François Tosquelles, Le Vécu de la fin du monde dans la folie. Le témoignage de Gérard de Nerval, Préface de Jean Oury, Grenoble, Jérôme Millon, 2012, 213 p. Par Patrick Avrane

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  • Christophe Tzourio, épidémiologiste, cinq ans après le Covid-19 : « Une société d’adultes s’est protégée en demandant aux jeunes de sacrifier leur jeunesse, sans jamais reconnaître la souffrance que cela a causé »
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2025/03/29/christophe-tzourio-epidemiologiste-cinq-ans-apres-le-covid-19-une-societe-d-

    Oui, totalement, mais c’est pour le moment une explosion silencieuse. Les chiffres de la santé mentale des jeunes restent médiocres sans que cela n’attire l’attention des décideurs, ni de la population en général. C’est en partie lié à la façon qu’ont les jeunes d’exprimer leur mal-être : il s’agit d’une internalisation. Contrairement à ma génération, qui exprimait sa colère de manière assez bruyante, eux se recroquevillent.

    #paywall #jeunesse

    • A Bordeaux, nous suivons la population étudiante depuis 2011, donc bien avant l’épidémie de Covid-19. Nous pouvons donc modéliser les évolutions de la santé mentale et mesurer l’impact de la crise sanitaire. Résultat : un quart des étudiants souffraient de dépression modérée à sévère avant le Covid-19 ; aujourd’hui, c’est 41 %, comme le montre notre dernière étude, Prisme, sur 2 000 étudiants. C’est énorme !
      On supposait que les effets de la crise et des confinements allaient durer, mais pas à ce niveau. Tout est à l’avenant : pour l’anxiété sévère, on est passés de 9 % à 16 %. Cinq ans après, on peut parler d’un impact prolongé du Covid-19 sur la santé mentale cette population.

      [...]

      Le terme de « cicatrice » me paraît bien adapté, cinq ans après le début de la pandémie, et on commence à en percevoir des preuves visibles. Une étude scientifique [parue dans la revue américaine PNAS], notamment, a permis de comparer des #IRM_cérébrales avant et après la pandémie. Les chercheurs ont mis en évidence que le confinement a entraîné un vieillissement du cerveau des ados, particulièrement chez les jeunes femmes, et particulièrement dans les zones de l’intelligence sociale. On voit se dessiner le mécanisme : l’isolement et le stress ont provoqué une accélération de la maturation cérébrale, ce qui n’est pas une bonne nouvelle à cet âge, car on sait que c’est lié à la survenue de maladies psychiatriques.

      [...]

      [Quand même, une évocation d’une causalité multifactorielle]
      La pandémie et les confinements ont laissé des traces, mais ces générations sont confrontées à une somme de problèmes assez unique entre la crise climatique et la disparition des espèces, les crises économiques, et maintenant les guerres… Et n’oublions pas les difficultés à se loger ou tout simplement à se nourrir. Même si des efforts ont été faits, il y a toujours autant de monde dans les distributions alimentaires : la précarité financière ne peut pas permettre d’avoir une bonne santé psychique.

      [...]

      A une échelle plus globale, il faut augmenter le niveau de connaissance en santé mentale pour augmenter le niveau de recours aux soins de toute cette population. La solution viendra aussi des étudiants eux-mêmes. Sur la solitude, par exemple, on peut les alerter sur le danger qu’elle représente sur la santé mentale, sur l’importance de garder des contacts avec des camarades qui semblent se replier, ont plus d’absences, etc.

      https://archive.ph/45hln

      #covid #confinement #isolement #étudiants #collégiens #psychiatrie

    • Oui. Mais aussi, ce qu’on sait de ces études, c’est d’une part qu’elles s’appuient sur des résultats d’imagerie cérébrale que le neurologue ne peut à lui seul interpréter que de manière bornée (exit les effets neurologiques covid, covid long et post covid ?), d’autre part que les psys constatent davantage d’anxiété et de dépression, sans que l’on prenne le soin de creuser la question de savoir sur quel fond expérientiel, vécu, il surgissent, si ce n’est la période covid en tant que telle et l’isolement qui y a été associée.

      Il me semble que l’on apprendrait davantage en assortissant à ces approches l’analyse de quelques cas cliniques. L’abord de la psyché ne peut reposer exclusivement sur des approches psychologiques ou neurologiques, toutes deux objectivistes. La question du sujet est évacuée (c’est normal, comme le chantonnaient il y a long quelques bardes).

      D’où tu causes ? Trouzio a soutenu une thèse dont l’objet indique bien le type de biais qui accompagne ce qu’il est à même de mettre en lumière : "Maladie d’Alzheimer : évaluation de l’hypothèse d’un gène unique par modélisation mathématique". Dis moi à quoi tu t’intéresse et je te dirais quel type de résultat tu es susceptible de parvenir.

      Je reviens à la précarité. Certes elle a ô combien des dimensions matérielles et celles ci ont été accrues par la pandémie. Mais quid de la précarité existentielle ? Une vie sans horizon est une vie mutilée. C’est la notre. Mais avec la pandémie, c’est d’une vie confronté à l’horizon de la fin, non seulement personnelle, la mort (à laquelle les humains font face depuis toujours, ce qui a suscité mille inventions et postures, dont les religions), mais aussi la fin non pas d’un monde mais du monde.

      Le covid et sa gestion mondiale est un tournant épocal et c’est aussi une brèche par laquelle s’est engouffré un vécu de fin du monde (Tosquelles). De quoi s’effondrer (où va la politique ? que serait une écologie qui permette de bifurquer devant le mur qui se bâtit chaque jour dans et par la production de biens et de services ? no sé), et, pourquoi pas, de pas décompenser tout de bon.

      On se souvient peut-être que lors des révolutions, il y a moins de décompensations. C’est que le monde est en train de s’y faire.

      Ce type de travaux, c’est de l’humanisme Canada dry, désaffecté. Dans 10 secondes, l’IA fera mieux. La disqualification sociale des approches psychanalytique n’y est pas pour rien.

      « L’expérience vécue n’est pas une expérience dans le sens empirique du mot. […] L’expérience empirique a un caractère d’événement mécanique. L’expérience vécue, par contre, est transcendante »

      Le Vécu de la fin du monde dans la folie. Le témoignage de Gérard de Nerval, François Tosquelles
      Une note de lecture
      https://shs.cairn.info/revue-les-lettres-de-la-spf-2012-2-page-XI