Mis en cause par François Bayrou, les agents de l’Office de la biodiversité se mettent en retrait…

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  • Mis en cause par François Bayrou, les agents de l’#Office_français_de_la_biodiversité appelés à faire la grève des contrôles
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    Mis en cause par François Bayrou, les agents de l’Office français de la biodiversité appelés à faire la grève des contrôles
    Trois jours après l’attaque frontale du premier ministre contre le travail des agents de l’#OFB, les syndicats de l’établissement public demandent des excuses publiques.

    Par Perrine Mouterde

    Publié le 17 janvier 2025 à 16h39

    Ne plus effectuer aucune mission de police, ne plus réaliser aucune opération en lien avec le monde agricole, ne plus transmettre aucun avis technique… tant que le premier ministre n’aura pas formulé des excuses publiques. Trois jours après que François Bayrou a attaqué frontalement le travail des agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), les syndicats de l’établissement public appellent, vendredi 17 janvier, à une grève partielle et à un vaste mouvement de contestation. « En réponse à la remise en cause incessante de nos missions et afin d’éviter de commettre des “fautes”, l’intersyndicale demande à l’ensemble des personnels de rester au bureau », résument dans un communiqué cinq organisations (#Syndicat_national_de_l’environnement, FSU, FO, CGT, Unsa, EFA-CGC).

    Quasiment muet sur les #sujets_climatiques_et_environnementaux lors de sa déclaration de politique générale, mardi 14 janvier, #François_Bayrou a en revanche lancé un acte d’accusation sévère à l’encontre de l’instance chargée de veiller à la préservation de la biodiversité et au respect du droit de l’environnement. « Quand les #inspecteurs de la #biodiversité viennent contrôler le fossé ou le point d’eau avec une arme à la ceinture, dans une ferme déjà mise à cran, c’est une humiliation, et c’est donc une faute », a-t-il affirmé.

    Cette déclaration ne pouvait que remettre de l’huile sur le feu après dix-huit mois de vives tensions entre l’établissement et certains syndicats agricoles. La #FNSEA et la Coordination rurale, notamment, assurent que les agriculteurs sont contrôlés de manière excessive et intimidante par les inspecteurs de l’environnement et réclament leur désarmement. Fin 2023 et début 2024, des personnels et des agences de l’OFB avaient été pris pour cibles lors de manifestations. Fin 2024, lors d’un nouveau mouvement de protestation agricole, une cinquantaine d’agressions et d’attaques ont été recensées.

    « Le premier ministre, qui a outrepassé ses fonctions en se faisant le porte-parole de syndicats agricoles, doit se reprendre et réparer sa faute, affirme aujourd’hui #Sylvain_Michel, représentant #CGT à l’OFB. Il est intolérable que le deuxième plus haut représentant de l’Etat attaque directement un établissement public dont les missions sont dictées par la loi et qui consistent à faire respecter le code de l’environnement. »

    Expression « mal comprise »
    La présidente du conseil d’administration de l’OFB, Sylvie Gustave-dit-Duflo, a également fait part de sa colère après les propos de François Bayrou. « Lorsque le premier ministre prend directement à partie l’OFB sans avoir pris la peine de s’intéresser à nos missions, à ses enjeux, c’est inconcevable, c’est une faute », a déclaré vendredi Me Gustave-dit-Duflo, qui est aussi vice-présidente de la région Guadeloupe. « La probabilité pour qu’une exploitation agricole soit contrôlée par les 1 700 inspecteurs de l’environnement, c’est une fois tous les cent-vingt ans », a-t-elle ajouté.

    Les propos du #premier_ministre avaient déjà fait réagir ces derniers jours. Dès mercredi, un membre du Syndicat national des personnels de l’environnement (SNAPE)-FO, Benoît Pradal, a décrit sur France Inter « l’humiliation » ressentie depuis des mois par les agents de l’OFB et assuré n’avoir aucun problème avec « la majorité » des agriculteurs. « On a le sentiment que ce que veulent [une minorité d’agriculteurs], c’est ne plus nous voir dans leurs exploitations. C’est du même ordre que si les dealers demandaient aux policiers de ne plus venir dans les cités », a-t-il ajouté. La FNSEA et les Jeunes agriculteurs ont aussitôt dénoncé « une comparaison honteuse » et réclamé la suspension des contrôles. Le patron des LR à l’Assemblée, Laurent Wauquiez, a lui réclamé que l’OFB soit « purement et simplement supprimé ».

    L’ancien député Modem Bruno Millienne, conseiller de Matignon, juge que l’expression de François Bayrou a été « mal comprise » et prône « le bon sens et le respect mutuel de part et d’autre ». De son côté, la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a appelé vendredi à l’apaisement, en rappelant que les agents de l’OFB « font le travail que nous leur demandons ». « Si la loi doit évoluer, c’est aux parlementaires de la faire évoluer. Ce n’est pas aux agents de l’OFB de ne pas respecter la loi », a-t-elle ajouté.

    Etuis de port d’armes discrets
    Outre la suspension d’un certain nombre de missions, l’intersyndicale de l’établissement public invite les quelque 3 000 agents (dont les 1 700 inspecteurs de l’environnement) à cesser toute participation aux réunions organisées en préfecture sur des sujets agricoles ainsi que tout appui technique aux services de l’Etat, aux établissements publics et aux collectivités territoriales. Elle suggère aussi, dans le cadre d’une action symbolique, d’aller remettre en mains propres aux préfets les étuis de port d’armes discrets, censés permettre de dissimuler l’arme sous les vêtements.

    Une circulaire du 3 décembre 2024 prévoit la mise en place immédiate de ce port d’armes discret. Pour Sylvain Michel, cet outil est « de la poudre aux yeux », qui ne réglera en aucun cas les difficultés. « Ceux qui attaquent les armes violemment ne veulent pas de droit de l’environnement, et donc pas de police de l’environnement », a jugé récemment le directeur général de l’établissement, Olivier Thibault. La police de l’environnement est celle qui contrôle le plus de personnes armées chaque année.

    #Perrine_Mouterde

    • « L’Office français de la biodiversité, l’un des principaux remparts contre l’effondrement du vivant, est victime d’attaques intolérables »

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      TRIBUNE
      Collectif

      Amputer les missions de l’#OFB, en réduire les moyens ou revenir sur ses dotations sacrifierait des ressources indispensables pour sa capacité à protéger la biodiversité et à la défendre face aux pratiques illégales qui la dégradent, explique, dans une tribune au « Monde », un collectif de personnalités d’horizons divers, parmi lesquelles Allain Bougrain-Dubourg, Marylise Léon, Christophe Béchu et Valérie Masson-Delmotte.

      ’Office français de la biodiversité (OFB) a récemment déposé une cinquantaine de plaintes au niveau national pour dégradations et menaces.

      Début octobre, la voiture d’un chef de service du Tarn-et-Garonne a été visée par un acte de sabotage. Le 26 janvier 2024, sur fonds de colère agricole, des manifestants ont tenté de mettre le feu au siège de Trèbes (Aude), tandis que l’enquête ouverte après l’incendie de celui de Brest (Finistère), à l’occasion d’une manifestation de marins pêcheurs mécontents, le 30 mars 2023, vient d’être classée sans suite.

      A Guéret (Creuse), les locaux de l’établissement public ont été saccagés, et des documents volés, pour la première fois ; à Beauvais, un service a été muré, et plusieurs services ont reçu un mail d’insultes et de menaces. D’autres établissements publics – tels que l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement ou l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – et certains agents ont été victimes d’attaques intolérables.

      3 000 agents répartis à travers la France
      L’OFB incarne pourtant l’un des principaux remparts contre l’érosion de la biodiversité. Cet établissement public, créé par le législateur, en 2019, lors de la fusion de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, rassemble plus de 3 000 agents répartis à travers la France métropolitaine et les outre-mer. Inspecteurs de l’environnement, ingénieurs, experts thématiques, vétérinaires, techniciens, personnel administratif, œuvrent ensemble pour accompagner les collectivités et les divers acteurs économiques vers des pratiques respectueuses de la nature.

      L’OFB réunit des compétences uniques pour mesurer, analyser et anticiper l’effondrement du vivant. Que savons-nous de la fragilité des espèces ou des écosystèmes déjà affectés ? Quel est l’état de santé des zones humides, des milieux forestiers et marins ? Affaiblir l’OFB, c’est saper les fondations mêmes de notre connaissance et de nos capacités d’action. Le défendre, c’est affirmer que la science est un levier crucial de la résilience de nos sociétés.

      Protéger la biodiversité, c’est aussi la défendre face aux pratiques illégales qui la dégradent. L’une des missions centrales de l’OFB vise à assurer l’application des lois environnementales. Avec ses 1 700 inspecteurs, cette police de l’environnement lutte contre le braconnage, les pollutions et autres atteintes aux milieux naturels et aux espèces protégées. Ses équipes aident également les usagers à mieux comprendre et à respecter les réglementations, en proposant des solutions concrètes et constructives.

      L’OFB n’agit pas seul. Il constitue le cœur d’un réseau d’acteurs qui tissent ensemble des initiatives locales et nationales : Etat, collectivités, citoyennes et citoyens engagés, en particulier dans les associations, entreprises, scientifiques. De la ruralité au cœur des villes, cette force agit pour la préservation de la biodiversité et de l’équilibre de nos territoires.

      La base de notre existence
      Loin de faire cavalier seul, comme certains l’affirment, les agents de l’OFB participent à la résilience des activités économiques, établissent des ponts entre des intérêts parfois divergents, en facilitant le dialogue avec les agriculteurs, pêcheurs, chasseurs, pratiquants des sports de nature ou encore les acteurs de l’énergie. Qu’il s’agisse de la restauration d’un marais, de la survie d’une espèce endémique ultramarine ou de l’éducation des plus jeunes, chaque avancée repose sur cette synergie avec la même ambition : léguer un futur viable aux prochaines générations.

      La biodiversité n’est pas un luxe, elle est la base même de notre existence : l’eau que nous buvons, l’air que nous respirons, les sols qui nous nourrissent. Ses interactions et interdépendances ont permis, au cours de l’évolution, de créer les conditions d’émergence de l’ensemble du vivant. Ce fil fragile menace bientôt de rompre. Quand les océans s’élèvent, que les habitats naturels se dégradent, que les cours d’eau s’assèchent ou débordent, que les espèces sauvages disparaissent à un rythme sans précédent, nous devons faire front et nous unir derrière un unique objectif : protéger la vie.

      Dans ce contexte, amputer les missions de l’#OFB, réduire ses moyens budgétaires et humains ou revenir sur les dotations décidées il y a à peine un an pour les politiques publiques de biodiversité, sacrifierait des ressources indispensables pour notre capacité à agir efficacement pour préserver l’#avenir.

      C’est pourquoi, aujourd’hui, nous appelons élus, #associations, #scientifiques, #citoyennes_et_citoyens à faire front pour soutenir cet #opérateur_public, aujourd’hui sous le feu de #critiques_injustifiées. Celles-ci visent en réalité, à travers l’OFB ainsi qu’à travers l’ensemble de ses agents, des politiques publiques et des #réglementations qui ont mis des années à progresser et à commencer à faire leurs preuves.

      Premiers signataires : Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux ; Antoine Gatet, président de France Nature Environnement ; Erwan Balanant, député (#MoDem) du Finistère ; Sandrine Le Feur, députée (Renaissance) du Finistère ; Marie Pochon, députée (#EELV) de la Drôme ; Dominique Potier, député (divers gauche) de Meurthe-et-Moselle ; Loïc Prud’homme, député (LFI) de Gironde ; Richard Ramos, député (MoDem) du Loiret ; Marylise Léon, secrétaire nationale de la CFDT ; Christophe Béchu, maire d’Angers et ancien ministre ; Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue, directrice de recherches au CEA ; Claude Roustan, président de la Fédération nationale de la pêche. Liste complète des signataires ici.

      Collectif

    • Jean-Baptiste Fressoz, historien : « Les #polices_environnementales subissent de nombreuses entraves »
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      Jean-Baptiste Fressoz, historien : « Les polices environnementales subissent de nombreuses entraves »
      CHRONIQUE

      Jean-Baptiste Fressoz

      Historien, chercheur au CNRS

      La mise en cause de l’Office français de la biodiversité à l’occasion des manifestations d’agriculteurs s’inscrit dans l’histoire des entraves à la protection de l’environnement, observe l’historien dans sa chronique.Publié le 28 février 2024 à 06h00, modifié le 28 février 2024 à 08h15 Temps deLecture 2 min.

      Les locaux de l’Office français de la biodiversité (OFB) ont été plusieurs fois visés par les manifestations d’agriculteurs, par exemple à Mende, le 2 février, et à Carcassonne, le 27 janvier. Le 26 janvier, le premier ministre, Gabriel Attal, avait annoncé le placement de l’établissement public sous la tutelle des préfets. L’OFB fait partie des « polices environnementales », vocable regroupant différentes institutions qui vont des anciens gardes-chasse, gardes forestiers, gardes-pêche – devenus agents de l’OFB – aux inspecteurs des établissements classés (Polices environnementales sous contraintes, de Léo Magnin, Rémi Rouméas et Robin Basier, Rue d’Ulm, 90 pages, 12 euros).

      Le mot « police » a cela d’intéressant qu’il renvoie à l’origine de ces institutions. Sous l’Ancien Régime, la police méritait en effet pleinement son nom, car elle s’occupait de tout ce qui avait trait à l’espace urbain, à la fois l’ordre public, bien sûr, mais aussi l’ordre environnemental, la propreté des rues, l’organisation des marchés, les fumées des artisans…

      Le succès administratif des termes « environnement », dans les années 1970, puis « biodiversité », dans les années 2000, cache la profonde continuité des pratiques et des institutions qui encadrent les usages de la nature. A l’instar de la police d’Ancien Régime, la police environnementale recourt surtout à la pédagogie et aux rappels aux règlements bien plus qu’aux sanctions. Une police qui repose davantage sur les bonnes pratiques que sur des normes strictes et des instruments de mesure.

      On retrouve aussi une même rivalité entre administration et justice tout au long de son histoire. Au début du XIXe siècle, la mise en place du système administratif (préfets et Conseil d’Etat) avait conduit à marginaliser les cours judiciaires dans la gestion de l’environnement : d’un côté, une administration qui pense « production et compétitivité nationale », de l’autre, des cours qui constatent des dommages, des responsabilités et attribuent des réparations.

      Gestion de contradictions
      Les polices environnementales subissent également de nombreuses entraves. Tout d’abord celle liée au manque de personnel : pour surveiller l’ensemble de ses cours d’eau, la France ne dispose que de 250 agents, soit moins d’un agent pour 1 000 kilomètres de rivière. Quant aux établissements classés, on en compte plus de 500 000 en France, pour 3 100 inspecteurs. On est bien loin des 30 000 gardes champêtres qui quadrillaient les campagnes françaises au XIXe siècle !

      Entraves qui tiennent ensuite à la faible prise en charge judiciaire de ces affaires : les atteintes à l’environnement représentent ainsi une part infime des affaires correctionnelles. Entraves liées enfin à l’état du monde agricole français : moins de 2 % de la population exploite plus de la moitié du territoire métropolitain ; logiquement, les agriculteurs concentrent la majorité des contrôles. Et la peur de la violence d’un monde agricole en détresse économique taraude les inspecteurs : un contrôle de trop peut enclencher la faillite…

      Robert Poujade, tout premier ministre de l’écologie de 1971 à 1974, avait conté son expérience au Ministère de l’impossible (Calmann-Lévy, 1975). La police de l’environnement est une « police de l’impossible », davantage caractérisée par ses contraintes que par ses pouvoirs, une police « d’avant-garde » par certains aspects, mais qui tente de faire respecter des règles souvent anciennes, une police enfin qui n’est soutenue par aucune campagne de sensibilisation massive, contrairement à ce qui a été fait, par exemple, pour la sécurité routière, et qui se trouve devoir gérer les contradictions entre système productif et politique. Selon la formule des auteurs de Polices environnementales sous contraintes, « l’écologisation de nos sociétés n’a rien d’automatique et demeure un processus hautement contingent, sinon un objectif essentiellement discursif ». Les reculades de Gabriel Attal face aux revendications de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles confirment cette sombre appréciation.

      #Jean-Baptiste_Fressoz (Historien, chercheur au #CNRS)

    • « Il appartient aux autorités politiques de #défendre l’#existence de l’Office français de la #biodiversité, chargé d’appliquer les #réglementations_environnementales »
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      « Il appartient aux autorités politiques de défendre l’existence de l’Office français de la biodiversité, chargé d’appliquer les réglementations environnementales »
      TRIBUNE
      Collectif

      L’OFB est devenu le bouc émissaire de la crise agricole, déplorent dans une tribune au « Monde » les représentants des organisations siégeant au conseil d’administration de cet établissement national. Pour eux, la coopération entre agriculture et biodiversité est une évidente nécessité.Publié le 02 mars 2024 à 06h30 Temps deLecture 4 min.

      Le #déclin_de_la_biodiversité à une vitesse et à une intensité jamais égalées est #scientifiquement_établi depuis des années, et particulièrement dans les rapports de la Plate-Forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (#IPBES). Les menaces sur l’eau et la biodiversité sont toutes d’origine humaine et s’exacerbent mutuellement.

      Cet #effondrement_de_la_biodiversité, conjugué au changement climatique, remet en question l’habitabilité de notre planète et interroge l’avenir du vivant, humain et non humain.

      Face à ce constat, l’Etat a créé en 2020 un établissement national spécialisé, l’Office français de la biodiversité (#OFB), consacré à la protection et à la restauration de la biodiversité en métropole et dans les outre-mer. Le législateur et le gouvernement lui ont assigné des missions essentielles, en particulier :

      – la connaissance et l’expertise : mieux connaître les espèces, les milieux naturels, les services rendus par la biodiversité et les menaces qu’elle subit est essentiel pour protéger le vivant ;

      – un appui aux politiques publiques : à tous niveaux, les équipes de l’OFB appuient les politiques publiques pour répondre aux enjeux de préservation de la biodiversité ;

      – la gestion et restauration des espaces protégés : parcs naturels marins, réserves, appui aux parcs nationaux, travail en réseau… ;

      – la contribution à la police de l’environnement, qu’elle soit administrative ou judiciaire, relative à l’eau, aux espaces naturels, à la flore et la faune sauvages, à la chasse et à la pêche ; à la lutte contre le trafic des espèces sauvages menacées d’extinction.

      Manque de moyens
      Quatre ans après sa création, l’OFB continue de consolider son identité et sa place dans le paysage institutionnel. En manque d’un véritable portage politique, ce « fer de lance de la biodiversité » a vu ses missions s’étoffer et se complexifier considérablement, tandis que ses effectifs n’ont augmenté qu’à la marge.

      Le manque de moyens humains reste une entrave à l’action, à tous niveaux.

      Par exemple, sur les seules missions de police judiciaire, à l’échelle du territoire national, l’OFB ne compte que 1 700 inspecteurs pour prévenir et réprimer les atteintes à l’environnement (surveillance du territoire, recherche et constat des infractions, interventions contre le braconnage, …), qui doivent également contribuer à la connaissance, apporter leur expertise technique, sensibiliser les usagers, réaliser des contrôles administratifs sous l’autorité du préfet, etc. Mais d’autres agents et métiers de l’OFB sont également en tension.

      Durant les manifestations de colère agricole, l’OFB se voit conspué, ses implantations locales dégradées, ses agents vilipendés. L’OFB est devenu le bouc émissaire de la crise agricole, en l’absence de réponses concrètes sur le revenu des paysans.

      La santé des agriculteurs en premier lieu
      Ces attaques réitérées contre l’OFB sont inacceptables, car elles visent, au travers de l’établissement et de ses agents, à affaiblir les politiques publiques de protection et de sauvegarde de la nature, de l’eau et de la biodiversité.

      Parce que l’eau et la biodiversité renvoient à la complexité du vivant, le bon sens, qu’il soit populaire ou paysan, ne peut suffire à protéger ou à restaurer un fonctionnement équilibré des milieux naturels. L’OFB est un outil précieux de connaissance et d’expertise pour accompagner et garantir la mise en œuvre des politiques publiques (collectivités, habitants, filières professionnelles, etc.). La remise en cause de certaines de ses missions et de sa capacité d’agir générerait des reculs concrets et dommageables pour l’intérêt général et nos modes de vie.

      Elle ne constituerait aucunement un gain pour le monde agricole, dont une grande partie a déjà intégré les enjeux de préservation des milieux et des cycles naturels. Rappelons que, en faisant appliquer les réglementations environnementales, l’OFB et les autres opérateurs publics de l’environnement protègent aussi la santé de tous les citoyens, celle des agriculteurs en premier lieu.

      A l’inverse de la tendance à opposer agriculture et protection de la nature, la coopération entre agriculture et biodiversité est une nécessité évidente : le système agroalimentaire intensif aujourd’hui dominant constitue l’une des principales pressions sur la biodiversité, dont l’érosion continue provoque, en retour, une fragilisation de tous les modèles agricoles.

      Rappeler les lois, voire sanctionner
      Les politiques publiques, comptables vis-à-vis des générations futures, ne doivent pas renoncer à la transition agroécologique ; elles doivent au contraire l’accompagner, la guider et la soutenir, au bénéfice de la biodiversité, de l’atténuation et de l’adaptation du changement climatique, de la santé des humains (et en premier lieu des producteurs), des autres êtres vivants et de l’agriculture elle-même.

      Nous soutenons sans réserve tous les paysans qui s’engagent dans cette transition agroécologique, dans un modèle à la fois vertueux pour l’environnement et où les femmes et les hommes qui nous nourrissent vivent dignement de leur travail, sans mettre en jeu leur santé et celle des citoyens.

      Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés « Face au changement climatique, l’agriculture biologique doit être soutenue »

      L’OFB a sa place au côté d’une agriculture en pleine mutation, pour accompagner les paysans de bonne volonté, engagés dans la transition, mais aussi pour rappeler les lois et règlements en vigueur, voire sanctionner ceux qui ne respectent pas la loi, qu’ils soient des entreprises, des agriculteurs, des collectivités ou des individus.

      L’Etat doit lui en donner véritablement les moyens, avec des effectifs à la hauteur de ces enjeux et des agents reconnus qui vivent, eux aussi, dignement de leur travail. Comme pour d’autres établissements publics pris pour cible par des groupes d’intérêts économiques, il appartient aux autorités politiques de défendre l’existence de cet organisme dont les missions sont définies dans le cadre légitime de l’action publique de l’Etat

      Les signataires de cette tribune proviennent tous d’organisations siégeant au conseil d’administration de l’Office français de la biodiversité : Véronique Caraco-Giordano, secrétaire générale du #SNE-FSU, Syndicat national de l’environnement ; Antoine Gatet, président de France Nature Environnement ; Bernard #Chevassus-au-Louis, président d’Humanité et biodiversité ; Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux ; Claude Roustan, président de la #Fédération_nationale_de_la_pêche en France ; Vincent Vauclin, secrétaire général #CGT_environnement (domaine OFB et #parcs_nationaux).

    • À #Poitiers, l’immense désarroi de la police de l’environnement | Mediapart
      https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/150225/poitiers-limmense-desarroi-de-la-police-de-l-environnement

      À Poitiers, l’immense désarroi de la police de l’environnement
      Harcelés par les syndicats agricoles, les agents de l’Office français de la biodiversité se sentent abandonnés et constatent une perte de sens de leur travail. D’autant que François Bayrou les a jetés en pâture dès son arrivée à Matignon, les accusant d’« humilier les agriculteurs ».

      Lucie Delaporte

      15 février 2025 à 10h28

      PoitiersPoitiers (Vienne).– Sur la porte vitrée du local subsistent encore les traces laissées par la Coordination rurale (CR). Des graines mélangées à une substance visqueuse et, çà et là, quelques autocollants du syndicat : « Stop à l’agricide », « OFB stop contrôle ».

      Dans la nuit du dimanche 2 février, les locaux de l’agence départementale de l’Office français de la biodiversité (#OFB) à Poitiers ont été pris pour cible par des militants du syndicat agricole proche de l’extrême droite. Des #graffitis ont été tracés sur le bâtiment, des sacs de légumes pourris déversés devant les locaux. « Un camion entier », précise Alain*, le premier agent à être arrivé sur les lieux.

      C’est la sixième fois en un an et demi que cette antenne de l’OFB de la Vienne est attaquée. Le procureur de la République a ouvert une enquête en flagrance pour les dégradations matérielles mais aussi pour harcèlement, au regard de la répétition de ces actes de malveillance.

      Dans cette âpre campagne où le syndicat disputait son leadership à la FNSEA, l’OFB aura été sa cible répétée. « On leur a servi de bouc émissaire idéal », résume un agent que nous rencontrons dans la salle de repos où sont collées des affichettes montrant des agents couverts de déchets avec le slogan « Nous ne sommes pas des punching-balls ».

      Après le témoignage sur France Inter d’un responsable syndical de l’OFB qui avait comparé à des « dealers » les agriculteurs hors la loi, le climat s’est enflammé. « Une voiture de l’OFB qui entre dans une exploitation sera brûlée sur place », a déclaré peu après dans un meeting le secrétaire général de la CR, Christian Convers.

      Grève du zèle
      Né en 2020 de la fusion de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office français de la chasse et de la faune sauvage, l’OFB, qui compte 2 800 agents, est encore mal connu du grand public. Il exerce des missions de police administrative et de police judiciaire relatives à l’eau, aux espaces naturels, aux espèces, à la chasse et à la pêche.

      À Poitiers, quelques jours après cette sixième attaque contre ses locaux, l’antenne tourne au ralenti. « On fait une grève larvée. Globalement, on ne fait pas de police pénale, pas de contrôle administratif. On essaie de solder les procédures en cours et on va surtout voir des espèces sur le terrain », résume un agent qui, comme tous les autres, requiert l’anonymat.

      On se dit qu’un agriculteur va peut-être franchir la ligne rouge, avec le sentiment que, s’il le fait, il sera soutenu par les syndicats agricoles et par le premier ministre.

      Gilles, agent à l’OFB
      Après une manifestation le 31 janvier devant la préfecture, les agents poursuivent le mouvement par cette grève du zèle, en écho à une année étrange où leurs tutelles – le ministère de l’agriculture et celui de la transition écologique – leur ont demandé de lever le pied sur les contrôles face à l’ampleur de la contestation agricole.

      « C’est notre quotidien : se faire insulter ou agresser par des gens qui viennent déverser des détritus juste parce qu’on essaie de faire respecter des lois votées au Parlement », indique Alain, qui fait visiter les lieux.

      Un mètre de lisier dans la voiture
      Le lâchage en règle des agents de l’OFB par deux premiers ministres, sous la pression du mouvement agricole, a été très douloureusement ressenti. Lors de son discours de politique générale, François Bayrou a évoqué l’« humiliation » infligée, à ses yeux, au monde agricole par les agents de l’OFB, qui arborent une arme lors de leurs interventions. 

      « On s’était déjà fait crucifier en janvier sur place par Attal sur sa botte de foin, qui avait repris au mot près le slogan de la FNSEA : “Faut-il être armé pour contrôler une haie ?” », s’étrangle Alain, qui rappelle les agressions continuelles que subissent les agents. 

      Depuis fin 2023, l’OFB a recensé 90 actions contre ses locaux mais aussi des actes malveillants visant directement ses agents. En octobre, le chef de l’OFB du Tarn-et-Garonne, juste après une réunion sur les contrôles à la chambre d’agriculture, a constaté qu’une des roues de son véhicule avait été démontée. « Un collègue s’est retrouvé avec un mètre de lisier dans sa voiture », raconte Max en buvant sa chicorée, parce qu’il s’est rendu compte que le café portait trop sur ses nerfs déjà assez malmenés.

      « Il y a une violence qu’on ressent de plus en plus. Ce climat-là multiplie le risque d’avoir un contrôle qui se passe mal. On se dit qu’un agriculteur va peut-être franchir la ligne rouge, avec finalement le sentiment que, s’il le fait, il sera soutenu par les syndicats agricoles et par le premier ministre », poursuit-il.

      Travailler à l’OFB a un coût, surtout quand on habite dans un village. « Là où j’habite, je suis blacklisté. C’est un village très agricole. Je l’ai senti quand on est arrivés. Ma femme ne comprenait pas. Je lui ai dit : “Cherche pas : tout le monde se connaît, ils savent le métier que je fais” », explique l’agent.

      Un autre raconte avoir fait l’erreur d’aller regarder ce qui se disait sur les réseaux sociaux à propos de l’OFB. Insultes, menaces, dénigrement… « C’est désastreux. On est les emmerdeurs, payés par vos impôts, pour protéger les papillons, les amphibiens. Et à partir du moment où l’État qui m’emploie me désavoue, quelle légitimité j’ai à continuer à faire ce travail-là ? »

      Depuis 2023, du fait des dérogations de la préfecture, l’eau d’une grande partie de la Vienne n’est officiellement plus « potable », à cause de ces pollutions, mais « consommable ».

      L’accusation de « harceler » le monde agricole provoque ici l’agacement. « D’abord, on focalise sur le monde agricole, mais ce n’est qu’une petite partie de notre travail. On contrôle les collectivités, les entreprises, les particuliers aussi », souligne Max, la trentaine. À raison de 3 000 contrôles par an pour 400 000 exploitations, une exploitation a une chance de se faire contrôler tous les cent vingt ans. « Ici, on a verbalisé vingt exploitations sur les phytos [produits phytosanitaires – ndlr] l’an dernier sur les 3 500 du département. La vérité, c’est qu’on devrait faire beaucoup plus de contrôles. On est treize agents, ici, on devrait plutôt être quarante pour bien faire notre métier », assure-t-il.

      Car ce qu’ils racontent sur l’ampleur des atteintes à l’environnement qu’ils constatent au quotidien fait froid dans le dos. « Sur la qualité de l’eau, c’est une catastrophe ! À certains endroits, on en est venus à interconnecter des points de captage pour diluer la pollution », rapporte un policier. Un cache-misère pour rendre moins visibles des niveaux de pollution inédits.

      Julien est ici le spécialiste de l’utilisation des produits phytosanitaires. Il décrit les conséquences désastreuses de ces produits utilisés trop souvent hors des clous et qui restent parfois plusieurs décennies à l’état de métabolites dans les sols et les nappes phréatiques.

      Interdit depuis 2013, le chlorothalonil, un fongicide, continue de faire des ravages. « Il y a certaines zones dans le département où on était à quasiment 70 fois la norme ! » Pour lui, de telles concentrations indiquent que le produit a sans doute été utilisé récemment : « Les agriculteurs peuvent se fournir à l’étranger, sur Internet. »

      Depuis 2023, du fait des dérogations de la préfecture, l’eau du robinet d’une grande partie du département n’est officiellement plus « potable », à cause de ces pollutions, mais « consommable », c’est-à-dire les seuils très précis de pollution qui régissent les normes de potabilité sont dépassés mais dans des proportions qui n’impactent pas immédiatement la santé humaine. Dans ce cas, les préfectures peuvent, temporairement, publier des décrets dérogatoires. Sur le long terme, qui vivra verra… Une situation dénoncée par les associations environnementalistes dans l’indifférence générale. 

      Yves s’agace de l’aveuglement des pouvoirs publics sur le sujet : « La conscience des élus de la gravité de la situation de l’eau, elle est... faible, euphémise-t-il dans un demi-sourire. Ils ne se rendent pas du tout compte ou alors ils disent : “On va trouver des solutions curatives, on va traiter l’eau.” Mais, même dans les récentes usines de filtration à 15 millions d’euros qui ont été construites ici, on continue de trouver ces métabolites. » Il faut des filtres de plus en plus performants, plus chers et finalement payés par les contribuables.

      Moi, je n’ose même plus parler de biodiversité puisqu’on regarde toutes les populations se casser la gueule…

      Un policier de l’environnement
      Faire appliquer la loi serait, au minimum, un bon début. Mais c’est précisément ce qu’on les empêche de faire en leur imposant des procédures longues et complexes, avec très peu de moyens.

      Pour ces agents, observer au quotidien l’effondrement de la biodiversité dans l’indifférence générale est un crève-cœur. « On est un peu comme des urgentistes qui voient passer des cadavres toute la journée. Moi, je n’ose même plus parler de biodiversité puisqu’on regarde toutes les populations se casser la gueule… J’en suis juste à me dire : essayons d’avoir encore de l’eau potable demain », affirme Alain.

      Le droit de l’environnement est-il trop complexe ? Un argument qui est beaucoup revenu pendant le mouvement des agriculteurs. Alain reconnaît que certains aspects sont très techniques, y compris pour lui, mais souligne que cette complexité est souvent le fruit d’un intense travail de lobbying des industriels et des groupes de pression.

      « Le #lobbying a tendance à complexifier encore plus la loi, avec une multitude de sous-amendements parfois difficilement interprétables… On se dit que c’est exprès pour que ce soit inapplicable ! Ce serait bien de simplifier la loi mais que cette simplification ne se fasse pas au détriment de l’environnement, comme c’est la plupart du temps le cas », juge-t-il.

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      Une saisie d’un bidon de glyphosate. © Lucie Delaporte
      Julien assure que concernant les « phytos », grand sujet de crispation avec les agriculteurs, la « complexité » a bon dos : « Les exploitants ont quand même une formation pour obtenir un certificat individuel d’utilisation des produits phytosanitaires, et sur chaque bidon de phytosanitaire, la règle d’utilisation est écrite : “À ne pas appliquer à moins de 5 mètres ou 20 mètres d’un cours d’eau”, etc. »

      Dans une profession agricole qui a été encouragée à utiliser massivement des pesticides pendant des décennies, engendrant une dépendance de plus en plus grande à la chimie, certains agriculteurs préfèrent simplement ignorer des réglementations qui les contraignent.

      « On a fait des formations justement pour expliquer la réglementation. Comme sur le terrain on entend toujours que c’est très compliqué, on s’attendait à avoir des salles pleines. Sur les 3 500 exploitations dans la Vienne, une cinquantaine d’agriculteurs sont venus », soupire un agent chevronné.

      Avec des formules qu’ils veulent diplomatiques, ils décrivent tous un monde agricole qui s’est globalement affranchi des règles sur le respect de l’environnement, avec la bénédiction des pouvoirs publics qui ont décidé de fermer les yeux. « Il faudrait faire une étude sociologique : pourquoi les exploitants agricoles ne se sentent-ils jamais en infraction ? Ils nous disent : “Mais nous on gère en bons pères de famille, intéressez-vous plutôt aux délinquants, aux dealers dans les cités.” C’est quelque chose qui a été entretenu parce qu’il y a très peu de contrôles en agriculture. Et forcément, dès qu’il y en a un petit peu, tout de suite, la pression monte », analyse Julien.

      Si, de fait, les contrôles sont rares, les sanctions ne sont pas non plus très dissuasives. Dans le département, un agriculteur qui se fait contrôler pour non-respect de la loi sur l’utilisation des pesticides est condamné à faire un stage payant de 300 euros. « Ce n’est pas très cher payé quand on voit les dégâts pour les écosystèmes », soupire Alain.

      La faiblesse des contrôles pourrait d’ailleurs coûter cher à la France concernant les aides de la politique agricole commune (PAC). « Il y aurait 9 milliards d’aides et pas de contrôles ? Ça ne marche pas comme ça », relève un agent. L’Union européenne conditionne en effet ses aides au respect d’un certain nombre de règles environnementales garanties par un bon niveau de contrôle et pourrait condamner la France. 

      Ma hantise, c’est qu’un agriculteur se #suicide.

      Gilles, agent de l’OFB
      Malgré leurs vives critiques, tous les agents rencontrés insistent sur leur attachement à un monde agricole qu’ils connaissent bien et qu’ils savent effectivement en détresse. « Mon père était exploitant agricole. Je viens de ce milieu, prévient d’emblée Julien. Avec le Mercosur, l’année dernière était pourrie par le climat avec une baisse de la production… Ils ont l’impression de perdre sur tout. On est le coupable idéal parce que c’est facile de taper sur nous. »

      Essentielle à leurs yeux, leur mission de police n’est pas toujours facile à endosser. « Ma hantise, c’est qu’un agriculteur se suicide, raconte Gilles. C’est arrivé à un collègue après un contrôle. On prend le maximum de précautions, on appelle la DDT [direction départementale des territoires – ndlr] pour savoir s’il y a des risques psychosociaux avant d’intervenir chez un exploitant par exemple. »

      Faire respecter le droit de l’environnement, notamment sur les « phytos », est aussi dans l’intérêt des agriculteurs, plaident-ils. « Certains agriculteurs sont dans le déni. Moi, j’essaie de leur parler des impacts sur leur santé, celle de leur famille », explique Max. Il se souvient d’un agriculteur qui avait passé quinze jours à l’hôpital après s’être pris des pesticides en retour d’air dans la cabine de son semoir : « Il crachait du sang. Mais de là à changer… Ils sont convaincus qu’il n’y a pas d’autres solutions, alors que rien qu’en modifiant certaines pratiques, ils peuvent baisser drastiquement le recours aux phytos. »

      Il y a aussi désormais des points de non-retour. Yves se souvient de la prise de conscience d’un agriculteur qui a un jour fait venir un pédologue pour comprendre ce qui se passait sur son exploitation : « Il lui a dit que les sols de ses 600 hectares étaient morts ; ça lui a mis une claque. » Beaucoup d’agents interrogés voudraient voir leur travail à l’OFB en partie comme un accompagnement de ces agriculteurs aujourd’hui englués dans la dépendance aux produits chimiques.

      L’éclatante victoire dans le département de la Coordination rurale, qui veut supprimer le maximum de normes environnementales, ne va pas vraiment en ce sens.

      Au sein de l’antenne de Poitiers, le découragement gagne les agents. Beaucoup nous font part de leur envie d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte. « Je regarde les offres d’emploi, c’est vrai », reconnaît l’un d’eux. « Je n’ai pas envie de servir de caution verte au gouvernement. Si on nous dit demain : le monde agricole, vous ne le contrôlez plus, vous faites les particuliers, les entreprises et les collectivités…, là, j’arrêterai. J’aurai l’impression de clairement voler les contribuables en prenant un salaire pour quelque chose de totalement inutile : il faut remettre les enjeux à leur place », poursuit ce jeune agent, que ses collègues décrivent comme un « monstre dans son domaine ».

      Gilles se remet mal d’une discussion récente avec une collègue. « Elle a fait vingt-quatre ans de service. Une fille hyperperformante dans plein de domaines, mais là, elle n’en peut plus. Elle a craqué nerveusement. Elle fait une rupture conventionnelle. Elle ne veut même plus entendre parler d’environnement, c’est devenu insupportable pour elle. »