Lorraine. Les jeunes ont « un sentiment d’illégitimité informationnelle » estime la chercheuse Anne Cordier

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  • Lorraine. Les jeunes ont « un sentiment d’illégitimité informationnelle » estime la chercheuse Anne Cordier
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    Anne Cordier est professeure des universités en sciences de l’information et de la communication (Infocom, Nancy). Dans son dernier ouvrage, « Grandir informés », elle analyse les pratiques informationnelles des ados (10-17 ans). Elle revient sur la relation entre les jeunes, les médias et l’information.
    Propos recueillis par Carole OUDOT - 12 nov. 2023 à 06:00 | mis à jour le 15 nov. 2023 à 17:57 - Temps de lecture : 3 min
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    Selon Anne Cordier, chercheuse et professeure des universités, les ados « s’informent en sociabilité, pour le plaisir d’être avec les autres ». Photo Cédric Jacquot
    Selon Anne Cordier, chercheuse et professeure des universités, les ados « s’informent en sociabilité, pour le plaisir d’être avec les autres ». Photo Cédric Jacquot

    Comment les jeunes s’informent-ils ?

    Déjà, ils s’informent ! Par des biais multiples, mais pas uniquement sur les réseaux sociaux, ça, c’est faux. Les médias comme Konbini ou Brut, c’est le combo gagnant. On a la temporalité : c’est rapide et synthétique. Et, on a la preuve par l’image. Mais le premier moyen d’information, c’est le bouche-à-oreille, la famille. Ensuite, c’est la télévision, même si les ados regardent la télé parce que les parents la regardent. Ils insistent beaucoup sur le fait qu’ils s’informent en sociabilité, pour le plaisir d’être avec les autres. Par exemple, « je me lève plus tôt, pour regarder Télématin avec mon beau-père, c’est un moyen d’être avec lui ». Ça montre un besoin de lien social autour de l’information.
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    Pourtant, l’actualité est source d’anxiété pour la jeunesse…

    Les jeunes trouvent l’information très anxiogène. Ils vont plutôt aller chercher du média positif. Entre 10 et 17 ans, ils vont s’informer en recherchant du plaisir, sur des sujets qui les intéressent à leur âge : les loisirs, les activités culturelles. Le problème c’est qu’on ne considère pas ça comme de la « vraie actu ». Il y a un puissant sentiment d’illégitimité informationnelle. Et si leur principale source d’information, c’est par exemple, un créateur de contenu, ils ne vont pas oser le dire : ils estiment que ce n’est pas un moyen légitime de s’informer, ils savent que le discours autour peut être très négatif. Mais s’ils voient un adulte, un prof par exemple, utiliser Brut en cours, ils vont oser en parler.

    Les journalistes sont-ils légitimes pour faire de l’EMI ?

    L’éducation aux médias et à l’information (EMI) peut être faite par tout le monde : chacun a sa pierre à apporter à l’édifice. Le parent qui échange sur les images de l’actualité, fait de l’EMI. Le journaliste, quand il explique son travail et la fabrique de l’information, fait de l’EMI. À l’école, il y a un enseignant spécialisé, c’est le prof documentaliste. L’enseignant n’est pas journaliste et inversement, mais leurs interventions sont complémentaires.

    Le média idéal, ce serait quoi ?

    Un seul et unique média dont on serait sûr qu’il dise la vérité ! Cela reflète la peur des jeunes de mal s’informer. Avec un seul média, où tout est là et tout est vrai, on résoudrait le problème ! C’est surtout valable pour les plus jeunes, les lycéens se rendent compte qu’il faut du débat, de l’échange.
    Dans son ouvrage, Anne Cordier décortique les pratiques informationnelles des ados. Photo Carole Oudot

    Comment les jeunes perçoivent-ils les journalistes ?

    Les journalistes, pour les jeunes, c’est désincarné, c’est le problème. C’est important de comprendre que derrière « les journalistes », il y a de vraies personnes, avec des doutes, des questions. S’informer, ça demande de grosses compétences. Pour comprendre un fait d’aujourd’hui, il faut avoir la culture de celui d’hier : certains jeunes n’ont pas les clefs. C’est là que les adultes, notamment les journalistes, ont un rôle essentiel, pour comprendre comment l’information a été construite, comprendre qu’il y a une réflexion éthique derrière. On voit ici la complémentarité entre les regards avec l’enseignant qui va expliquer comment l’information participe au débat public et à la démocratie.

    Anne Cordier est enseignante-chercheuse au Centre de Recherche sur les Médiations (Crem) , coresponsable du master métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation à l’Université de Lorraine et autrice de l’ouvrage « Grandir informés » (C & F éditions, mai 2023).

    #Anne_Cordier #Journalisme