*Anarchosyndicalisme ! n°145*

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  • Réfléchir au soleil

    Comme annoncé dans nos colonnes http://seenthis.net/messages/387250#message387347, notre #camping annuel s’est tenu du dimanche 26 juillet au dimanche 2 août 2015. Il a été une bonne « cuvée ». Questions/réponses sur cette activité militante.

    Contrairement à celui d’autres organisations, le camping #CNT-AIT ne propose pas de programme préalable. Comment cela se fait-il ?

    Pour nous, ce camping est avant tout un temps militant, mais dans un contexte tout à fait particulier  : celui de vacances (et pour certains d’entre nous, de vacances familiales). Dès la première fois, nous avons choisi de ne pas en fixer le programme à l’avance mais de faire que les personnes présentes disposent de la plus totale liberté d’organisation, sachant que, comme il y a surtout des militants et des sympathisants, les sujets abordés se situent évidemment dans la sphère militante.

    Mais il y a des temps communs.

    Le seul temps commun «  obligatoire  », c’est le repas du soir et la réunion qui le suit. Encore que, si quelqu’un ne voulait pas partager ce repas, il en serait totalement libre. La réunion qui suit ce repas est la seule qui ait un caractère indispensable  : on y règle les éventuelles questions qui concernent la «  vie collective au camping  », on y collecte l’argent du repas du soir suivant, les personnes qui vont préparer ce repas s’y font connaître, on y choisit les sujets de débat… En général, c’est fait en quelques minutes. Ensuite vient un débat. Y participe qui veut, en général la presque totalité des adultes présents.

    En choisissant les débats au dernier moment, est-ce que vous ne vous privez pas d’une « préparation » susceptible de les enrichir ?

    Nous ne concevons pas ces débats comme des « cours », ni comme des joutes verbales mais comme des moments ou l’on peut se questionner librement, faire part de doutes ou de convictions, les confronter tranquillement afin d’aboutir progressivement à une élaboration collective. De ce fait, certains débats, quand ils démarrent, se situent au niveau du «  débroussaillage  », mais rien n’interdit (au contraire) de reprendre le sujet soit au cours d’un même camping, soit des suivants, soit lors d’autres occasions.

    C’est d’ailleurs ce qui se passe pour la plus part des thèmes qui ont une portée militante importante. Cela laisse à chacun le temps de sa propre réflexion, à sa propre vitesse, et, ainsi, les positions qui finissent par ressortir, parfois après d’importantes fluctuations, sont finalement des positions très partagées, sur la base de la conviction (et non, comme on le voit encore, sur celle d’un « oukase » sorti tout droit de la cervelle d’un quelconque leader qui se croit génial).

    Le débat se construit donc au fil du temps. Au bout d’un certain nombre de reprises, il est assez « mûr » pour une expression publique. Comment cela se concrétise-t-il ?

    Pendant longtemps, nous avons publié des comptes-rendus des débats du camping. Mais finalement, c’était assez peu productif  : ils figeaient plus le débat qu’ils ne le faisaient avancer.

    Maintenant, ces débats servent plutôt à nourrir les pages d’ Anarchosyndicalisme ! ainsi que les différentes rencontres publiques ou actions que nous organisons ( « Journées iconoclastes » , réunions-débat, actions de solidarité…).

    Beaucoup d’articles de fond d’Anarchosyndicalisme !, de nombreux thèmes de rencontres publiques sont, peu ou prou, des échos de cette élaboration collective, retravaillés par un ou plusieurs militants (ceux qui tiennent la plume à ce moment-là, ceux qui « lancent » une réunion…). Et ces « productions » militantes seront elles-mêmes «  remixées » autant qu’il le faudra pour parvenir à une sorte de consensus.

    Quels ont été les thèmes abordés cette année ?

    Un premier sujet a tourné autour du nationalisme, de la montée en puissance du FN, des communautarismes… Ce sujet a été proposé par un participant qui l’avait vu dans le programme d’un autre camping militant (celui de l’OCL). Il y aura par la suite une (des) rencontre(s) entre quelques participants aux deux campings pour une comparaison des idées émises lors des deux débats.

    Un autre soir, nous avons reçu tout un groupe d’habitants d’un village qui se bat contre l’implantation d’éoliennes industrielles et nous avons donc eu un débat avec eux sur ce thème (énergies renouvelables, productivisme, monopoles énergétiques…). Ces deux exemples montrent par ailleurs que le camping n’est pas « auto-centré » sur lui-même et que les ouvertures sont largement bienvenues.

    Un troisième débat a tourné autour de «  l’école  », de la transmission des connaissances, des pédagogies libertaires (et des pédagogies «  pas libertaires  »)… Plusieurs des enfants et adolescents présents ont tenu à y participer et à donner leur opinion.

    Nous avons eu également une discussion sur la Syrie. Les thématiques organisationnelles (construire une organisation anarchosyndicaliste en réseau) ont fait l’objet d’un débat, ainsi que le camping lui-même.

    Un débat sur le camping, au camping ?

    Bon, cela peut sembler curieux, mais un des constats que nous faisons est celui du refus (objectif) de discuter, fréquent dans les milieux militants. On y affiche en effet souvent des certitudes pour ne pas dire, les « croyances politiques » à la mode dans le moment, généralement sous forme de slogans ou d’invectives. Cela se voit par exemple dans des forums, avec des messages assez impulsifs, certains produisent parfois des textes… mais le véritable débat, celui qui permet d’enrichir son propre point de vue et éventuellement d’en changer, est rare. Pourquoi ? Peut-être parce que parmi les conditions facilitatrices – du moins, c’est ce que nous pensons – il y a les échanges directs, en vis-à-vis, en prenant son temps, dans une ambiance de liberté d’expression (où l’on n’ait pas peur de dire des « bêtises » ou de faire part de son ignorance). Or, de telles circonstances sont finalement assez rares. Notre camping en offre une. Nous avons donc pas mal réfléchi sur « comment l’optimiser ».

    Il y a d’autres activités dans la journée. Comment ça se passe ?

    Effectivement, outre les débats, il y a des activités qui vont du « transfert de connaissances » à des activités ludiques… sans oublier des activités pratiques (cuisine collective, vaisselle, entretien de la grande salle commune et du matériel collectif, cueillette de champignons,…).

    Le fonctionnement est très simple : la personne qui a une proposition d’activité à faire la fait, les personnes qui sont intéressées y participent. Cette année, il y a eu des formations autour de l’informatique (utilisation de logiciels libres), des activités artistiques (tags), de la culture physique.

    Antérieurement, il y a eu des initiations aux langues (anglais, espagnol, esperanto, suivant les années). Tout peut être imaginé, du moment qu’il y a des gens intéressés. Et, si personne d’autre que celui qui lance l’idée n’est intéressé, l’activité n’a pas lieu, point barre, sans que nul s’en formalise (c’est d’ailleurs arrivé, partiellement cette année, à une paire d’activités qui ont été écourtées).

    A l’inverse, si quelqu’un a une demande, il peut la faire et si quelqu’un d’autre est en mesure d’y répondre ça s’organise sur place. Bien sûr, de telles demandes peuvent être faites avant le camping. La demande peut même être informelle. C’est arrivé cette année pour une sorte de « cours » d’histoire pour des collégiens. L’an dernier, une formation s’était également improvisée autour de l’éclatement de la Yougoslavie, un campeur connaissant particulièrement bien le sujet.

    On a du mal à croire que des collégiens aient manifesté pour demander l’organisation d’un cours d’histoire pendant leurs vacances.

    Effectivement, ils n’ont ni manifesté, ni signé une pétition, ni fait une demande explicite lors de l’assemblée du soir. Allez savoir comment, il y a eu, en début de semaine, un échange sur un point « d’histoire de France » entre un jeune et un adulte et cela est devenu le lendemain un atelier dans lequel quelques jeunes (et un adulte) se sont retrouvés pour faire de l’histoire une ou deux heures par jour pendant qua-tre jours d’affilés. Une autre jeune campeuse était passionnée de zoologie. Il aurait pu se constituer un atelier sur ce thème, mais personne n’a été en mesure de reprendre la balle au bond. Dommage.

    Et l’an prochain ?

    En 2016, on recommence. Les dates sont déjà fixées : du dimanche matin 31 juillet au matin du dimanche 7 août.

    @anarchosyndicalisme ! n°146

    ---- #Militer -------------------------

  • Bonnes vacances, les enfants...
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article766

    En France, trois millions d’enfants (au sens juridique du terme, moins de 18 ans) vivent en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire dans la misère. 30 000 enfants sont sans domicile fixe. 9 000 au minimum habitent dans des bidonvilles insalubres. 140 000 quittent l’école sans diplôme ni qualification chaque année.

    En à peine 4 ans (de 2008 à 2012), 440 000 enfants ont ainsi basculé dans la misère avec leurs familles. Ces chiffres accablants sont des chiffes officiels. Ce sont ceux du dernier rapport de l’#UNICEF (2015).

    La France, supposée être le pays des Droits de l’Homme, n’est pas celui du #Droit_des_enfants. En particulier, le rapport de l’UNICEF note que

    « la façon dont la justice traite les mineurs est désastreuse avec une justice pour mineurs qui se calque de plus en plus sur celle des adultes avec toute la violence que cela engendre ».

    Cela, en contradiction totale avec le droit (que les tribunaux, y compris pour mineurs) sont censés appliquer. La #CDIE (Convention Internationale des Droits de l’Enfant) que l’Etat français a signé est quotidiennement violée.

    C’est une spirale sans fin qui fait que plus un enfant ou un adolescent est en situation de fragilité, plus il est exposé à la misère, à la violence (y compris la violence institutionnelle), à l’exclusion sociale. Les belles promesses gouvernementales se sont envolées  :

    « Nous sommes d’autant plus déçus qu’il y a deux ans, le gouvernement avait acté un changement de modèle avec l’annonce de son plan pluriannuel contre la pauvreté. Celui-ci prenait notamment en compte une nouvelle approche esquissée dans un précédent rapport de l’Unicef sur la mesure de la pauvreté des enfants, note une représentante de l’UNICEF. Mais, au moment de publier la feuille de route cette année, la question de l’enfance est devenue totalement périphérique. »

    En Espagne, en Grèce… c’est pire la dictature des marchés se traduit par une explosion du nombre d’enfants passant en-dessous du seuil de pauvreté, toujours de 2008 à 2012, respectivement plus 8 et plus 17,5 %.

    Au Soudan, pour ne prendre qu’un exemple dans un autre rapport de l’UNICEF, le pays est déchiré par un conflit qui oppose, sur fond d’éthnicisation, deux leaders. Les civils en font les frais, les enfants en particulier. Au moins 13 000 enfants ont été forcés de s’enrôler dans l’une ou l’autre armée. L’UNICEF dénonce la fréquence des viols qu’ils subissent. Des centaines d’enfants sont assassinés de manière particulièrement écœurante. Un représentant de l’ONU témoigne :

    «  Des survivants ont raconté qu’on a laissé saigner à mort des garçons émasculés... que des filles d’à peine huit ans ont été violées collectivement puis assassinées  »

    et encore,

    «  Des enfants ont été attachés ensemble avant que leurs agresseurs ne leur tranchent la gorge... d’autres ont été jetés dans des bâtiments en feu  ».

    Et pour finir il semble que plus de 200 000 enfants risquent de mourir de faim au Soudan du Sud à cause de la guerre.

    Revenons à la France. Zyed et Bouna étaient deux enfants issus des classes populaires. Les contrôles de police, les contrôles au facies, ils ne savaient que trop ce que c’était : insultes, humiliations, petits coups… Un soir qu’ils rentraient du football, ils ont vu venir vers eux une patrouille de police. Ils ont voulu y échapper. Course poursuite et deux morts, deux enfants de 15 et 17 ans. Le rapport de force est toujours disproportionné, d’un coté on a des enfants pauvres qui n’ont d’autre solution que de s’enfuir en scooter ou à pied. De l’autre il y a des hommes dans la force de l’âge qui les pourchassent, surarmés, suréquipés. Un observateur note « Pour avoir assisté à ce genre de safaris, je peux affirmer que les risques que font prendre les policiers aux jeunes sont énormes ». Pour Zyed et Bouna l’issue fut fatale : électrocutés dans le transformateur dans lequel ils s’étaient réfugiés. Les policiers qui les ont pourchassé, et qui ne se sont pas précipités pour leur porter secours sont sortis de l’affaire blanc comme neige. Etonnez-vous que leurs copains nourrissent ensuite des sentiments de vengeance…

    De la France, revenons à l’ensemble du globe. 264 millions d’enfants sont astreints à des travaux qui ne sont pas de leur âge. Dès 5 ans pour les plus jeunes. Très souvent dans des conditions proches de l’esclavage (ou relevant carrément de l’esclavage). Qu’ils travaillent dans les exploitations agricoles, en particulier pour les garçons (pas du tout bio : les enfants sont exposés au suremploi des pesticides, des engrais,... parfois « balancés » d’avion – ces épandages sont fréquents par exemple dans les plantations de tabac), qu’ils soient entassés dans des usines insalubres (et parfois enchaînés), qu’ils soient employés comme «  rest’avec » ou comme servantes, en particulier pour les filles, dans des familles plus aisés… tous, travailleurs, enfants-soldats, enfants de la misère se voient voler leur enfance.

    Heureusement, il y a quand même des enfants bien traités. Ceux, par exemple, qui prennent un jet d’Etat pour aller voir un match de foot. Ou ceux qui, par maman interposée, tentent de nous laisser, sans scrupule, des factures de taxi monstrueuses.

    @anarchosyndicalisme ! n°145
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  • Contre les fascismes religieux
    Solidarité avec le combat de libération des habitants du Maghreb !

    Le massacre de ce vendredi 26 juin à Sousse, #Tunisie, se déroule dans le contexte particulier d’un #Maghreb où la #résistance_populaire contre les pressions des intégristes se fait chaque jour de plus en plus entendre, bien que l’appareil d’Etat (en particulier la police et la justice) fasse tout son possible pour tenter d’étouffer les aspirations légitimes à vivre librement.

    Dans tout le Maghreb se sont développées ces derniers temps des luttes pour l’avortement, pour les droits des homosexuels, pour le droit de revendiquer son athéisme, pour le droit des femmes de porter des robes sans être agressées ou pire violées, pour leur droit de porter plainte contre leurs agresseurs sans risquer la prison… Et c’est encore la population tunisienne qui est la pointe de ce combat. Avec un courage exemplaire, nombreux sont ceux qui n’ont pas hésité à remettre en question l’obligation du jeûne durant le mois dit de ramadan. Comme pour cette population la Liberté ne se quémande pas, elle la prend ; si bien que pendant le ramadan 2015 qui a débuté ce 18 juin, nombre de cafés sont restés ouverts et bien fréquentés par des femme et des hommes qui n’ont pas l’intention de se laisser dicter leur mode de vie.

    Ainsi un rassemblement a eu lieu à Bejaia le 27 juin pour un déjeuner collectif en plein milieux d’après midi. Une façon de dénoncer publiquement l’obligation que les islamistes font peser sur tous et de soutenir le blogueur Raif Badawi emprisonné et condamné a 1000 coup de fouet pour «  insultes à l’islam  » c’est-à-dire avoir exprimé, de façon tout à fait modéré son opinion.

    Dès que le rassemblement a été connu, les islamistes se sont déchaînés. Mais aussi les organisateurs ont reçu de multiples messages de soutien venus de tout le pays.

    Quelques jours avant (le 24 juin), pour donner une idée de «  l’ambiance  », la presse tunisienne avait relaté ce témoignage « Fares, propriétaire d’un café à Monastir a affirmé que la police vient d’effectuer une descente dans son café ouvert légalement pendant les heures de jeûne. La vidéo qui accompagne le post, filmée par les caméras de surveillance installées dans le café, montre le chef de district de la police de Monastir en train d’agresser une jeune fille non jeûneuse en lui jetant son téléphone par terre. »

    Vous pouvez voir cette agression sur sur facebook (1). Devant les légitimes protestations qui ont surgi dans toute la Tunisie, le chef de la sûreté du district de Monastir a été limogé « pour abus de pouvoir et prise de mesures illégales » ainsi que trois cadres sécuritaires du district de Gammarth qui avaient procédé à la fermeture d’un café de la région.

    Cette résistance populaire qui fait plier l’Etat et parvient à vouer à l’échec les tentatives d’intimidations policières, est insupportable pour les fascistes religieux. Pour faire ployer cette résistance, le massacre de masse est leur arme ultime. Ils sont prêts à tout pour faire revenir les habitants à leur ordre moral. Le communiqué en date du 27 juin de l’Etat Islamique, qui revendique le massacre de touristes en maillot de bain sur une plage de Sousse est à cet égard éloquent  : « Le soldat du califat (…) Abou Yahya al-Qayrawani (…) a pu parvenir au but dans l’hôtel Imperial », tuant près de 40 personnes « dont la plupart sont des sujets des Etats de l’alliance croisée qui combat l’Etat du califat ».

    La « justification » par l’Etat islamique de ce nouveau crime de masse est éloquente : l’hôtel de tourisme, la plage sont qualifiés « … d’antres (…) de fornication, de vice et d’apostasie… ».

    Ceux qui sont tués, ceux qui sont menacés de mort par l’Etat Islamique ne sont pas que les touristes, il s’agit surtout des habitants qui s’opposent aux intégristes.

    Nous devons à tous ceux qui luttent contre le fascisme religieux notre solidarité.

    (1) Voir les dernières secondes de «  Monastir : L’agression d’une jeune femme par un policier fait le buzz » (à partir d’une minute trente environ) https://www.facebook.com/TunisTribune/videos/10153984199337926

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  • Premières journées iconoclastes

    Comme le disait un membre de l’#Atelier_idéal en introduisant la première conférence de ces journées, il n’est probablement « … pas besoin d’insister sur le sens du mot iconoclaste. Il convient si bien à la #CNT-AIT, du moins à #Toulouse, toujours prête à donner quelques coups de pieds dans la fourmilière…  ». Mais il n’est peut-être pas inutile de souligner pourquoi ces «  Journées », au lieu de les vouloir simplement «  libertaires » comme c’est classique, nous les avons préférées « iconoclastes ». Un terme n’excluant pas l’autre, tout au contraire selon nous.

    Ce que nous cherchions, c’était à rompre avec la paresse intellectuelle et son « prêt-à-penser idéologique » pour militants ; à démasquer des opinions qui ont pénétré dans le milieu libertaire par effraction ; à briser des étiquetages ; à rediscuter des points, parfois basiques, mais qui ont été oubliés, déformés, mal compris… Bref, nous voulions « secouer le cocotier », faire entrer de l’air frais, relancer des débats, quitte à remettre en question, à nous remettre en question. D’où la méthode choisie. Nous n’avons pas eu recours au vivier militant, nous avons fait appel à quatre intervenants qui ne sont pas anarchosyndicalistes, mais qui connaissent bien leur sujet, qui ont des « choses à dire » (et parfois à nous… contredire) et qui sont ouvert à une discussion franche et loyale. Nous les remercions tous de leur présence, de la qualité de leurs apports et d’avoir pris le risque politique de venir discuter avec nous.

    Ces 29, 30 et 31 mai donc, nous avons tenu nos premières journées iconoclastes dans les locaux du squatt #La_Chapelle. Souvent, dans ce genre de « journées » ou de «  colloques », le programme est dense, le temps est compté. Tout juste une ou deux questions peuvent-elles être posées à un conférencier que l’on passe à un autre. Nous avions choisi, à l’inverse, de nous donner du temps. Le temps de l’échange, de l’approfondissement, le temps de la réflexion. Quatre conférences, une table ronde, un atelier militant, des repas pris en commun sur les lieux mêmes et rien d’autre.

    Le vendredi 29 mai #Françoise_Morvan a ouvert le programme en abordant le #régionalisme à partir du cas breton (« #Ethnorégionalisme et #ultralibéralisme, la #Bretagne pour laboratoire »). Comme nous avions décidé de « creuser » cette question, nous l’avons reprise le lendemain matin dans une « Table ronde autour des régionalismes » à laquelle se sont joints outre Fr. Morvan, #Eric_Fraj et #Yves_Coleman. Ce dernier a donné l’après midi une conférence sur «  L’#antisémitisme de gauche ». En soirée, #Jordi_Vidal a présenté une intervention intitulée « #Postmodernisme : la stratégie, ou l’extinction des Lumières » en l’illustrant d’un de ses films. Le matin du dimanche 31 a été consacré à un atelier militant (« Analyse de trente ans de scissions dans les milieux libertaires »). Les «  Journées » se sont achevées sur une nouvelle conférence d’Yves Coleman («  Idéologues et militants du #social-chauvinisme, de Michéa à Mélenchon »).

    Les discussions sont allées bon train et ont parfois été vives. Elles ne sont pas closes. Elles se poursuivront, par exemple pour ce qui nous concerne, lors de notre camping cet été. Les textes qui suivent sont également des jalons de ces débats, soit qu’ils cherchent à rendre compte synthétiquement des interventions (conférences sur le social-chauvinisme, le post-modernisme), soit qu’ils en constituent plutôt une réinterprétation ou même un commentaire (les trois autres textes). Autant dire qu’il ne s’agit pas de retranscriptions stricto sensu des propos des conférenciers et que les articles qui suivent, s’ils se nourrissent bien de leur apport, n’engagent pour ce qui est de l’expression, des termes employés, de la forme, que nous-mêmes. Pour connaître la pensée précise des conférenciers dans les termes qui sont les leurs, on se reportera à leurs ouvrages.

    Quatre thématiques sont abordées dans ces pages, beaucoup d’autres mériteraient d’être discutées de la sorte. Nous espérons pouvoir le faire dans les mois ou années à venir. De même, nous espérons que le débat sur les scissions dans le mouvement libertaire, après le premier débroussaillage qui a eu lieu, mûrira et qu’il donnera lieu à des écrits ultérieurement.

    Un dernier mot pour souligner que, si ces journées ont connu un succès dépassant nos espérances, nous le devons certainement à notre co-organisateur, l’Atelier idéal, qui anime un squat toujours en danger, La Chapelle, « lieu d’expérimentation sociale, politique et culturel pour interroger le monde comme il ne va pas ».

    Références :
    – Françoise Morvan, « Le Monde comme si – Nationalisme et dérive identitaire en Bretagne » , Actes Sud/Babel, 2005.
    – Jordi Vidal, « Servitude et simulacre en temps réel et flux constant  » , 2007 Editions Allia.
    Il existe une adaptation cinématographique en court-métrage.
    – Eric Fraj, «  Quel occitan pour demain » , ouvrage bilingue, 2013, Editions Reclams
    – Yves Coleman, animateur de «  Ni patrie ni frontière  » a publié plusieurs ouvrages sur des thèmes abordés lors des débats. On se référera à son site. http://mondialisme.org/spip.php?rubrique1

    Autour de Ethnorégionalisme & Ultralibéralisme : La Bretagne pour laboratoire
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article759

    Table-ronde régionalisme : Langue et nationalisme
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article758

    Post-modernisme
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article760

    De Michéa à Mélenchon : Idéologues et militants du social-chauvinisme
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article761

    Réflexions sur l’antisémitisme DE gauche
    http://seenthis.net/messages/386974

    #journées_iconoclastes

    @anarchosyndicalisme ! n°145
    http://seenthis.net/messages/387250

  • Réflexions sur l’#antisémitisme DE gauche

    On ne peut pas reprocher à #Yves_Coleman d’avancer sans références. Il cite les auteurs, il pointe les faits qui montrent que de nombreux théoriciens du socialisme, et non des moindres, ont propagé, à un moment donné, des propos antisémites. Bref l’antisémitisme DE Gauche existe ; même si nombreux sont ceux qui voudraient nous faire croire le contraire, faire comme si il n’existait pas, ou reconnaître tout au plus un antisémitisme A gauche qui serait privé de causes théoriques et intrinsèques.

    Mais voilà, dès la naissance du mouvement ouvrier, Marx, Proudhon, Bakounine, et bien d’autres encore ont partagé des clichés et des préjugés antisémites.

    Il ne nous revient pas d’invoquer quelque prétexte que ce soit pour les défendre. N’ayant ni Dieux ni Maîtres, et donc ni de maîtres à penser, nous avons posé une fois pour toutes que les grands esprits (fussent-ils étiquetés anarchistes) peuvent se tromper et ne sont pas (comme nous allons le voir) à l’abri d’écrire les énormités.

    Dans son exposé Yves Coleman a décrit non seulement la maladie et ses symptômes, mais il a cherché à en déceler les causes. Et par là, il nous a fait plonger dans les failles de la pensée humaine : failles théoriques des leaders du mouvement ouvrier mais aussi failles psychologiques et, ce qui à mon avis qui rend les choses encore plus formidables, failles dans la compréhension de la psychologie des masses par les leaders du mouvement ouvrier.

    Leurs discours veulent influencer les masses et pour cela ils prennent ce qu’ils pensent être leur état d’esprit pour point de départ ; mais en réalité ce point de départ est bien souvent faux parce que réducteur et souvent directement inspiré par l’idéologie dominante. Par contre l’histoire nous a montré que discours politiciens et psychologie de masse interagissent dans un terrible cercle vicieux conduisant aux pires catastrophes.

    L’opportunisme politique prend alors son vrai visage, celui d’un amalgame d’analyses sociologiques réductrices, de concepts erronés et d’ambitions électoralistes. J’en veux pour preuve ce passage de la conférence qui décrit parfaitement ce phénomène de la part d’un Jaurès, qui parvint à écrire que

    « Sous la forme un peu étroite de l’antisémitisme se propage en Algérie un véritable esprit révolutionnaire »

    [Jean Jaurès, « Choses algériennes », La Dépêche, 8 mai 1895]

    Dans « Jaurès et l’antisémitisme », cité par Coleman, voici comment Gilles Candar décrit les méandres qui ont abouti à cette lamentable conclusion  :

    « La masse des électeurs juifs en Algérie est entièrement acquise aux républicains modérés, ceux qu’on appelait “opportunistes” dans les années 1880 et qui adoptent souvent l’étiquette de “progressistes” dans les années 1890. Le vieil ami de Gambetta, Gaston Thomson, allié à Crémieux, est leur homme. Contre lui et ses amis, socialisme et antisémitisme en Algérie ne se distinguent guère dans ces premières années 1890. Les antisémites affirment même agir au nom des masses indigènes et européennes contre leur ennemi commun, le juif. Incontestablement, Jaurès est alors assez séduit par ce mouvement algérien, alors qu’en métropole il n’avait aucune sympathie pour les antisémites liés au boulangisme et à l’Église catholique. Il le pressentait sans doute davantage susceptible d’évoluer vers un socialisme complet, et en tout cas permettant d’assurer la protestation nécessaire contre le dépouillement abusif dont est victime le peuple arabe […] L’union entre colons européens et arabes paupérisés, qu’il voit se former et qu’il appelle de ses vœux, doit poser « la question sociale » dans toute son ampleur. »

    http://www.jaures.info/dossiers/dossiers.php?val=23_jaures+lantisemitisme

    Entre ce processus qui conduisit Jaurès à présenter l’antisémitisme comme un précurseur du socialisme et l’horreur de la Shoa, il n’y a pas un demi-siècle de distance. Cela doit nous alerter.

    De nos jours, les mêmes mécanismes sont en œuvre dans les discours d’une certaine extrême-gauche qui parfois se dit libertaire. Un article signé par des militantes communistes ce 25 juin pose bien le constat :

    « On assiste à une résurgence importante de la vieille idée que les juifs incarnent l’argent, le système, qu’ils sont une puissance occulte. Le substrat théorique de l’antisémitisme européen tel qu’il s’est sédimenté à la fin du XIXe siècle est mobilisé. Le contenu potentiellement « populaire », anti-hégémonique de l’antisémitisme a toujours été la clé de son succès. « Les juifs sont les chouchous » ; « Les juifs dominent le monde ». Sur cette base, l’antisémitisme peut encore être un opérateur politique, redessiner des alliances (typiquement celle d’un Dieudonné, issu de la gauche, de l’antiracisme et d’une partie de son public avec Soral) »

    http://www.vacarme.org/article2778.html

    Mais l’explication de ce contenu «  populaire » de l’antisémitisme est ici un peu courte, Dieudonné, que Coleman qualifie avec raison de politicien raciste et fasciste, n’est pas «  qu’issu de la gauche ». Plus précisément, et comme nombre de fascistes, il est un produit de l’antisémitisme de gauche, véritable passerelle historique vers le fascisme. Cette forme d’antisémitisme n’est rien donc d’autre qu’un petit cadeau opportuniste fait par des politiciens de gauche aux prolétaires non juifs.

    Peu à peu nous voyons donc cette forme historique de l’antisémitisme de gauche se développer de façon inquiétante par le biais des même analyses erronées, remises au goût du jour et ce d’une façon extrêmement dangereuse. Pas un jour sans voir dénoncer les juifs comme appartenant aux élites financières ou médiatiques ; cette assignation d’appartenance à la classe dominante, aux exploiteurs, aux buveurs du sang du peuple, s’est renforcée de la cause palestinienne qui permet de surcroît de dénoncer tout juif comme coupable des actes de l’état d’Israël. A cela ajoutons que pas un jour ne se passe non plus sans qu’on entende identifier les masses musulmanes aux prolétaires.

    Il y a 20 ans, en Afrique, cette façon de racialiser les rapports sociaux a conduit au génocide rwandais.

    Quelques dizaines d’années avant, l’église catholique avait choisi d’établir un lien entre races et inégalités sociales. L’archevêque de Kabgayi écrivait dans une de ses lettres pastorales :

    « Dans notre Ruanda les différences et les inégalités sociales sont pour une grande part liées aux différences de race, en ce sens que les richesses d’une part et le pouvoir politique et même judiciaire d’autre part, sont en réalité en proportion considérable entre les mains des gens d’une même race. Cet état de chose est l’héritage d’un passé que nous n’avons pas à juger. Mais il est certain que cette situation de fait ne répond plus aux normes d’une organisation saine de la société ruandaise et pose, aux responsables de la chose publique des problèmes délicats et inéluctables. »

    [Lettre pastorale de février 1959 de Monseigneur Perraudin.]

    Entre le discours de Jaurès et la Shoa il s’est passé 45 ans ; entre la lettre pastorale de Monseigneur Perrautin et le génocide rwandais 35 ans. Avec la vitesse des communications qui caractérise notre époque, combien de temps faudra-t-il pour que les prolétaires se massacrent entre eux ?
    Le danger est là, il est devant nous, nous en percevons les premiers signes. Il n’est que temps de se ressaisir.
    Plus que jamais les anarchosyndicaliste doivent s’opposer fermement à cette racialisation des rapports sociaux, plus que jamais c’est dans la lutte au quotidien contre les effets concrets du capitalisme qu’il nous faut lutter ensemble en évitant le leurres post modernistes et préfasciste.

    #journées_iconoclastes

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  • #FLICAGE PUISSANCE DIX
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article764

    Comme beaucoup de politiciens, suite aux sanglants attentats de janvier 2015, Manuel Valls s’est érigé en défenseur des libertés, ce socle indéboulonnable de notre république... tout en le déboulonnant activement. En procédure d’urgence, il a présenté ce 19 mars un projet de loi antiterroriste, en réalité un texte visant à étendre grandement les pouvoirs de flicage de l’État.

    Il n’est, malheureusement, pas le premier à cyniquement tremper sa plume dans le sang encore chaud des victimes pour rédiger une nouvelle loi liberticide au nom de la défense des Libertés. Dans la France républicaine c’est d’ailleurs une habitude : tout a commencé avec les lois scélérates (votées en 1893-1894), dans un contexte certes fort différent, suite à des attentats soi-disant anarchistes. Elles visaient surtout à casser le mouvement ouvrier et elles permirent, en réalité, ce qui était leur but, de faire taire quasiment toutes les voix anarchistes tout comme des voix critiques qui n’appartenaient pas au mouvement révolutionnaire. Elles ne seront abrogées d’ailleurs qu’en 1992 !

    Depuis 1986, l’État n’a cessé d’accélérer la cadence législative afin de renforcer l’arsenal judiciaire contre le «  terrorisme  ». Cet empilement de mesures (14 au moins) a rogné peu à peu les libertés publiques. Il avait été, de plus, sacrément alourdi peu de temps avant les événements de janvier (en novembre 2014) : mise en place d’une interdiction administrative de sortie du territoire, renforcement de la répression de l’apologie du terrorisme ; possibilité de blocage des sites Internet et de recherche de données dans des serveurs situés à l’étranger, pénalisation des actes supposés préparatoires…

    Cette prolifération législative se double d’une stratégie de la tension face aux protestations. Preuve en est la «  gestion  » des manifestations qui avaient suivi le meurtre de Rémi Fraisse  : cortèges interdits, déploiement colossal de compagnies de CRS et de gendarmes mobiles, utilisation d’un matériel disproportionné, grenades habilement lancées sur de simples promeneurs… tout ceci pour faire peur à la population … La peur est également exploitée depuis le 7 janvier pour renforcer la surveillance et le contrôle de la population dans son ensemble, pour restreindre, encore et toujours plus, nos libertés.

    L’Assemblée nationale puis le Sénat dernièrement (9 juin 2015) ont pratiquement plébiscité une nouvelle loi étendant très largement le champ d’action des six services de renseignement français et instaurant des techniques de surveillance de masse. Le Premier ministre - on n’est jamais mieux servi que par soi-même - devient ainsi le seul décisionnaire en matière d’espionnage de ses concitoyens.

    Comme le rapporte le wiki de La Quadrature du Net [1] :

    « L’article L. 851-4 tel que rédigé par le projet de loi prévoit que le Premier ministre peut ordonner aux opérateurs de communications électroniques et aux fournisseurs de services de détecter, par un traitement automatique, une succession suspecte de données de connexion, dont l’anonymat ne serait levé qu’en cas de révélation d’une menace terroriste. [...] Cette disposition instaure une surveillance de masse, à l’aide de dispositifs techniques et d’algorithmes [2] sur lesquels aucune transparence n’est possible. »

    Concrètement les services de renseignement pourront suivre en temps réel n’importe quelle connexion internet pour savoir quels sites une personne a visités, à quelle heure, si elle a envoyé un message Facebook à telle personne, si elle a tapé tel mot clef sur Google… Jusqu’à maintenant, ils devaient solliciter les opérateurs, mais grâce à cette nouvelle loi, plus besoin d’avoir recours à des intermédiaires, ils pourront se brancher directement sur les réseaux pour nous surveiller comme bon leur semblera.

    Pour ce faire, le Premier ministre pourra, très prochainement, exiger des Fournisseurs d’Accès et Internet (FAI) et des hébergeurs qu’ils mettent en place

    « sur leurs réseaux ou serveurs des mouchards algorithmiques qui garderont trace pour une durée indéterminée de toutes les connexions et activités des internautes sur les sites et services observés, et qui réaliseront automatiquement des croisements pour constater que, par exemple, telle adresse IP visite fréquemment tels sites de propagande djihadistes, et qu’elle est par ailleurs utilisée pour communiquer avec des étrangers en Syrie ou en Iraq, et qu’en plus elle est utilisée pour rechercher des expressions compromettantes sur des moteurs de recherche. Absolument aucun respect de la confidentialité du contenu des communications n’est prévu, ni aucune limite au nombre des personnes ainsi placées sous surveillance préventive, ou aux méthodes employées. » [3].

    Bien naïf qui pourrait croire que l’espionnage se limitera aux sites djihadistes…

    Les simples « citoyens » ne doivent pas s’inquiéter, susurrent le sieur Valls et ses acolytes, car ils ont tout prévu  : une Commission de contrôle des interceptions sera garante de nos libertés. Si le sujet n’était si grave, se serait à se rouler par terre de rire. D’une part, on n’a jamais vu une telle commission s’opposer réellement au pouvoir dont elle dépend, d’autre part, cette même loi prévoit qu’il suffira à nos James Bond du cyberspace de fournir au Premier ministre une vague suspicion de « menace imminente » pour avoir le droit de passer outre l’avis de la commission censée protéger le quidam des abus de nos chers services de renseignement  ! La dite commission ne sera alors prévenue qu’à posteriori et pourra simplement menacer de saisir le Conseil d’État. La police en tremble d’avance.

    Deuxième grand argument des cyberflics : pourquoi vous inquiétez-vous « si vous n’avez rien à vous reprocher » ? Valls, avec le culot qui le caractérise (rappelez-vous avec quel mépris il a rejeté, des jours durant, les critiques de son onéreuse escapade footballistique) a beau affirmer «  Le projet de loi prévoit expressément que cette surveillance renforcée concernera les communications des seuls terroristes : cela démontre bien qu’il n’y aura aucune surveillance de masse. Le projet l’interdit ! », il est évident que la surveillance sera de masse, qu’elle ne se cantonnera ni aux «  terroristes  », ni aux «  supposés terroristes  », ni aux «  relations lointaines des supposés terroristes potentiels  », pas plus d’ailleurs qu’aux personnes ayant une activité politique ou sociale mais bien à l’ensemble de la population. Cet espionnage de masse sera utilisé par ceux qui disposent des manettes du pouvoir pour servir leurs intérêts particuliers, personnels ou leur curiosité malsaine. Aux temps préhistoriques où il n’y avait que des écoutes téléphoniques, rappelons qu’il y eut au moins un président de la République (et sûrement pas que lui) qui se repaissait de la vie privée de telle ou telle actrice. Ce n’est qu’un exemple, somme toutes anodin.

    L’affaire dite « de Tarnac » fournit un autre bon exemple. Il a suffit d’attribuer à quelques personnes la rédaction d’un bouquin vaguement contestataire pour en faire des « ennemis publics numéro 1 » et de méchants terroristes !

    Les lois scélérates de la fin du XIXe, citées plus haut, permirent d’interdire de nombreux journaux anarchistes pourtant nullement liés à des groupes terroristes (comme « Le Père Peinard »), et de mener une véritable chasse aux sorcières en opérant des milliers de perquisitions et d’arrestations. Des séries de listes nominatives furent ainsi dressées afin de répertorier les individus soupçonnés de sympathies libertaires. Tant qu’à faire, on en profita aussi pour ficher les Sans domicile fixe.

    Plusieurs dispositifs de cette loi confirment cette tendance lourde qui utilise le terrorisme comme un prétexte pour doter l’État de moyens de surveillance et de contrôle accrus afin de circonscrire toute contestation qui, en ces temps de crises et de politique ouvertement asociale, pourrait être fatale au gouvernement.

    Le projet de loi prévoit que les mesures de surveillance seront utilisées à la fois pour les suspects, mais aussi pour les « personnes appartenant à [son] entourage » s’il « existe des raisons sérieuses de croire [qu’elles ont] joué un rôle d’intermédiaire, volontaire ou non ». Ce qui revient à dire que si vous vous êtes trouvé au mauvais endroit au mauvais moment ou que vous avez croisé par hasard une « mauvaise personne », vous pourrez être mis sous surveillance. Car au risque de se répéter, le texte stipule bien le fait que votre rôle soit «  volontaire ou non » ! La loi ouvre la possibilité d’installer des «  IMSI catchers  », c’est à dire des appareils qui imitent les antennes-relais de téléphonie mobile afin de capter les communications d’un suspect. Or, comme la CNIL est bien obligée de le reconnaître «  Un tel dispositif permettra de collecter de manière systématique et automatique des données relatives à des personnes pouvant n’avoir aucun lien ou un lien purement géographique avec l’individu effectivement surveillé   ». A ce stade une importante remarque s’impose  : la CNIL a le même statut, les mêmes types de pouvoir que la fameuse Commission de contrôle des interceptions qui sera créée. Or, la CNIL constate qu’il y aura bien des collectes automatiques et systématiques de données personnelles, ce qui est absolument interdit par la loi et que fait-elle après ce constat  ? Rien. Les « pouvoirs » que la loi lui accorde s’arrêtent devant Valls et ses flics.

    Les «  algorithmes prédictifs  » prévus par la loi sont, par essence, non ciblés puisqu’il s’agit de débusquer des personnes qui, éventuellement, dans un futur plus ou moins lointain, pourraient devenir des terroristes ou être en contact volontairement (ou pas) avec eux, c’est à dire à peu près n’importe qui. L’utilisation d’algorithmes prédictifs apporte un démenti formel aux propos prétendument rassurants du ministre de l’intérieur Cazeneuve «  Il ne s’agit pas de techniques de prélèvement de masse mais, au contraire, de techniques de ciblage  ». Ces algorithmes permettent, comme dans le roman de Science-fiction de K. Dick Minority Report, de considérer comme criminel n’importe qui, avant même qu’il ait commis un quelconque crime !

    Enfin, toujours selon le wiki de La Quadrature du Net, la loi :

    « Prévoit d’étendre les compétences des services de renseignement à la ‘‘prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique’’. La formulation extrêmement large de cet intérêt public autorisant des techniques exceptionnelles de surveillance fait peser de graves risques d’arbitraire, notamment en matière de surveillance des mouvements sociaux.  »

    On est dès lors loin, très loin de la prétendue lutte contre des groupuscules djihadistes et ce sont bien les mouvements de contestation sociale comme par exemple celui des zadistes à Sivens, d’ouvriers organisant un piquet de grève, des lycéens bloquant un bâtiment public, des personnes manifestant malgré un interdit préfectoral et tant d’autres qui sont visés en réalité par cette loi parfaitement liberticide.

    C’est totalement inhabituel dans notre journal, mais nous laisserons la parole pour finir à un juge, bien connu pour ses « qualités » répressives :

    « Ne mentons pas aux Français en présentant ce projet comme une loi antiterroriste. Il ouvre la voie à la généralisation de méthodes intrusives, … » [4].

    C’est le moins que l’on puisse dire.

    [1] PJL relatif au renseignement/Analyse du PJL Renseignement sur le Wiki de la Quadrature du Net

    [2] « On peut faire le parallèle entre un algorithme et une recette de cuisine. La recette donne les indications nécessaires pour transformer, étape par étape, des ingrédients de départ en un plat prêt à servir. En suivant la recette, le cuisinier transpose le texte en actions concrètes. Il en va de même pour l’algorithme : une fois qu’on l’a écrit, on le donne à l’ordinateur qui va le suivre étape par étape, cette fois-ci pour transformer des données de départ en données d’arrivée : les résultats. » Algorithmique impérative/Introduction sur Wikibooks.org

    [3] Citation d’un article publié : La détection par algorithmes des menaces terroristes dans la Loi Renseignement sur le site Numerama

    [4] Marc Trevidic, juge anti-terroriste http://www.lexpress.fr/actualite/projet-de-loi-sur-le-renseignement-les-reserves-du-juge-antiterroriste-marc

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  • De #Michéa à #Mélenchon Idéologues et militants du #social-chauvinisme
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article761

    Puisque, dans cette période de crise économique et sociale, la montée des sentiments nationalistes, et pour tout dire xénophobes, est évidente, y compris dans les partis de gauche ou d’extrême-gauche, nous avions choisi de demander à #Yves_Coleman, éditeur de la revue «  Ni patrie ni frontières  » de nous parler des mouvements de gauche qui se situent, qu’ils le revendiquent ou qu’ils l’occultent, du côté du #nationalisme.

    Le social-chauvinisme est, nous dit Yves Coleman en préambule, une vieille expression polémique utilisée durant la Première guerre mondiale par les socialistes marxistes internationalistes (Lénine, Luxembourg, etc.) pour dénoncer les sociaux-démocrates qui soutenaient leurs bourgeoisies nationales respectives en usant d’une phraséologie pseudo-radicale. Au nom de la défense de la « patrie », ces sociaux-démocrates participaient à «  l’Union sacrée  » [1] en compagnie des partis de droite (et même d’anarchistes) : ils avaient voté les crédits de guerre, renoncé à toute propagande anti-militariste ou pacifiste, refusaient de participer à une grève internationale contre la guerre et accusaient au choix, suivant leur nationalité, l’Allemagne, la France, la Russie ou l’Angleterre d’être les seuls responsables du déclenchement du conflit afin de pouvoir, chacun dans sa « patrie », blanchir les responsabilités de leur propre bourgeoisie.

    Aujourd’hui, le nationalisme est redevenu un thème porteur et même certains à l’extrême-gauche (trotskistes, maoïstes voire anarchistes) lui trouvent des vertus révolutionnaires.

    En 2015 en France un large éventail de groupes, de partis, de personnalités allant de la gauche à l’extrême-droite soutient des positions nationalistes et se retrouve sur des positions politiques que l’on pourrait résumer en sept slogans :

    Non à l’OTAN et à la domination américaine sur le monde !
    Non à l’union européenne et aux traités européens !
    Non à l’euro !
    Non à la dictature des marchés financiers !
    Oui à un État fort, doté d’une armée puissante et d’une police efficace !
    Oui à la défense nucléaire !
    Oui au protectionnisme et à un capitalisme national productif !

    La circulation et l’usage identique de concepts communs dans ces milieux très divers, qui vont de la gauche à l’extrême-droite, ne font qu’entretenir, le plus souvent délibérément, la confusion politique.

    Ces gens là, nous dit Yves Coleman préparent des alliances contre nature entre la droite et la gauche, voire entre l’extrême-droite et l’extrême-gauche, alliances qui se dessinent très bien dans les sommets et les réunions alter-mondialistes ou dans les prétendues manifestations de soutien à la Palestine. Il n’est donc pas étonnant que des intellectuels de gauche, comme par exemple Emmanuel Todd, rendent hommage dans des forums à des idéologues d’extrême-droite ou que des philosophes marxistes fréquentent des locaux d’organisation fascistes.

    Ces convergences entre intellectuels de gauche et intellectuels de droite, voire d’extrême-droite, sont toutes fondées sur la reconnaissance de la nécessité de l’existence de nations, de frontières nationales, d’économies nationales et d’Etats. Ce qu’il y a de commun entre tous ces discours social-chauvins de gauche ou de droite, c’est qu’ils invoquent la «  nation  », la «  république sociale  » pour soit-disant défendre les intérêts du «  peuple  ». Le Front de gauche, par exemple veut qu’on fasse «  place au peuple  », voire que le «  peuple prenne le pouvoir  ». Ce sont des slogans particulièrement ineptes puisque, par définition, le peuple rassemble toutes les classes sociales y compris les patrons, le personnel politique, les flics, les maffieux, les militaires.

    Sous prétexte de lutter contre la «  finance spéculative  », contre la «  mondialisation  », les social-chauvins d’aujourd’hui nous préparent les gouvernements d’union nationale de demain.

    Reste donc, alors que l’idéologie du Front national progresse dans l’opinion, à se poser la question de savoir si on peut être «  patriote  » et lutter efficacement contre les idées xénophobes de ce parti, comme affirme pouvoir le faire, par exemple, le Front de gauche C’est impossible, nous dit Yves Coleman, et il nous donne l’exemple d’un groupe libertaire anti-dogmatique qui réussit l’exploit de passer dans le même texte d’un multiculturalisme insipide à des clichés social-patriotes gaulois à la Chevènement, Mélenchon et Montebourg.

    C’est que la tradition social-chauvine est en France aussi ancienne que solidement établie. Dès l’enterrement de Jaurès [2], c’est Léon Jouhaux, issu du courant Syndicaliste révolutionnaire et alors secrétaire général de la CGT, qui se lance dans une diatribe passionnée contre le militarisme allemand. Un peu plus tard, c’est Dubreuilh, militant SFIO (Section française de l’internationale ouvrière – socialistes de l’époque) qui se drape dans Jaurès pour tenir des propos chauvins. Il est vrai que la pensée de Jaurès présentait plus que des ambiguïtés sur ce point, ce qui lui a valu récemment d’être récupéré par le Front national (voir encadré).

    Aujourd’hui, nous dit Yves Coleman, les socialistes français justifient de la même manière les interventions de l’armée française à l’extérieur.

    Le Parti communiste français quant à lui, suivit une ligne anti-militariste jusqu’en 1924 (distribution de tracts, de journaux et entretien de structures clandestines dans les casernes...). A partir de cette date, la défense des intérêts de l’URSS, le conduit progressivement à défendre des positions clairement nationalistes (vote des crédits de guerre, défense de «  l’institution militaire face à l’extrême-droite  » etc.). Après la Libération, il s’allie avec la SFIO et le MRP (Mouvement républicain populaire – démocrate chrétien) pour appliquer le programme du CNR (Conseil national de la Résistance), période qui à côté d’avancées sociales indiscutables (Sécurité sociale, «  40 heures  », retraite par répartition …) a surtout coïncidé avec une répression anti-ouvrière féroce de1944 à 1947.

    Sous prétexte de préserver l’unité nationale, de reconstruire le pays, le PCF et la CGT obligèrent les ouvriers à travailler pour des salaires de misère. Ainsi entre 1945 et 1947, le pouvoir d’achat moyen recule de 30 % environ, le pain est rationné  : 350 grammes par jour en 1944, 300 grammes en 1946 et finalement 200 grammes en octobre 1947. Et puisque, comme le disait à l’époque Maurice Thorez leader charismatique du PCF, « Produire, c’est aujourd’hui la forme la plus élevée du devoir de classe », la grève devint selon l’expression de Gaston Monmous-seau (secrétaire général de la CGT de l’époque) «  l’arme des trusts ». Il existe, nous dit également Yves Coleman, une tradition patriotique d’extrême-gauche depuis au moins la Commune de Paris. De même, s’il y a bien une référence politique qui fait la quasi-unanimité à gauche et à l’extrême-gauche, c’est bien celle de la vision chauvine de la Résistance à l’occupation nazie. La résistance gaullo-stalinienne continue à influencer la vision politique des militants français actuels et elle reste très présente dans la littérature, au cinéma et à la télévision, comme dans le discours politique.

    Puisque le social-chauvinisme couvre un champ politique si large, Yves Coleman nous proposa de définir les points communs à tous les sociaux-chauvins de droite ou de gauche.

    Au niveau international, ils défendent la vision d’un monde divisé en deux camps : le camp anti-impérialiste composé «  d’États progressistes  » qu’il faut soutenir et le «  camp impérialiste  ». En conséquence, ils dénoncent exclusivement le rôle de la puissance américaine et de l’OTAN. En corollaire, ils ont une sympathie marquée pour les objectifs géo-politiques de l’État russe ; sympathie qui peut aller jusqu’à un soutien à Poutine. Ils dénoncent le rôle de l’Angleterre et/ou de l’Allemagne. Ainsi, selon E. Todd et J.-L. Mélenchon, tous les malheurs de la France viennent de l’Allemagne qui veut imposer son modèle ordolibéral au reste de l’Europe. Enfin, s’ils dénoncent les institutions européennes et le Traité constitutionnel européen, c’est pour mieux exalter, au niveau intérieur, le rôle de la France et de son État, son histoire, sa «  grandeur  », etc. Ils soutiennent l’armée française - voire glorifient son rôle – ainsi que la défense nucléaire. Au niveau économique, ils sont favorable au protectionnisme français ou européen. Ils vont jusqu’à faire l’apologie du capitalisme pourvu qu’il soit productif et national (E. Todd).

    Par rapport à l’immigration, on peut déjà trouver des propos xénophobes dans des œuvres critiques anciennes (par exemple, Yves Coleman cite un texte de Guy Debord repris par des néo-nazis - voir encadré). De tels propos prolifèrent maintenant chez les nationaux-chauvins, par exemple, dans les textes de Jean-Claude Michéa [3]. On trouve dans les écrits et les propos des nationaux-chauvins certains termes et expressions très connotés tels que «  oligarchie », «  élites nomades  », «  élites mondialisées  », «  élites déterritoriali-sées  », «  hyper-classe des banques et des multinationales  » à la signification très floue. Mais derrière ces mots, ce qui se cache encore et toujours, c’est cette idée que les exploiteurs, les responsables des crises ne sont pas vraiment français, point de départ de tous les raisonnements xénophobes et antisémites.

    Ce n’est pas sur une note optimiste qu’Yves Coleman conclut son exposé. Car, selon lui , quatre facteurs internationaux contribuent au développement du social-chauvinisme dans les états européens : le chômage, les interventions militaires occidentales, la montée de l’islam politique et la difficulté de construire une puissance européenne.

    Autant dire que les internationalistes, antinationalistes ou mieux a-nationalistes, que nous sommes allons devoir continuer à ramer et lutter à contre-courant !

    CITATION JAURES

    « Quand un syndicaliste révolutionnaire s’écrie au récent congrès de Toulouse : « A bas les patries ! Vive la patrie universelle ! » il n’appelle pas de ses vœux la disparition, l’extinction des patries dans une médiocrité immense, où les caractères et les esprits perdraient leur relief et leur couleur. Encore moins appelle-t-il de ses vœux l’absorption des patries dans une énorme servitude, la domestication de toutes les patries par la patrie la plus brutale, et l’unification humaine d’un militarisme colossal. En criant : «  A bas les patries !  » il crie : «  A bas l’égoïsme et l’antagonisme des patries ! A bas les préjugés chauvins et les haines aveugles ! A bas les guerres fratricides ! A bas les patries d’oppression et de destruction !  » Il appelle à plein coeur l’universelle patrie des travailleurs libres, des nations indépendantes et amies.  »

    #Jean_Jaurès, in «  L’armée nouvelle »

    Bel exemple de discours radical en apparence, social-chauvin en réalité, qui va jusqu’à récupérer l’antipatriotisme d’un syndicaliste révolutionnaire pour justifier le patriotisme. Comme le dit Yves Coleman, du grand art !

    CITATION DEBORD

    « (…) Nous ne pouvons plus assimiler personne : ni la jeunesse, ni les travailleurs français, ni même les provinciaux ou vieilles minorités ethniques (Corses, Bretons, etc.) car Paris, ville détruite, a perdu son rôle historique qui était de faire des Français. (…) Mais on comprend bien pourquoi tous les responsables politiques (y compris les leaders du Front National) s’emploient à minimiser la gravité du « problème immigré » … (….) Combien y a-t-il d’étrangers de fait en France ? (…) Il est évident qu’il y en a tellement qu’il faudrait plutôt se demander : combien reste-t-il de français et où sont-ils ? (Et qu’est-ce qui caractérise maintenant un Français ?) Comment resterait-il, bientôt, des Français ? (…) les Français qui ont accepté cela sans beaucoup de révolte (sauf en 1968) sont malvenus à dire qu’ils ne se sentent plus chez eux à cause des immigrés ! Ils ont tout lieu de ne plus se sentir chez eux, c’est très vrai. C’est parce qu’il n’y a plus personne d’autre, dans cet horrible nouveau monde de l’aliénation, que des immigrés. (…) La France est assurément regrettable. Mais les regrets sont vains. »

    #Guy_Debord, 1985, Oeuvres complètes Gallimard 2006, pp 1588-1591

    Sans commentaire

    [1] « Union sacrée » : expression utilisée par Raymond Poincaré, président de la République, dès le 4 août 1914, pour appeler la CGT et la SFIO (en principe hostiles à la guerre) à se ranger derrière les partis de droite et la bourgeoisie nationale.

    [2] Assassiné à Paris le 31 juillet 1914 par le nationaliste Raoul Villain. Le 3 août 1914, la France entrait en guerre.

    [3] Voir les références sur le site de Yves Coleman « A propos du réactionnaire Jean-Claude Michéa (alias Nietzchéa), des Editions l’Echappée et de leur « vigilance »… en carton pâte ».
    http://www.mondialisme.org/spip.php?article1990

    #journées_iconoclates

    @anarchosyndicalisme ! n°145
    http://seenthis.net/messages/387250

    • Cet article est au mieux affligeant de superficialité et d’anachronisme. Dénoncer la marionnette social chauviniste en retuant en 2015 le PCF a tout du spectacle de fin d’année scolaire : laborieux, bâclé, et destiné à un public plus que complaisant.

      Aucune envie de plonger les mains plus avant dans une soupe passéiste et franchouillarde aussi étroitement intéressée. Le soliloque d’ « antiracistes » autoproclamés, aussi blancs que moralisateurs, serait prodigieusement ennuyeux s’il n’était aussi malhonnête et sordide que la vieille puanteur nationaliste qu’ils tiennent à nous mettre sous le nez. Mais c’est qu’ils doivent se dissimuler à eux mêmes leur propre blancheur, et à leurs lecteurs, leur lutte constante pour que l’antiracisme abstrait, et son internationalisme colonial, demeurent en dépit de tout les seuls possibles, les seuls pensables.
      Les pauvres sont visiblement dépassés, et contraints à recourir à des artifices toujours plus grossiers.

      (Tout de même, il fallait oser donner à voir aussi grossièrement qu’on ne savait pas lire la « Note sur la question des immigrés » de Debord !)

      Si l’on souhaite par contre s’intéresser aux termes actuels des luttes et de la critique de la question nationale, raciste, coloniale, on peut plutôt lire par exemple ceci :
      http://indigenes-republique.fr/vacarme-critique-les-indigenes-la-faillite-du-materialisme-abst

      C’est tout de même une lecture moins confortable.

    • Pour que chacun puisse se faire son idée, le texte complet de Debord :

      Notes sur "la question des immigrés"
      Par Guy Debord, 1985

      Tout est faux dans la « question des immigrés », exactement comme dans toute question ouvertement posée dans la société actuelle ; et pour les mêmes motifs : l’économie – c’est-à-dire l’illusion pseudo-économique – l’a apportée, et le spectacle l’a traitée.

      On ne discute que de sottises. Faut-il garder ou éliminer les immigrés ? Naturellement, le véritable immigré n’est pas l’habitant permanent d’origine étrangère, mais celui qui est perçu et se perçoit comme différent et destiné à le rester. Beaucoup d’immigrés ou leurs enfants ont la nationalité française ; beaucoup de Polonais ou d’Espagnols se sont finalement perdus dans la masse d’une population française qui était autre. Comme les déchets de l’industrie atomique ou le pétrole dans l’Océan — et là on définit moins vite et moins « scientifiquement » les seuils d’intolérance — les immigrés, produits de la même gestion du capitalisme moderne, resteront pour des siècles, des millénaires, toujours. Ils resteront parce qu’il était beaucoup plus facile d’éliminer les Juifs d’Allemagne au temps d’Hitler que les maghrébins, et autres, d’ici à présent : car il n’existe en France ni un parti nazi ni le mythe d’une race autochtone !

      Faut-il donc les assimiler ou « respecter les diversités culturelles » ? Inepte faux choix. Nous ne pouvons plus assimiler personne : ni la jeunesse, ni les travailleurs français, ni même les provinciaux ou vieilles minorités ethniques (Corses, Bretons, etc.) car Paris, ville détruite, a perdu son rôle historique qui était de faire des Français. Qu’est-ce qu’un centralisme sans capitale ? Le camp de concentration n’a créé aucun Allemand parmi les Européens déportés. La diffusion du spectacle concentré ne peut uniformiser que des spectateurs. On se gargarise, en langage simplement publicitaire, de la riche expression de « diversités culturelles ». Quelles cultures ? Il n’y en a plus. Ni chrétienne ni musulmane ; ni socialiste ni scientiste. Ne parlez pas des absents. Il n’y a plus, à regarder un seul instant la vérité et l’évidence, que la dégradation spectaculaire-mondiale (américaine) de toute culture.

      Ce n’est surtout pas en votant que l’on s’assimile. Démonstration historique que le vote n’est rien, même pour les Français, qui sont électeurs et ne sont plus rien (1 parti = 1 autre parti ; un engagement électoral = son contraire ; et plus récemment un programme — dont tous savent bien qu’il ne sera pas tenu — a d’ailleurs enfin cessé d’être décevant, depuis qu’il n’envisage jamais plus aucun problème important. Qui a voté sur la disparition du pain ?). On avouait récemment ce chiffre révélateur (et sans doute manipulé en baisse) : 25 % des « citoyens » de la tranche d’âge 18-25 ans ne sont pas inscrits sur les listes électorales, par simple dégoût. Les abstentionnistes sont d’autres, qui s’y ajoutent.

      Certains mettent en avant le critère de « parler français ». Risible. Les Français actuels le parlent-ils ? Est-ce du français que parlent les analphabètes d’aujourd’hui, ou Fabius (« Bonjour les dégâts ! ») ou Françoise Castro (« Ça t’habite ou ça t’effleure ? »), ou B.-H. Lévy ? Ne va-t-on pas clairement, même s’il n’y avait aucun immigré, vers la perte de tout langage articulé et de tout raisonnement ? Quelles chansons écoute la jeunesse présente ? Quelles sectes infiniment plus ridicules que l’islam ou le catholicisme ont conquis facilement une emprise sur une certaine fraction des idiots instruits contemporains (Moon, etc.) ? Sans faire mention des autistes ou débiles profonds que de telles sectes ne recrutent pas parce qu’il n’y a pas d’intérêt économique dans l’exploitation de ce bétail : on le laisse donc en charge aux pouvoirs publics.

      Nous nous sommes faits américains. Il est normal que nous trouvions ici tous les misérables problèmes des USA, de la drogue à la Mafia, du fast-food à la prolifération des ethnies. Par exemple, l’Italie et l’Espagne, américanisées en surface et même à une assez grande profondeur, ne sont pas mélangées ethniquement. En ce sens, elles restent plus largement européennes (comme l’Algérie est nord-africaine). Nous avons ici les ennuis de l’Amérique sans en avoir la force.

      Il n’est pas sûr que le melting-pot américain fonctionne encore longtemps (par exemple avec les Chicanos qui ont une autre langue). Mais il est tout à fait sûr qu’il ne peut pas un moment fonctionner ici. Parce que c’est aux USA qu’est le centre de la fabrication du mode de vie actuel, le cœur du spectacle qui étend ses pulsations jusqu’à Moscou ou à Pékin ; et qui en tout cas ne peut laisser aucune indépendance à ses sous-traitants locaux (la compréhension de ceci montre malheureusement un assujettissement beaucoup moins superficiel que celui que voudraient détruire ou modérer les critiques habituels de « l’impérialisme »). Ici, nous ne sommes plus rien : des colonisés qui n’ont pas su se révolter, les béni-oui-oui de l’aliénation spectaculaire. Quelle prétention, envisageant la proliférante présence des immigrés de toutes couleurs, retrouvons-nous tout à coup en France, comme si l’on nous volait quelque chose qui serait encore à nous ? Et quoi donc ? Que croyons-nous, ou plutôt que faisons-nous encore semblant de croire ? C’est une fierté pour leurs rares jours de fête, quand les purs esclaves s’indignent que des métèques menacent leur indépendance !

      Le risque d’apartheid ? Il est bien réel. II est plus qu’un risque, il est une fatalité déjà là (avec sa logique des ghettos, des affrontements raciaux, et un jour des bains de sang). Une société qui se décompose entièrement est évidemment moins apte à accueillir sans trop de heurts une grande quantité d’immigrés que pouvait l’être une société cohérente et relativement heureuse. On a déjà fait observer en 1973 cette frappante adéquation entre l’évolution de la technique et l’évolution des mentalités :

      « L’environnement, qui est reconstruit toujours plus hâtivement pour le contrôle répressif et le profit, en même temps devient plus fragile et incite davantage au vandalisme. Le capitalisme à son stade spectaculaire rebâtit tout en toc et produit des incendiaires. Ainsi son décor devient partout inflammable comme un collège de France. »

      Avec la présence des immigrés (qui a déjà servi à certains syndicalistes susceptibles de dénoncer comme « guerres de religions » certaines grèves ouvrières qu’ils n’avaient pu contrôler), on peut être assurés que les pouvoirs existants vont favoriser le développement en grandeur réelle des petites expériences d’affrontements que nous avons vu mises en scène à travers des « terroristes » réels ou faux, ou des supporters d’équipes de football rivales (pas seulement des supporters anglais).

      Mais on comprend bien pourquoi tous les responsables politiques (y compris les leaders du Front national) s’emploient à minimiser la gravité du « problème immigré ». Tout ce qu’ils veulent tous conserver leur interdit de regarder un seul problème en face, et dans son véritable contexte. Les uns feignent de croire que ce n’est qu’une affaire de « bonne volonté antiraciste » à imposer, et les autres qu’il s’agit de faire reconnaître les droits modérés d’une « juste xénophobie ». Et tous collaborent pour considérer cette question comme si elle était la plus brûlante, presque la seule, parmi tous les effrayants problèmes qu’une société ne surmontera pas. Le ghetto du nouvel apartheid spectaculaire (pas la version locale, folklorique, d’Afrique du Sud), il est déjà là, dans la France actuelle : l’immense majorité de la population y est enfermée et abrutie ; et tout se serait passé de même s’il n’y avait pas eu un seul immigré. Qui a décidé de construire Sarcelles et les Minguettes, de détruire Paris ou Lyon ? On ne peut certes pas dire qu’aucun immigré n’a participé à cet infâme travail. Mais ils n’ont fait qu’exécuter strictement les ordres qu’on leur donnait : c’est le malheur habituel du salariat.

      Combien y a-t-il d’étrangers de fait en France ? (Et pas seulement par le statut juridique, la couleur, le faciès.) Il est évident qu’il y en a tellement qu’il faudrait plutôt se demander : combien reste-t-il de Français et où sont-ils ? (Et qu’est-ce qui caractérise maintenant un Français ?) Comment resterait-il, bientôt, de Français ? On sait que la natalité baisse. N’est-ce pas normal ? Les Français ne peuvent plus supporter leurs enfants. Ils les envoient à l’école dès trois ans, et au moins jusqu’à seize, pour apprendre l’analphabétisme. Et avant qu’ils aient trois ans, de plus en plus nombreux sont ceux qui les trouvent « insupportables » et les frappent plus ou moins violemment. Les enfants sont encore aimés en Espagne, en Italie, en Algérie, chez les Gitans. Pas souvent en France à présent. Ni le logement ni la ville ne sont plus faits pour les enfants (d’où la cynique publicité des urbanistes gouvernementaux sur le thème « ouvrir la ville aux enfants »). D’autre part, la contraception est répandue, l’avortement est libre. Presque tous les enfants, aujourd’hui, en France, ont été voulus. Mais non librement ! L’électeur-consommateur ne sait pas ce qu’il veut. Il « choisit » quelque chose qu’il n’aime pas. Sa structure mentale n’a plus cette cohérence de se souvenir qu’il a voulu quelque chose, quand il se retrouve déçu par l’expérience de cette chose même.

      Dans le spectacle, une société de classes a voulu, très systématiquement, éliminer l’histoire. Et maintenant on prétend regretter ce seul résultat particulier de la présence de tant d’immigrés, parce que la France « disparaît » ainsi ? Comique. Elle disparaît pour bien d’autres causes et, plus ou moins rapidement, sur presque tous les terrains.

      Les immigrés ont le plus beau droit pour vivre en France. Ils sont les représentants de la dépossession ; et la dépossession est chez elle en France, tant elle y est majoritaire et presque universelle. Les immigrés ont perdu leur culture et leurs pays, très notoirement, sans pouvoir en trouver d’autres. Et les Français sont dans le même cas, et à peine plus secrètement.

      Avec l’égalisation de toute la planète dans la misère d’un environnement nouveau et d’une intelligence purement mensongère de tout, les Français, qui ont accepté cela sans beaucoup de révolte (sauf en 1968) sont malvenus à dire qu’ils ne se sentent plus chez eux à cause des immigrés ! Ils ont tout lieu de ne plus se sentir chez eux, c’est très vrai. C’est parce qu’il n’y a plus personne d’autre, dans cet horrible nouveau monde de l’aliénation, que des immigrés.

      Il vivra des gens sur la surface de la terre, et ici même, quand la France aura disparu. Le mélange ethnique qui dominera est imprévisible, comme leurs cultures, leurs langues mêmes. On peut affirmer que la question centrale, profondément qualitative, sera celle-ci : ces peuples futurs auront-ils dominé, par une pratique émancipée, la technique présente, qui est globalement celle du simulacre et de la dépossession ? Ou, au contraire, seront-ils dominés par elle d’une manière encore plus hiérarchique et esclavagiste qu’aujourd’hui ? Il faut envisager le pire, et combattre pour le meilleur. La France est assurément regrettable. Mais les regrets sont vains.

      Guy Debord, 1985

      Source : Guy Debord, Œuvres complètes , Gallimard, 2006, p. 1588-1591.

    • Ce texte de Debord est puant d’ambiguïtés et de condescendance. Rien d’étonnant à ce que les xénophobes du Lys noir et d’E&R puisse le reprendre tel quel sans que cela ne leur pose de problème idéologique.

    • à ce jour, le principal reproche que je fais au texte de Debord, c’est d’apparaître tout de même comme cruellement daté, et de relever d’une lecture de la question du racisme au sein de laquelle la blancheur n’est pas une catégorie politique , le racisme n’est pas conçu comme un système de rapports sociaux de domination , bref, l’approche de la question n’y est pas matérialiste pour deux sous.
      Il se trouve que de tels manques théoriques abyssaux caractérisent justement tous les écrits publiés sur Mondialisme et par Y. Coleman à propos du racisme aujourd’hui.

      Que Mondialisme choisisse d’interpréter en compagnie de quelques nazillons ce texte comme « raciste » (même si c’est pour le condamner) tout en s’en tenant lui-même à une semblable misère théorique (dont seuls des blancs peuvent se contenter dans cette affaire) pose à mes yeux un problème autrement plus actuel et urgent que le constat de limites similaires chez un Debord il y a trente ans - limites qui étaient alors aussi celles de l’ensemble de l’antiracisme blanc.

      Que Mondialisme essaie grossièrement de donner de la sorte des gages du sérieux et de la radicalité (se payer Debord, ça en jette encore) de son anti-racisme abstrait, moral et assurément très blanc me paraît digne d’être relevé.

      Les termes en lesquels ces gens tiennent à voir abordée la question sont désormais dépassés. Pour parler en langage marxiste, il y a déjà pas mal d’années que leur critique a commencé de sentir le pourri.

    • D’autant que ceux qui lisent vraiment ce qu’écrit Y.C. depuis 13 ans sur le sujet savent très bien qu’il n’est ni « pro-israélien » ni sioniste (c’est marrant d’ailleurs parce que Lieux communs par exemple considère qu’il serait plutôt pro-Hamas et pro-islamiste !).

    • Donc Y.C. qui n’est pas « blanc », en fait l’est ; et @martin5 qui l’est peut-être, ne l’est pas ! Une chatte n’y retrouverait pas ses petits comme disait ma grand-mère. Et en terme d’abstraction vous vous posez là !

    • @Rubber

      J’ai parlé de la blancheur comme catégorie politique, et de rapports sociaux de domination.

      Que vous le vouliez ou non, vous êtes tout comme moi, Coleman et qui que ce soit pris au sein de ces rapports. Et ni vous ni lui ni moi n’avons le pouvoir de nous en abstraire magiquement.

      L’antiracisme blanc n’est même pas une moitié d’antiracisme. C’est d’abord et surtout un discours de dominant au sein des rapports sociaux de domination de race. En premier lieu, c’est son confortable soliloque que les prises de paroles des racisé-e-s menacent.

      Faites avec, ou pas : c’est à vous de voir ce que vous voulez faire. Personne ne le fera à votre place.

    • @anarchosyndicalisme : on ne tolère pas l’"insulte ad personam" dans vos fils ? Je comprends, ça a l’air bien plus grave que l’argumentum ad personam ou la simple insulte ! Ce qui m’étonne, par contre, c’est qu’en plus du zeste de cuistrerie, on y tolère néanmoins l’anathème, la citation tronquée et la censure à la petite semaine avec la bonne conscience libertaire en sautoir. Manifestement je me suis égaré en venant ici, je change donc de file. Bonne continuation dans votre voie.

  • CHOMEURS, ADOPTEZ UN MILLIONNAIRE http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article762

    Malgré tous les engagements, malgré toutes les promesses, mois après mois le flot des demandeurs d’emploi ne cesse de gonfler. Chaque mois, on nous rejoue la même musique : patience, patience, la reprise est proche, serrez-vous encore un peu la ceinture, elle va venir, les chiffres montrent un frémissement…

    PLUS DE 3,5 MILLIONS DE CHÔMEURS

    Il faut pourtant reconnaître que ce gouvernement qu’il ne ménage pas ses efforts pour... plaire aux patrons. Petits ou grands, ils n’ont jamais eu droit à tant de considération. Jamais ils n’ont été autant écoutés, financés. Sous prétexte de les inciter à embaucher, l’État leur accorde des diminutions de charges, des crédits supplémentaires et rogne les maigres droits des salariés. Mais les patrons n’embauchent pas. Ingrats ! Pourquoi le feraient-ils ? L’augmentation incessante de la productivité (dégagée par les nouvelles technologies mais aussi par la pression exercée sur les salariés) dégage des marges confortables. Et, comme les pouvoirs publics eux aussi licencient, certes plus indirectement (par exemple en coupant les subventions aux associations) ou ne remplacent pas certains départs en retraite, le chômage a encore de très beaux jours devant lui. On a passé la barre des 3 500 000 chômeurs !

    Si on ne peut supprimer le #chômage, qu’on supprime les chômeurs ! L’idée n’est pas nouvelle. Aussi, les conditions pour toucher ses droits sont, d’année en année, plus restrictives. C’est que le statut de demandeur d’emploi serait trop attractif, qu’il faut donc pousser énergiquement le chômeur à rechercher des emplois. S’il n’en trouve pas, c’est qu’il ne cherche pas assez, c’est de sa faute. Pour continuer à percevoir ses allocations, le chômeur doit prouver de manière indubitable qu’il se démène. #Pôle_Emploi, de son côté, va essayer de montrer l’inverse. Un oubli ? Une erreur ? Le chômeur est rayé des listes. Un de moins.

    Trouver les bonnes informations à Pôle Emploi (par exemple sur les droits rechargeables) s’apparente au parcours du combattant. Il faut dire que la charge de travail des employés de Pôle Emploi s’est considérablement accrue et leur rôle a été fortement modifié. Maintenant, c’est remplir des colonnes, cocher des cases, de manière à ce que la direction décide du sort de tel ou tel demandeur. La radiation est devenu un acte purement mécanique (ce qui est la définition même du « crime de bureau ») et l’avis des employés de Pôle Emploi n’est jamais sollicité. Résultat :le nombre des radiations flambe.

    Le prétexte officiel est la « lutte contre la fraude ». Le pauvre, c’est bien connu, fraude. Le riche, lui, ne fraude pas. Il se trompe éventuellement. Il oublie. Il oublie de payer ses impôts. Il oublie qu’il a un compte dans un paradis fiscal. Il oublie de payer les cotisations sociales. Le riche, c’est bien connu, a trop de soucis pour s’occuper de choses matérielles aussi basses. Entre ce qu’il oublie de verser aux impôts (80 milliards par an) et ce qu’il oublie de verser aux Urssafs (20 milliards), il escroque, à l’insu de son plein gré nous affirme-t-il, la somme astronomique de… 100 milliards chaque année. Et, l’État, comme c’est ballot, ne met que de minuscule moyens pour les récupérer, ces 100 milliards. Il est tellement occupé à radier des chômeurs. Il ne peut tout faire.

    PLUS DE 2,2 MILLIONS DE MILLIONNAIRES

    L’accumulation d’autant d’escroqueries, d’autant d’exploitation des salariés, d’autant de destruction de la nature (productivité oblige) a une conséquence : le nombre de millionnaires ne cesse d’augmenter. La barre de 2 200 000 millionnaires a été allégrement passée en France, faisant de notre pays la troisième réserve mondiale naturelle de cette espèce (après les États-Unis et le Japon).

    Puisque ni la multiplication des cadeaux aux patrons ni les efforts des têtes pensantes de Pôle Emploi pour radier les chômeurs ne font baisser le chômage. Puisque rien ne marche, osons proposer une solution innovante, moderne. Le calcul est simple : moins de quatre millions de chômeurs, plus de deux millions de millionnaires. Il suffirait que les chômeurs, par paire, adoptent un millionnaire et s’installent confortablement chez lui pour que le problème soit, enfin, résolu.

    #économie

    @anarchosyndicalisme ! n°145
    http://seenthis.net/messages/387250

  • Table-ronde #régionalisme
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article758

    Pendant un peu plus de deux heures, de nombreux points ont été soulevés au cours de cette table ronde organisée durant les "Premières Journées Iconoclastes", tant entre les intervenants qu’avec le public. Deux sont rapportés et commentées ici.

    #LANGUE ET #NATIONALISME

    Passe-t-on nécessairement de la défense d’une langue à une revendication nationaliste ? Si oui, comment ? Ce furent des questions de cette table ronde.

    Tout d’abord, un intervenant a souligné que les langues (régionales ou pas) n’étaient pas le problème. Il a rappelé que dans les années 70, le bulletin de l’Union locale de Toulouse de la #CNT-AIT (« La Castagne ») avait une page en languedocien sans que cela pose quelque problème que ce soit à qui que ce soit. C’est en constatant que cette langue était utilisée par certains dans un but nationaliste que cette page avait été abandonnée. Il est dommage qu’à l’époque, cette évolution n’ait pas été analysée, a conclu cet intervenant.

    Le débat a ensuite oscillé entre deux grandes opinions. Celle exprimée par Y. Coleman pour lequel la défense d’une langue régionale contient en germe une revendication nationaliste et celle, à l’autre pôle du débat, soutenue par #Eric_Fraj.

    Eric Fraj s’affirme occitaniste en soulignant qu’il l’est comme d’autres sont germanistes, hispanistes (ce qu’il est lui-même également d’ailleurs). Pour le dire avec une pointe d’humour, l’intérêt qu’il porte à la langue ne le conduit pas plus à une revendication nationaliste occitaniste que la passion pour les cultures antiques ne conduit habituellement un prof de latin à revendiquer la résurrection de l’empire romain.

    Diverses situations ont été ensuite exposées. Arrêtons-nous sur les deux exemples les plus opposés, ceux offerts par les langues tsiganes et l’hébreu.

    Les utilisateurs des langues tsiganes n’expriment pas (à notre connaissance et à ce jour) de revendications nationalistes ou territoriales.

    Peut-être est-ce parce que ces langues sont extrêmement vivantes (vivaces mêmes) et qu’elles évoluent (c’est-à-dire qu’elles apparaissent, se modifient et disparaissent) en permanence au contact des langues entre lesquelles elles vivent. Ainsi, le calo (provenant du sanscrit), parlé par les gitans de l’ouest du bassin méditerranéen connaît-il des variantes castillanes, portugaises, catalanes, brésiliennes et même basques (erromintxela). Il y eut, paraît-il, un calo occitan qui aurait disparue. On peut penser (je n’en sais pas plus que pour la version occitane) qu’il y a eu une version arabe (gitans d’Afrique du Nord).

    L’autre caractéristique des langues tsiganes c’est qu’elles meurent sans jamais faire l’objet d’une « lutte » pour leur défense (exemple  : le Yéniche) tandis que d’autres langues apparaissent sous nos yeux, l’air de rien. Ainsi en sera-t-il peut-être de ce qu’on appelle maintenant « l’argot voyageur », qui se construit à partir du français et qui est déjà plus, à mon avis, qu’un argot puisqu’il possède non seulement un vocabulaire en propre mais des structures syntaxiques différentes du français. Peut-être deviendra-t-il une langue « reconnue » ?

    Situation bien différente avec l’hébreu. Lors de la création de l’État d’Israël, alors que les populations juives qui arrivaient parlaient diverses langues chargées d’histoires (judéo-espagnol) et de luttes sociales (yiddish), le pouvoir choisit de ressusciter (quasiment) l’hébreu et de l’imposer comme langue nationale au détriment de toute autre. La force du nationalisme israëlien peut en partie s’expliquer par ce choix. Comme l’a indiqué Fr. Morvan, le mouvement nationaliste breton (pour antisémite qu’il puisse être) voit dans cette expérience un exemple à suivre, puisqu’il montre qu’on peut imposer, avec une forte volonté politique, une langue unifiée à une population et que cela peut servir de base à un nationalisme ardent.

    Au total, ces deux exemples fournissent peut-être un élément de réponse à la question « quand passe-t-on de la revendication linguistique au nationalisme ?  » C’est peut-être bien quand on commence à fixer la langue, à l’homogénéiser, à l’unifier, à l’imposer quand on commence à stériliser la créativité populaire, c’est peut-être lorsqu’apparaissent les académies, les instituts, les normalisateurs de tous poils.

    Nous retrouvons ici les observations d’Eric Fraj qui constate le fossé existant entre les « parlers occitans encore vivants » et l’occitan normalisé officiel et celles de Fr. Morvan qui a souligné que la bretonisation forcée était si avancée qu’en pays Gallo (et donc n’ayant jamais, au grand jamais parlé breton) la toponymie réelle (les noms de lieux, de rivière…) est effacée et changée par des noms « celtiques » ou supposés tels. Dans les deux cas, c’est d’une véritable rupture avec les couches populaires qu’il s’agit, une rupture qui offre aux revendication nationaliste un socle linguistique sur lequel s’appuyer.

    L’exemple français n’a été que peu abordé au cours du débat, mais il serait probablement judicieux d’étudier en profondeur les répercussions de la normalisation de la langue française sur le nationalisme français (si quelque lecteur connaît le sujet, qu’il n’hésite pas à nous faire part de ses connaissances  !). Contentons-nous de remarquer pour l’instant qu’un très puissant outil de normalisation linguistique a été mis en place sous la monarchie puisque c’est Louis XIII qui a créé l’Académie française (1634) avec pour principal objectif d’éditer un dictionnaire officiel. Cette normalisation de la langue s’est accompagnée immédiatement d’une mise au pas des régions [1] ouvrant ainsi la voie à la monarchie absolue (Louis XIV) reposant sur un pouvoir absolu centralisé (ce que les régionalistes, habituellement braqués contre la Révolution française, veulent ignorer). collusion.

    L’intrication entre revendication linguistique, ethnorégionale, économie et pouvoir a fait l’objet également de plusieurs échanges, qui reflètent pour partie ceux rapportés ci-dessus.

    Ainsi E. Fraj a-t-il souligné que, pour lui, ces liens n’existaient pas forcément. Qu’ils n’existaient pas, par exemple, dans le mouvement occitan de l’immédiat « après 68 » qui portait (et était porté) par des valeurs populaires, sociales. Le slogan de l’époque «  Ome d’oc, as dreit a la parola, parla  » (graphie non normalisée) est à entendre comme le droit de chacun à s’exprimer dans sa langue habituelle, sans qu’il en ait « honte » et, en l’occurrence, pour les vignerons, paysans (et certains citadins) qui, dans les années 70 les parlaient encore couramment, dans les langues d’oc.

    Dans l’exemple breton, l’interpénétration est constante et massive. Les preuves apportées par Fr. Morvan à propos du CEDIB, de l’Institut de Locarn, du Conseil régional, des syndicats… sont irrécusables. Il peut y avoir des divergences entre les différents acteurs, mais la balle revient toujours « au centre ». Ainsi, quelques jours à peine après les Journées iconoclastes, les éleveurs de porc breton se mobilisaient contre «  La grande distribution [qui] casse les prix  » si bien que « … nous sommes tous étranglés  » et attaquaient des super-marchés  : déversement de fumier, de gravats, incendies… ce qui n’empêchait pas les représentants des 25 500 éleveurs bretons (parmi lesquels il doit bien y avoir les « étranglés » en question) de se réunir bien gentiment avec les patrons de Produit en Bretagne [2] (qui regroupe aussi les patrons bretons, champions de la grande distribution) tout en se tournant vers le ministre (français) de l’Agriculture pour qu’il résolve le problème. Ce qu’il a fait à la vitesse grand V. Dans les faits, le pouvoir « français » soutien les lobbys bretons. Ainsi il verse, rien que pour l’enseignement du breton, 23 millions d’euros par an. Une vérité que les autonomistes ne crient pas très haut… pas plus que celle concernant Notre-Dame-des-Landes.

    #NOTRE-DAME-DES-LANDES, NÉCESSAIRE À L’INDÉPENDANCE

    L’obstination du gouvernement à maintenir le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes s’explique en effet par cette collusion entre l’État français et le lobby patronal breton. L’État français dispose de suffisamment d’aéroports pour satisfaire ses besoins économiques. Les opposants à l’aéroport n’ont pas manqué de le souligner. La création d’un énorme aéroport à NDDL, disent-ils, est aberrante car ne répondant à aucun besoin. C’est oublier le besoins du futur État régional breton !

    Le lobby patronal breton exporte dans le monde entier sa production de basse qualité. Poulets industriels, porcs en batterie, chips de betterave… sont quotidiennement expédiés, par tonnes au Moyen-Orient, en Chine, au Maghreb. Actuellement ces produits de l’agriculture industrielle sont exportés par les infrastructures de l’Etat français, en particulier les aéroports. Mais, si on prend en compte la perspective autonomiste, alors on comprend tout : Notre-Dame-des-Landes a un intérêt stratégique majeur pour le lobby patronal breton, qui veut avoir sous son contrôle au moins un aéroport international. L’aéroport de #NDDL est nécessaire – et peut-être même indispensable - à l’indépendance bretonne.

    Certes, il y a des bretonnants parmi les opposants, quelques drapeaux bretons… mais, comme pour les éleveurs de porc, la balle est au «  centre ». Comme toujours, comme l’Église catholique dont c’est la grande spécialité [3] et qui lui sert de modèle, le mouvement breton garde toujours plusieurs fers au feu. Le mouvement breton est un spécialiste de ce double jeu . La logique poursuivie est celle de «  l’Europe des peuples et des nations  » qui cherche à faire éclater les États-nations actuels pour achever la dérégulation du travail (déjà en cours dans les États nationaux). Le patronat pense en effet que cela sera plus facile pour lui dans des cadres géographiques plus étroits auxquels on peut facilement donner une « identité » forte . Un intervenant a souligné que faire disparaître les États nationaux n’était pas pour déplaire aux libertaires, mais qu’évidemment la création d’États -Région pour remplacer les précédents ne ferait que déplacer les problèmes (et accroître les inégalités sociales d’une région à l’autre tout en tirant l’ensemble vers le bas).

    Reste la question – comme pour les langues – de savoir si ce processus évolutif est inexorable. La réponse, pour l’instant, me semble être une réponse de… Normand. Quel est, par exemple, le degré d’intrication du mouvement occitan avec le patronat ? Il semble bien plus faible qu’en Bretagne, peut-être parce que le patronat local est moins puissant ici que là et que, surtout, les dirigeants des grosses industries (Airbus, aérospatiale…) sont européens. Par contre, l’intrication avec les « politiques », avec les pouvoirs publics locaux, est déjà loin d’être négligeable. On est en droit d’y voir une sorte de « doigt dans l’engrenage ».

    [1] Le duc de Montmorency, bien que familier du roi, pour avoir voulu s’y opposer, laissa la tête - au sens propre du terme - dans la cour du Capitole un jour de 1632.

    [2] Le Télégramme (quotidien breton) «  Élevage, l’avenir appartient aux Bretons  », 25 juin 2015.

    [3] Jamais, de toute son histoire, l’Église n’a mis tous ses œufs dans le même panier. Elle est toujours massivement du côté du plus fort, mais en prenant soin de laisser systématiquement quelques prêtres, quelques religieux dans l’autre bord. Si bien que, quand la tendance se renverse, il y a toujours des représentants de l’Église bien placés.

    #journées_iconoclastes

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  • 1 74 09 99 192.168.0.1
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    Je suis 1 74 09 99 192.168.0.1. Je risque 5 ans de prison et 40 000 euros d’amende parce que je suis lecteur et solidaire de la presse libre…

    Je suis 1 74 09 99 192.168.0.1. Parce que ce sont des traces numériques que le grand filet de la surveillance a relevées, des traces d’appareils électroniques.

    Je suis 1 74 09 99 192.168.0.1. Parce que je suis un parmi d’autre, des femmes et des hommes, qui ont plus à craindre qu’à espérer de l’action de l’État.

    Je suis celui qui « faisait l’apologie de la violence » [1], qui rédige le « vade-mecum du parfait casseur » [2]. Pour les 755 000 lecteurs et lectrices de la Dépêche je serai toujours «  un homme de 40 ans, qui avait incité sur un site internet à commettre davantage de casses… » [3]. Et ce, au mépris d’un certain nombre de règles légales, la présomption d’innocence par exemple. Mais combien cela me coûterait-il de porter plainte  ? Pour quel résultat au final  ? Est-ce que cette justice qui m’attaque est capable de me défendre  ? J’en doute.

    Je suis 1 74 09 99 192.168.0.1. La police est venue me chercher à 6 h 30 du matin. J’ai passé 10 heures dans une geôle qui sentait l’urine, ils ont menacé de venir chercher mon fils au lycée, de m’inculper pour apologie de terrorisme… Parce que je lis et que je soutiens la presse libre.

    Presse libre parce que libérée des intérêts marchands. Presse libre parce que diverse et déterminée, ancrée localement au plus près des luttes. Une presse qui ne me dit pas quoi penser mais qui me donne à voir, à comprendre, en prenant clairement position. L’espace médiatique est la grande scène où se situent les scènes principales de la vie collective ; elle les compose et elle les reflète [4].

    Sans ces sites internet, ces radios libres, ces journaux, il y a tout un tas de choses que je n’aurais sans doute jamais sues. Quelques exemples : Bilal Nzohabonayo tué par la police et qui a été présenté tout d’abord comme djihadiste, c’est grâce au travail du site le Rotative.info que la version policière sera démentie ; les circonstances réelles de la mort de Rémi F. sont révélées dans leur intégralité par Reporterre avant que cela soit admis officiellement ; la grève de Radio France en février qui annonçait la plus longue grève de la radio publique de son histoire a été relayée sur Canal Sud et d’une manière générale, ce sont des médias libres qui relaient les paroles des personnes qui luttent. La richesse et la diversité de cette presse est incommensurable. Si je n’ai plus la presse libre je deviens à moitié aveugle. Mon monde n’est plus exprimé que par des artistes et des journalistes, des économistes et des experts, avec qui j’ai, socialement, peu de chose à voir. Cette presse-là, ne me donne pas de prise sur le monde qui m’entoure. Au contraire, cette information me le rend distancié, flou, parce que sans correspondance avec ma vie et mes préoccupations. Comme si ce que je vivais n’avait pas de consistance collective. Le monde semble vivre à mille lieux de mon expérience concrète, du chômage, de la précarité, de l’injustice que je constate autour de moi.

    À la façon des lunettes, les journaux fabriquent des non-vu à partir duquel le monde est vu [5].

    Ces derniers mois ont eu lieu de nombreuses manifestations à Toulouse. Systématiquement la presse locale et nationale a titré sur les « violences », le verre brisé, les courses-poursuites. Ça manquait cruellement de certains détails. J’ai vu 500 policiers pour 300 manifestant.e.s, j’ai vu la violence et le mépris vis-à-vis de tout ce qui ne portait pas d’uniforme. J’ai vu des hommes cagoulés, armés, bloquer des rues. J’ai vu des citadin.ne.s gazé.e.s sans distinction. J’ai vu les condamnations judiciaires pleuvoir sur des personnes arrêtées au hasard. J’ai vu les entorses à la procédure. J’ai vu la violence du maintien de l’ordre.

    Je n’ai rien lu de tout cela dans la presse dominante [6]. Il n’y a que la presse libre qui s’en est fait le relais. C’est seulement là que j’ai perçu que je n’étais pas seul à être scandalisé et en colère. Au bout de ces mois d’occupation policière et de procès expéditif, comme si cela ne suffisait pas, je me retrouve moi aussi pris dans la machine judiciaire.

    Je sais que mon cas n’est pas isolé. Je sais que beaucoup, qui comme moi, luttent pour un monde débarrassé de l’exploitation et des dominations, connaissent la prison, les vexations, les mutilations… Je sais que beaucoup, parce qu’ils et elles sont au mauvais endroit au mauvais moment, parce qu’ils et elles ont la «  mauvaise  » couleur de peau, le mauvais passeport, parce qu’ils et elles sont pauvres, connaissent aussi la prison, les vexations, les mutilations…

    Je sais que ce système repose sur une part non négligeable de violence légale. Je le sais parce que je le vis, mais aussi parce que je peux connaître des cas semblables, savoir ce que beaucoup vivent. Parce que je lis la presse libre.

    Est-il donc absolument impossible d’opposer aux puissances de l’élimination l’organisation des éliminés ? [7]

    Ces sites, ces radios, ces journaux sont une organisation concrète des éliminé.e.s, des exploité.e.s, des dominé.e.s, des opprimé.e.s. Et c’est pour ça qu’on les attaque, qu’on veut les faire taire.

    Je suis 1 74 09 99 192.168.0.1. Je risque 5 ans de prison et 40 000 euros d’amende pour faire taire la solidarité et la presse libre !

    [1] La Dépêche 8 mai 2015 p. 21.

    [2] 20 minutes.fr en ligne le 07 mai 2015

    [3] La dépêche op.cit.

    [4] G. Balandier, Le pouvoir sur scènes, Paris, Fayard, 2006, p. 163.

    [5] Patrick Champagne, Faire l’opinion  : le nouveau jeu politique, Pa-ris, les Éd. de Minuit, coll. « Le Sens commun », 1990, p. 244.

    [6] Avec quelques exceptions notables

    [7] B. Brecht Théorie de la radio 1932 La radio appareil de communication. Discours sur la fonction de la radio.

    #Justice/#Injustice

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  • Autour de #Ethnorégionalisme & #Ultralibéralisme : La Bretagne pour laboratoire
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article759

    Autonomiste  ? Culturel  ? Indépen-dantiste  ? Gastronomique  ? Na-tionaliste ? Musical ? D’extrême-gauche ? De droite ? D’extrême-droite ? Du centre ? D’«  ailleurs  »  ?... Mais qu’est donc, où se situe ce fameux mouvement breton  ?

    Eh bien, il est à la fois tout cela. A la fois de «  gauche  » sans cesser d’être d’extrême-droite ; et tout autant autonomiste violent que régionaliste doux. C’est ce qui fait sa force (et son danger) : il dispose de toutes les cartes. Il les abat selon les circonstances. Mais, pour protoplasmique qu’il soit, le mouvement a un cerveau, et un seul : le patronat.

    L’ÉTERNEL RETOUR VERS L’AGE D’OR

    Commençons par la mythologie. Il fut un âge d’or pour la Bretagne. Celui de « nos bons maîtres ». Tout était alors comme Dieu l’avait créé. L’air était vivifiant, la race pure. Les nobles dirigeaient, c’était leur rôle. Les curés contrôlaient, c’était le leur. Et les paysans crevaient de faim. Mais ça ce n’est qu’un détail, comme dirait le plus célèbre des Bretons actuels. Survint alors un grand malheur (la Révolution française) suivi d’une invention satanique : l’école laïque. La masse paysanne commença à s’émanciper de la tutelle de l’Église, à comprendre que son ennemi c’était son maître… Tout était donc à recommencer.

    Passons maintenant à l’histoire. La Première guerre mondiale à peine achevée, un minuscule groupe, Brez Atao (Bretagne toujours), voit le jour. Son slogan ? « Nous ne sommes pas Français, nous sommes Celtes ». La race comme étendard, donc. Premier objectif de nos Celtes : purifier la langue, trop riche en mots venus du français. On l’expurge. Et comme il faut bien remplacer les mots excommuniés, on en importe du Pays de Galles. Une nouvelle langue bretonne naît, une nov-langue. Elle n’a jamais été parlée dans l’histoire. Et alors ? Elle est parfaitement incompréhensible aux locuteurs natifs. Et alors ? L’Éducation nationale, dans sa cécité psychique, le Conseil régional dans sa soumission aux puissants, toutes les institutions, la diffusent et la présentent comme « historique ».

    Pour un croyant, il n’y a pas de hasard dans la vie. Pour Brez Atao encore moins. Sa naissance a lieu dans les locaux de l’Action française, les royalistes. Et Brez trouve rapidement un généreux « parrain » : le nazisme, au pouvoir en Allemagne. Alors, quand les hordes de « parrain » déferlent en Bretagne, Brez Atao exulte. Un nouvel âge d’or se profile. Brez proclame immédiatement l’Etat breton à Pontivy. Sa joie est de courte durée. L’impensable (pour Brez) se produit : des dizaines de petites vieilles narguent l’occupant nazi et viennent jeter des pierres sur les indépendantistes. Mortification supplémentaire pour Brez : elles sont en costume breton (quotidiennement porté à l’époque)… Les nazis, pragmatiques, demandent à Brez de ranger l’Etat breton dans le placard des accessoires mais n’abandonnent pas pour autant leur « filleul ». Ils s’en « occupent », et même bien. Sur leur ordre, l’orthographe bretonne est sur-unifiée. Un art national « Celte » est créé : la cornemuse est importée d’Ecosse, les bagads (cliques paramilitaires) sont inventés… Le kit commercial nationaliste se met en place. Les réseaux catholiques, présents dans le moindre village, la presse aux ordres (toute autre est interdite) diffusent cette « bretonitude » qui débouche sur la création d’un groupe de S.S. bien breton, la Formation Pérote.

    A la Libération, les nervis de «  Pérote  » fuient en Irlande (grâce à de faux passeports que leur fournit le responsable des régionalistes doux, un nommé Fouéré). Mais les réseaux ne disparaissent pas. Ils changent leur fusil d’épaule  : foin d’État breton, place maintenant à la «  culture  »… et à quelques coups de main, pour garder la forme (comme la prise de la sous-préfecture de Morlaix, en 1961).

    Reste que la population prend toujours Brez pour des charlots. Pour ne pas dire plus. Le discours royaliste ou nazi ne passe pas  ? On le change. Il devient subitement de gauche. « Anti-colonialiste » même. L’argument est simple  : puisque l’Algérie a pris son indépendance (1962), pourquoi la Bretagne ne la prendrait-elle pas ? Je vous le demande.

    C’est la grande époque des soi-disant «  bardes  » (Glen More, Alan Stivel...) et surtout celle de la Bible bretonne (l’autre Bible restant bien sûr en vigueur). Elle s’intitule «  Comment peut-on être breton ? ». Son auteur, Morvan Lebesque, nazi de la première heure (fondateur du Parti National-socialiste Breton et collaborateur de «  Je suis partout ») est maintenant devenu un grand homme de gauche (rédacteur au Canard enchaîné)… en gardant ses idées d’extrême-droite. Simple question d’habile habillage.

    Mais, ce n’est pas parce que le discours devient « de gauche » que les copains de droite ne continuent pas de soutenir ! Dans les années 1980, Giscard, Barre... créent une sorte de « ministère de l’identité bretonne » : l’Institut culturel de Bretagne. L’ICB parle au nom des gens et, sans surprise, les nationalistes en ont le contrôle.

    Brez se revendiquait d’une race. Après la Deuxième guerre mondiale, « parrain » ayant quelque peu compromis ce mot, le mouvement breton ne parle plus que d’ethnie. Depuis quelques années, ce terme commençant à sentir le roussi, il est remplacé par celui, fort en vogue, d’identité. Les mots changent. Ils sont bien les seuls.

    Reste un gros problème pour les tenants de la chose : cette fameuse identité bretonne, qu’il s’agit de défendre contre vents et marées, sur quoi repose-t-elle ?

    Sur la langue ? Impossible : plus de la moitié de la Bretagne n’a jamais parlé breton. Elle parlait gallo, une langue romane (que les nouveaux-Bretons entendent éliminer totalement). Quant à la nov-langue bretonne pas même 0,5 % des moins de 20 ans la parlent (malgré les fortunes dépensées pour la leur enfoncer dans la tête).

    Sur le drapeau ? Ridicule : il est apocryphe, inventé de toutes pièces en 1923 par Maurice Marchal (auto-rebaptisé Morvan Marchal pour faire plus local), un des fondateurs de Brez !

    Sur la musique alors ? Mais, elle est largement métissée et ni cornemuse ni bagad ne sont bretons (pas plus que la harpe dite celtique, bricolée par le père d’un « barde » pour les besoins de la cause).

    Sur la base des danses folkloriques alors ? Que nenni, ce sont des danses de la cour de France arrivées progressivement en Bretagne et reprises par les paysans. Bref, quand on fait le tour de la question, comme le note avec désespoir un sociologue du mouvement breton, il ne reste qu’un trait indéniablement breton : un goût très net pour le beurre salé. Bien que riche en cholestérol, c’est pauvre pour définir une « identité ».

    UN LOBBY PATRONAL ULTRALIBERAL

    «  A peine avais-je annoncé le thème de cette conférence, que j’ai reçu des critiques de partout : les capitalistes bretons, commente F. Morvan, seraient libéraux et non ultra-libéraux. ».

    Notons ce début d’aveu du mouvement breton qui déclare lui-même que ses capitalistes sont libéraux. Exit le mythe d’un patronat social (parce que catholique). Quant à savoir s’il est ultra-libéral, voyons voir.

    L’histoire va nous servir sur cette question aussi de fil rouge.

    Un premier réseau affairiste breton profite de l’occupation nazie pour se constituer. Toilettage obligatoire à la Libération et création, quelques années plus tard, du Comité d’étude et de défense des intérêts bretons, le CEDIB, pour « transcender les intérêts particuliers ».

    «  Transcender les intérêts particuliers », c’est aussi ce que prétendait faire le Front national lorsqu’il lance sa fameuse campagne « Ni de gauche, ni de droite, Français » [1]. Son pendant armoricain, le slogan « Ni de gauche, ni de droite, Breton  » a exactement la même signification. Au temps de sa splendeur, le CEDIB est une véritable armée. Il regroupe tout ce qui « compte » : tous les parlementaires de la région, tous les conseils généraux, les maires d’environ 1200 communes (dont ceux de toutes les grandes villes), les chambres de commerce et d’industrie, celles des métiers, les universités, le mouvement « culturel » et « linguistique » breton, la CGT, la CFDT, FO, la CFTC et bien sûr, le patronat qui tire les ficelles et obtient, pour lui et ses affidés «  culturels » de multiples avantages. C’est ce qu’on appellera dans les années 60 le « miracle économique breton », miracle qui, certainement par un affreux concours de circonstances, ne profita essentiellement qu’au patronat local.

    Sautons quelques années et arrivons-en à la décennie 80, période pendant laquelle le CEDIB disparaît et laisse progressivement place à des structures patronales interconnectées : le « Club des trente », « Produit en Bretagne » et « l’Institut de Locarn ». Concentrons-nous sur ce dernier.

    L’Institut de Locarn, fondé par un nommé Joseph Le Bihan, qui fut consultant de la DGSE (services secrets de l’Etat français - tiens donc), est mêlé à la pan-Europe (elle-même fort liée au Conseil de l’Europe). La pan-Europe n’affiche que de nobles objectifs : lutter contre le « communisme », liquider l’héritage de la Révolution française, imposer une Europe chrétienne sur base ethnique.

    Et il y a du monde avec l’Institut, que du beau linge : François Pineau (Pineau-Printemps-Redoute,…), Jean-Pierre Le Roch (Inter-Marché), J-J Hénaff (les pâtés), Patrick Le Lay (TF1), des dizaines d’autres… facile : le patronat le plus puissant de France est breton. Ajoutons-y les responsables de services publics, de sociétés d’économie mixte (EDF, Port autonome de Nantes-St-Nazaire,…) et ceux de coopératives agricoles (Coopagri)… les nouveaux bons maîtres de la Bretagne sont là. Ils ne manquent pas de thuriféraires (Poivre d’Arvor, le groupe Le Point, la quasi-totalité de la presse régionale et de l’audio-visuel).

    Last but not least, venons en maintenant à l’idéologie de l’Institut de Locarn (et donc de ses membres). Elle est limpide. Elle se rattache au modèle économique dit de l’Ecole autrichienne, celui-là même que mit en application le général Pinochet pour saigner les classes populaires du Chili : droit de faire de l’argent par tous les moyens, déréglementation totale du travail, suppression des syndicats, exploitation portée à son comble…

    Peut-on faire plus ultra-libéral ? Non. Françoise Morvan peut-elle qualifier le patronat breton d’ultra-libéral à bon droit ? Oui.

    LES DEUX FONT LA PAIRE

    Ethnorégionalisme d’un côté, lobby patronal de l’autre  ? Pas du tout ! Les deux font la paire. L’affaire des «  bonnets rouges  » l’illustre parfaitement.

    Acte premier : La décision

    La décision, c’est le CCIB qui la prend. Le « Comité de convergence des intérêts bretons », une créature patronale de plus. Avec un lieu et une date de naissance hautement symboliques. Toujours pas de hasard. Ça se passe à Pontivy, là-même où l’Etat Breton a été proclamé, un 18 juin. Une sorte d’appel à la résistance donc. Le CCIB prend tout de suite une décision : ne pas payer l’écotaxe. Cette mesure avait été votée pratiquement à l’unanimité par le parlement français, y compris par les députés en lien avec le patronat breton [2]. Aucune importance. Comme il leur faut justifier tout de même un peu cette décision, les patrons bretons prétendent qu’ils sont plus excentrés que les autres. Ça se discute. Excentrés par rapport à quoi d’ailleurs ? Mais bon, on va pas chipoter. L’Etat, bon prince, ne chipote pas non plus et réduit d’emblé l’écotaxe de 50 % pour la Bretagne. Mais là n’était pas le problème. Ce n’était pas une question financière : les patrons bretons ne perdaient pas grand chose avec l’écotaxe. Elle n’aurait représenté qu’un pourcentage ridicule de leurs frais. Leur problème était politique. Ce qu’ils voulaient, c’était mener une bataille, et la gagner. Une bataille pour la déréglementation. Leur mot d’ordre «  Décider, vivre et travailler au pays » ne dit pas autre chose. « Vivre et travailler » importent peu. Ils y vivent et ils y travaillent déjà. Ce qui est capital, c’est « Décider » ! Décider qu’on va «  expérimenter » de nouvelles conditions d’exploitation des salariés, qu’on va faire sauter les lois sociales (enfin, ce qu’il en reste), qu’on va continuer à faire de la Bretagne un laboratoire de l’ultralibéralisme, décider qu’on ne va pas payer l’écotaxe... Pour l’écotaxe, c’est donc décidé par les patrons le 18 juin 2014, à Pontivy.

    Acte deux : Le grand spectacle

    Entre alors en scène la FDSEA, la diva des grands spectacles pyrotechniques. Elle est chargée de bouter le feu.

    Dès le 02 août, les agriculteurs-industriels de la FDSEA détruisent un premier portique. La gendarmerie, présente, ne bouge pas un arpion. Bon, c’est vrai, on n’est pas à Sivens, que diable. Les morceaux du portique (un bien public) seront ensuite vendus aux enchères (au bénéfice d’intérêts privés) lors de la manifestation de Carhaix, toujours sous les yeux bienveillants de la maréchaussée. Puis les portiques de l’écotaxe flamberont les uns après les autres. Toujours sans réaction policière.

    Montent alors sur scène d’autres comparses. Les membres de Produit en Bretagne ont décidé de sonner le tocsin. Enfin, de déclencher l’alarme incendie dans leurs super-marchés. On a les tocsins qu’on peut. Le tout est qu’ils soient entendus. Ils le sont  : le premier ministre leur propose un pacte d’avenir pour la Bretagne. Insuffisant Acte trois : Réunion de famille

    Troadec, maire « divers gauche  » (quoique antérieurement bien à droite) de Carhaix et leader autonomiste [3], lance lui aussi son appel, toujours à Pontivy, mais en octobre. Il décide que les « bretons révoltés » (c’est-à-dire les salariés virés par leurs patrons bretons) défileront derrière eux et reprendront leur mot d’ordre. On est une grande famille ou on ne l’est pas. Surgit alors, dans le rôle de la costumière, Armor Lux (un des premiers membres de l’Institut de Locarn). Armor distribue des milliers de bonnets rouges en acrylique. C’est pas une ruine : prix de revient 1,43 euros pièce, bien moins cher qu’un costume de scène en papier crépon donc. Et c’est bien suffisant pour de simples figurants. On proclame donc le bonnet identitaire (en détournant l’histoire) et de gauche – puisqu’il est rouge. Les Bretons de base ne savent pas d’où il sort, mais ils se le mettent sur la tête tout de même. Pas contrariants. Suit une distribution massive et tout aussi gratuite de drapeaux.

    Dernier acte : La contrition

    La contrition, c’est celle du gouvernement, Premier ministre en tête. Suppression de l’écotaxe. Suppres-sion des portiques. Et gros cadeau aux autonomistes : la « culture » est désormais dévolue à la Bretagne. Tout cela sur la base d’une escroquerie historique, car la révolte des «  bonnets rouges  », celle à laquelle Troadec fait référence, était une révolte contre les seigneurs locaux et pas du tout en leur faveur comme en 2014 ! L’histoire est récupérée pour manipuler la misère des gens (parce que, dans l’agroalimentaire c’est la misère noire pour ceux qui y travaillent) et la greffer sur un projet politique d’autonomie de la Bretagne.

    Dernier geste avant de quitter (pour cette fois) la scène : les bonnets rouges incendient des locaux de la Mutualité sociale agricole. Aaah, ce goût pour les autodafés…

    EN DEUX MOTS SEULEMENT
    Résumons : si l’indigente pensée unique règne un peu partout dans le monde, en Bretagne, elle atteint le comble de la misère intellectuelle puisqu’elle se réduit à deux mots «  Etre Breton ».

    Au slogan du lobby patronal, «  Soyons Bretons !  », lancé voici quelques temps devant Jean-Yves Le Drihan (président du Conseil régional) fait en effet écho la proclamation de Jean-Michel Le Boulanger (vice-président du Conseil régional en charge de la culture) : « Osons, osons, osons être Bretons » (telle est la laborieuse conclusion de son ouvrage «  Etre Breton ? » - il s’est pas beaucoup foulé pour le titre, ni pour la conclusion d’ailleurs).

    Ainsi donc, sur la base d’un ethnorégionalisme dans le fond assez niais, un patronat ultralibéral - déjà le plus puissant de France - a réussi à regrouper autour de lui les institutions, la «  gauche  » (ou supposée telle) et même une bonne partie de la classe ouvrière et de la population. Il est vrai que ces dernières sont soumises à un bombardement médiatique incessant. Toutes les télés bretonnes sont payées par Produit en Bretagne, les chaînes de radio sont financées elles aussi par le patronat, les journaux tout autant… Télés, radios journaux ne font jour après jour que de la propagande pour le lobby patronal. Tout autre propos est censuré.

    Ce bourrage de crâne incessant, cette croisade identitaire qui fait perdre tout bon sens aux travailleurs a un grand objectif : déréguler totalement l’économie en imposant les concepts dits de l’école autrichienne (ceux appliqués par Pinochet) dans un cadre géographique totalement contrôlé par le patronat.

    [1] La campagne « Ni de gauche, ni de droite, Français », du Front national, est ainsi commentée par une section de l’Action française : « C’est tout le programme du royalisme français depuis sa fondation » afe92nord.over-blog.com/article-fnj-ni-droite-ni-gauche-69206507.html

    [2] L’Allemagne imposant une taxe aux camions, un grand nombre de routiers passent désormais par l’Alsace qui se trouve donc saturée. La mise en place de l’écotaxe avait pour but de rééquilibrer cette situation (et de faire rentrer de l’argent).

    [3] Voir l’édifiante biographie de Troadec sur http://le-grib.com/politique/bonnets-rouges-et-chapeaux-ronds/christian-troadec

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  • MACRON : ATOMISER POUR MIEUX EXPLOITER ! http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article763

    Le « Projet de loi pour la croissance et l’activité (procédure accélérée) (renvoyé à une commission spéciale.) présenté au nom de M. #Manuel_VALLS, Premier ministre, par M. #Emmanuel_MACRON, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique » - c’est le titre exact du document commenté ici - est un fourre-tout de 516 pages en petits caractères (texte de la proposition de loi & commentaires) [1].

    516 pages qui sautent du coq à l’âne, des transports en autocar aux professions réglementées en passant par le travail du dimanche, le plafonnement des indemnités en cas de licenciement etc., etc., j’en passe et de des pas mûres, mais toujours avec un seul objectif : libéraliser, libéraliser, libéraliser.

    Une question d’éthique pour commencer : qui, en dehors d’un professionnel de la politique (du syndicalisme ou du droit) peut être mesure de lire et d’analyser un document aussi long et touffu ? Dans ces conditions, qui peut encore affirmer que « Nul n’est censé ignorer la loi ». Et où est la démocratie quand des mesures qui modifient en profondeur le droit du travail (notamment) et donc la vie de chaque salarié sont noyées, dissimulées, dans un flot de mots et, de plus, exprimées en des termes incompréhensibles aux principaux intéressés ?

    Faire l’inventaire et la critique de chaque article, l’un après l’autre, est matériellement impossible à moins de disposer de temps et de moyens colossaux.

    Pour donner un exemple de l’analyse qu’il faudrait faire de chacune des lignes de ces 516 pages, voyons un seul article, perfide comme tant d’autres. C’est l’article 83, du Chapitre II  : «  Droit du travail », à la section I : «  Justice prud’homale  », ouf ! Les « explications » (pas beaucoup plus intelligibles que le texte de proposition de loi) sont page 456.

    Cet article n’a l’air de rien. En gros, il propose qu’en cas de conflit entre un employeur et « son » salarié, une sorte de contrat individuel amiable (j’ai failli écrire « aimable » pour le patron) puisse être passé entre les deux parties, sans autre forme de procès et sans tenir compte de quelque règle de droit du travail que ce soit. En pratique, cela ouvre la possibilité aux patrons de s’asseoir définitivement sur ce droit. Ce dont ils ne vont pas se priver.

    La relation employeur-employé est, faut-il le rappeler, dissymétrique, le «  contrat amiable  » ne peut être que biaisé. L’employeur possède dans son arsenal nombre de possibilités pour imposer sa loi à « son » travailleur. Celles-ci peuvent être incitatives : la carotte (par exemple des augmentations ou des primes, pour « rattraper  » a minima une faute patronale vraiment trop importante) et surtout répressives  : le bâton (non-renouvellement d’un contrat, licenciement de l’intéressé, mesures de rétorsion contre un membre de sa famille s’il travaille dans la même entreprise, placardisation, harcèlement, etc.).

    Constat amiable, la manivelle à la main

    Une comparaison pour mieux comprendre. Quant on a un accident de la voie publique et que l’on rédige un constat amiable, on décrit les faits qui se sont produits, mais leurs interprétation et leur conséquences (juridiques, financières) sont régies par le code de la route. Autrement dit, c’est le code de la route qui dit qui a «  tort  » et qui a «  raison ». C’est un peu comme ça que cela se passe aujourd’hui pour les conflits du travail quand ils sont jugés  : les parties exposent leur vision des faits, et c’est en fonction du droit que les « fautes » sont déterminées.

    Imaginons un moment que l’on applique la logique de la loi Macron à la circulation routière. En cas d’accident, ce ne serait plus le code de la route qui dirait qui est en tort et qui ne l’est pas. Il reviendrait aux deux signataires du constat amiable de s’entendre et de déterminer, d’un commun accord les responsabilités. Si vous n’êtes ni très musclé ni bagarreur imaginez ce qui pourrait vous arriver si vous deviez signer un tel constat amiable de nuit, sur le bord d’une départementale déserte, avec un routier pas vraiment sympa descendant de son camion, manivelle à la main…

    Le contrat amiable de la #loi_Macron, c’est l’ouvrier démuni face à son patron la manivelle à la main.

    Cette habile proposition de loi fait d’une pierre deux coups et désarme le travailleur en lui ôtant son principal moyen de défense (l’action directe collective) mais aussi la « roue de secours  », le droit du travail. Car ce contrat, comme son nom l’indique, est individuel. Les «  dossiers  » seront traités au cas par cas, ce qui laissera tout loisir à l’employeur de favoriser (un peu) l’un en défavorisant l’autre, bref, d’aggraver les disparités.

    Atomiser le salarié, l’isoler, le couper des autres, éclater le bloc des ouvriers, créer des tensions et des rancœurs entre eux… La stratégie est ancienne - Divide et impera (divise et règne) écrivait déjà Machiavel (et avant lui les Grecs !) – mais toujours crapuleuse.

    Mais que font les syndicats, direz-vous (enfin, si vous n’êtes pas un lecteur habituel de ce magazine). Les syndicats ne font rien. Ils ne feront rien  : la loi Macron, entre autres mesures, a prévu quelques gâteries pour eux : de nouvelles heures de délégations rémunérées leurs sont promises. Juste de quoi acheter leur silence...

    Le seul vrai moyen de faire face à la loi Macron & Compagnie, c’est de faire bloc les uns avec les autres. Si le jeu des patrons est de diviser, le nôtre doit être de chercher à créer, par la solidarité, un rapport de force pour, quand c’est possible : refuser collectivement les entretiens individuels, imposer une égalité de traitement (« A travail égal, salaire égal » disaient les anciens), exiger du patron le respect des salariés (et donc des salaires dignes), éviter le traitement au cas par cas…

    Salariés, nous avons tout intérêt à jouer ensemble et pour l’ensemble.

    [1] http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/projets/pl2447.pdf

    #économie

    @anarchosyndicalisme ! n°145
    http://seenthis.net/messages/387250

  • Sur le post-modernisme
    http://cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article760

    #Jordi_Vidal a abordé un sujet mal connu du grand public mais d’une importance capitale, puisqu’il s’agit de l’idéologie dominante de la société mondialisée du XXI° siècle, le #postmodernisme, un courant qui ne se caractérise pas tant par ce qu’il revendique que par ce qu’il dénigre.

    Nous sommes, désormais, de plain-pied dans l’époque de la falsification. Non pas que tout soit faux, mais tout n’étant donné que comme discours et interprétation, le vrai n’existerait pas ; c’est ce qui confirmerait qu’il n’y a pas de vérité absolue.

    Partant d’un tel sophisme, l’idéologie postmoderne a beau jeu de relativiser à outrance et de permettre l’émergence de toutes les idées farfelues, mais aussi de faciliter le retour d’idées beaucoup moins anodines et aux effets bien plus dramatiques. Le retour de l’obscurantisme religieux [1], le fatalisme de la misère économique et sociale sur fond de crise, le plébiscite de l’esprit sécuritariste avec la reprise des affaires militaro-industrielles, le retour des lois scélérates… nous en apportent des preuves tous les jours. Cette série de falsifications est portée par ce que J. Vidal nomme « un flux médiatique constant » où l’émoi provoqué par la dernière information reçue s’efface pour, aussitôt, être remplacé par l’émotion suivante ; tout cela dans le flux exalté d’une image qui chasse l’autre. Ce flux a pour vocation d’empêcher toute prise de recul et, de ce fait, il échappe à la raison logique. Cette trame de l’aliénation contribue à une démission généralisée au sein d’une société dorénavant mondialisée. Le flux médiatique remplace la connaissance ; et ce qui en tient lieu méconnaît que c’est l’ignorance de masse qui se développe et que celle-ci est l’arme véritable du pouvoir temporel.

    Le postmodernisme, comme idéologie dominante de nos sociétés, fait la part belle aux révisionnismes et a même réussi à contaminer les milieux libertaires avec une assez grande facilité. Cette idéologie pseudo-critique s’est substituée à la critique radicale afin de mieux évincer ce qui en était le centre ; à savoir la démocratie et l’égalité.

    Pour illustrer son propos, J. Vidal prend comme exemple la question du féminisme tant elle est significative des dérives postmodernes. Il avance que quand on pose la question du «  genre  » en lieu et place du «  sujet homme  » et du «  sujet femme  », on soustrait du champ du réel ce qui en fait son objet, c’est-à-dire la domination de l’un sur l’autre. Le féminisme s’est, en effet, construit sur une critique de la domination masculine et, non pas, sur une prétendue domination hétérosexuelle. Le glissement sémantique que le postmodernisme a opéré en déplaçant la domination masculine vers la domination hétérosexuelle, fixe l’identité sexuelle comme un préalable à toute réflexion critique et évacue, du même coup, un siècle de luttes féministes.

    Cet exemple montre que le but de cette pseudo-critique est le détournement de l’histoire, qui est celle des luttes contre l’oppression et l’exploitation, en procédant à une révision sémantique et systématique pour effacer de la mémoire des hommes et des femmes toute trace des combats émancipateurs du passé. A l’inverse, elle tente toujours de développer le culte d’un passé victimiste.

    #Art, #représentation & #pensée_critique

    Pour J. Vidal, l’art est indissociable et indispensable à la pensée critique et il n’y aura pas un « réveil » de la raison sans une ré-appropriation de la représentation, qui est la raison d’être de l’art lui-même ; pas de révolution sans la représentation d’une perspective révolutionnaire et sans la pensée critique créatrice. Cette dernière n’est pas abstraite, car cela la ferait tomber dans le travers de l’idéologie dominante ; elle ne peut, donc, être que pratique, c’est-à-dire fondée sur les faits et leur réalité. Elle s’oppose aux déclarations abstracto-stériles des agents du postmodernisme qui, en déclarant qu’il n’y a pas de vérité absolue, oublient de rappeler que les faits sont là et qu’ils sont les seuls à pouvoir fournir la substance de notre réflexion. C’est, donc, à partir de la question de l’art et de la représentation, ainsi que de la pensée critique, que doit se faire l’analyse et la critique du postmodernisme.

    L’essentiel est d’envisager tout examen dans un rapport dialectique sous peine de tomber dans la complaisance ou dans une description indulgente qui révélerait la négation d’une autocritique. Si nous ne produisons pas nous-mêmes notre pensée critique et nos propres images et représentations, d’autres le font à notre place, et c’est comme cela que notre avenir, mais aussi notre présent, nous est confisqué.

    La présence de l’art dans le champ révolutionnaire n’est pas affective mais, rationnelle et pragmatique, elle nous sert de «  guide  ». C’est à ce titre qu’il convient de nous poser la question de ce qui nous représente et de comment on peut se représenter, de ce que l’on peut donner à voir de nous, de ce que nous sommes ; et surtout, de comment nous pouvons le communiquer à l’autre.

    Aucune théorie critique ne peut exister si elle ne pose pas le préalable de la représentation car, d’un point de vue politique, cette représentation fournit un certain nombre de clefs. Au-delà, il y a des représentations plastiques, de formes, qui sont la manifestation d’un inconscient d’époque et du comment une époque se pense elle-même - la représentation télévisuelle par exemple (le flux et la façon dont celui-ci interagit avec nous). universalisme.

    Contre la démocratie directe, meilleure forme rationnelle d’organisation des êtres humains, les médias plébiscitent l’idéologie pseudo-critique de substitution (le postmodernisme), rejetant toute solution rationnelle qui partirait du terrain de l’expérimentation. On comprend pourquoi le postmodernisme fait de la pensée des Lumières, qui s’épanouit dans le champ du concret, son principal ennemi. L’universalisme abstrait, dont se revendiquent dirigeants et intellectuels aux ordres, est une trahison car il se pose comme la nouvelle forme religieuse où le fétichisme marchand transcende et règne sans partage, mais sans jamais résoudre aucun conflit ; restant du même coup une vue de l’esprit sans aucune «  prise  » sur le réel.

    Le concept de laïcité permet d’illustrer ce propos. A l’instar du féminisme, le concept de «  laïcité  » tel qu’il est diffusé par le pouvoir est une coquille vide. Il n’est qu’un leurre de plus. Cette nouvelle laïcité, sans jamais se remettre en cause, se limite à reconduire des signifiants qui font la guerre pour leur propre compte sans jamais se rapporter à un signifié, sans jamais tenir compte de la liberté, pour l’individu, d’avoir la possibilité de faire ses propres choix en connaissance de cause. En effet, elle ne part plus du préalable qui est le sien, celui de la réalité formelle et pratique de ce qu’est une éducation, de ce qu’est la liberté éducative et des formes rationnelles qu’elle doit prendre ; elle ne fait que cautionner l’endoctrinement et l’aveuglement.

    #Critique_sociale et #critique_de_la_vie_quotidienne

    C’est avec un regard lucide que J. Vidal aborde un autre aspect de la question en faisant une critique du mouvement libertaire espagnol de 1936-39 (sans nier le bien-fondé de son legs) en soulignant son incapacité à se détacher d’une abstraction critique au profit d’une vraie critique de la vie quotidienne - le cas de « mujeres libres » (Femmes libres) illustre cette incapacité puisqu’elles restèrent très minoritaires dans les milieux libertaires espagnols de l’époque.

    Cette réflexion le conduit à nous rappeler que la critique sociale du monde, sans une critique de la vie quotidienne, enlève toute sa force à une théorie critique.

    C’est à cette conclusion que l’amena sa rencontre avec le courant artistique surréaliste et son prolongement situationniste ; celui d’un nécessaire retour de la pensée théorique et de la pensée critique. En effet, quand une pensée critique synthétise le ressenti subjectif et formule, en même temps et avec un nouvel appareillage critique, le réel dans lequel l’individu se trouve, ce dernier subit un changement complet de son rapport au réel et au monde.

    En termes de représentation, il rappelle ce qui se disait à la fin des années soixante : «  Que nous importe un monde où la certitude de ne plus mourir de faim s’échange contre celle de mourir d’ennui  ». Cette formule décisive a bercé toute une génération. J.Vidal affirme le lien entre IS (Internationale situationniste) et sensibilité surréaliste. Il n’oublie, cependant, pas de rappeler que l’IS n’était pas un mouvement libertaire, mais était, malgré certains apports intéressants, un courant politique autoritaire et sectaire d’où furent exclus, en premier lieu, des artistes. Si certaines conclusions des analyses situationnistes ne sont plus d’actualité, «  la société du spectacle n’est plus, elle s’est métamorphosée en société du chaos  » ; d’autres restent encore, en partie, valables. Guy Debord écrivait : «  Dans le monde du faux, le vrai n’est qu’un moment du faux  », posant ainsi et de façon pertinente, le préalable d’un monde du faux, mais aussi celui d’un monde du vrai. Pour les postmodernes, en revanche, la validation (ou non) d’une information, de sa véracité, n’a strictement plus aucune importance puisque ce qui importe aujourd’hui, c’est le flux médiatique dont la vitesse de rotation agit par atomisation. Cet état décalé, de «  non-conscience  », permet à la post-logique de faire accepter l’impensable, du plus farfelu au plus barbare, sans plus établir de priorité.

    Cela entraîne une fragmentation par juxtaposition de courants aux intérêts incompatibles et concurrents qui élargissent le spectre des contestations multiples, toujours minoritaires. Elles entretiennent la mise en scène, mais empêchent, pour l’heure, d’organiser efficacement une résistance critique et théorique. Cette fragmentation détermine, aussi, un processus de dé-réalisation puisque dès que l’on s’écarte du discours, on se retrouve hors-sujet et exclu. Cette dépendance très forte vis-à-vis du cadre imposé (communautaire, littéraire, méthodologique, ou autre) dissimule mal le côté autoritaire et totalitaire de la société du chaos qui, tout en semblant laisser une liberté de choix, ne laisse au final, et en désespoir de cause, aucun autre choix que de se soumettre à l’ordre établi.

    La partie la plus subtile de la classe dirigeante (et la plus attachée à une «  bonne  » transmission du pouvoir) semble s’apercevoir de l’impasse puisqu’elle commence à prendre des mesures pour éviter de ne pas pouvoir reproduire ses propres élites (ce qui dans son esprit représente l’élite !). Brièvement, nous rapporterons que dans la Silicon Valley, «  l’élite  » en revient, pour sa progéniture en tout cas, à des méthodes d’éducation excluant les écrans et réhabilitant des moyens moins sophistiqués.

    Réintroduire de la cohérence & de la logique

    L’axe central du postmodernisme nous semble se situer au niveau du langage, de la narration. En tant que support des idées, ils font l’objet d’un travail de sape permanent par les agents-relais du postmodernisme qui visent, tour à tour, à diluer, à parasiter ou à brouiller l’information et à vider tous les discours subversifs de leur substance. Dans cette époque où l’on ne peut plus rien nommer – ce qui produit une autocensure qui est, en toute certitude, l’obstacle d’envergure à la liberté d’expression – il nous faut maintenant, réintroduire de la cohérence et de la logique.

    [1] Alors que la critique de la religion semblait chose achevée en Mai-68, le retour de l’obscurantisme doit nous rappeler qu’aucune victoire n’est jamais acquise.

    #journées_iconoclastes

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