#Internet_Archive : la bibliothèque qui a survécu, mais à quel prix
L’Internet Archive vient de franchir une étape symbolique : sa #Wayback_Machine, l’immense outil d’#archivage du Web, a enregistré sa milliardième page. San Francisco a même déclaré le 22 octobre « Internet Archive Day » pour célébrer trois décennies consacrées à la #sauvegarde du #patrimoine_numérique mondial. Pourtant, derrière cette reconnaissance se cache une réalité plus amère. Après plusieurs années de batailles juridiques épuisantes, l’organisation fondée par #Brewster_Kahle a certes survécu, mais elle a perdu une partie essentielle de son âme.
« Nous avons survécu, mais cela a anéanti la bibliothèque », confie Kahle, fondateur du projet, à Ars Technica. L’Archive n’a plus de poursuites en cours, mais elle sort exsangue d’un #conflit qui lui a fait retirer plus d’un demi-million de #livres de sa plateforme #Open_Library. Ces pertes marquent la fin d’un chapitre fondateur de la #numérisation libre des savoirs.
Fondé en 1996, l’Internet Archive voulait être une Bibliothèque d’Alexandrie du numérique – mais « avec un meilleur plan contre les incendies », plaisante l’avocat et bibliothécaire Kyle Courtney. Dès 2001, la Wayback Machine avait pour ambition d’offrir un accès libre et permanent à l’histoire du Web. Son créateur, #Lawrence_Lessig, y voyait un outil de #transparence_démocratique : la preuve concrète que la #mémoire d’Internet méritait d’être protégée au même titre que les livres.
Tout a basculé durant la pandémie de 2020. Pour pallier la fermeture des bibliothèques, l’Internet Archive a levé temporairement les restrictions d’emprunt de son Open Library, permettant à tous d’accéder aux #livres_numériques pendant le confinement. Ce geste solidaire a été perçu par les éditeurs comme une violation massive du #droit_d’auteur. Après quatre ans de procédures, la #justice américaine a tranché : le modèle de prêt contrôlé utilisé par l’Archive n’était pas conforme. Les dommages réclamés auraient pu atteindre 400 millions $ US, mais un accord confidentiel a permis d’éviter la faillite.
La tempête ne s’est pas arrêtée là. En 2025, un autre procès a visé le « #Great_78_Project », un programme de numérisation de vieux #disques 78 tours, menacé par des amendes allant jusqu’à 700 millions $. Là encore, un règlement à l’amiable a sauvé l’organisation, mais au prix d’un recul majeur pour les projets de conservation sonore.
Pour Kahle, ces batailles ont affaibli la mission même des bibliothèques. « Les grands conglomérats médiatiques ne se contentent plus du droit d’auteur : ils veulent le #contrôle total de l’accès à l’information », déplore-t-il. L’un des objectifs de l’Open Library était d’offrir à #Wikipédia la possibilité de lier directement ses articles à des livres numérisés, rendant ainsi la recherche en ligne plus rigoureuse. Les procès ont mis fin à cette ambition.
Les juristes s’accordent à dire que ces décisions ne remettent pas en cause le principe du « #fair_use », mais elles marquent la limite de ce que la loi permet. Brandon Butler, directeur de Re:Create, estime que l’Archive a « testé les frontières du #droit_d’usage_équitable » et que les tribunaux ont répondu : « On ne va pas plus loin. » Pour les bibliothèques, la conséquence est claire : chaque projet de #numérisation comportera désormais un #risque_juridique dissuasif.
Les inquiétudes vont bien au-delà du droit. Kahle s’inquiète d’une société où les bibliothèques rétrécissent, où l’éducation recule, et où le contrôle de la connaissance passe entre les mains des grandes plateformes technologiques. « Quand une société grandit, elle construit des bibliothèques. Quand elle décline, elle les détruit », résume-t-il. Pour lui, la concentration du pouvoir entre les gouvernements et les entreprises menace directement la #mémoire_collective.
Malgré tout, Kahle refuse de baisser les bras. L’Internet Archive mise désormais sur « #Democracy’s_Library », une base de données ouverte réunissant les publications et recherches gouvernementales du monde entier, liées à Wikipédia pour renforcer la transparence scientifique. Le fondateur veut aussi faire de l’organisation un #refuge pour les collections menacées et continuer à numériser tout ce qui peut encore l’être.
« Nous voulons que tout le monde soit lecteur, » affirme Kahle. « Cela suppose des éditeurs, des libraires, des bibliothèques. Mais allons-nous dans cette direction ? Non. » Pour lui, il est urgent de repenser le droit d’auteur pour que « le jeu ait plusieurs gagnants » – auteurs, éditeurs, bibliothécaires et citoyens. Alors, dit-il, il sera encore temps de réfléchir à la place de l’intelligence artificielle dans ce fragile équilibre entre mémoire, accès et créativité humaine.
►https://moncarnet.com/2025/11/10/internet-archive-la-bibliotheque-qui-a-survecu-mais-a-quel-prix
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L’article original en anglais:
Internet Archive’s legal fights are over, but its founder mourns what was lost
▻https://arstechnica.com/tech-policy/2025/11/the-internet-archive-survived-major-copyright-losses-whats-next
