« La rapidité avec laquelle le monde culturel a changé d’attitude sur l’IA dit la panique qui le saisit »

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  • Quand l’IA générative est une exploitation
    https://lepavenumerique.substack.com/p/quand-lia-generative-est-une-exploitation

    Édito du Pavé Numérique du 2 avril 2025
    par Ivan Gaudé

    https://www.youtube.com/watch?v=ngZ0K3lWKRc

    Miyazaki : « La génération d’animation par IA est une insulte à la vie elle-même. »

    Le 25 mars, #OpenAI a intégré à #ChatGPT un nouveau générateur d’images [1] perfectionné (avant de devoir partiellement en limiter l’accès gratuit devant la demande). Aussitôt, sans que l’on sache vraiment pourquoi, les utilisateurs sont devenus obsédés par le style visuel de Ghibli (studio d’animation fondé par Hayao Miyazaki et Isao Takahata). Ils ont inondé les réseaux sociaux de photos modifiées par ChatGPT pour être « dans le style » de #Ghibli [2] (en fait principalement celui de #Miyazaki).

    Quel est le problème ? Qu’y a-t-il de plus innocent qu’une petite ghiblimation du quotidien ? Derrière la génération de ces images optimistes, il y a un hic, et même deux.

    D’abord, cette possibilité implique de toute évidence que l’IA générative d’OpenAI a été entraînée sur la production du studio, sans accord ni autorisation [3]. Et même si le cadre juridique d’une telle utilisation n’est pas encore clarifié, même si la loi ne protège pas un style (et encore moins un style collectif), il est indéniable qu’il s’agit d’une appropriation.

    Circonstance aggravante, cela semble aller directement à l’encontre de la volonté de Miyazaki lui-même, qui est réputé avoir qualifié la génération d’animation par IA « d’insulte à la vie elle-même » (la dureté de cette phrase semble viser plus particulièrement la génération de mouvements non humains, mais sa consternation devant le principe même de la technique est très visible [4]). Seulement, on ne lui a pas demandé son avis.

    Pas plus que ne demandent quoi que ce soit les partisans MAGA [5], qui sont nombreux à s’être emparés de cette machine à mèmes, notamment sur X, ou la Maison-Blanche elle-même qui n’a pas manqué d’enfourcher la tendance de la façon la plus déshumanisante possible. La ghiblimation en cours sert donc aussi à camoufler la violence politique sous un vernis visuel familier et rassurant. Et une œuvre dont les thèmes récurrents sont l’antifascisme, la solidarité et le respect de la nature est recyclée par une idéologie qui prône son exact opposé.

    En somme, la ghiblimation est une sublimation, au sens physique du terme : elle fait passer une œuvre solide directement à l’état gazeux. En extrayant un soi-disant « style » pour le séparer du reste de l’œuvre et donc de son sens, OpenAI a permis une forme d’expropriation du créateur, suivie d’une déclinaison infinie et gratuite, ouverte à tous les contresens puisque dénaturée ; une exploitation totale.