Au Liban, les élèves du public ont au moins trois ans de retard, révèle la ministre de l’Éducation - L’Orient-Le Jour
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Les secteurs publics et privés dans l’enseignement au Liban
Les élèves de l’école publique du Liban ont au moins trois ans de retard, selon la Banque mondiale. Identifiées durant la pandémie, les pertes d’apprentissage ont été exacerbées par les crises multiples qui se sont succédé au Liban depuis 2019, dont les répercussions ont été plus importantes pour l’école publique que privée, en raison notamment des grèves d’enseignants ou du manque d’équipements et de compétences pour l’apprentissage à distance.
Pour mieux connaître ces lacunes, nous organisons en ce moment des épreuves écrites et orales en arabe, français ou anglais, et mathématiques dans toutes les classes de l’école publique de la onzième à la sixième (EB1 à EB6). Nous mettrons ces examens à la disposition des écoles privées. Nous posons en parallèle les bases pédagogiques, notamment sur le cursus, pour améliorer le niveau de l’éducation et compenser les pertes d’apprentissage. Nous espérons trouver un financement auprès de nos partenaires internationaux.
Comment comptez-vous traiter l’épineux dossier des contractuels de l’école publique ?
Ce dossier remonte à une bonne décennie durant laquelle l’État n’a pas effectué de nominations, ni d’examens d’entrée dans le cadre, ni respecté les modalités d’embauche voulues par la loi, par le Conseil de la fonction publique ou par les besoins du marché. Les contractuels ont été embauchés à profusion et de manière provisoire, pour des raisons politiques et clientélistes. Certaines écoles ont aujourd’hui plus d’enseignants que d’élèves. Le pire, c’est qu’il y a plusieurs formes de contractuels (sous contrat avec le ministère, avec la caisse de l’école, avec la caisse des parents, avec les caisses sociales des régions éducatives…).
Dans l’enseignement de base (primaire et complémentaire), où quasiment 80 % des enseignants sont contractuels, c’est le chaos. Dans l’enseignement secondaire, qui compte 75 % de cadrés, la situation est moins problématique (selon les chiffres fournis par le ministère, l’école publique compte au total 15 809 enseignants contractuels et 8 930 cadrés. Elle compte de plus 8 165 contractuels payés par les organismes internationaux pour la scolarisation des élèves syriens).
Le chantier à mener est énorme. Nous ne pouvons pas perdre les compétences des contractuels mais nous ne pouvons pas tous les cadrer, car le budget de l’État ne le permet pas. Avec le ministère des Finances, nous préparons un projet de décret pour traiter leur situation financière sans toucher à leurs salaires. Nous voulons aussi bâtir un nouveau système qui définit les compétences requises pour cadrer un enseignant. Cela passera par une préparation de haute qualité, la prise en considération de leurs revendications, l’octroi de conditions justes de travail et la capacité de tenir la pression imposée par les formations.
L’école privée a le vent en poupe. Elle est aussi en souffrance, vu la dollarisation de ses écolages et les revendications salariales de ses enseignants. Avez-vous des solutions pour ce secteur ?
L’école privée scolarise 78 % des élèves du pays. Le Liban a fait le choix que le privé ait une grande liberté. Seuls quelques dossiers relatifs au privé sont sous la responsabilité du ministère de l’Éducation (le respect de la loi sur les budgets scolaires notamment, NDLR). Aucun autre pays n’a donné autant la responsabilité d’éduquer ses enfants au secteur privé. Pourtant, les pays les mieux notés en matière éducative sont ceux dont la majorité des élèves sont scolarisés à l’école publique.
Les crises, ajoutées aux pressions politiques et au manque de contrôle d’excellence, ont rendu plus difficile l’application des lois. Le secteur privé ayant les mains libres, les disparités de performances sont énormes d’un établissement à un autre. Certains ont introduit des accréditations, de leur propre chef, ce qui leur coûte cher et entraîne des écolages très élevés. D’autres n’appliquent pas la moindre norme. Il est de notre devoir de prendre des mesures pour organiser la qualité de l’école privée en imposant des accréditations, même aux établissements les moins chers. Je ne sais pas si nous aurons le temps de le faire (des élections législatives se tiennent au printemps 2026, NDLR).