Réforme des retraites : la Cour des comptes désavoue Bayrou

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    La Cour des comptes a rendu son #rapport sur l’#état_financier du système des retraites et livre des #chiffres très différents de ceux avancés par le premier ministre. Le document donne le top départ des négociations appelées de ses vœux par #François_Bayrou pour « améliorer » la réforme de 2023. Une gageure.

    UneUne « mission flash » pour ne rien apprendre de neuf. Jeudi 20 février, la Cour des comptes a rendu son rapport sur la situation financière et les perspectives du système des retraites français. Annoncé par François Bayrou pendant sa déclaration de politique générale le 14 janvier, afin d’établir « un constat et des chiffres indiscutables » et de permettre aux syndicats et au patronat de rouvrir des discussions destinées à « améliorer » la réforme des retraites de 2023, le document aura demandé un bon mois d’élaboration.

    Son constat est loin d’être décoiffant : sans surprise, la « vérité des chiffres », telle que l’avait annoncée le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, ressemble de très près aux analyses et aux prévisions publiées année après année par le Conseil d’orientation des retraites (COR), l’institution publique dont les membres sont issus de très larges horizons et qui fait consensus dans le domaine.

    Pour résumer, le système des retraites a été en excédent au début des années 2020, avec un solde positif de 8,5 milliards d’euros en 2023, en raison des réformes votées depuis une dizaine d’années. Mais le déficit se réinstalle et devrait atteindre 6,6 milliards d’euros cette année – c’est-à-dire un peu moins de 2 % des 337 milliards versés aux retraité·es par le régime général chaque année.

    Le déficit devrait se stabiliser quelques années, avant de plonger à 15 milliards d’euros en 2035 (soit environ 0,4 % du PIB, l’ensemble de la richesse produite sur une année en France), puis « autour de 30 milliards » en 2045. Bref, comme le martèle l’économiste spécialisé Michaël Zemmour, le système « est globalement financé », avec des « dépenses stables, et tendanciellement un peu en baisse ». À titre de comparaison, en 2023 et 2024, les comptes publics ont dérapé de près de 70 milliards d’euros par rapport à ce qui était prévu par l’exécutif.

    Pour peu étonnant qu’il soit, le travail de la Cour des comptes recèle un camouflet pour le premier ministre : il écarte franchement la théorie d’un prétendu déficit caché, défendue depuis 2022 par François Bayrou, qui l’avait encore longuement détaillée à l’Assemblée le 14 janvier.

    Influencé par l’ancien haut fonctionnaire Jean-Pascal Beaufret, le maire de Pau soutient mordicus que le vrai besoin de financement du système serait de 55 milliards d’euros par an, dont 40 à 45 milliards seraient empruntés chaque année. Il faudrait en effet intégrer aux calculs les cotisations payées par le secteur public pour financer les retraites des fonctionnaires.

    La Cour des comptes ferme définitivement la porte à cette analyse contestée par l’ensemble des experts de la question (par exemple le très respecté Patrick Aubert, de l’Institut des politiques publiques), que la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, qualifie de « fable » et que le président du COR, l’économiste macroniste Gilbert Cette, avait pris la peine de discréditer au début de l’année.

    Jeudi 20 février au sortir de la présentation du rapport, la patronne de la CGT, Sophie Binet, s’est réjouie de ce « démenti cinglant aux chiffres farfelus retenus par le premier ministre », tandis que Marylise Léon a appelé à « passer aux choses sérieuses », enfin.
    Conflit sur le retour de l’âge légal à 62 ans

    Les syndicats et le patronat vont désormais se réunir en « conclave » pour répondre à l’invitation de François Bayrou et remettre sur le métier la réforme de 2023, qui décale progressivement l’âge légal de départ (avant lequel il est interdit de toucher sa pension de retraite) de 62 à 64 ans.

    La première réunion est programmée le 27 février, et les travaux devraient se poursuivre tous les jeudis, au moins pour trois mois. Pour l’heure, les diverses parties s’inquiètent du flou du cadre, tant sur les organisations censées participer (ni Solidaires ni la FSU ne sont conviés) que sur la liste des thèmes à aborder (les régimes des fonctionnaires, des agriculteurs, des indépendants doivent-ils être discutés ?).

    Le maître de cérémonie se nommera Jean-Jacques Marette, 73 ans, ancien directeur général de l’Agirc-Arrco, le régime de retraite complémentaire des salarié·es du privé, dont il a réussi l’unification en 2019. Respecté et considéré comme sérieux, il devait déjà piloter les discussions de la « conférence de financement des retraites », proposée par la CFDT lors des débats autour de la première réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron, en 2019, interrompue par la crise sanitaire du covid.

    Quant à atteindre un compromis final… « On n’y arrivera pas », a déjà prédit à l’AFP Frédéric Souillot, le dirigeant de Force ouvrière. Parmi les négociateurs, les positions sont en effet pour le moins antagonistes. La question centrale est celle de l’âge légal. Officiellement, les syndicats demandent d’une même voix le retour à 62 ans.

    Mais le patronat refuse tout net. Le report de l’âge légal à 64 ans constitue le « socle » de la loi, a rappelé Patrick Martin, le président du Mouvement des entreprises de France (Medef), le 29 janvier devant les journalistes de l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef). « Si on doit reprendre le sujet des retraites, c’est pour améliorer le rendement de la réforme, certainement pas pour la détricoter », a-t-il prévenu.

    Désireuse de rester à la table des discussions et d’arracher des « bougés », Marylise Léon pourrait être tentée de se contenter d’une modification de la borne symbolique des 64 ans, sans revenir jusqu’à 62 ans. Or, la réforme de 2023 prévoit que l’âge légal atteigne 63 ans pour celles et ceux qui prendront leur retraite à partir de septembre prochain.

    Un compromis acceptable pour la CFDT, le premier syndicat en termes de représentativité ? Est-ce à dire que la CFDT s’estimerait satisfaite si ce paramètre était ramené à 63 ans ? « Aujourd’hui », la ligne de la confédération reste « non à 64 ans et retour à 62 ans », a détaillé le 28 janvier sa patronne, devant les membres de l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis). Mais « la question est ouverte », a-t-elle ajouté, précisant : « Comme dans toute discussion, on se positionnera au regard d’un équilibre. »
    Le patronat pousse pour la capitalisation

    Ce scénario, pour peu qu’il arrive à faire consensus, engendrera davantage de dépenses que prévu – 5,8 milliards d’euros à payer en plus en 2035, a calculé la Cour des comptes. Comment les financer ? Le patronat a toujours rejeté l’idée d’une augmentation des cotisations salariales (un point de plus rapporterait entre 4,8 et 7,6 milliards d’euros par an). Il semble très improbable qu’il cède sur ce point.

    À moins que le Medef et ses alliés parviennent à faire accepter l’idée d’ouvrir la porte à la retraite par capitalisation, qu’ils appellent très régulièrement de leurs vœux. Ils ne cachent pas le fait d’espérer imposer au minimum le principe, même de façon minimale, afin de mettre un pied dans la porte pour transformer plus tard le système.

    En quête de notoriété, Amir Reza-Tofighi, le tout nouveau président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), a carrément proposé de faire travailler les salarié·es trois jours fériés par an et de verser le salaire correspondant sur un fonds investi sur les marché financiers…

    Autre point de friction : la question de la pénibilité. Les syndicats unis demandent que le système de retraite prenne à nouveau en compte le port de charges lourdes, les postures pénibles et l’exposition aux vibrations et aux produits chimiques. Tout juste instaurés, ces critères de pénibilité, permettant de prendre sa retraite plus tôt, avaient été supprimés en 2017, dès l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir.

    Préférant parler d’« usure professionnelle », Patrick Martin et ses pairs n’accepteront sans doute pas cette revendication, mais pourraient consentir à des aménagements. D’autant que l’U2P, qui représente principalement les artisans, s’est dite intéressée – ses membres sont les premiers concernés par les incapacités professionnelles des travailleurs et travailleuses âgé·es.

    Un accord serait peut-être aussi atteignable pour améliorer le sort des femmes, grandes perdantes de la réforme de 2023. En leur interdisant de prendre leur retraite avant 64 ans, le texte leur a très largement fait perdre l’avantage accordé au titre de la maternité et de l’éducation d’un enfant : jusqu’à 8 trimestres de carrière validés par enfant (même si un système de surcote a été mis en place). Les carrières plus souvent hachées des femmes pourraient aussi être un peu améliorées.

    Reste une grosse inconnue. Dans sa déclaration de politique générale, François Bayrou a promis de soumettre à l’Assemblée et au Sénat le compromis qui sera trouvé, afin de le faire voter. Or, même si des négociateurs tombent d’accord sur un certain nombre d’aménagements de la réforme de 2023, rien ne permet d’assurer que les nouvelles dispositions seront sagement validées par le Parlement.

    Mais comme le dit Patrick Martin, le dirigeant du Medef, le risque politique serait alors élevé pour le gouvernement et le président de la République : « Je ne crois pas me tromper en disant que si le sujet est reposé au Parlement, la réforme est abrogée. »

    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/200225/reforme-des-retraites-la-cour-des-comptes-desavoue-bayrou
    #fact-checking