en 2022).

    La consommation des #drogues_illicites autres que le cannabis, qui avait connu une période de stabilisation entre 2014 et 2017, présente en 2023 des niveaux d’usage en forte augmentation quelle que soit la substance psychoactive, et notamment pour les stimulants. Près d’un adulte sur dix a déjà consommé au moins une fois de la #cocaïne en poudre dans la vie, et un sur douze a déjà consommé de la #MDMA. Ces augmentations s’inscrivent dans un contexte de disponibilité accrue des drogues, en France comme en Europe.

    Abstinence, ennui et dépendance
    https://shs.cairn.info/revue-cliniques-2014-1-page-52

    Au risque de tout perdre, moi qui suis à peu près abstinent de toute conduite addictive sauf du tabac et de la connerie. J’ai comme l’idée à mes 70 ans si je me les souhaite de rallumer la chaudière — histoire de finir en feu d’artifice et de bien faire chier mon monde avant de partir.
    #alcool #addiction #abstinence #ennui

  • À propos de : Pierre Périer, Des parents invisibles. L’école face à la précarité familiale
    https://journals.openedition.org/rfp/9371

    « Tout se passe comme si, disait déjà l’introduction, la lutte contre les inégalités scolaires passait désormais par un lien renforcé et de proximité avec les parents, au principe d’une coopération que l’école juge “nécessaire” et sans laquelle elle ne peut assumer seule la “réussite” des élèves ou leur intégration » (p. 11). « Impliquer les parents dans l’#école », « coopérer avec les #parents », « partenariat école-familles » : sous diverses appellations, c’est une même idée, difficile à récuser tant elle semble bien intentionnée, respectueuse des parents et aux antipodes de la mise à l’écart des parents qui les a longtemps maintenus de l’autre côté de la « clôture scolaire ». Mais dire aux parents que la réussite de leur enfant dépend d’abord d’eux, c’est aussi les « responsabiliser », c’est-à-dire de fait les rendre (ou les tenir pour) responsables de ses résultats scolaires. Une chose est de veiller à ne pas laisser les parents « sur la touche », de leur dire – comme le font des associations comme ATD Quart Monde – que l’école est aussi leur affaire et qu’ils ont le droit et la capacité de s’y intéresser et de demander des comptes, ou qu’ils peuvent eux aussi, à la mesure de leurs moyens, soutenir leurs enfants ; autre chose est de faire reposer la réussite de ces derniers sur un engagement hors de portée (culturelle, matérielle) des parents en situation de précarité. L’auteur souligne que « tout jugement combinant des éléments objectifs et subjectifs sur l’élève (classement, évaluation, appréciation, sanction, orientation…) risque alors d’atteindre les parents et de mettre en cause, par écho, leurs qualités éducatives » (p. 175). « Plus généralement, ce sont les rencontres entre école et familles, ayant pour objet principal de parler des apprentissages et comportements de l’élève, de ses progrès et difficultés, qui sont susceptibles d’induire un regard et des propos qui concernent l’enfant tout en s’adressant implicitement à ses parents ». D’où l’évitement et le choix de l’invisibilité de la part des parents, qui « se mettent hors de portée du regard et du pouvoir de l’école » (p. 174).

    Cette stratégie du retrait est une manière de préserver « la cohésion familiale ou l’affection entre ses membres » (p. 178). Les parents, marginalisés scolairement et impuissants, n’ont plus comme ressource que de faire porter à l’enfant la responsabilité de sa propre scolarité. Pierre Périer a des très belles pages sur « le poids de la solitude scolaire » qui pèse sur l’enfant : la #solitude face à des savoirs qui ne font sens ni pour lui ni pour ses proches, la solitude face à la nécessité (l’injonction) de formuler un projet personnel d’orientation, la solitude devant la négociation des « tensions et contradictions subjectives entre leur vie juvénile et leur condition d’élèves » (p. 202). Non que l’école, en tant qu’institution, ne fasse rien ou que ses personnels s’en désintéressent ; car chefs d’établissement et enseignants peuvent se montrer soucieux d’aide aux apprentissages, comme d’appui à l’élaboration d’un projet ; mais ce qui est fait peut, en dépit des visées parfaitement respectueuses et respectables qui en sont au principe, sous-estimer largement les « pré-requis » des dispositifs institutionnels, mis en place entre autres pour les enfants des milieux précaires mais sûrement plus adaptés, dans leurs attendus, leurs présupposés implicites ou leurs conditions de félicité, aux enfants de milieux plus favorisés. « L’indifférence aux différences », en dépit de ses intentions louables, montre ici ses limites.

    « La charge positive donnée à la notion de coopération écarte toute velléité critique alors même que l’analyse des faits dément largement le préjugé favorable dont elle semble bénéficier », écrit l’auteur dans sa conclusion (p. 235). C’est pourquoi on ne peut que souhaiter que ce livre, qui remet en cause ce qui est devenu une des doxa les plus constantes de ces trente dernières années au sein de l’école, soit non seulement lu mais travaillé et approprié dans les sessions de formation de l’encadrement de l’Éducation nationale, comme dans les INSPE. Il s’agirait moins de former cadres et enseignants aux « techniques de communication » avec les parents qu’à l’analyse et la compréhension des positions, des logiques, dans lesquelles sont pris les parents, et en particulier ceux des milieux précaires. Ceux-ci souhaitent la réussite de leurs enfants et vivent souvent dans des conditions qui, en dépit des invitations, des appels ou des injonctions de l’école, rendent très difficile d’y répondre ; ils se sentent démunis pour le faire, et n’ont plus, pour se préserver, que la solution du maintien à distance, faisant d’eux des « parents invisibles ».

    #coéducation

    • Notre hypothèse ici est qu’une bonne partie des actions et des réflexions sur les relations familles/écoles qui se font au nom de la lutte contre l’« échec scolaire » n’a sans doute que de faibles liens avec cet « objet ». Il y a là une orientation et une action de l’école qui ont à voir avec la gestion sociale des populations, avec l’intégration morale et symbolique des milieux populaires dans des institutions légitimes (...). Il nous semble que des actions de ce type concernent les mœurs scolaires, une certaine forme historique de morale publique..., mais n’ont que partiellement à voir avec les fondements des écarts culturels entre les familles et l’école qui produisent les « difficultés scolaires ».

      Le risque est alors de mélanger éthos, mœurs..., et performances scolaires. En voulant à tout prix intégrer les familles populaires dans des lieux et institutions légitimes, ne redouble-ton pas le travail scolaire de conversion des structures mentales, cognitives (que doit fatalement opérer tout élève issu des milieux populaires pour s’adapter à l’univers scolaire), par un travail de conversion-acculturation de l’éthos, des mœurs ? Ce que nous formulons n’a de sens que si l’on accepte l’hypothèse selon laquelle ce qui est de l’ordre du cognitif est relativement indépendant de ce qui est de l’ordre de l’éthos et qu’il est possible de faire entrer des enfants de milieux populaires dans la culture écrite scolaire sans nécessairement viser une conversion, encore une fois utopique, de l’ensemble des habitudes de vie populaires.

      Bernard Lahire, dans un livre collectif de 1994, L’Éducation prisonnière de la forme scolaire ?
      https://books.openedition.org/pul/9567#anchor-toc-1-19

    • Des enseignant∙e∙s face à des enfants et des parents jugés « non conformes »
      https://shs.cairn.info/article/AGORA_087_0025

      Or, le regard culturaliste [porté par les enseignants sur certaines familles] conduit à considérer « l’origine là où il y a de la domination » (Lorcerie, 2003, p. 131), les problématiques socioéconomiques, loin d’être ignorées sur notre terrain, semblant nuancées par cette lecture ethnicisante. Ce tissage entre culture et « défavorisation » semble expliquer que les équipes cherchent par ailleurs à suggérer l’adoption de pratiques éducatives plus conformes, la culture paraissant, davantage que l’appartenance de classe, sujette à adaptation. Cette volonté d’agir sur les pratiques familiales, sous-jacente aux projets qui visent à faire venir les parents à l’école – Josiane soulignant sans ambages la nécessité d’« éduquer » les « mamans d’origine » – conduit implicitement à responsabiliser les familles.

      #ethnicisation

  • La socialisation, entre famille et école. Observation d’une classe de première année de maternelle | Par #Muriel_Darmon, Sociétés & Représentations, 2001/1
    https://shs.cairn.info/revue-societes-et-representations-2001-1-page-515

    À la variété et à la non-équivalence des #socialisations familiales face à l’#école #maternelle s’ajoute donc la pluralité des agents de la socialisation scolaire [l’enseignante et l’#ASEM]. Mais la distinction même entre « école » et « famille » s’avère être le produit d’un apprentissage qui s’inscrit dans ces deux premiers systèmes de variation.

    [...]

    L’une des distinctions capitales dont l’apprentissage se joue ici est la distinction entre famille et école. Deux types d’indicateurs ont été utilisés pour l’observer. Tout d’abord, un relevé de toutes les injonctions de l’institutrice faisant intervenir une opposition entre le « chez toi » et « l’ici ». Ce type de phrase revient fréquemment lors des rappels à l’ordre des enfants ou de l’énonciation des règles en vigueur dans l’espace de la classe : « Chez toi » (tu peux faire ça) « mais pas ici » (nous soulignons). L’emploi de ce lexique de la rupture peut s’interpréter comme une façon d’affirmer, ou de réaffirmer, la distinction entre les espaces familial et scolaire. Par ce type d’injonctions, l’institutrice construit la légitimité d’un lieu où les pratiques familiales n’ont pas droit de cité absolu. En regard, il est intéressant de noter que l’ASEM, au contraire, utilise un lexique de la continuité : « Chez toi tu ne fais pas ça donc ici non plus » (nous soulignons). Il y a ainsi deux modèles différents des relations entre école et famille. Se joue ici bien évidemment la manifestation de l’intérêt professionnel plus grand de l’institutrice à affirmer une rupture entre les deux mondes et à construire, par là même, la spécificité et la légitimité de l’espace scolaire et du travail pédagogique. Mais on peut également faire l’hypothèse que Corinne, l’ASEM, est moins disposée que l’institutrice à disqualifier des socialisations familiales dont elle peut se sentir proche socialement, notamment lorsqu’il s’agit de reprendre des comportements qui mettent moins en jeu des questions d’enseignement que d’éducation.

    La distinction entre famille et école est donc explicitement affirmée et requise par l’institutrice. Mais elle s’incarne aussi, de façon plus subtile, dans l’organisation de l’espace même de la classe, ce qui constitue un deuxième type d’indicateur. La salle de classe observée se compose en effet de deux sous-ensembles distincts.

    Un espace « école » tout d’abord, situé près de la porte, où l’on trouve le bureau de l’institutrice, ainsi que les tables pour les ateliers et les bancs du regroupement du matin. Un espace « famille » ensuite, au fond de la salle, où est reconstitué l’intérieur d’une maison, avec une chambre, un lit et des poupées, une cuisine et une table de cuisine, un salon et des livres. Sont donc matérialisées dans l’espace de la classe observée à la fois une réunion et une séparation de l’école et de la famille. Ces deux espaces sont différemment investis, pratiquement et symboliquement, par l’institutrice et l’ASEM. L’ASEM a beaucoup contribué à la mise en place de l’espace « maison », elle a cousu l’édredon du lit et les rideaux de la chambre. Elle y est très présente, beaucoup plus que l’institutrice ou que moi-même, qui ai pris conscience de cette distinction en objectivant mes propres trajets à l’intérieur de la classe. Ces deux espaces correspondent d’ailleurs à deux types d’activités différentes : l’espace maison est un lieu non directement scolaire, un lieu de jeu libre et non dirigé, une sorte d’antichambre de la récréation. L’espace « école » est en regard un espace de travail. C’est l’espace des « ateliers », où les règles de bonne tenue du corps par exemple sont fréquemment rappelées, où le temps est un temps « scolaire » très marqué, où l’on commence et finit les « travaux d’enfants ».

    À partir de cette division spatiale et de ces différents usages de l’espace, on peut se demander dans quelle mesure la socialisation scolaire maternelle ne se construit pas en partie sur l’apprentissage de la rupture entre les mondes sociaux que sont la famille et l’école, et n’implique pas l’intériorisation de la légitimité scolaire. Cette organisation spatiale, à la fois structurée et structurante, et cette importance des murs et des meubles témoignent d’une organisation sociale et, en même temps, permettent son intériorisation. Dans la classe de maternelle comme dans la maison kabyle analysée par Pierre Bourdieu (tant dans ses oppositions internes que dans sa relation avec l’extérieur), l’important est que les deux sous-espaces « ne [soient] pas interchangeables mais hiérarchisés ».

    Mais l’apprentissage de cette distinction et de cette hiérarchisation ne concerne peut-être pas tous les enfants au même titre. Le discours de l’institutrice sur la rupture entre les mondes sociaux que sont l’école et la famille semble bien plus insistant en direction des enfants d’origine populaire. Cette distinction serait donc plus fortement imposée aux enfants d’origine familiale « non scolaire », pour qui l’école serait construite comme un monde social radicalement « autre », alors que ce serait la continuité qui présiderait à l’établissement des relations entre école et famille pour les enfants d’origine sociale élevée. Bien qu’une telle idée n’ait qu’un statut d’hypothèse, elle suffit pourtant à ne pas faire conclure trop rapidement à un invariant (l’apprentissage d’une rupture entre école et famille) là où il peut y avoir des variations sociales.

  • Des tout-petits « peu performants » en #maternelle. Ambition et misère d’une scolarisation précoce | Par Pascale Garnier et Gilles Brougère, Revue française des affaires sociales, 2017/2.
    https://shs.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2017-2-page-83

    Des enfants [de toute petite section, #TPS] comme Harvey sont d’emblée « peu performants », pour reprendre les termes de l’enseignante, au sens où ils ne performent pas ce qui est d’emblée requis d’eux en tant qu’élèves : « Ils sont trop petits », justifie l’enseignante, en regardant le montage vidéo. Il y a ainsi, à ses yeux, une incompatibilité de fond entre ces « tout-petits » et le métier d’#enseignant : « il faut désapprendre notre métier. » Or, ajoute-t-elle :« [il s’agit en maternelle] d’être pris au sérieux en tant qu’enseignant par les collègues et les parents, donner à voir que l’on est enseignant. »

    Faire son métier, c’est nécessairement avoir des « exigences », des « objectifs » pour les tout-petits, « sinon quelque part, c’est qu’on les aurait délaissés en tant qu’enseignant. » Et c’est précisément en regard de leur appartenance aux milieux dits éloignés de l’#école, que l’enseignante revendique leur scolarisation précoce et ses exigences (Brougère, 2016b). Elle explique : « Ils ne viennent pas à l’école pour faire ce qu’ils veulent […]. On n’est pas une garderie, justement. »

    [...]

    [...] nos observations montrent que les exigences proprement scolaires, auxquelles sont confrontés d’emblée les jeunes #enfants, peuvent mettre en difficulté une partie d’entre eux dont les familles sont dites éloignées de la culture scolaire, alors que, paradoxalement, c’est précisément cet éloignement qui justifie leur scolarisation précoce. Dès la toute petite section, les élèves sont jugés par leur performance scolaire, qu’il s’agisse de leur participation aux activités mises en place par l’enseignante, de leurs réponses vis-à-vis du travail attendu ou de leur respect de la discipline. Certains des tout-petits se révèlent ainsi « peu performants », pour reprendre à nouveau l’enseignante. N’est pas en cause son professionnalisme, mais précisément le fait qu’il s’agit d’une professionnalité focalisée sur l’enseignement, avec tout ce qu’elle véhicule de normes et de valeurs sur ce qu’il y a à apprendre à l’école, de jugements scolaires sur les performances des élèves : « Si un enseignant peut démontrer qu’il a suivi le rituel, le blâme ne porte pas sur lui, mais sur le malheureux écolier ou étudiant. L’échec peut être, et est effectivement, imputé à celui-ci » (Hugues, 1996, p. 94). Loin de remédier à ce qui seraient des défaillances des enfants de milieux populaires, une #emprise_scolaire plus précoce peut les aggraver d’emblée.

    • J’avais demandé à la maîtresse de ma fille quel était le programme en TPS.
      Elle m’a jaugée longuement avant de sortir :
      « — si déjà à la fin de l’année, ils pouvaient arrêter de se mordre entre eux, ce serait bien. »

      J’ai beaucoup ri et j’ai compris le message : la TPS est un espace de socialisation. Ce qu’on y apprend, c’est à vivre en société.

      Les productivistes sont des 💩.

  • Introduction. Le langage inclusif est politique : une spécificité française ? | Cairn.info
    https://shs.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2020-2-page-5
    https://shs.cairn.info/numero/CDGE_069/cover/thumbnail?lang=fr

    Enfin, la controverse de 2017 intervient à la fin d’une décennie durant laquelle sont adoptées différentes mesures qui manifestent une légitimité institutionnelle grandissante des causes féministe et lgbtqi : les lois sur l’égalité professionnelle, sur les quotas de femmes dans les instances dirigeantes des grandes entreprises en 2011, le retour à un ministère de plein droit pour les droits des femmes entre 2012 et 2014, la loi relative au mariage pour toustes en 2013, les « abcd de l’égalité » en 2013-2014 ou les initiatives multiples en matière de lutte contre les violences faites aux femmes depuis le milieu des années 2000 (Delage 2017 ; Herman 2016). Ces transformations de l’ordre de genre portées par les institutions se doublent de la déflagration, mondiale puis nationale, occasionnée par la dénonciation d’une ampleur inédite des violences faites aux femmes à travers les manifestations « Ni Una Menos » en 2015, suivies par le mouvement metoo. Tous ces événements provoquent une véritable « panique des défenseurs du patriarcat » (Achin et al. 2019).

    Bien qu’il existe peu de travaux encore concernant les épisodes récents de la controverse sur le langage non sexiste (Baudino 2001), il apparaît qu’en France, comme ailleurs, le langage non sexiste est « constitu[é] en objet de débat et d’intervention publique, à la faveur de changements qui n’ont eux-mêmes rien de linguistique » (Dubois 2003, p. 3). Il participe dès lors à inquiéter les défenseurs et défenseuses de l’ordre établi.

    #langage_inclusif #féminisme #genre #Eliane_Viennot #langue #français

  • La cause de mon enfant - Mobilisations individuelles de parents d’enfants en échec scolaire précoce | #Stanislas_Morel, Politix, 2012/3
    https://shs.cairn.info/revue-politix-2012-3-page-153

    Les spécialistes se partageant le territoire professionnel de l’#échec_scolaire précoce se distribuent aujourd’hui en trois principaux pôles, souvent en concurrence les uns avec les autres. Le premier regroupe des professionnels qui appréhendent l’échec scolaire précoce en termes pédagogiques. Selon eux, les difficultés d’apprentissage seraient dues à une mauvaise assimilation par l’enfant des connaissances transmises par l’enseignant et devraient être traitées par du soutien scolaire ou par une pédagogie individualisée. Le deuxième pôle est composé de professionnels qui font de l’échec scolaire le « symptôme » de problèmes psychoaffectifs, souvent imputés à des dysfonctionnements éducatifs principalement dans la famille, parfois à l’#école. Le dernier pôle, médical, rassemble les professionnels qui estiment que certains enfants en échec scolaire précoce sont atteints de « #troubles » variés qui relèvent d’une approche médicalisée.

    La circulation des enfants « en difficulté scolaire » entre ces trois pôles, dès les premières années de leur scolarité, est aujourd’hui banale et ne peut plus être considérée comme un phénomène marginal. Plus les enfants en échec sont jeunes, plus la raison des difficultés qu’ils rencontrent dans l’apprentissage des savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter) est communément recherchée dans des causes médicales ou psychologiques. Certaines des difficultés les plus courantes dans le domaine des apprentissages du langage oral ou écrit (défaut de prononciation, inversion de consonnes, voire grande pauvreté syntaxique ou lexicale) sont ainsi très souvent déléguées aux orthophonistes. Cette systématisation du recours aux professionnels de la santé pour les enfants en échec scolaire précoce est rendue possible par la croissance démographique très rapide des professions impliquées.

    L’extension des diagnostics médico-psychologiques est encouragée par les professionnels de santé. Selon une étude citée par deux pédopsychiatres, 90 % des enfants en échec à l’école présenteraient des troubles médicaux ou psychologiques identifiés (troubles cognitifs, comportementaux, anxieux, thymiques, etc.). L’addition des taux de prévalence des différents « troubles des apprentissages » relevés dans la littérature scientifique conduit à estimer à près de 20 % le nombre d’enfants atteints par des dysfonctionnements cognitifs dont l’origine organique, voire génétique, est souvent soupçonnée. Ce taux, proche de celui des mauvais lecteurs à la fin de l’école élémentaire déterminé à partir des évaluations nationales et rappelé dans tous les rapports récents sur l’école primaire, suggère que la grande difficulté scolaire, toute massive qu’elle soit, peut très bien s’interpréter en termes médico-psychologiques. Cette version médicalisée de l’échec scolaire est abondamment reprise par les médias dont la majorité des reportages sur l’échec scolaire est désormais consacrée aux troubles des apprentissages (en particulier à la dyslexie, à l’hyperactivité et à la précocité) et aux phobies scolaires.

    Si les parents perçoivent initialement les professionnels de l’enfance comme un recours (une « aide »), ils soulignent également la dimension anxiogène de la délégation aux spécialistes, qu’ils imputent principalement à trois raisons : l’alourdissement des investissements (temporels et financiers), la médicalisation croissante des difficultés scolaires précoces et le caractère non unifié du secteur.

    Trouver un spécialiste qui accepte de prendre en charge l’enfant relève parfois de la gageure. Bien que de plus en plus nombreux, ces spécialistes sont souvent submergés par la demande et les délais pour obtenir un rendez-vous peuvent être très longs (plusieurs mois, parfois plus d’un an), en particulier dans les zones où l’offre de soins est la moins dense (zones rurales notamment). En outre, pour choisir le « bon » spécialiste, les parents ne recourent pas toujours au professionnel le plus proche de leur domicile. Ainsi, certains d’entre eux accompagnent-ils leurs enfants deux à trois fois par semaine à plusieurs dizaines de kilomètres de leur lieu de résidence. Cette activité d’accompagnement s’intensifie quand l’enfant consulte plusieurs professionnels – comme c’est souvent le cas – et lorsque les autres membres de la fratrie sont aussi « suivis ». Par ailleurs, les professionnels ne proposent parfois que des rendez-vous en journée, obligeant les parents à se rendre disponibles pendant leur temps de travail.

    « En deuxième année de maternelle, les enseignants m’ont demandé d’aller en CMPP [Centre médico-psycho-pédagogique]. Je prends rendez-vous. Je suis tombée sur une dame qui me proposait des rendez-vous le mardi à 11 heures Je travaillais à l’époque. Je devais quitter mon travail et ne pas y revenir. Elle m’a demandé de continuer les rendez-vous le mardi à 11 heures… Je lui ai dit : “_J’ai un travail, je ne peux pas”. Là, elle est partie à me dire que je n’étais pas une bonne mère. Elle m’a dit que je prenais le cas de mon fils à la légère. » (Mère, 45 ans, employée)

    Ces contraintes (et la difficulté de s’y soustraire) expliquent pourquoi plus de la moitié des mères travaillent à temps partiel, voire choisissent d’arrêter de travailler pour aider leur(s) enfant(s). Les parents évoquent la « galère » représentée par ces innombrables rendez-vous : coût financier (certaines prises en charge « en libéral » ne sont pas remboursées), contraintes temporelles et épuisement moral et physique.

    Par ailleurs, la persistance de difficultés importantes dans les apprentissages « fondamentaux » est inquiétante car elle conduit quasi systématiquement à une médicalisation du problème qui ne se limite pas toujours à une prise en charge orthophonique, forme la plus euphémisée, car la plus scolaire, du recours au médical. Si l’intervention des professionnels de santé est perçue comme rassurante par les parents qui y voient une possible sortie de crise, elle peut aussi, surtout lors des premières années, s’accompagner de diagnostics alarmants (autisme, psychose, déficience intellectuelle) :

    « _Le CP, ça va être le grand drame pour mon fils. La maîtresse ne va pas comprendre pourquoi il n’arrive pas à lire, pourquoi il écrit si mal, pourquoi il est si gauche. Il sait faire un exercice et, un quart d’heure après, il est incapable de le refaire. On ne sait pas ce qu’il a à ce moment-là en fait. Donc, je vais au centre médico-psycho-pédagogique, je vois le pédopsychiatre… Et là, ça va être assez catastrophique parce que ce monsieur décrète que mon fils a des traces d’autisme, qu’il faudra le déscolariser d’ici deux ans. Je lui dis que mon fils a juste des problèmes dans l’écriture, dans la lecture et, lui, il m’arrête en me disant : “Tout est d’origine psychologique”. » (Mère, 40 ans, employée)

    Vite médicalisée par les professionnels de la santé, « la grande difficulté scolaire » précoce fait entrer les parents dans le monde des « troubles », de la maladie, du #handicap. La psychologisation et la médicalisation de l’échec scolaire précoce sont d’autant plus inquiétantes, qu’elles confrontent les parents à un univers de savoirs non unifiés, ce qui les oblige à apprendre progressivement, souvent à leurs dépens, à déchiffrer les divergences entre spécialistes. Ainsi, insatisfaite du diagnostic d’autisme (posé par un psychiatre d’obédience psychanalytique), la mère précédemment citée a-t-elle consulté un autre médecin qui a invalidé le diagnostic de son confrère et, soupçonnant une « dysphasie », lui a conseillé de prendre un rendez-vous au SRN. Depuis lors, elle défend le diagnostic de dysphasie contre celui d’autisme auprès de ses interlocuteurs (en particulier des enseignants).

    Outre qu’ils ne conduisent pas souvent à la disparition des difficultés, les investissements très importants ne sont pas nécessairement à l’origine des rétributions symboliques que pourraient attendre des parents qui ont l’impression de tout mettre en œuvre pour que leur enfant « s’en sorte ». Leur « bonne volonté thérapeutique » peut être désapprouvée par les professionnels de santé, voire les enseignants. Au final, le développement d’un champ d’intervention professionnelle a ainsi pour conséquence de complexifier et d’intensifier les investissements parentaux visant à la restauration d’une situation scolaire compromise.

  • Les professeurs des écoles et la psychologie - Les usages sociaux d’une science appliquée | #Stanislas_Morel, Sociétés contemporaines, 2012/1
    https://shs.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2012-1-page-133

    La mise en évidence du recours possible à d’autres schèmes explicatifs [des difficultés d’un élève] a le mérite de rompre avec l’apparente évidence de l’utilisation des schèmes psychologiques et oblige à s’interroger sur les raisons du choix de ce registre particulier. Un constat s’impose : les connaissances sociologiques permettent une compréhension de la situation de Rachid [élève de CM1 en difficulté scolaire] et de sa famille, mais elles ne débouchent, en revanche, sur aucune solution individuelle et immédiate. Si certains enseignants s’engagent au côté des parents pour les aider à améliorer leur situation matérielle (soutien pour des recherches d’appartement, aide pour obtenir des papiers, organisation de cours de langue), ce genre de réponses demeure isolé et s’effectue en marge du métier. Rappelons, par ailleurs, qu’il n’y a pas d’assistante sociale dans les #écoles primaires (sauf à Paris).

    À l’inverse, la réponse « psychologique » a l’avantage de permettre une forme d’intervention relativement directe sur l’environnement dans lequel évolue l’enfant sans pour autant sortir totalement des missions assignées à l’École en général et aux enseignants en particulier. Trouvant sa légitimité dans la souffrance psychique de l’enfant à l’école, l’intervention psychologique autorise les enseignants à entreprendre de changer son environnement familial, en préconisant, par exemple, le recours aux psychologues pour un travail de guidance familiale. Contrairement au caractère diffus des problèmes sociaux, l’entrée psychologique dans l’échec scolaire permet, par ailleurs, d’identifier des causes ciblées, voire des « responsables » (manque d’autorité du père dans le cas de Rachid), sur lesquels il est possible d’agir. Psychologisation rime alors avec responsabilisation d’un ou des parents, ces derniers passant du statut d’« agents » subissant les déterminismes sociaux à celui d’« acteurs » de la réussite ou de l’échec de leur(s) enfant(s). Le recours au registre psychologique induit enfin la délégation des « problèmes » aux spécialistes (en l’occurrence les « psys ») dont le métier est précisément d’apporter de l’aide aux enfants en difficulté et à leur famille. Si elle n’explique pas à elle seule l’utilisation de tel ou tel registre explicatif, la présence de praticiens à qui les enseignants peuvent déléguer les enfants en difficulté pèse néanmoins fortement sur le type de schèmes cognitifs qu’ils mobilisent. Ainsi, en l’état actuel des choses, l’usage de la psychologie permet aux enseignants d’agir sur des problèmes sur lesquels ils considèrent n’avoir que peu de prise. Il s’agit donc, chez certains enseignants au moins, d’une des modalités de production de la croyance en la possibilité d’action et de résolution (fût-elle partielle) des difficultés scolaires et, partant, de maintien de l’illusio professionnelle.

    #enseignants #psychologie #échec_scolaire

  • Germany presents plans to detain asylum-seekers “close to the border” – Euractiv
    https://www.euractiv.com/section/politics/news/germany-presents-plans-to-detain-asylum-seekers-close-to-the-border

    Germany will detain asylum-seekers close to its border and fast-track deportations if they are to be returned to other EU countries, the German government announced on Tuesday (10 September), as it seeks to crack down on irregular migration.

    Ce n’est JAMAIS pour réduire l’immigration irrégulière, parce que :
    1) Dans toute l’Europe, on te passe une loi pour durcir les conditions de régularités, ce qui mécaniquement met dans l’illégalité des personnes arrivées légalement
    2) Puis on te dit qu’on va faire des camps pour tous les renvoyer

    On te crée des solutions pour des problèmes qu’on a créé. C’est élégant. Mais on peut claironner qu’on a agit !

    Et en plus, on découvre que ces solutions génèrent des crimes contre l’humanité. Mais comme on est les gentils, ces crimes n’existent pas.

    Les gauchistes de droite d’Allemagne paniquent, à force de créer du mécontentement à suivre aveuglément les politiques imposées par leur mentor américain.

    • Rendre illégales des personnes, c’est toujours, surtout et avant tout créer de la main d’œuvre misérable, sans droits et totalement soumise pour le patronat.

      Exciter le racisme ensuite poursuit la même logique, pour empêcher les travailleurs de s’unir contre le patronat scélérat.

      La série Warrior est péniblement mascu (sexe inutile pour le chaland et pieds dans la gueule pour résoudre tous les problèmes), mais la toile de fond socio-économique est par contre très intéressante : l’importation massive de coolies à San Francisco à la fin de la guerre de Sécession, pour écraser les revendications salariales des immigrés irlandais devenus nettement plus indispensable depuis la la fin de la main d’œuvre gratuite des esclaves sur le continent.

      https://shs.cairn.info/revue-annales-2006-1-page-63?lang=fr

  • En Allemagne, des « colons ethniques » veulent blanchir les campagnes
    https://reporterre.net/En-Allemagne-des-colons-ethniques-veulent-blanchir-les-campagnes

    « Ils veulent diffuser leur poison partout, dans les écoles, les associations… », s’inquiète une habitante de Leisnig, 8 000 habitants dans l’est de l’Allemagne. Des « völkische Siedler », ou « colons ethniques », se sont installés dans cette petite ville et sa périphérie depuis une décennie. Située en Saxe, avec ses nombreuses bâtisses en ruine, son kebab installé en face de la mairie et son centre historique vieux de presque 1 000 ans, la petite ville est typique de la région. Et c’est là que des partisans de l’extrême droite allemande venus de l’ouest ont élu domicile — entre cinq et sept familles, qui s’ajoutent aux militants d’extrême droite de la région.

    Leur but : quitter l’ouest où la présence d’immigrés et d’Allemands d’origine étrangère leur est insupportable pour s’installer dans des zones rurales et blanches à l’est, de façon à y conserver la « substance ethnique » allemande. Le tout, sous les apparences d’amoureux de la nature en recherche de liens avec le vivant.

    #droites_extrêmes #néonazis #fafland

    • Le mouvement völkisch est un courant intellectuel et politique, apparu en Allemagne à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle et hérité des « Teutomanes », qui englobe un ensemble de personnalités et d’associations dont l’élément commun est le projet de donner à l’ensemble des Allemands une religion païenne, en général le paganisme germanique. Ce courant d’idées puise ses sources dans le romantisme allemand des années 1840 et dans les désillusions de la période 1849-1862, entre l’écrasement du printemps des peuples et l’arrivée de Bismarck au pouvoir en Prusse.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_v%C3%B6lkisch

      Les idées qui composaient la « vision du monde » nazie sont à prendre au sérieux, même si, vues d’ici et vues d’aujourd’hui, l’absurde (de la théorie des races, par exemple) semble le disputer au grotesque (la grandiloquence mégalomaniaque des discours et des projets, notamment).

      Nous avons montré ailleurs que, si elles purent séduire ou convaincre dans un pays de grande culture, c’est parce qu’elles représentaient et offraient une « révolution culturelle ».

      Plus généralement, la « vision du monde » nazie a apporté une série de réponses à des questions laissées béantes par le xixe siècle et par la Grande Guerre. Elle a été perçue et reçue comme telle dans des secteurs croissants de la population allemande à partir du début des années 1920 puis, le contexte désastreux aidant, à partir de 1929.

      https://shs.cairn.info/revue-sud-nord-2016-2-page-95?lang=fr

      #nazisme

  • Vers l’#écologie_de_guerre. Une #histoire_environnementale de la #paix

    L’étrange hypothèse qui structure ce livre est que la seule chose plus dangereuse que la guerre pour la #nature et le #climat, c’est la paix. Nous sommes en effet les héritiers d’une histoire intellectuelle et politique qui a constamment répété l’axiome selon lequel créer les conditions de la paix entre les hommes nécessitait d’exploiter la nature, d’échanger des ressources et de fournir à tous et toutes la prospérité suffisante. Dans cette logique, pour que jalousie, conflit et désir de guerre s’effacent, il fallait d’abord lutter contre la rareté des #ressources_naturelles. Il fallait aussi un langage universel à l’humanité, qui sera celui des #sciences, des #techniques, du #développement.
    Ces idées, que l’on peut faire remonter au XVIIIe siècle, ont trouvé au milieu du XXe une concrétisation tout à fait frappante. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le développement des infrastructures fossiles a été jumelé à un discours pacifiste et universaliste qui entendait saper les causes de la guerre en libérant la #productivité. Ainsi, la paix, ou l’équilibre des grandes puissances mis en place par les États-Unis, est en large partie un don des #fossiles, notamment du #pétrole.
    Au XXIe siècle, ce paradigme est devenu obsolète puisque nous devons à la fois garantir la paix et la sécurité et intégrer les #limites_planétaires : soit apprendre à faire la paix sans détruire la planète. C’est dans ce contexte qu’émerge la possibilité de l’écologie de guerre, selon laquelle #soutenabilité et #sécurité doivent désormais s’aligner pour aiguiller vers une réduction des émissions de #gaz_à_effet_de_serre. Ce livre est un appel lancé aux écologistes pour qu’ils apprennent à parler le langage de la #géopolitique.

    https://www.editionsladecouverte.fr/vers_l_ecologie_de_guerre-9782348072215
    #guerre #environnement #livre

    • Ainsi, la paix, ou l’équilibre des grandes puissances mis en place par les États-Unis,

      Bon, c’est pas vraiment des synonymes, il me semble qu’on appelait même ça la guerre froide. Bonneuil et Fressoz appellent aussi ça le thanatocène, parce que c’est une période marquée par une destruction fulgurante, produite par les outils servant à faire la guerre (pas la paix).

      Je peux comprendre qu’après l’invasion de l’Ukraine par la Russie on ait pu espérer que la sobriété énergétique serait un truc rassembleur. Ce que les écologistes et les scientifiques n’avaient pas réussi à accomplir, peut-être que le soutien à l’Ukraine et un certain patriotisme allaient réussir à le concrétiser. Sauf qu’il est vite apparu qu’on allait se noyer sous le GNL et ses nouvelles infrastructures, que les échanges de fossiles continuaient bon train, et que, la guerre continuant elle aussi en laissant les négociations s’essouffler toutes seules, la destruction généralisée continuait tranquille.

      Il y a quelques années, le changement climatique était régulièrement retraduit dans les mots de la sécurité : la rareté des matières premières allait amener des guerres, l’abondance des matières premières (en Arctique dégelé) allait amener des guerres, les guerres allaient amener des migrants, la chaleur avait provoqué la guerre en Syrie, etc. Bref, le changement climatique était un "accélérateur de menaces". Maintenant, on a le complément qui t’enferme dans le cercle vicieux de la sécurité : la lutte contre les menaces sont retraduites dans le langage de l’écologie, de la lutte contre le réchauffement. Pour lutter contre la Russie, il te faut une #économie_de_guerre_climatique : des mines de lithium qui produiront des ev et des microprocesseurs pour des armes sophistiquées ; des éoliennes et des réacteurs qui produiront ton chauffage et des rafales.

      (Charbonnier a pu être moqué en « penseur du vivant » inoffensif ; j’ai l’impression qu’une même posture viriliste se manifeste là aussi.)

      L’étrange hypothèse qui structure ce livre a été succinctement discutée par Durand & Keucheyan
      https://shs.cairn.info/revue-green-2022-1-page-55

      l’écologie de guerre peut-elle être efficace du point de vue de l’avènement d’une économie bas carbone ? Et est-elle conforme aux valeurs d’une politique d’émancipation ?

      tldr : Ils répondent poliment non aux deux questions.

      Après, faudrait évidemment lire le livre.

    • Pour le philosophe, qui reprend les critiques du #pacifisme formulées par le juriste allemand (et nazi) Carl Schmitt, l’expression du rapport de force entre nations demeure indépassable. Par conséquent, un déplacement de l’écologie sur le terrain du « #réalisme » politique s’impose (soit une rupture franche avec une tradition libertaire importante au sein des mouvements écologistes contemporains). Ainsi, il aboutit à l’idée, essentielle, que, faute de gouvernance mondiale crédible, seuls les Etats les plus puissants, réunis en une coalition dominante, pourront imposer une transition aux acteurs ayant intérêt à défendre l’infrastructure fossile (qu’il s’agisse d’industriels, d’investisseurs, de travailleurs des secteurs menacés, d’Etats pétro-gaziers ou de nations dépendantes du charbon). A la lecture, on s’interroge néanmoins sur la façon dont cette coalition devrait « imposer » la transition aux acteurs en question. On aurait également apprécié des précisions sur la stratégie que devraient adopter les démocraties dans cette perspective (l’Europe devrait-elle s’associer à la dictature chinoise pour composer une coalition « post-carbone » ? Devrait-elle se rapprocher des Etats-Unis ?)

      Analysant la situation géopolitique depuis 2020, Pierre Charbonnier se réjouit de certains « bougés » de la part des grandes puissances, qui associent désormais écologie et questions stratégiques. L’Europe, réagissant à l’agression russe, promeut les énergies décarbonées dans une logique de sécurité (et pas uniquement protéger l’environnement). Après la Chine, les Etats-Unis de Joe Biden financent massivement leur industrie verte dans le but d’affirmer leur leadership. Ce changement de paradigme, à peine initié et toujours fragile, représente un espoir majeur selon l’auteur : celui de mettre en branle des puissances capables de gagner la guerre du climat, celui d’une écologie réellement (géo)politique.

      https://www.liberation.fr/culture/livres/lecologie-le-vert-de-la-guerre-selon-pierre-charbonnier-20240828_MQBVF5KB

  • Attention, un #classement peut en cacher un autre !

    L’autre jour, @lemonde a publié un article sur un classement alternatif au à celui de #Shanghai en utilisant les données de #Cairn, la plate-forme francophone de publication scientifique :

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/08/15/des-universites-francaises-loin-du-miroir-de-shanghai-un-autre-classement-es

    On pourrait s’en féliciter, mais la route de l’enfer est pavée de bonnes intentions...

    Le classement était établi à partir des données de consultations des publications en ligne sur #Cairn.

    En fait, en allant sur la plate-forme, on remarque que cette dernière a été considérablement modifiée et qu’elle offre désormais des statistiques de consultation ... par auteur (voir par exemple : https://shs.cairn.info/publications-de-gabriel-galvez-behar--64066)

    Quelle drôle d’idée !

    En 2020, dans un collectif consacré à l’édition en sciences humaines (https://shs.hal.science/halshs-02937110), j’avais attiré l’attention sur le rôle des #métriques alternatives dans l’ #édition numérique et sur leurs répercussions possible sur l’ #évaluation.

    Il existait déjà des statistiques publiques de consultations ou de citations par article mais toutes les plate-formes ne le font pas. Publier de telles statistiques est donc un choix qui mérite d’être justifié ou, du moins, questionné.

    Pourquoi publier de telles statistiques individuelles ? Qu’est-ce que cela apporte à la plate-forme ? Quels sont les usages pouvant être faits en aval ?

    Ces questions mériteraient d’être posées par toute la communauté scientifique.

    Par ailleurs, que nous disent de telles statistiques sur les différentes voies de diffusion des publications et notamment les archives ouvertes ?

    Faisons une petite expérience à partir d’un article sur #Pasteur que j’ai publié dans @AnnalesHSS

    L’article est présent sur :

    #Cairn et l’article a été vu 874 fois (https://shs.cairn.info/revue-annales-2018-3-page-629)
    #CambridgeCore et l’article a été vu 124 fois (1380 pour le résumé) (https://doi.org/10.1017/ahss.2019.46)
    #HAL-SHS en version pre-print : 977 consultations (mais 2402 téléchargements) (https://shs.hal.science/halshs-01267638)

    Bien entendu, ces données ne sont probablement pas homogènes (même si Cairn et CambridgeCore suivent la « norme » COUNTER, j’y reviendrai).

    Établir une analyse (et a fortiori un classement) sur la base d’une seule source statistique offre donc une vue complètement partielle. En toute rigueur, il faudrait obtenir une perspective consolidée. Mais selon quelle méthode ?

    Du côté des chercheurs, la question se pose de savoir s’il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier pour gagner en #visibilité

    Mais surtout, il faudrait se demander à quoi servent ces statistiques et pourquoi rendre publiques les données individuelles.

    Pour engager le débat, il n’est pas inutile de regarder ce que dit l’organisation à but non-lucratif Counter Metrics (https://cop5.countermetrics.org/en/5.1/00-foreword.html) qui fournit une « norme » de mesure de recherche et d’usage des publications électroniques.

    Il s’agit notamment de répondre au besoin des bibliothèques et des consortia pour évaluer leur retours sur #investissements (en matière d’acquisition d’abonnements à des ressources électroniques).

    Que doivent faire les bibliothèques avec les revues qui ne suscitent pas assez de consultations ? Que doivent faire les revues avec les collègues qui ne génèrent pas assez de trafic ?

    Dans les années 2000, lors des débats sur le classement des revues, l’idée d’un usage de la bibliométrie susceptible de distinguer les collègues était l’une des craintes les plus entendues. Avec la diffusion de la publication électronique et l’essor des métriques, il n’est même plus besoin de classer a priori les revues.

    Les données des usages de la #recherche deviennent un élément du pilotage de cette dernière et donc des chercheurs. Elles nous concernent au plus haut point.

    https://social.sciences.re/@ggalvezbehar/113028740594252235

    #classement_de_Shanghai #alternatives #ESR #édition_scientifique

  • Benjamin Biard : « Face à l’extrême droite, l’#audiovisuel_public belge a institué un #cordon_sanitaire »

    Depuis 1991, les radios et télévisions publiques belges francophones ont banni de leurs studios et plateaux tous les représentants de l’extrême droite. Résultat : celle-ci n’a jamais percé politiquement. Le politiste #Benjamin_Biard revient sur une expérience unique qu’on peut considérer comme un exemple à suivre d’urgence.

    https://aoc.media/entretien/2024/07/12/benjamin-biard-face-a-lextreme-droite-laudiovisuel-public-belge-a-institue-un

    #médias #Belgique #extrême_droite #télévision_publique #bannissement #barrage #exemple_à_suivre #bonnes_pratiques #TV #radio
    –-

    déjà signalé sur seenthis ici par @sombre, où il y a le texte complet :
    https://seenthis.net/messages/1061621

  • C’est prouvé, mais...
    https://laviedesidees.fr/Draelants-Revaz-L-evidence-des-faits.html

    À propos de : Hugues Draelants & Sonia Revaz, L’évidence des faits. La politique des preuves en #éducation, Puf. L’évaluation scientifique des pratiques éducatives suffit-elle pour les améliorer ? Cette politique des preuves apparaît aux enseignants comme un obstacle à leurs pratiques quand elle s’appuie sur des généralisations #statistiques sans prendre en compte leurs intuitions professionnelles.

    #Société #science #sciences
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20221215_preuves.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20221215_preuves.pdf

    • Le cas de l’éducation sert ici de fil directeur à une réflexion plus générale concernant les limites de l’instrumentalisation politique de la science. Il ne s’agit cependant pas de considérer qu’il faudrait abandonner le projet d’utiliser la science pour améliorer les pratiques professionnelles ou pour élaborer des réformes publiques. Il s’agit plutôt de montrer que le type de preuve que l’on apporte aux professionnels ne s’appuie souvent pas sur le type de connaissances dont ils ont besoin.

      [...] Dans le livre, les auteurs rendent compte de trois formes d’ignorances volontaires [des scientifiques] que nous nous contentons ici d’évoquer très brièvement : (1) L’ignorance de l’intuition, qui désigne la façon dont la politique des preuves tend à s’imposer d’autorité aux acteurs au nom de la rigueur de leurs justifications (« C’est prouvé ! ») et à traiter les intuitions professionnelles des acteurs comme des croyances infondées. (2) L’ignorance des causes, qui désigne la façon dont, dans les études statistiques, la prévision prime sur la compréhension, la notion de « facteur de risque » se substituant à celle de « cause ». Si cette perspective suscite des résistances sur le terrain, c’est parce que les acteurs ont des réticences à agir sans savoir pourquoi ils doivent agir comme cela. (3) L’ignorance des singularités, enfin, qui concerne le décalage que peuvent ressentir les acteurs entre ce que les experts disent de la réalité et l’expérience qu’ils en ont et qui est notamment lié aux fait qu’ils ne partagent pas les mêmes critères d’évaluation

    • En note de cet article, je découvre l’ampleur de l’usage du #redoublement avant le changement de politique en la matière dans les années 1980 :

      En 1960-1970, 22,1 % des élèves du CP ont déjà un ou deux ans de retard et c’est le cas de 52 % des élèves du CM2. Ces mêmes taux de retard passent respectivement à 12,1 % et 36,5 % en 1985, puis à 7,1 % et 19,5 % en 1999-2000. Ils continuent ensuite de décroître.

      https://shs.cairn.info/article/SOCO_123_0051