Communiqué sur la nasse de la Bourse du travail le 28 juin 2016

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  • Le réalisateur et producteur Paul Morrissey, figure du cinéma underground, est mort
    https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2024/10/29/le-realisateur-et-producteur-paul-morrissey-figure-du-cinema-underground-est

    Le jeune homme de 27 ans commence comme simple collaborateur technique sur My Hustler (1965), avant de coréaliser le splendide Chelsea Girls (1966), premier grand succès du cinéma underground. Sur un écran scindé en deux, une succession de plans fixes observe les pensionnaires du mythique Chelsea Hotel dans une suite d’actions prosaïques. Fascinant et rarement projeté, le film – qui dure plus de trois heures – accomplit un rêve de voyeurisme de l’insignifiance qui prophétise la télé-réalité.
    Entre 1968 et 1972, Paul Morrissey réalise la trilogie Flesh/Trash/Heat – Warhol, qui se remet d’une tentative d’assassinat, n’est plus que producteur. La série suit les tribulations d’un gigolo addict à l’héroïne qui tente péniblement de survivre dans un New York interlope. La caméra de Morrissey est magnétisée par la beauté de son acteur, Joe Dallesandro, sans doute l’une des apparitions les plus sensuelles du cinéma américain – on le reverra dans Je t’aime moi non plus (1976), de Serge Gainsbourg.

    Morrissey confère ses contours et ses lettres de noblesse au #cinéma underground, et applique strictement les principes de la Nouvelle Vague : budget de 10 000 dollars, 16 mm et son direct, tournage sauvage dans un New York éteint, minimum d’indications données aux acteurs. La trilogie donne à voir les existences et les corps de marginaux qui n’auront jamais droit de cité dans la fiction majoritaire. Ce sera le plus grand succès de Paul Morrissey, qui s’extirpe ainsi de l’ombre de son mentor, inaugure le cinéma des années 1970 et influencera jusqu’à Jim Jarmusch et les frères Safdie.

    Identité sexuelle tourmentée

    Suivra Lonesome Cowboys (1968), parodie gay de western hollywoodien. Réalisé par Warhol, écrit et produit par Morrissey, le film sera salué par Henri Langlois. Ils coréaliseront le documentaire The Velvet Underground and Nico. A Symphony of Sound (1966) et L’Amour (1972), l’histoire de deux hippies américaines à Paris, avec Karl Lagerfeld (1933-2019) dans son propre rôle.

    Warhol nourrit l’ambiguïté : il appose devant chaque titre la formule « Andy Warhol’s », même lorsqu’il n’est que producteur. Ce sera le cas des deux très beaux films d’horreur signés Morrissey : Chair pour Frankenstein (1973), tourné en 3D, et Du sang pour Dracula (1974) où, à cause d’une pénurie de jeunes filles vierges, le vampire ne trouve plus de quoi s’alimenter. Le magnétisme trouble d’Udo Kier, dégurgitant sans cesse des trombes de sang, saisit la sexualité comme une dimension tragique et désespérée de l’existence.

    Morrissey continuera de réaliser au compte-gouttes quelques films peu concluants – notamment une parodie du Chien des Baskerville. Dans ses entretiens tardifs, il se montrait de plus en plus amer et critique vis-à-vis de Warhol – « Cet homme n’a jamais rien fait de sa vie », disait-il. Il aimait renvoyer l’image d’un conservateur, fervent catholique, détestant la contre-culture et la faune de marginaux à laquelle son nom était pourtant associé.
    Justement, on sentait au fond de son regard de cinéaste une identité sexuelle tourmentée, un mélange de fascination et d’angoisse pour le corps de ses acteurs – il filmait en intrus un monde interdit. En 1975, il confiait au critique américain Jonathan Rosenbaum : « Mes films dépeignent une sorte de vide intérieur chez des personnes qui traversent une période culturelle transitoire : elles ne savent pas qui elles sont, ni ce qu’elles doivent faire. »

    #Paul_Morrissey

    • Cela dit, pour le Frankenstein et le Dracula, le « co-réalisateur » italien, Antonio Margheriti, revendiquait dans les interviews d’être le vrai réalisateur, disant que les ricains ne savaient pas faire grand chose avec une caméra.

      Voir aussi ce commentaire de Science-Fiction magazine à propos de Chair pour Frankenstein :
      https://www.sfmag.net/spip.php?article2311

      Aujourd’hui, bien sûr, l’enthousiasme sera plus mitigé : la mise en scène académique de Morrisey accuse mal le poids des ans. A ce propos, il n’est d’ailleurs pas évident de savoir qui réalisa réellement ce Chair pour Frankenstein (et son contemporain Du Sang pour Dracula) : le nom de Andy Warhol est mis en avant mais la réalisation est généralement créditée à Paul Morrisey, excepté en Italie où c’est Anthony Dawson (alias Antonio Margheriti) qui est mentionné. Il est à présent admis que le cinéaste italien a réalisé les deux films, Morrisey ayant un rôle assez flou de superviseur de la mise en scène et Warhol apportant sa caution artistique. Notons que la production est assurée par un autre trublion, à savoir Jean Yanne.

      Quant à la fameuse trilogie Flesh/Trash/Heat, c’est rigolo à regarder, mais c’est tellement conçu pour « choquer le bourgeois » que j’ai toujours trouvé ça assez vain (comme le Je t’aime moi non plus de Gainsbourg, d’ailleurs). Parce que le bourgeois de toute façon adore être choqué par ce genre de choses, et que finalement pas grand chose ne le choque là-dedans (le fait que ce soit fait avec Warhol permet déjà de s’en douter).

      #cinéma_barré