La question n’est donc pas, comme on l’entend souvent, la division des créanciers, mais bien leur unité. Une unité bâtie sur le refus de toute restructuration de la dette qui suppose alors des coupes dans les dépenses. Les créanciers préfèrent en effet une baisse des dépenses qui offre un montant sûr à des hausses de recettes sujettes à l’évolution de la croissance. Et les principales dépenses grecques, ce sont les retraites.
Voici pourquoi l’accord est impossible entre les deux parties. Les approches sont strictement inversées. La Grèce consent à donner des gages, mais contre un effort sur la dette et sans toucher aux retraites. En face, les créanciers ne veulent pas parler de la dette, et, en conséquence, veulent un plan incluant des baisses de pensions.
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En Grèce, cette hypothèse du but politique des créanciers, jadis circonscrites aux cercles proches de Syriza, commence à gagner du terrain dans l’opinion. C’est ce que souligne dans un tweet le journaliste du site Macropolis, Nick Malkoutsis : la question de savoir si les créanciers ne cherchent pas à renverser le gouvernement, indique-t-il, « parcourt maintenant l’esprit de nombreux Grecs, même de ceux qui ont été critiques du gouvernement. »
Les créanciers ont, de surcroît, multiplié les humiliations : faire venir Alexis Tsipras mercredi matin pour lui signifier le refus de son plan, lui remettre une feuille biffée comme une copie d’écolier, faire recevoir par Jean-Claude Juncker le président du petit parti d’opposition To Potami ce mercredi... Les Grecs demeurent encore calmes, mais après cinq ans d’austérité, ils supportent de moins en moins cette humiliation permanente. Surtout, la lassitude commence à gagner du terrain, ouvrant la voie à l’hypothèse d’une rupture. FMI et Européens jouent donc avec le feu en refusant de se donner les moyens de trouver un accord. L’Europe doit donc de toute urgence abandonner ses buts politiques et accepter enfin le résultat de l’élection du 25 janvier. Elle doit aussi respecter sa propre parole, celle qui, le 20 février, affirmait que la Grèce devait décider de ses propres réformes dans le cadre du programme. Sinon, la rupture deviendra inévitable.