Pour réduire le #déficit des dépenses publiques, le gouvernement propose de donner un coup de frein aux dépenses de #santé, qui représentaient, en 2022, 11,9 % du produit intérieur brut (PIB) de la France, nous plaçant en deuxième position des pays européens derrière l’Allemagne (12,6 %). Toutefois, en euros par habitant, l’Allemagne dépense en moyenne 20 % de plus que la France (4 343 euros versus 3 475 euros).
La France est, en revanche, en tête des pays européens en matière de frais de gestion des financeurs des soins de santé : 6 % des dépenses de santé, contre 5 % en Allemagne et 3 % pour la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (« Lutter contre le gaspillage dans les systèmes de santé », OCDE, 2017).
En effet, spécificité française, nous avons pour chaque soin une double gestion, par l’Assurance-maladie obligatoire, d’une part, et par les #assurances privées complémentaires, d’autre part. Si bien que les complémentaires dépensent 7,7 milliards de frais de gestion alors qu’elles remboursent 13 % des soins, tandis que la Sécurité sociale dépense 7,5 milliards de frais de gestion alors qu’elle rembourse près de 80 % des soins. Autrement dit, lorsqu’un assuré verse 100 euros à une assurance complémentaire (mutualiste ou non), seuls 75 euros sont utilisés pour payer les soins contre 96 euros s’il les confie à la Sécurité sociale.
« Faire mieux avec moins »
En abaissant de 70 % à 60 % le remboursement des consultations chez le médecin ou chez la sage-femme, le gouvernement veut diminuer la #dépense_publique en la transférant aux assurances privées. Mais celles-ci répercuteront automatiquement la hausse sur le montant de la prime versée par leurs assurés, après une hausse de 8 % en 2024, déjà. Cette mesure purement comptable n’entraînera donc aucune économie pour la société. Elle va coûter plus cher aux assurés et provoquera un accroissement des #inégalités_sociales_de_santé dans la mesure où les moins fortunés, notamment parmi les #retraités, seront amenés à dégrader le niveau de leur couverture santé.
A l’inverse, l’intégration des mutuelles dans une « Grande Sécu » remboursant à 100 % un panier de #prévention et de #soins solidaire permettrait à la collectivité d’économiser 5,4 milliards d’euros par an, d’après un rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie, publié en janvier 2022 (« Quatre scénarios polaires d’évolution de l’articulation entre Sécurité sociale et assurance-maladie complémentaire »). A défaut de cette réforme structurelle majeure, la création d’une assurance complémentaire gérée par la Sécurité sociale permettrait de « faire mieux avec moins », selon le vœu du ministre du budget. En effet, la gestion de l’assurance-maladie obligatoire et d’une assurance-maladie complémentaire par un financeur unique permettrait de supprimer le doublon inutile des frais de gestion.
Les milliards économisés pourraient à la fois être ristournés aux assurés et servir à réduire le déficit de la Sécurité sociale. Gagnant, gagnant ! Cette mesure de bon sens est faisable puisqu’elle existe déjà en Alsace-Moselle, où deux millions de salariés bénéficient, pour des raisons historiques, d’un régime de santé spécial. Sa généralisation dépend seulement de la volonté politique du gouvernement et des parlementaires de supprimer la rente des assurances-maladie privées dites « complémentaires », moins égalitaires, moins solidaires et surtout moins efficientes que la #Sécurité_sociale.
François Bourdillon est médecin de santé publique ; Mady Denantes est médecin généraliste ; Anne Gervais est hépatologue au centre hospitalier universitaire (CHU) Bichat, à Paris ; André Grimaldi est diabétologue au CHU de la Pitié-Salpêtrière, à Paris ; Olivier Milleron est cardiologue au CHU Bichat.
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