Comment la vitrine suisse de la Fondation humanitaire de Gaza s’est écroulée - rts.ch

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    L’Autorité fédérale de surveillance des fondations a lancé mercredi la dissolution de l’antenne genevoise de la très controversée Fondation humanitaire de Gaza. Selon des informations du Pôle enquête de la RTS, le représentant suisse a été induit en erreur par des mandataires étrangers. Son retrait subit a rendu la dissolution inévitable.

    Le plan semblait bien préparé, du moins sur le papier. A la fin de l’année dernière, des officiels israéliens et américains cachés derrière le plan GHF (Gaza Humanitarian Foundation) ont décidé de passer à l’action en se servant d’intermédiaires internationaux pour reprendre en main toute l’aide humanitaire à Gaza et court-circuiter les grandes agences de l’ONU.

    Des sociétés de mercenaires et de consulting basées aux Etats-Unis ont été mandatées en premier lieu. Mais une partie du plan devait passer par la Suisse pour tenter d’attirer du financement sous le label de la neutralité et de la Genève internationale

    Selon des informations du Pôle enquête de la RTS, c’est un réseau d’agents d’affaires qui a permis de trouver un représentant suisse, en l’occurrence un avocat ayant pignon sur rue à Genève. Des partenaires d’affaires à l’international avec qui il avait l’habitude de traiter l’ont convaincu de donner une adresse et un représentant en Suisse à la fondation, comme l’exige la loi.

    C’est donc le nom de cet avocat et celui de deux autres agents d’affaires étrangers qui ont permis de valider au début de cette année l’inscription de la Fondation humanitaire de Gaza au registre du commerce de Genève, avec l’aval de l’Autorité fédérale de surveillance des fondations. Mais au début du mois de mai, l’affaire a mal tourné.

    L’avocat genevois a été alors sollicité par des journalistes du Temps pour réagir aux informations qui commençaient à fuiter des Etats-Unis et d’Israël sur la réalité du plan, davantage militaire qu’humanitaire, de la fondation. L’avocat a démissionné le jour même de la parution de l’article du Temps. Son nom a fait soudain le tour du monde, mais il n’a jamais livré les vraies raisons de sa démission.

    Contacté par le Pôle enquête de la RTS, il a répété sa volonté de ne pas accorder d’interview. Mais il a tout de même accepté d’en dire un peu plus sur son revirement. Il indique avoir démissionné après avoir constaté que des partenaires d’affaires internationaux l’ont sollicité sans lui donner toutes les informations sur la réalité du plan autour de cette fondation. Un plan qui contrevient à ses valeurs. L’administrateur n’a ainsi jamais été actif pour la fondation et aucun compte bancaire n’a d’ailleurs été ouvert.
    La fondation ne s’oppose pas à sa dissolution

    Le retrait de l’avocat genevois a placé formellement la fondation dans l’illégalité puisqu’elle n’avait plus de représentant suisse ni d’adresse à Genève. Le réviseur comptable désigné s’est également défilé. Autant d’éléments qui ont conduit l’Autorité fédérale de surveillance des fondations (ASF) à se saisir rapidement de ce dossier politiquement très sensible. L’ONG TRIAL international basée à Genève a participé à mettre la pression avec deux dénonciations déposées auprès des autorités helvétiques pour faire la lumière sur les activités de l’organisation.

    Le couperet vient donc de tomber avec l’ouverture d’une procédure de dissolution ordonnée par l’ASF. Un délai de 30 jours court à partir de ce 2 juillet, mais rien ne devrait s’opposer à la dissolution. « La fondation a confirmé à l’ASF qu’elle n’avait jamais exercé d’activités en Suisse et qu’elle entendait dissoudre l’antenne enregistrée à Genève », a confirmé à la RTS le service de communication du Département fédéral de l’intérieur en charge du dossier.

    La vitrine suisse se sera donc rapidement écroulée. Aux Etats-Unis aussi, le potentiel non-respect du droit humanitaire et son utilisation à des fins militaires a également provoqué des départs, à commencer par celui du directeur de la fondation, un ancien Marine s’estimant trahi. Il a été remplacé par un prêcheur évangéliste proche de Donald Trump.

    De nombreux morts et un fonctionnement opaque

    Plus discrètement, le grand cabinet de conseil Boston Consulting Group a rompu son mandat d’appui opérationnel à mesure que les morts se comptaient autour des centres de distribution d’aide de la fondation. Restent à l’œuvre deux sociétés de mercenaires dirigées par d’ex-agents de la CIA et des Forces spéciales de l’armée américaine, UG Solutions et Safe Reach Solutions. Aucune information n’est donnée sur le financement de la fondation, qui semble d’abord passer par les Etats-Unis et Israël.

    Des centaines de morts et des milliers de blessés sont attribués au système d’aide militarisé. La fondation, elle, dément tout incident mortel, tandis que l’armée israélienne affirme tirer en l’air ou devoir contrer des mouvements de foule hostiles. De très nombreuses ONG et la plupart des Etats européens dénoncent cette situation et exigent de revenir au système conventionnel de distribution d’aide. La Suisse ne s’est pas encore clairement positionnée, tandis que le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme a qualifié de « crime de guerre » l’utilisation de la nourriture comme une arme à Gaza.