Antisémitisme DE gauche : définition et fonctions politiques

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  • Réflexions sur l’#antisémitisme DE gauche

    On ne peut pas reprocher à #Yves_Coleman d’avancer sans références. Il cite les auteurs, il pointe les faits qui montrent que de nombreux théoriciens du socialisme, et non des moindres, ont propagé, à un moment donné, des propos antisémites. Bref l’antisémitisme DE Gauche existe ; même si nombreux sont ceux qui voudraient nous faire croire le contraire, faire comme si il n’existait pas, ou reconnaître tout au plus un antisémitisme A gauche qui serait privé de causes théoriques et intrinsèques.

    Mais voilà, dès la naissance du mouvement ouvrier, Marx, Proudhon, Bakounine, et bien d’autres encore ont partagé des clichés et des préjugés antisémites.

    Il ne nous revient pas d’invoquer quelque prétexte que ce soit pour les défendre. N’ayant ni Dieux ni Maîtres, et donc ni de maîtres à penser, nous avons posé une fois pour toutes que les grands esprits (fussent-ils étiquetés anarchistes) peuvent se tromper et ne sont pas (comme nous allons le voir) à l’abri d’écrire les énormités.

    Dans son exposé Yves Coleman a décrit non seulement la maladie et ses symptômes, mais il a cherché à en déceler les causes. Et par là, il nous a fait plonger dans les failles de la pensée humaine : failles théoriques des leaders du mouvement ouvrier mais aussi failles psychologiques et, ce qui à mon avis qui rend les choses encore plus formidables, failles dans la compréhension de la psychologie des masses par les leaders du mouvement ouvrier.

    Leurs discours veulent influencer les masses et pour cela ils prennent ce qu’ils pensent être leur état d’esprit pour point de départ ; mais en réalité ce point de départ est bien souvent faux parce que réducteur et souvent directement inspiré par l’idéologie dominante. Par contre l’histoire nous a montré que discours politiciens et psychologie de masse interagissent dans un terrible cercle vicieux conduisant aux pires catastrophes.

    L’opportunisme politique prend alors son vrai visage, celui d’un amalgame d’analyses sociologiques réductrices, de concepts erronés et d’ambitions électoralistes. J’en veux pour preuve ce passage de la conférence qui décrit parfaitement ce phénomène de la part d’un Jaurès, qui parvint à écrire que

    « Sous la forme un peu étroite de l’antisémitisme se propage en Algérie un véritable esprit révolutionnaire »

    [Jean Jaurès, « Choses algériennes », La Dépêche, 8 mai 1895]

    Dans « Jaurès et l’antisémitisme », cité par Coleman, voici comment Gilles Candar décrit les méandres qui ont abouti à cette lamentable conclusion  :

    « La masse des électeurs juifs en Algérie est entièrement acquise aux républicains modérés, ceux qu’on appelait “opportunistes” dans les années 1880 et qui adoptent souvent l’étiquette de “progressistes” dans les années 1890. Le vieil ami de Gambetta, Gaston Thomson, allié à Crémieux, est leur homme. Contre lui et ses amis, socialisme et antisémitisme en Algérie ne se distinguent guère dans ces premières années 1890. Les antisémites affirment même agir au nom des masses indigènes et européennes contre leur ennemi commun, le juif. Incontestablement, Jaurès est alors assez séduit par ce mouvement algérien, alors qu’en métropole il n’avait aucune sympathie pour les antisémites liés au boulangisme et à l’Église catholique. Il le pressentait sans doute davantage susceptible d’évoluer vers un socialisme complet, et en tout cas permettant d’assurer la protestation nécessaire contre le dépouillement abusif dont est victime le peuple arabe […] L’union entre colons européens et arabes paupérisés, qu’il voit se former et qu’il appelle de ses vœux, doit poser « la question sociale » dans toute son ampleur. »

    http://www.jaures.info/dossiers/dossiers.php?val=23_jaures+lantisemitisme

    Entre ce processus qui conduisit Jaurès à présenter l’antisémitisme comme un précurseur du socialisme et l’horreur de la Shoa, il n’y a pas un demi-siècle de distance. Cela doit nous alerter.

    De nos jours, les mêmes mécanismes sont en œuvre dans les discours d’une certaine extrême-gauche qui parfois se dit libertaire. Un article signé par des militantes communistes ce 25 juin pose bien le constat :

    « On assiste à une résurgence importante de la vieille idée que les juifs incarnent l’argent, le système, qu’ils sont une puissance occulte. Le substrat théorique de l’antisémitisme européen tel qu’il s’est sédimenté à la fin du XIXe siècle est mobilisé. Le contenu potentiellement « populaire », anti-hégémonique de l’antisémitisme a toujours été la clé de son succès. « Les juifs sont les chouchous » ; « Les juifs dominent le monde ». Sur cette base, l’antisémitisme peut encore être un opérateur politique, redessiner des alliances (typiquement celle d’un Dieudonné, issu de la gauche, de l’antiracisme et d’une partie de son public avec Soral) »

    http://www.vacarme.org/article2778.html

    Mais l’explication de ce contenu «  populaire » de l’antisémitisme est ici un peu courte, Dieudonné, que Coleman qualifie avec raison de politicien raciste et fasciste, n’est pas «  qu’issu de la gauche ». Plus précisément, et comme nombre de fascistes, il est un produit de l’antisémitisme de gauche, véritable passerelle historique vers le fascisme. Cette forme d’antisémitisme n’est rien donc d’autre qu’un petit cadeau opportuniste fait par des politiciens de gauche aux prolétaires non juifs.

    Peu à peu nous voyons donc cette forme historique de l’antisémitisme de gauche se développer de façon inquiétante par le biais des même analyses erronées, remises au goût du jour et ce d’une façon extrêmement dangereuse. Pas un jour sans voir dénoncer les juifs comme appartenant aux élites financières ou médiatiques ; cette assignation d’appartenance à la classe dominante, aux exploiteurs, aux buveurs du sang du peuple, s’est renforcée de la cause palestinienne qui permet de surcroît de dénoncer tout juif comme coupable des actes de l’état d’Israël. A cela ajoutons que pas un jour ne se passe non plus sans qu’on entende identifier les masses musulmanes aux prolétaires.

    Il y a 20 ans, en Afrique, cette façon de racialiser les rapports sociaux a conduit au génocide rwandais.

    Quelques dizaines d’années avant, l’église catholique avait choisi d’établir un lien entre races et inégalités sociales. L’archevêque de Kabgayi écrivait dans une de ses lettres pastorales :

    « Dans notre Ruanda les différences et les inégalités sociales sont pour une grande part liées aux différences de race, en ce sens que les richesses d’une part et le pouvoir politique et même judiciaire d’autre part, sont en réalité en proportion considérable entre les mains des gens d’une même race. Cet état de chose est l’héritage d’un passé que nous n’avons pas à juger. Mais il est certain que cette situation de fait ne répond plus aux normes d’une organisation saine de la société ruandaise et pose, aux responsables de la chose publique des problèmes délicats et inéluctables. »

    [Lettre pastorale de février 1959 de Monseigneur Perraudin.]

    Entre le discours de Jaurès et la Shoa il s’est passé 45 ans ; entre la lettre pastorale de Monseigneur Perrautin et le génocide rwandais 35 ans. Avec la vitesse des communications qui caractérise notre époque, combien de temps faudra-t-il pour que les prolétaires se massacrent entre eux ?
    Le danger est là, il est devant nous, nous en percevons les premiers signes. Il n’est que temps de se ressaisir.
    Plus que jamais les anarchosyndicaliste doivent s’opposer fermement à cette racialisation des rapports sociaux, plus que jamais c’est dans la lutte au quotidien contre les effets concrets du capitalisme qu’il nous faut lutter ensemble en évitant le leurres post modernistes et préfasciste.

    #journées_iconoclastes

    @anarchosyndicalisme ! n°145
    http://seenthis.net/messages/387250